Guerre Culturelle et combat identitaire
 
En 1979, les défuntes éditions Copernic publiaient un brûlot de 125 pages du socio-linguiste Henri Gobard, intitulé « La Guerre Culturelle ».
Visant, selon ses propres termes, le « cosmo-capitalisme américain », Henri Gobard voulait souligner que l’envol de la domination mondiale de l’américanisme ne s’appuyait pas seulement sur la volonté de domination économique et politique mais aussi sur une offensive visant l’âme et la culture des peuples pour les conformer à la manière d’être et de vivre des américains. Sur le mode du pamphlet, il montrait que la subversion des têtes et des cœurs pouvait être plus efficace encore que la maîtrise politique et économique dans la mesure où elle parvenait à fabriquer des soumis consentant et collaborant avec enthousiasme à leur servitude. Il appelait aussi à relever le défi en affirmant des valeurs et des pratiques culturelles qualitatives faisant de « tout individu non pas un simple ‘être humain’ interchangeable et universaliste mais homme ethnique appartenant à un peuple déterminé »(1).
Indépendamment du contenu de ce pamphlet, visant exclusivement l’américanisme (et qui à ce titre n’a d’ailleurs rien perdu de son actualité dans un monde où le « cosmo-capitalisme américain » est devenu la puissance dominante), il nous semble que le concept de Guerre Culturelle mérite d’être revisité et élargi pour permettre au mouvement identitaire de fonder une véritable stratégie.

Il faut d’abord faire attention à la puissance des mots. « Guerre Culturelle » n’est pas une expression anodine, ce n’est pas non plus une simple image pour désigner un banal conflit d’idées ou d’idéologie. Il faut la comprendre comme désignant une lutte à mort entre visions du monde fondamentalement antagonistes. Polymorphe, certes, cette lutte se mène en jouant sur un très vaste clavier où l’usage de la violence n’est qu’un élément parmi une multitude. Mais il ne faut jamais oublier que cette dernière est toujours présente dans une guerre et cela doit suffire pour ne jamais considérer la « guerre culturelle » à la légère, comme un simple jeu de mot ou d’esprit.

Dans l’expression « guerre culturelle », il faut comprendre la synergie qui existe entre les deux termes « guerre » et « culture ». L’idée de « guerre » suppose un affrontement entre deux camps, l’un ami, l’autre ennemi, qui vise la victoire du « camp ami » et, par conséquent, la défaite du « camp ennemi ». Disons le sans faux fuyants : la guerre vise soit à la soumission soit à la destruction de l’ennemi. De là, il découle que la guerre est nécessairement manichéenne : sans parler de l’opposition morale du bien et du mal, sur laquelle il faudra revenir, elle oppose un « nous » à un « eux » et tant qu’elle dure, « nous » avons raison et « eux » ont tort. Il faut de puissantes raisons pour faire la guerre car ce n’est pas un jeu dont les joueurs peuvent se relever indemnes en fin de partie.
Ces raisons puissantes nous les trouvons dans le second terme « culture ». Nous ne ferons pas ici l’analyse des sens du mot « culture ». Disons qu’il faut l’entendre au sens que lui donnent anthropologues et sociologues mais en le tournant vers nos enjeux ainsi que le fait Guillaume Faye : « la culture est l’ensemble des mentalités, des traditions, des mœurs et des valeurs d’un peuple » (2). Guillaume Faye précise ensuite « la culture…. repose elle-même sur les capacités génétiques d’un peuple, c’est-à-dire sur un substrat bio-anthropologique…[elle] est la grille à travers laquelle il [l’homme] interprète le monde en fonction de son hérédité et de son milieu » (3). En d’autres termes, quand nous employons le terme culture nous désignons une « vision du monde enracinée » capable de structurer, de donner du sens, sur le long terme aux actions et réalisations des européens, et cela même de manière inconsciente.
