Catégorie : HISTOIRE

 

« La seconde guerre mondiale est terminée. La révolution nationale-socialiste continue »
Arthur Axmann, mai 1945 (in Schaerffenberg, 2009) [Arthur Axmann fut à la tête des Jeunesses Hitlériennes de 1940 à 1945; NdR]

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Octobre 1947 : Axmann lors de son interrogatoire à Nuremberg.

L’idée semble être venue à Heinrich Himmler, en septembre 1944, d’organiser des groupes de partisans en terres allemandes occupées par l’ennemi.

Pour dénommer cette organisation de Résistance, il reprend (fort mal) le titre Werwolf (Loup-garou) du roman de Löns, consacré aux francs-tireurs de l’effroyable Guerre de Trente Ans qui avait tourné au génocide des populations germaniques, cette guerre ayant occasionné de 8 à 11 millions de morts, pour une population initiale de 21 millions.


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Grand admirateur d’Hermann Löns, mort au combat durant la Grande Guerre, le Führer reprend l’appellation originale du romancier : Wehrwolf (Loup de guerre). Comme Adolf Hitler était l’homme qui décidait de tout, en dernier ressort, dans le IIIe Reich, c’est de son appellation dont on doit user.


Dans la capitale du Reich envahi, la dernière livraison de l’Illustrierter Beobachter paraît le 12 février 1945, celle de Das Schwarze Korps est du 12 avril et celle du Völkischer Beobachter (le principal quotidien national-socialiste, édité à Munich, capitale historique du mouvement), le 30 avril. Dans ces trois publications, on évoque le Wehrwolf, dont la création a été annoncée le 18 octobre par Himmler, dans le même discours où il instaurait le Volkssturm, soit la levée en masse des jeunes gens et des vieillards valides, pour défendre le Reich contre ses envahisseurs.


L’Obergruppenführer SS Hans-Adolf Prützmann, ex-Führer des SS et des polices en Ostland puis en Ukraine, âgé de 43 ans, qui a vécu durant 2 années et demie la lutte impitoyable contre les partisans, est chargé d’organiser ces commandos de résistants, œuvrant sur les arrières de l’ennemi : les Wehrwölf.


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Ce héros multi-décoré pour sa participation à divers engagements contre les partisans organise, dès le mois d’octobre 1944, des centres de formation pour jeunes chefs de la Hitler Jugend. Il supervise la rédaction d’une brochure SS-Werwolf Kampfanweissung (directives de combat pour le mouvement Werwolf), qui servira de base à beaucoup de chefs de mouvements de résistance du Tiers-Monde par la suite.


Prützmann était un ingénieur agronome, ex-combattant de corps francs (né en 1901, il n’avait pu combattre durant la Grande Guerre). Membre de la SA en 1929, passé à la SS en 1930, élu député au Reichstag en 1932, il fait carrière dans la police de sûreté, durant les années de paix du IIIe Reich. Capturé début mai 1945 et non identifié, il se suicide le 21 mai.


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Les Membres du Wehrwolf sont organisés en groupes de 5 à 6 jeunes hommes et jeunes filles, dirigés par un chef énergique. Ils sont aptes au maniement des armes légères, mais aussi du Panzerfaust et à la manipulation des explosifs, usant notamment de bombes incendiaires non éclatées, bénéfices secondaires des très nombreux bombardements terroristes anglo-canadiens et US sur le Reich. Très vite les snipers du Wehrwolf vont affoler les officiers alliés des zones d’occupation, puisque l’exécution préférentielle des galonnés est un objectif de choix.

 

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Le 9 mars 1945, Joseph Goebbels décore un adolescent de 16 ans, Willi Hübner, de la croix de Fer pour la défense de Lauban ; fait prisonnier et « rééduqué » par les Soviétiques, Hübner a été détenu quelques mois en zone Est, y est devenu mécanicien, a pu passer à l'Ouest en 1950 et est devenu garagiste à Landshut, en Bavière, où il est mort en 2010.

 

D’une manière générale, l’on retrouve dans le mouvement Wehrwolf toutes les activités clandestines des organisations de Résistance tant vantées durant la phase d’Occupation des pays d’Europe occidentale, centrale et danubienne par la Wehrmacht : repérage et transmission d’informations par radio tant que dure la guerre, sabotage notamment destructions de véhicules, harcèlement de soldats isolés ou de petits postes, tirs de sniper. Il n’y manque que la fabrication de faux papiers : après la fin de la guerre, les membres du Wehrwolf gardent leur identité et restent intégrés à la population allemande ou autrichienne occupée, des personnes injuriées, malmenées, sous-alimentées, violentées. Ils tentent de passer inaperçus pour mieux réussir leurs opérations.


