Catégorie : Terre et Peuple Magazine n°34 - Hiver 2007

EXPLOSIONS ETHNIQUES

Que deux abrutis, sans casque, perdant le contrôle d’une minimoto roulant trop vite, viennent se fracasser contre une voiture de police qui passait là, et voilà que redémarre le scénario devenu classique : les "quartiers" s’embrasent – au sens propre, puisque magasins, écoles, médiathèque, bibliothèque, commissariat, trésorerie générale et bien sûr voitures, camionnettes et camions partent en fumée. Et puis, surtout, c’est l’occasion rêvée de "bouffer du bleu" comme explique gentiment à des journalistes complaisants un "jeune" (un de ceux que Sarkozy, il n’y a pas si longtemps – quand il avait besoin des voix de Le Pen – appelait des "racailles").

Nouveauté : les policiers ont été tirés à vue, avec des armes à feu de gros calibre (armes de poing de 9 mm, fusils à pompe tirant des cartouches Brenek, utilisées pour la chasse au sanglier). Justification invoquée par les "racailles" : "De toute façon c’est la faute des flics (…) Ils sont venus avec des Flash-Ball. Quand ils ont vu ça les jeunes ont eu la rage. Ils voulaient tuer un flic" (Marianne, 1er décembre). Normal, non ? Un commissaire de police, qui voulait naïvement parlementer avec les émeutiers, a été frappé à coups de barre de fer : trois côtes et dentition cassées, fracture orbitale, multiples hématomes. Chez les CRS il y a eu 77 blessés, dont 5 graves (chez les émeutiers, pas un).

Le commandant de la CRS 43 basée à Chalon, Gilbert Siniscalco, raconte : "Nous nous sommes retrouvés face à des gens déterminés et organisés. Ils étaient très nombreux et mobiles. Par rapport à ce que nous avons pu connaître à une époque, nous avons eu affaire à des individus armés qui n’hésitent plus à se rapprocher de nous et à faire feu (…) Nous étions encerclés par 300 casseurs armés et déterminés, ils avaient des barres de fer, des cocktails Molotov, des fusils de chasse, des armes, des bombes lacrymogènes, des boucliers et d’énormes pavés (…) Les trois premiers fourgons qui se sont retrouvés face aux agresseurs ont été pulvérisés. Nous n’avions aucune solution de repli car nous étions encerclés. Le plus terrible a été de constater que ces jeunes sans foi ni loi étaient prêts à nous lyncher".

Bien entendu les belles âmes habituelles se sont employé à justifier l’injustifiable. Un prêtre de la banlieue lyonnaise, Christian Delorme, explique ainsi gravement que les émeutes sont "l’expression d’une accumulation de souffrances : chômage massif, population suspectée et contrôlée". Quant au "sociologue" Marwan Mohamed (du CNRS, s’il-vous-plaît !) il trouve que "mis à part l’aspect ludique ou quelques opportunités délinquantes, derrière les émeutes il y a des colères et des demandes de changement". Si le curé appartient à la classique catégorie des traîtres, dignes héritiers des porteurs de valises du FLN, le sieur Mohamed, lui, affirme en fait une solidarité ethnique.

Car la dimension ethnique des émeutes est évidente : les images diffusées par les télévisions étaient éloquentes. D’ailleurs les émeutiers affichent, si on ose dire, la couleur : "Ici tout le monde se connaît, il y a une grande solidarité. Vous avez vu ça a brûlé partout ! Pourquoi ? Parce que les gens ont des cousins partout". Le Monde (28 novembre) raconte : sur les trottoirs, les spectateurs encourageaient les émeutiers en criant "Allez les frères !". Un pressing a été épargné parce que quelqu’un a crié : "Celui-là, il est à la famille". Quant aux deux jeunes "Français" morts dans l’accident de moto, Moushin et Lakami, ils ont été enterrés dans leur pays – le vrai – l’un au Maroc, l’autre au Sénégal.

L’enseignement de ces événements a été tiré par un CRS de base ("C’était la guerre") et par un émeutier ("C’est pas du cinéma, c’est la guerre"). Pour ceux qui n’auraient pas compris. Ou qui refusent de comprendre.

Pierre VIAL

 

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