Il ne s’agit pas, naturellement, d’une essence fixe, donnée une fois pour toutes, mais d’une construction génétique, d’un enrichissement et d’une complexification progressive à partir d’un point d’origine que nous pouvons fixer dans la fertilisation du peuplement « mégalithique » originel de notre continent par les Indo-Européens. On peut contester ce choix en argumentant sur les faiblesses de son étayage par des preuves dites scientifiques. Mais sa rationalité n’est ni plus ni moins fragile que celle des choix de nos ennemis. En tout cas, c’est dans cette origine, à la fois reçue et choisie, que nous trouvons la légitimité de notre démarche, un potentiel de développement identitaire et la conviction d’être les vrais indigènes d’Europe.
Il faut ensuite identifier les fondamentaux de cette « vision du monde enracinée ». Il n’est pas question ici de les justifier dans leur détail car il y faudrait bien plus de pages et sur le fond je ne peux que renvoyer à la récente et belle étude de Dominique Venner (4). Il y a d’abord la culture de l’Europe païenne, qui n’est ni simple, ni univoque car elle est le résultat de la fusion d’apports Indo-Européens successifs, séparés par de fortes distances temporelles, avec des peuples « mégalithiques » eux-mêmes différenciés par une histoire pluri-millénaire. Le tout dans des environnements variés. La donnée originelle de l’Europe païenne est donc la diversité, avec des oppositions doctrinales et symboliques qui ne sont pas des points de détail. Pensons, par exemple, aux oppositions relatives des approches celtiques et romaines qui se sont traduites par de sévères conflits à l’époque historique. Mais, malgré et à cause de cette diversité endogène, cette culture de l’Europe païenne a fondé des types de pratiques et de pensées religieuses, politiques, sociales spécifiques à nulles autres pareilles. Des pratiques et des pensées qui, tant qu’elles ont été agissantes de manière consciente ou inconsciente, ont porté un appétit de vivre et de développement fier et hardi, ont porté aussi une volonté de puissance conduisant les Européens à mettre le monde en forme selon leurs vues et non pas à le subir comme une fatalité.
C’est sur ce socle et dans sa logique et dépendance que se sont construits les autres fondamentaux de notre culture : sens de la co-appartenance des hommes, du divin et du monde ; liaison organique du Sacré et du profane et, par voie de conséquence, du Spirituel et du Temporel ; sens de la communauté avec primat de l’ensemble sur la partie, du groupe sur l’individu, du politique sur l’économique (primat ne signifiant pas exclusivisme mais priorité hiérarchique dans l’ordre des dignités) ; primat de la personne sur l’individu ; sens de l’ethnie et souci de la prolongation des lignées ; culte de la liberté et d’abord de la liberté collective ; préférence des choix éthiques et esthétiques contre les obligations morales binaires etc.
S’il faut parler de « guerre culturelle », c’est que la pratique autonome  de cette « vision du monde enracinée » n’est plus possible depuis longtemps, elle a été frappée d’interdit. Les « vrais européens », les « européens de racine » n’ont pas cherché ce conflit, il leur a été imposé. Et ce qui est en jeu, c’est tout simplement leur existence, la possibilité de prolonger dans le temps leur être biologique et culturel. Combattre aujourd’hui n’est plus un choix ou une éventualité, c’est une nécessité sous peine de mort.
La généalogie de cette « guerre culturelle » est longue et complexe. Elle nous conduit par de nombreuses étapes de la christianisation et de l’invasion de la pensée biblique dans l’antiquité à l’actuel cosmopolitisme. A chaque étape historique, visions du monde et adversaires furent sensiblement différents et les circonstances comme les enjeux n’étaient pas réductibles les uns aux autres. Mais depuis deux mille ans nous subissons une offensive de même origine dont chaque poussée s’appuie sur la précédente, que ses acteurs en soient ou non conscients. De la contestation de la légitimité des appartenances historiques et culturelles par Saint Paul au nom de l’égale fraternité des hommes devant leur père divin biblique et unique à l’apologie du métissage universel sous l’égide des « Droits de l’Homme » et dans la révérence au monothéisme du « Marché », il y a différence de degré, non de nature. Et les sectateurs contemporains du judéo-christianisme ne s’y sont pas trompés en se ralliant aux « Droits de l’Homme » malgré l’athéisme foncier de ceux-ci : ils savent parfaitement reconnaître, eux, les filiations de leur vision du monde.
