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A. Soljenitsyne, Deux siècles ensemble. Fayard, 2003.

 

 



Alexandre Soljenitsyne est mort le 3 août 2008, à l’âge de  89 ans.

Il est vrai que la France des aoûtiens est particulièrement accaparée par le farniente des vacances et l’ahurissement intellectuel qui l’accompagne. Cependant, alors que « tous les ambassadeurs des pays européens étaient présents », selon P. de Villiers qui tenait à assister en personne à son enterrement, aucun membre du gouvernement français n’avait daigné faire le déplacement ; un simple chargé d’affaires étant délégué par notre ambassade en Russie.
Mieux encore, l’un des principaux partis de gouvernement, le Parti Socialiste, n’intervenait pas pour rectifier la saillie de son représentant, le sénateur J-L Mélenchon : « Devant le flot de pieuses pensées émues que le décès de l’inepte griot de l’anti-communisme officiel va déclencher il faut rester de marbre. Il faut maintenir un coin d’insolence. Je dis que le départ de Soljenitsyne ne manquera pas à la pensée de notre temps. Soljenitsyne était une baderne passéiste absurde et pontifiante, machiste, homophobe, et confis en bigoteries nostalgiques de la grande Russie féodale et croyante. Je n’oublie pas. Je ne pardonne pas. C’était un perroquet utile de la propagande «occidentale».
Nous vivons donc dans un pays où les deux partis de gouvernement ont manifesté leur hostilité à l’immense écrivain russe, par le biais de la goujaterie, pour la droite libérale, par celui de l’insulte, pour la gauche socialo-trotskyste (Mélenchon est un ancien de l’OCI).

Nous n’aurons pas la cruauté de citer les titres d’une presse un peu moins conformiste, dont le ton était certes plus respectueux, mais qui n’en a pas moins commis de déplaisants « oublis ». Je veux parler du dernier opus de l’écrivain, Deux siècles ensemble.

Soljenitsyne, pour tout le monde, reste l’auteur de l’archipel du Goulag, ce monument en trois gros volumes qui décrit le système concentrationnaire soviétique : paru en France en 1973, son influence contribua à l’affaiblissement des partis communiste à l’Ouest. Pour autant, les lecteurs de l’ « archipel » ne sont pas si nombreux : faites l’expérience de demander autour de vous qui l’a effectivement lu intégralement. Mieux encore, allez visiter la bibliothèque municipale de votre quartier, ou demandez à vos enfants s’il figure au centre de documentation de leur collège ou lycée. Il est vrai aussi qu’il n’existe pas en collection de poche : encore une curieuse anomalie !
Dans ce format par contre, on trouve Une journée d’Ivan Denissovitch. Mais cette œuvre ancienne est parue en URSS au moment de la déstalinisation, et son contenu en est très édulcoré : ceci explique sans doute cela.

A présent, essayez donc de trouver sur les rayonnages de votre libraire  Deux siècles ensemble. On croirait presque que son éditeur est embarrassé de son existence !
Autre mystère, c’est le seul ouvrage de cet auteur qui ne soit pas traduit en anglais. Autant dire qu’il est donc inconnu de plus de la moitié des terriens.

De quoi traite donc Deux siècles ensemble ?
« De l’étude considérable d’Alexandre Soljenitsyne sur les relations entre Juifs et Russes. (…) Une véritable somme, la première du genre, qui, vu son ampleur, pourrait bien être reconnue comme définitive. » lit-on sur la quatrième de couverture.