Les cibles visées sont les troupes alliées des deux blocs (l’ultra-capitaliste et le communiste), notamment les officiers, mais aussi les collaborateurs de l’envahisseur, devenu ensuite l’occupant.


Notez : on ne peut vanter les mérites des Résistances à l’Occupant allemand, sans en faire autant avec l’héroïsme désespéré des jeunes héros de la Résistance allemande aux Occupants alliés. Des phénomènes identiques doivent recevoir un traitement identique, sauf à se montrer sectaire et injuste.


La première action enregistrée est celle du 3 novembre 1944, durant laquelle quelques héros du Wehrwolf espionnent les arrières de l’Armée rouge et transmettent leurs observations au QG de Prützmann qui les répercute sur l’OKH, l’état-major général de la Heer, en charge de la lutte contre l’envahisseur soviétique.


Le premier collaborateur exécuté est le maire d’Aix-la-Chapelle désigné par l’envahisseur US, Franz Oppenhof, tué le 24 mars 1945 par un commando du Wehrwolf, dirigé par Herbert Wenzel. La nouvelle en est répercutée le lendemain, 25 mars, par Joseph Goebbels lui-même, lors de l’inauguration de Radio-Wehrwolf. Les émissions exaltent le sacrifice au service du Volk et du Vaterland (la Nation-Race et la Patrie : Volk mêle depuis le début du XIXe siècle en terres germaniques les notions pourtant très différentes de nation et de race). Radio-Wehrwolf lance bientôt la chanson Wehrwolf Lily, qui n’aura bien sûr pas le temps de devenir aussi célèbre que Lily Marlene.


On note quelques furieuses batailles de jeunes gens du Volkssturm mêlés à des Wehrwolf à Aschaffenburg (en Franconie), contre les vétérans de la 45e DI-US de la 7e armée (ceux-là qui avaient tué leurs prisonniers de guerre allemands en Sicile, au mois de juillet 1943). Même chose aux environs de Vienne, du 13 avril au 5 mai 1945, où les Wehrwolf sont dirigés par Alfred Borth, qui devient à 16 ans le plus jeune titulaire de la Ritterkreuz de la Croix de Fer.


Il est de bon ton, du côté des historiens consensuels, de se moquer des « piqûres d’épingle du Wehrwolf » comme l’on s’est gaussé – bien à tort - des héros du Volkssturm. Pourtant, en avril-mai 1945, le Commandant en Chef occidental Dwight David Eisenhower et le chef du 12e GA, Omar Bradley, craignent que « les dernières divisions de Waffen-SS et les Wehrwolf ne s’organisent en un réduit alpin ». En réalité, il n’y a pas « un corps d’armée », mais quelques groupes de commandos Wehrwolf dans les Alpes bavaroises et autrichiennes, où ils agiront jusqu’en 1946.

 

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D’avril à décembre 1945, environ 300 Wehrwolf, répartis en une cinquantaine de commandos dirigés par l’Hauptsturmführer Dieter Kersten, feront régner l’insécurité dans les zones contrôlées par l’Armée Rouge.


On ne sait toujours pas si la mort, survenue le 16 juin 1945, officiellement d’un accident de circulation à Berlin, du général commandant les troupes soviétiques, Nikolaï Berzarine, fut occasionnée par un état d’ivresse, quasi-constant chez le vénéré défunt, ou par un tir de sniper du Wehrwolf. Un jour, peut-être, les archives soviétiques révèleront ce petit mystère. Mais cette mort fut suivie d’une vague d’arrestations de très jeunes gens dans la zone d’occupation soviétique, où 4 000 adolescents « suspects » d’appartenir au Wehrwolf furent arrêtés, maltraités, certains étant tués, d’autres expédiés en camps de travail forcé.
Au début de 1945, un groupe de Wehrwolf mélange de l’alcool méthylique aux liqueurs que les nobles vainqueurs ne manqueront pas de déguster. On a estimé à 188 le nombre de GI morts de février à juillet 1945 par l’ingestion excessive du toxique ; on ignore le nombre d’invalides de la vision par névrite optique, conséquence non mortelle de cette intoxication.


Au printemps 46, en Rühr, l’ex-Obersturmbannführer Piemoller organise un groupe de Wehrwolf, auxquels il fait malheureusement arborer des vêtements bleus comme signe de reconnaissance : ses « Faucons bleus » sont ainsi trop facilement détectables et, après quelques arrestations, le groupe passe à la clandestinité. Il reste de cette expérience un signe vocal de reconnaissance : « 88 » (la huitième lettre de l’alphabet étant H, 88 symbolise les lettres HH), soit un « Heil Hitler » clandestin, toujours utilisé par les amoureux de folklore.