Voilà pourquoi, de notre propre point de vue, reconnaître dans le biblisme la matrice et l’origine de l’offensive visant à l’éradication de l’être de l’homme européen n’est ni du passéisme ni une perte de temps : c’est traiter le mal à sa racine. Mais cela ne veut pas dire, naturellement, qu’il faille réduire l’adversaire aux seules religions judéo-chrétiennes : chaque strate historique de l’offensive d’anéantissement de l’homme européen mérite d’être considérée dans sa complexité et combattue pour son originalité. Il nous appartient, cependant, contre les rideaux de fumée de l’intelligentsia dominante de bien faire ressortir les permanences, les généalogies, les transmissions et les métamorphoses de ce tronc commun pour ne pas être abusés par les apparentes oppositions internes des groupes qui s’opposent à nous.
Pour la raison même que nous sommes en quelque sorte les rescapés minoritaires d’un naufrage historique et considérés au mieux comme des originaux, au pire comme les nouveaux Satan, la « guerre culturelle » exige de nous un plus grand engagement,  un plus grand savoir et de plus grandes compétences que ce dont ont besoin nos adversaires. Eux sont portés par les vents dominants et peuvent se reposer sur une certaine division du travail qui supporte l’amateurisme. Un « Européen de racine » (5) conscient doit pour sa part maîtriser un bagage culturel considérable : histoire, philosophie, théologie, symbolisme, anthropologie, cosmologie, sciences du vivant. Il doit maîtriser non seulement ce qui participe de son identité d’Européen véritable mais aussi ce qui participe de la vision du monde et des doctrines adverses car on ne combat bien que ce que l’on comprend. Il devra cependant éviter l’intellectualisme, c’est-à-dire la culture intellectuelle pour elle-même : une « guerre culturelle » ne se pratique pas entre gens de bonne compagnie dans des salons bourgeois, il s’agit de renforcer sa vision du monde et d’affaiblir celle de l’adversaire, non d’acquérir des connaissances pour elles-mêmes. Il ne s’agit pas de culture gratuite et désintéressée, comme celle que l’on peut pratiquer en temps de « paix culturelle » au sein d’une civilisation homogène et normale, mais d’une culture stratégique, orientée et utile (et tant pis si le mot doit faire hurler les puristes : ceux-là n’auront de toute façon rien compris aux enjeux qui se posent à nous).
L’acquisition de ce type de culture demande esprit critique et de discernement. En effet, la quasi totalité des vecteurs culturels d’aujourd’hui obéissent, de manière très souvent implicite, à des biais qui confortent la vision du monde dominante. Le savoir qui est mis à notre disposition dans les livres et par les maîtres estampillés de la culture est un savoir lui-même orienté dont il faut prendre garde de ne pas ingérer les valeurs en même temps que les informations. L’esprit critique doit permettre de discerner ce qui est du registre de l’information et ce qui est du registre des valeurs ou de la mise en scène au service des valeurs. Voilà pourquoi, la conscience des racines de notre identité est un préalable absolu, une sorte de boussole mentale indispensable. C’est ainsi que « l’Européen de racine conscient » peut devenir « l’intellectuel organique » de son peuple, c’est-à-dire, celui qui décrypte, décode, déconstruit la culture adverse et qui propose, indique, défriche les voies d’approfondissement d’une culture identitaire, enracinée, indigène.