Attardons-nous sur le second volume, celui qui traite des liens entre ces deux peuples en Russie « pendant la période soviétique », entre 1917 et 1972.
Le plan en est chronologique : révolution de février, octobre et la révolution, la guerre civile, les années vingt, puis trente, etc…
Comme toujours chez l’auteur, le propos fourmille de références, et conserve une distance ironique qui pimente les récits les plus tragiques, et supplée toute critique un peu convenue.
La révolution de Février clôt définitivement la période tsariste : « les cent vingt-cinq ans d’histoire de la communauté des Juifs de Russie hors toute égalité de droits s’achèvent avec la révolution de Février. (…) Dès le 3 mars…, le président de la douma M. Rodzianko, et le ministre président du Gouvernement provisoire, le prince G. Lvov, signèrent une déclaration où il était dit que l’un des objectifs les plus importants du nouveau pouvoir était d’ « abolir toute discrimination sociale, confessionnelle et nationale. Puis, le 4 mars, le ministre de la guerre, Groutchkov, proposa que les Juifs reçoivent le droit d’accéder au corps des officiers, et le ministre de l’Instruction Manouilov, que soit supprimé le numerus clausus dans les universités. Les deux propositions furent acceptées sans encombre. » On notera que ces décisions ont été arrêtées en pleine guerre mondiale, seulement quelques jours après la chute du Tsar. Sans doute n’y avait-il pas de plus urgente décision à prendre, étant donnée la situation dramatique du pays.
Mais la seconde révolution se profile, et page 58, on lit : « nombreux furent les Juifs qui débarquaient maintenant par centaines en provenance des Etats-Unis –émigrés de la première heure, révolutionnaires ou déserteurs ayant fui le service militaire- ; (…) Quant à Trotski lui-même, il disposait non d’un minable petit document russe, mais d’un solide passeport américain qui lui avait été délivré, on ne sait trop pourquoi, pendant son bref séjour aux Etats-Unis – ainsi que d’une importante somme d’argent dont la provenance ne fut jamais établie (A. Sutton, Wall Street et la révolution bolchévique). » (1)
Le comité exécutif bolchevik, CE, a quant à lui une couleur ethnique particulière ; page 71 : « Bien entendu, le « maudit incognito » du Comité exécutif ne passa pas inaperçu. Le mystère des pseudonymes tarabusta les milieux cultivés de Petrograd et suscita des questions dans la presse. (…) Cette dissimulation provoquait de l’agacement, y compris dans les milieux populaires. Ainsi, lorsqu’au plenum du Soviet, en mai, furent avancés les candidatures de Zinoviev et Kamenev, des cris fusèrent de la salle : « donnez-nous leurs vrais noms !»
Et Soljenitsyne cite l’auteur israélien Aron Abramovitch, qui précise, page 81 : « Au sein de l’armée, les Juifs s’illustrèrent dans la préparation et la mise en œuvre du soulèvement d’Octobre 1917, à Petrograd comme en d’autres villes de Russie, et ils participèrent également à la répression de la résistance armée contre le nouveau pouvoir ». Dans la nuit du 27 octobre, Soljenitsyne précise qu’« une résolution fut adoptée, stipulant que « les soviets locaux doivent mettre un point d’honneur à empêcher les forces obscures de perpétrer des pogroms contre les Juifs ou d’autres catégories de la population. » (L’idée que les pogroms pussent être organisées par les lumineuses forces rouges n’était même pas envisagée.) Cette fois encore – au cours d’un Congrès des députés ouvriers et paysans-, la question juive était passée avant la question paysanne. »
Page 88, Soljenitsyne cite Leonard Schapiro : « des milliers de Juifs rejoignirent en foule les bolchéviks, voyant en eux les défenseurs les plus acharnés de la révolution et les internationalistes les plus fiables (…)», ou D.S. Pasmanik, page 89 : « l’apparition du bolchévisme est liée aux particularités de l’histoire russe…mais son excellente organisation, le bolchévisme la doit en partie à l’action des commissaires juifs. »
La direction du pouvoir après la révolution d’Octobre est donc « avérée : ces renégats juifs ont quelques années durant été les leaders au sein du Parti bolchévique, à la tête de l’Armée rouge (Trotski), du VTsIK (Sverdlov), des deux capitales (Zinoviev et Kamenev), du Komintern (Zinoviev), du Profintern (Dridzo-Lozovski) et du Komsomol (Oscar Ryvkine, puis après lui, Lazare Chatskine, lequel dirigea aussi l’Internationale communiste de la jeunesse). »