 

Front und Heimat April 1945 Die deutsche Soldatzeitung front page Werwolf etc Nazi Germany No known copyright restrictions


La guérilla des membres du Wehrwolf persistera jusqu’en 1946 dans les trois zones occidentales d’occupation militaire d’Allemagne et d’Autriche. Le médiocre roman The big story (en français : Toute la vérité) de Morris West (1957) évoque (de façon très tendancieuse, of course !) l’activité d’un groupe de Wehrwolf en Autriche occupée. Dans quelques cas, des violeurs d’Allemandes ou d’Autrichiennes (mais aussi des violeurs d’adolescents) issus des armées d’occupation furent repérés, puis exécutés discrètement : on en connaît quelques exemples à Vienne et à Cologne.


En Silésie, les héros (version nazie), les terroristes (version soviétique) du Wehrwolf ne seront définitivement dispersés qu’en 1947. Toutefois, les ultimes survivants, armés par les services secrets US et britanniques (CIA et MI-6) dans le cadre de la lutte contre l’impérialisme soviétique, seront abattus en 1954, en Haute-Silésie, devenue terre polono-soviétique. Certains auteurs ont estimé que des survivants du mouvement Wehrwolf pouvaient avoir joué un rôle d’organisateurs dans la révolte des opprimés de Berlin-Est puis du reste de la RDA, en juin 1953.


On retrouve dans les communiqués officiels, puis dans les rares mentions de ces jeunes hommes et jeunes femmes de la littérature historique consensuelle, les deux phraséologies employées pour qualifier les résistants d’Europe occupée : « Héros » et « Terroristes ». Effectivement, dans les deux cas, l’action fut celle d’un terrorisme fort classique, soit une action dépourvue de toute chance de succès s’il n’existe pas d’armée de Libération venant chasser les envahisseurs. Les Résistants des pays occupés par la Wehrmacht avaient cet espoir, finalement exaucé. Les héros du Wehrwolf étaient dans une situation autre, désespérée. Leur noblesse fut de se battre par sens de l’honneur national.


Le traitement des captifs fut également très différent dans les deux cas. Nombre de résistants au nazisme furent jetés en prison (guère confortable, on le reconnaît volontiers) ou expédiés en camps de concentration (où la mortalité globale fut de 40%, du moins pour les déportés français) : seuls étaient exécutés ceux et celles des résistants capturés avec des armes ou des explosifs ou convaincus d’assassinat de soldat ou de fonctionnaire allemands.

 

Bundesarchiv Bild 146 1971 033 15 Vorbeimarsch des Volkssturms an Goebbels BerlinHéros du Volkssturm

En 1944-47, les nobles vainqueurs fusillaient systématiquement tout membre du Wehrwolf capturé, sauf les adolescents de moins de 18 ans, tabassés puis généralement condamnés à la « prison à vie » !
En observateur un peu au fait des événements de cette guerre civile européenne, entretenue par les Nord-Américains et les marxistes de tous pays, nous pouvons dire que le Führer a perdu la guerre pour trois raisons : il avait accumulé simultanément trop d’ennemis ; il n’a pas stimulé la recherche de l’arme utilisant la fission atomique (parce qu’il en redoutait les effets écologiques) ; enfin il a fait preuve d’une étrange mansuétude dans la répression du sabotage et du terrorisme. Ce dernier reproche, on ne pouvait certes pas l’adresser au grand vainqueur du continent européen : Joseph Dougashvili-« Staline », ni aux Anglo-US qui fusillaient systématiquement les « espions » et saboteurs.


Il faudra bien, un jour, écrire la véritable histoire des années 1939-1945... mais dans un siècle ou deux, lorsque le dernier des ayants-droit des glorieux vainqueurs et des « victimes » aura été rassasié de dédommagements pécuniaires, de commémorations et de déplorations unilatérales.


Pour lecteurs intéressés :
P. Biddiscombe : Werwolf ! The history of the national socialist guerrilla movement. 1944-1946, University of Toronto Press, 1998 (demeure le livre de référence, en dépit d’un ton haineux et stupidement moralisateur ; en outre, les actions des Wehrwolf ne se sont pas arrêtées en 1946 ; dans l’édition remaniée de l’An 2000 publiée avec le titre racoleur : The last nazis, l’auteur étend son travail à l’année 1947 ; enfin, on ne voit absolument pas ce que la Shoah vient faire dans cette histoire de Résistants aux envahisseurs de la patrie germanique)
H. Löns : Der Wehrwolf. Le Loup-garou. Chronique paysanne, Art et Histoire d’Europe, 1986 (édition originale allemande de 1910)
J. Roucolle : Werwolf. Le dernier carré. L’ultime résistance nazie. 1944-1947, Auda Isarn, Toulouse, 2005 (beaucoup plus sobre de ton que Perry Biddiscombe)


Bernard PLOUVIER
Source : METAINFOS

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