Il évitera ainsi de rechercher le libre débat illusoire avec l’adversaire et sa reconnaissance. C’est tout le drame de certaines fractions du courant de pensée de la Nouvelle Droite. Nous ne mettons pas en cause son apport irremplaçable à la structuration de notre conception du monde (6), mais une certaine orientation tactique. A la suite d’une erreur de perception concernant la nature de l’approche métapolitique (7), certaines fractions de la N.D. ont cru qu’elles pourraient faire progresser l’audience de leurs points de vue par le débat intellectuel et culturel avec les intellectuels dominants du Système au sein de son appareil médiatico-culturel. Cet objectif supposait deux choses : d’abord de trouver des interlocuteurs légitimes acceptant le débat, ensuite d’avoir accès aux canaux d’expression de l’appareil médiatico-culturel. C’était une grande naïveté de croire que cela fut possible : à moins de vouloir se suicider, les moutons ne font jamais entrer spontanément de loup dans la bergerie. C’est ainsi que, parfaitement repérés pour ce qu’ils représentaient au fond, les membres de la N.D. furent maintenus en lisière, voire écartés des centres de diffusion pour ceux qui commirent l’erreur de faire leur « outing ». Et en fait de libre débat, ce fut surtout un déluge d’anathèmes. Persistant dans cette erreur d’approche, ces fractions de la N.D. estimèrent que c’était leur apparence qui était en cause (style de pratique, de vocabulaire, de références culturelles ou idéologiques jugés trop proches des grands vaincus du XXème siècle). Ils décidèrent donc, comme tout loup malin qui se respecte, de « montrer patte blanche » en se ralliant en partie au style, au vocabulaire et aux références idéologiques et culturelles du Système, toujours dans l’optique d’obtenir une place à la table des débats pour en modifier l’orientation. Précisons bien, pour éviter tout malentendu, qu’il ne s’agissait pas d’obtenir prébendes et places autour des gamelles concédés aux intellectuels de cour : pour obtenir cela, un simple reniement suffisait et certains membres mineurs de la N.D. l’ont fait à titre individuel lorsqu’ils ont perçu que leur plan de carrière ne serait pas servi par leur appartenance à celle-ci. Mais cette attitude ne fut pas majoritaire. Ce n’est pas la sincérité mais la subtilité qui est en cause ici. Parce que cet aggiornamento de style, de vocabulaire et de référence, ne pouvait tromper ceux à qui il était destiné et qui attendaient un pur et simple reniement. La manœuvre a donc échoué mais il faut dire que l’ennemi aurait été bien sot de s’y laisser prendre tant la ficelle était grosse. Ensuite, il y a toujours un risque lorsque l’on adopte style, vocabulaire et références de l’adversaire : ce risque est de s’y habituer insensiblement, de se les rendre progressivement naturel, bref, que celui qui voulait contaminer se contamine lui-même. Cette évolution est aujourd’hui sensible à certains signaux d’alerte, comme par exemple des jugements méprisants visant les courants identitaires européens ou l’acceptation du fait accompli de l’immigration extra-européenne…
Dans la dimension conceptuelle de la « guerre culturelle », il est donc à la fois illusoire et inutile de vouloir se faire reconnaître par les « pontes » du système adverse en spéculant sur leur bon vouloir et leur honnêteté intellectuelle : à moins de vouloir se faire « hara-kiri », ceux-ci n’ont aucun intérêt à jouer ce jeu qui ne ferait qu’abaisser le niveau de leurs défenses immunitaires. Il ne faut donc pas s’étonner de leur sectarisme : c’est un fait normal d’autodéfense. Il faut les obliger à s’ouvrir, l’épée dans les reins, en ne leur laissant aucun choix. Mais ceci ne peut se faire dans la posture du nain qui quémande sa reconnaissance au géant : il faut établir d’abord un rapport de force favorable.