La suite est connue : annulation de l’assemblée constituante issue des élections, instauration d’une dictature appuyée sur un appareil répressif. Page 101, l’auteur rapporte la conversation tenue entre Trotsky et Sverdlov, qui scelle le destin de la famille impériale liquidée dans la maison Ipatiev. Et d’insister sur l’ethnie dominante des victimes cette fois : « Et qu’en est-il des victimes ? Otages et prisonniers par fournées entières –fusillés, noyés sur des barges bondées : les officiers – des Russes ; les nobles – en majorité des Russes ; les prêtres –des Russes ; les membres des zemtsvos –des Russes ; et les paysans fuyant l’enrôlement dans l’Armée rouge, repris dans les forêts – tous des Russes. (…) la révolution n’a nullement manifesté son caractère internationaliste, mais bel et bien son caractère antislave (…).
Passons quelques chapitres pour nous arrêter à la principale caractéristique de ce régime, son caractère concentrationnaire : sur ce point, Soljenitsyne nous rappelle que dès l’ « Archipel », il avait osé affirmer quelques vérités qui n’étaient pas bonnes à dire : « L’universellement célèbre bagne Mer Blanche-Baltique (le BelBalt) a englouti dans les années 1931-1932 des centaines de milliers de paysans russes, ukrainiens, d’Asie centrale. Ouvrons un journal daté d’août 1933, consacré à l’achèvement du canal. Nous y lisons la liste des personnes récompensées médailles modestes pour les bétonneurs et les charpentiers, mais médaille suprême — l’ordre de Lénine —  pour huit personnes dont on publie la photo en grand; parmi elles, deux ingénieurs seulement, car c’est l’ensemble du collectif dirigeant qui est récompensé (confor-mément à la notion stalinienne de culte de la personnalité). Et qui voyons-nous à sa tête? Guenrikh Iagoda, commissaire du NKVD. Matfeï Berman, chef du Goulag. Semion Firme, chef du BelBalt (au moment de la récompense, déjà chef du Dmitlag où tout se répétera de nouveau). Lazare Kogan, chef de la construction (il partira avec les mêmes fonctions au canal de la Volga). Iakov Rappoport, chef de la construction en second. Naftali Frenkel, chef des travaux du chantier de la Mer Blanche (et le mauvais génie de tout l’Archipel).
Leurs portraits seront à nouveau reproduits en grand format dans le livre triomphaliste et ignominieux Belomorkanal — grand et lourd comme un Évangéliaire annonçant un Royaume millénaire à venir.
Et voici que quarante ans après, j’ai reproduit les portraits de ces six misérables dans L’Archipel du Goulag, je les ai pris tels qu’ils étaient exposés, sans les sélectionner — oui, tous ceux qui figuraient. Grands dieux que n’avais-je pas fait là? comment avais-je osé? L’univers entier fut indigné. C’est de l’antisémitisme ! J’étais un antisémite marqué du sceau de l’infamie, irrécupérable ! Au mieux, reproduire ces portraits était de 1’ « ultrachauvinisme », c’est-à-dire du nationalisme russe ! Et à ceux qui le disent la langue ne colle pas au palais quand ils lisent dans les pages suivantes de L’Archipel comment les petits gars des familles de « koulaks » gelaient doci-lement et mouraient écrasés sous leurs fardiers.
Et où donc avaient-ils les yeux, en 1933, quand ces portraits furent publiés pour la première fois? Pourquoi n’ont-ils pas alors exprimé leur indignation?
Je leur lancerai comme aux bolcheviks ce n’est pas quand on parle des ignominies qu’il faut avoir honte, c’est quand on les commet !
»
Mais Staline entreprend de confisquer le pouvoir à son seul avantage : pour ce faire, il doit éliminer toute la vieille garde bolchévique. Il s’y emploie dès les années trente, mais surtout après la guerre, lorsque le danger allemand est définitivement écarté. Encore une fois, les réalités ethniques émergent, page 431 : « le 21 septembre 1948, [Illia Ehrenbourg] publia dans la Pravda un article de commande pour faire contrepoids à l’accueil triomphal réservé à Golda Meïr [ambassadeur d’Israël à Moscou] : les Juifs ne sont pas une nation, mais sont condamnés à l’assimilation. Ce texte sema le doute non seulement parmi les Juifs de Russie, mais également en Amérique. Et, en ce début de Guerre froide, la « discrimination dont [étaient] victimes les Juifs d’URSS » devint l’un des principaux arguments utilisés en Occident contre l’Union soviétique. » Le comité antifasciste juif (CAJ) fut démantelé, et « en janvier 