Catégorie : HISTOIRE

wilhelma

 

La question de la colonisation allemande en Palestine est fort mal connue et il convient de ne pas la confondre avec la colonisation sioniste où figuraient, certes, de nombreux Juifs d'origine allemande. La colonisation allemande débute au milieu du XIXème siècle et prend fin avec la seconde guerre mondiale. La colonisation de terres palestiniennes, ou syriennes méridionales, c'est à dire de la « Terre Sainte », n'a concerné, en un siècle, qu'une population villageoise de deux mille âmes, réparties sur une dizaine de communes agricoles, cinq mille si l'on inclut les ingénieurs, les négociants de toutes confessions chrétiennes, dont le clergé et les fidèles de l'Eglise catholique romaine. La principale souche paysanne était évangélique et provenait de la Souabe ou du Bade-Wurtemberg (région d'Augsbourg). Débutée dans les années 60-70 du XIXème siècle, et réputée dans l'industrie laitière et le commerce d'exportation des oranges de Jaffa surtout à destination de l'Angleterre, cette colonisation chrétienne visait, dans l'esprit de son fondateur, le théologien évangélique Christof Hoffmann (1815-1885) à donner l'exemple d'une société reposant sur le principe religieux, opposé à l'esprit révolutionnaire des « négateurs de Dieu » (Gottesläugner) manifesté en 1848 en Europe. Son frère aîné, Wilhelm (1806-1873), orateur sacré à la Cour du Roi de Prusse Guillaume 1er, le secondera dans cette tâche. Les colonies agricoles allemandes de Palestine, nommées « templières » car relevant de cette « Société du Temple », étaient appuyées sur leurs propres ressources financières et disposaient même de leur propre banque.

 

Réalisations allemandes en Palestine

Elles étaient réparties dans le nord de la Palestine, telles la Wilhelma et Nephaïm (près de Bethléem), et furent visitées par le couple impérial en 1898, l'impératrice Augusta donnant, par ailleurs, son nom à l'établissement à Jérusalem d'une école d'enseignement technique pour jeunes filles arabes. Mais l'œuvre principale allemande sera « l'orphelinat syrien » de Jérusalem, fondé par des protestants germano-suisses, le 11 novembre 1860, pour accueillir les victimes chrétiennes des massacres druzes excités contre les Ottomans par les agents britanniques, afin de donner prétexte à une intervention étrangère. L'Empereur Guillaume II vint à Jérusalem (où il refusa, sur le conseil du Sultan et Calife, de recevoir le fondateur du sionisme Theodor Hertzel) donner aux Franciscains un terrain appartenant à l'Eglise protestante. Il prononça un discours fameux à Damas, une ville électrifiée, avant Istanbul, par les ingénieurs allemands, où il se présentait comme le protecteur de tous les musulmans du monde obéissant au Calife.

 

Les Allemands expulsés, déportés...

Vint la Grande Guerre. Huit cent cinquante allemands furent expulsés en novembre 1918 de Palestine et rassemblés sous des camps de toile, dans des conditions pénibles, non loin du Caire, mais leur matériel agricole confisqué leur sera rendu en 1920 pour des nécessités économiques, compte tenu de la valeur de l'équipement dont ils pouvaient seuls se servir et de la qualité de leur travail. Pendant la seconde guerre mondiale, tous les chrétiens allemands, membre du clergé régulier catholique confondus, y compris les bonnes sœurs, seront rassemblés par les Britanniques, le 2 septembre 1939, dans un camp insalubre. Sept cents colons allemands seront déportés en Australie, dans l'Etat de Victoria, où ils sont en partie restés. L'assassinat, le 22 mars 1946, à un feu rouge de Jérusalem, devant son épouse, et à côté de son chauffeur, du maire de la commune de la Sarona, Gotthiff Wagner, par des terroristes sionistes, scellera la fin de la présence allemande en Palestine, les derniers colons quittant précipitamment cette terre. Les négociations germano-israéliennes sur l'indemnisation des colons se poursuivra jusqu'en 1952 à Genève avec le versement israélien de la somme de 52 millions de deutschemark.

 

templ saronschul

 

 

Une colonisation dite « spontanée »

La Revue de Géographie d'août 1901 use de ce terme « colonisation spontanée » pour qualifier toute colonisation allemande des deux siècles écoulés, sur tous les continents. Les colons ne sont pas soutenus par une structure militaire importée et ne cherchent pas le contrôle militaire du pays, mais tirent de leur activité propre de quoi s'imposer. On lit sous la plume d'André Brisse: « L'élément allemand a su s'y organiser en conservant fidèlement son originalité, sa langue, ses coutumes et même assez souvent sa nationalité. Ces colonies constituent autant de petites patries allemandes très cohérentes possédant leur temple, leur école, et des journaux spéciaux qui les tiennent au courant de ce qui se passe dans la mère patrie. La plupart de ces émigrants s'adonnent à l'agriculture intensive, le reste se consacre au commerce et cherche à répandre dans la région le goût des articles de fabrication allemande. Bref, on mettait déjà en pratique le slogan publicitaire contemporain « deutsche Qualität » (qualité allemande) ! On ne cherche pas à germaniser autrui, mais à conserver seulement sa propre germanité, en laissant l'indigénat suivre ses propres mœurs, en l'instruisant, en le soignant, mais sans altérer l'autorité précoloniale. C'est ainsi que les colons allemands en Palestine ont respecté l'autorité turque ottomane et celle du mandat britannique, tout en arborant leur drapeau national.

 

Quand Bismarck évoquait la colonisation

Le chancelier Bismarck (1815-1898) expliqua, le 26 août 1884, ce qu'il entendait mettre en œuvre dans les colonies: « Je répète que je suis entièrement opposé à la création de colonies sur un plan qui a prévalu dans le siècle passé qu'on pourrait appeler le système français qui consiste à acquérir un territoire, à y placer des fonctionnaires et une garnison, puis à inviter les gens à y venir et à y vivre. Je n'annexerai pas à l'Empire des provinces d'Outre-Mer. Je suivrai l'exemple de l'Angleterre en accordant à des négociants quelque chose comme des chartes confiées à la Compagnie des Indes occidentales. Je nommerai seulement un consul ou un résident pour représenter l'autorité impériale ».

Pierre Dortiguier

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