Il y a plusieurs moyens d’établir ce rapport de force favorable. Le premier consiste à forger ses propres concepts, son propre vocabulaire, ses propres références afin de pouvoir raisonner, réfléchir et produire à partir de son propre bagage et non, par mégarde, à partir de celui de l’adversaire. Une partie du travail conceptuel de la ND et les essais de définitions de Guillaume Faye peuvent offrir une base de départ. Le second moyen, appuyé sur les outils précédents, consiste à construire nos propres problématiques intellectuelles et culturelles pour nourrir des travaux, des recherches, des débats, des créations qui sachent répondre à nos besoins et nos inclinations. L’important n’est pas la reconnaissance que pourrait leur décerner l’académisme bien-pensant, mais l’effet qu’ils auront sur la structuration, la consolidation et l’enrichissement d’une culture identitaire européenne. Naturellement, ce travail ne doit pas être entrepris dans la perspective d’un ghetto, l’idée est bien sûr de contaminer et subvertir la culture dominante ce qui suppose de travailler sur des thèmes et des objets susceptibles d’intéresser l’ensemble de la communauté populaire. Si l’on nous permet un exemple appartenant à un passé point encore totalement révolu, nous prendrons celui des marxistes en sciences humaines, celles qui permettent aux sociétés de se cartographier et de se comprendre. Marx et ses épigones ont su tout à la fois forger un vocabulaire spécifique, des concepts, des schémas de raisonnement, sélectionner des champs de recherche et des directions de travail, et produire des travaux d’intérêt général mais idéologiquement orientés tant dans leur fond que dans leur forme. Ils n’ont pas cherché spécifiquement à se travestir pour se mettre à la portée des non-marxistes ou tourner des oppositions. Ils se sont simplement rendu incontournables au point d’obliger même leurs adversaires à penser dans leurs propres catégories, à utiliser leur propre vocabulaire, à utiliser leurs travaux comme base de culture. C’était la mise en pratique de l’une des finalités de la guerre culturelle : obliger l’adversaire à aliéner son esprit pour devenir un relais, même inconscient.
Cet effet, la ND en son temps l’avait bien détecté mais elle n’a pas poussé assez loin l’analyse des facteurs qui le rendait possible. Son « gramscisme » fut assez naïf car il supposait qu’il suffisait de produire des idées et des concepts et de les exposer dans le débat public pour que, d’eux-mêmes ils se répandent. Tout l’aspect pratique et stratégique fut négligé. Les idées sont comme les langues : elles supposent des porteurs, des utilisateurs, des médiateurs, des stratégies de diffusion etc. Elles ne se répandent pas par leurs qualités intrinsèques. Nous sommes bien payés pour savoir que l’histoire est pleine du succès d’idées fausses mais devenues dominantes parce qu’efficacement répandues par la combinaison de supports bien conçus, d’organisations « missionnaires » efficaces, d’une bonne compréhension de la psychologie collective et de pédagogies différenciées selon les publics à toucher. Produire des idées est inutile si l’on ne se donne pas les moyens de les implanter. Mais cela suppose à un moment de quitter la sphère de la pensée pure pour celle de la pensée pratique. Et à ce niveau, la méditation des travaux de médiologie de Régis Debray (8) paraît un passage obligé.
La « Guerre Culturelle » suppose alors un ordre de bataille soutenu par une pensée stratégique et visant la conquête d’objectifs pratiques. Dans ce domaine l’ordre de bataille se compose globalement de quatre éléments à mettre en synergie : des médiateurs, des supports techniques, des organisations de production et de diffusion, des moyens financiers.
Les médiateurs sont ceux qui vont traduire des fondamentaux intellectuels et culturels à destination d’un public précis. Pour mieux saisir le rôle d’un médiateur, on peut faire référence à l’enseignant qui traduit en données accessibles aux enfants ou adolescents les données de la culture savante, au vulgarisateur scientifique qui rend accessibles les données complexes de l’astrophysique, au romancier qui traduit en histoire une philosophie de la vie, au chanteur et à son parolier qui font de même etc.
