Catégorie : GEOPOLITIQUE
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Tous les yeux sont rivés désormais sur la Libye. Les apprentis sorciers de la "démocratie à tout prix" ont ouvert un nouveau front. Ce n'est pas que nous ayons de la sympathie pour ce dictateur ubuesque et sanguinolent de Kadhafi pour lequel nous ne verserions aucune larme en cas de décès inopiné... Mais nous ne sommes pas sûrs que nos stratèges politiques et militaires, emmenés par Sarko-va-t'en-guerre (ce qui n'a rien de rassurant), aient pesé toutes les éventuelles conséquences de cette nouvelle guerre contre le Mal. Au-delà de la victoire militaire qui ne fait aucun doute, ont-ils vraiment pensé à ce qui suivra ? Pour eux, il ne fait aucun doute qu'une fois le tyran affaibli, le peuple libyen se dressera comme un seul homme pour débarrasser le Libye de la clique kadhafiste et instaurer sainte-Démocratie. C'est ne rien connaître du particularisme libyen. Les grands de la planète auraient dû lire Bernard Lugan avant de se lancer dans cette aventure.
La Libye n'existe que depuis 1951, réunion hétéroclite de trois régions où régnait le système tribal : à l'ouest, la Tripolitaine, tournée vers la Tunise, à l'est la Cyrénaïque qui regarde vers l'Egypte et au sud, le Fezzan enraciné dans l'Afrique noire. Entre les trois, aucune homogénéité : Benghazi et Tripoli sont distantes de plus de 1 000 km. C'est en 1969 que le colonel Khadafi, qui appartient à une petite tribu chamelière de la région de Syrte, les Khadidja, prend le pouvoir par un coup d'Etat, en s'appuyant à la fois sur les deux grandes tribus des Maghara (Tripolitaine) et des Warfallah (Cyrénaïque). De 1969 à 2011, il est l'objet d'une bonne quarantaine de tentatives de coups d'Etat, dont il réchappe à chaque fois. Mais la rupture est consommée avec les Warfallah en 1993, à la suite de la sanglante répression que subissent les tribus de Cyrénaïque. Ainsi, on s'achemine plutôt vers un éclatement de la Libye de type somalien. On pourrait se retrouver avec deux Etats, ou plutôt non-Etats, sur la côte méditerranéenne où pourraient proliférer les activités somaliennes : piraterie et trafic de clandestins en particulier. L'ex-Libye deviendrait alors la porte d'entrée d'une immigration africaine massive, ce que Kadhafi contenait plus ou moins moyennant finances. Le Fezzan ferait sécession et deviendrait sans doute un sanctuaire pour Al-Qaîda au Maghreb islamique.
Pendant ce temps, on tue au Yémen et on tue à Bahreïn. Mais ici les tueurs sont des Saoudiens, ces wahabbites si chers au coeur des Américains. Alors, circulez, il n'y a rien à voir : la démocratie ce n'est pas pour les zaïdistes de Sanaa et les chiites de Manama.
L'autre danger qui nous menace et qui est passé opportunément au second plan est la centrale de Fukushima. Les tentatives désespérées de Tepko et du gouvernement japonais pour nous endormir ne trompent plus personne, pas même les Japonais disciplinés. Ce ne sont pas les quelques seaux d'eau jetés par quatre hélicoptères qui ont dû renoncer en raison de la radioactivité trop élevée (au total 30 tonnes d'eau ont été pulvérisées dans la nature, à comparer à la capacité de 1 000 tonnes de chacune des pisicnes) ; depuis des camions-pompes tentent d'inonder les réacteurs 3 et 4, sans résultat probant. Aux dires de Tepko, les réacteurs 5 et 6 seraient inoffensifs, les 1 et 2 seraient sous contrôle et les 3 et 4 seraient en bonne voie ; et le rétablissement de l'électricité devrait tout ramener dans l'ordre. Or dans les réacteurs 1, 2 et 3, une fusion partielle a commencé ; les confinements des 2 et 3 ne sont plus étanches ; on ne sait dans quel état exact sont les piscines des 3 et 4, mais il est certain que celle du réacteur 3 fuit, ce qui veut dire que l'eau qu'on y injecte retourne immédiatement dans l'océan mais en étant fortement contaminée. Quant au rétablissement de l'électricité, il risque de n'avoir aucun effet, car moteurs et pompes de refroidissement sont sans doute hors d'usage ; au pire, une étincelle électrique pourrait déclencher une explosion aux conséquences inimaginables. Le plus grave est que le réacteur 3 fonctionne avec du MOX (mélange de plutonium et d'uranium usagé, spécialité française produite au centre de retraitement de La Hague et revendue au Japon notamment). Ce MOX est très instable (point de fusion beaucoup plus bas que l'uranium) et extrêmement toxique à court et à long terme (pour résumer c'est le pire poison nucléaire qui soit, mais ce n'est pas AREVA qui le dira).
Le miracle voudrait que le nuage toxique aille systématiquement vers le Pacifique. Ici aussi on nous ment : le 15 mars, la ville de Tokyo a été fortement irradiée par le nuage radioactif. Et il ne faut pas s'étonner que l'eau, le lait, les légumes, etc. montrent des traces de contamination. Nous ne sommes qu'au début du processus. Il y a de fortes chances pour que la zone d'exclusion qui devra obligatoirement être mise en place soit encore plus importante que celle de Tchernobyl (avec des conséquences démographiques sans proportion). Point n'est besoin d'attendre le Big One (ce séisme de magnitude 10 que redoutent Japonais et Californiens) ni l'explosion d'un réacteur ou d'une piscine de Fukushima pour comprendre que la catastrophe nucléaire a déjà eu lieu. Malgré tous les communiqués de victoire des nucléo-menteurs.
AC
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