Les supports techniques sont les éléments matériels par lesquels idées et culture sont mis à la disposition de tous. Ils sont nombreux et différents tant par leur forme que par leur impact. Aucun ne doit être négligé, mais chaque époque possède ses supports de prédilection : lorsque l’on veut être efficace, il faut viser avant tout la maîtrise des supports les plus en phase avec son époque. Par exemple, il ne suffit pas de constater que nous avons quitté une civilisation de l’écrit pour une civilisation de l’audiovisuel : il faut en tirer toutes les conséquences pratiques. Ainsi, écrire un livre de vulgarisation idéologique est bien, mais il faut savoir que ce sera un énorme succès, mais un faible impact, s’il est lu par mille personnes car la lecture, qu’on le veuille ou non, est devenu un phénomène social minoritaire. Produire un DVD, avec images et paroles sur le même thème, permettrait de multiplier par cent le public potentiel.
Les organisations de production et de diffusion d’idées ou de produits culturels sont fondamentales. On y trouve pêle-mêle, les institutions universitaires et les laboratoires et groupes de recherche officiels ou privés, les think tanks à la mode américaine, les revues, les maisons d’éditions et de production, les écoles de formation spécialisées comme Polytechnique, Saint Cyr, l’Ecole de la Magistrature ou les écoles de journalisme, les grands médias etc. Bref, ce sont tous les lieux qui, d’une part construisent le savoir, la culture et les normes selon le paradigme idéologique dominant, et qui, d’autre part, sélectionnent et forment selon les même canons les médiateurs et les producteurs de savoir et de culture.
Napoléon disait que l’argent est le nerf de la guerre et il est vrai que sans moyen financier aucune action efficace ne peut se construire en quelque domaine que ce soit. C’est si vrai que dans la guerre culturelle à laquelle nous sommes confrontés, à chaque fois que s’organise la persécution judiciaire pour empêcher la libre expression, elle vise d’abord à nous ruiner par des sanctions financières, bien avant la privation de liberté. Constituer des moyens financiers autonomes et détruire ceux de l’adversaire est une des clefs de la guerre culturelle, surtout de nos jours où le conditionnement de l’opinion publique suppose la mise en œuvre de supports extrêmement sophistiqués dans leur visée d’action psychologique et donc, coûteux. A titre de réflexion, on ne s’expliquerait les milliards dépensés dans la pub si celle-ci n’avait aucun effet sur le conditionnement de masse.
Si nous voulons mener un combat identitaire efficace sur la longue durée, il faut viser la maîtrise de ces quatre éléments de la guerre culturelle selon deux axes principaux : construire nos propres structures et outils de manière autonome et subvertir ceux des adversaires. Il n’y a pas d’élément prioritaire en soi, mais la constitution de moyens financiers importants paraît primordiale car sans eux, rien d’efficace ne peut être mis en place dans les autres domaines.
Une dernière donnée doit être méditée. La guerre culturelle n’est pas une guerre en dentelle. Derrière l’accent mis sur les idées et la culture, il y a des hommes et des groupes qui mènent un combat impitoyable dont l’objectif est l’hégémonie sociale qui passe par la mise hors d’état de nuire de l’adversaire. En soi, ceci n’est pas anormal : les choses fonctionnent ainsi depuis qu’il y a des sociétés humaines. Mais il faut savoir que nous sommes les faibles et les perdants d’aujourd’hui, ce qui doit nous obliger à une perception réaliste des rapports de forces et de ce qu’il est ou non possible d’entreprendre. Naturellement, dans nos pays dits « développés » on ne tue plus physiquement dans la guerre culturelle, en tout cas, pas directement. Mais on vise la mort symbolique, juridique, matérielle et sociale de l’adversaire. Ce qui peut parfois conduire aussi à la mort physique. Le Droit est devenu l’arme souveraine de cette guerre.  
Dans le Théâtre de Satan (9), Eric Delcroix a bien montré comment le Droit, qu’il ne faut plus confondre avec l’idéal de justice, s’était mué en machine de guerre au service d’idéologies quasi théologiques. On commence par poser des dogmes idéologiques ou historiques, puis on décrète faux et moralement pervers toute critique ou toute position différente de ces dogmes. Ensuite, on s’émeut de ce que la liberté d’expression constitutive des soi-disant « démocraties modernes », permette l’expression des tenants de ces « falsifications » ou « positions moralement perverses ». On se retourne alors vers le législateur pour qu’il criminalise des opinions qui, désormais, se verront déniées le statut d’opinion. D’une part on se donne alors une excuse légale pour ne plus discuter leurs thèses, d’autre part on les renvoie à la traque policière, épaulée par des « justes » et des « vigilants » bénévoles. Aux juges ensuite, de matraquer avec la meilleure bonne conscience les pauvres victimes remises par eux au bras séculier de l’état. Pour couronner le tout, toute honte bue, les soi-disant héritiers de la Révolution Française et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ont remis en selle deux procédures judiciaires d’Ancien Régime qui faisaient les délices des brûleurs de sorcières et d’hérétiques : l’incrimination du for intérieur indépendamment de tout fait objectif et la mise à charge de l’accusé d’avoir à prouver son innocence.
Devant cet état de fait inquisitorial, où les lois et la justice ont perdu tout droit au respect, il ne sert à rien de se lamenter, de déplorer et d’implorer l’adversaire de respecter à notre égard ses propres principes. Nous sommes placés devant un défi quasi darwinien : ou nous deviendrons plus intelligents et subtils que nos ennemis ou nous disparaîtrons. Quelques pistes peuvent être données.
D’abord, nous devons pratiquer les règles d’or des minorités persécutées :
Il faut s’occulter au maximum sans cesser d’être soi-même. Ce qui suppose de cesser de se différencier par des pratiques extérieures (poses, vêtements, attitudes, appartenances visibles, « gris-gris » etc.) afin de ne pas faciliter le travail de dépistage. Ce qui suppose de cesser d’attaquer la forteresse adverse sur les points les plus puissants de son dispositif et de ne jamais céder aux provocations. Ce qui suppose de transmettre et développer sous le sceau du secret et de manière cryptée les vérités qui nous sont interdites. Ce qui suppose d’écarter sans état d’âme tous ceux qui seraient incapables de cette mutation de style car ils sont proies rêvées pour les agents provocateurs. Ce qui suppose une solidarité sans faille, une assistance et une entraide dans tous les domaines de la vie personnelle et sociale pour les nôtres.
Les identitaires européens sont en guerre culturelle et c’est une guerre pour leur survie. S’ils savent se montrer à la hauteur du défi ici et maintenant, ils peuvent effectivement rêver d’être les préfigurateurs d’une nouvelle ère et d’une Renaissance Européenne véritable. S’ils se bornent à la déploration, à la réaction et au fatalisme ou s’ils attendent le salut d’une quelconque « main invisible » qu’elle se nomme « Catastrophe » ou « Métapolitique », ils ne seront que des résidus historiques voués fort justement à disparaître.
 
Jean-Patrick Arteault
(article dans Terre&Peuple - la revue n°25, Equinoxe d'automne 2005)
 
1- P. 79
2- Pourquoi nous combattons. Manifeste de la Résistance européenne. L’AEncre, Paris, 2001, p. 85
3- Op. cité, p. 85
4- Histoire et Tradition des Européens. 30 000 ans d’identité. Editions du Rocher, Monaco, 2002
5- Je préfère l’expression « Européen de racine » à celle d’ « Européen de souche » couramment employée parmi nous, car la racine est vivante alors que la souche est morte.
6- Il faut distinguer ici deux expressions qui ne sont pas synonymes : la « vision du monde » comme approche intuitive, synthétique et globale des valeurs qui structurent la présence au monde des communautés et la « conception du monde » qui en est la traduction rationnelle, analytique et sectorielle.
7- Métapolitique, selon Guillaume Faye (op. cité) : « Diffusion dans la société d’idées et de valeurs culturelles dont l’objectif est une transformation politique en profondeur et à long terme ».
8- Voir notamment, en introduction, son Cours de médiologie générale, Gallimard, Coll. Folio/essais n° 377.
9- Eric Delcroix . Le Théâtre de Satan. Décadence du Droit – Partialité des juges. L’Ǽncre. Paris. 2002
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