1949, la Pravda publia un long article consacré à un sujet en apparence secondaire  - « sur un groupe de critiques de théâtres antipatriotes » (le lendemain paraissait un article plus musclé dans la revue Koultoura i zijn) : Staline venait de lancer l’offensive contre les Juifs travaillant dans les milieux de la culture en prenant pour prétexte le décryptage de leurs pseudonymes russes. » Cf. plus haut les références au CE en 1918. « Entre 1948 et 1953, les Juifs furent massivement boutés hors de sphères supérieures –celles qui étaient associées à des fonctions de prestige ou qui revêtaient une importance particulière pour les dirigeants du pays – de la production, de l’administration, des activités culturelles et idéologiques ; l’accès à toute une série d’établissements d’enseignement supérieur leur fut limité ou tout simplement refusé…Les postes de responsabilité au sein du KGB, des organes du Parti, de l’armée furent fermés aux Juifs, et dans nombre d’universités, d’institutions culturelles et scientifiques, le numerus clausus fut réappliqué. »
 Ce faisant, Staline « comprenait qu’en réglant son compte au Comité antifasciste juif, il allait soulever une tempête dans le monde entier. Mais il savait aussi que la communauté juive internationale était indissociablement liée à l’Amérique, devenue son ennemie dès les premières années de l’après-guerre, quand il avait refusé d’adhérer au plan Marshall. » (page 439).
Vient ensuite l’affaire des médecins ou « complot des blouses blanches ». « Et c’est là que Staline commit un faux pas, le premier de sa carrière, peut-être. Il ne comprit pas que les développements de cette affaire pouvaient constituer un danger pour lui personnellement, lui qui se croyait à l’abri sur son Olympe inaccessible, derrière ses portes blindées. L’explosion d’indignation à travers le monde entier coïncida avec des actions énergiques menées à l’intérieur du pays par des forces dont on peut supposer qu’elles avaient décidés d’en finir avec Staline. Il est fort possible que cela se soit fait avec le concours de Béria (voir, par exemple, la version qu’en a donnée Avtorkhanov).
Après le communiqué officiel sur l’affaire des médecins, Staline vécut encore 51 jours. « La libération et la mise hors de cause des médecins fut ressentie par les Juifs soviétiques de la vieille génération comme une répétititon du miracle de Pourim » : Staline disparut en effet le jour même de la fête de Pourim, date à laquelle Esther sauva les Juifs de Perse du massacre ordonné par Aman. Le 3 avril, tous ceux qui avaient survécu à leur arrestation dans le cadre de l’ « affaire des blouses blanches » furent élargis.
»
 Ensuite, « La politique de Khrouchtchev restait (…) plutôt incertaine et floue : on peut supposer qu’il n’aimait pas trop les Juifs, mais qu’il ne cherchait pas non plus à les combattre, d’autant moins qu’il se rendait bien compte des inconvénients que cela pouvait présenter sur le plan international. » (page 451).
Ce sont les évènements internationaux qui décident de l’orientation prise par l’URSS malgré la déstalinisation : « Après la crise de Suez, en 1956, la situation de la religion juive en URSS devint encore plus difficile : la mode était alors à la « lutte contre le sionisme ». (…) ayant décidé à partir du milieu des années 50 de s’assurer l’amitié des peuples arabes, les dirigeants soviétiques furent conduits à mener un combat acharné contre le sionisme. » Onze ans plus tard, les mêmes causes produisent les mêmes effets : [avec] « la guerre des Six Jours [en 1967] le prestige d’Israël atteignit alors le zénith aux yeux des Juifs soviétiques qui se sentirent liés à lui par le cœur et par le sang. Mais le pouvoir soviétique, exaspéré par la défaite honteuse de Nasser, déclenchèrent aussitôt une fracassante campagne dirigée contre le « judaïsme-sionisme-fascisme ». (…) Le « complot mondial » sioniste fut considéré  comme « l’aboutissement nécessaire et inévitable de toute l’histoire juive, de la religion juive marquée par son caractère national » ; « le judaïsme est une religion qui convient très bien à ceux qui aspirent à la domination universelle, parce qu’il a élaboré systématiquement une idéologie de la supériorité raciale et de l’apartheid », ces dernières citations étant reprises de R. Nudelman, l’antisémitisme soviétique –causes et prévision, édité en 1978.
Cette rupture entre le régime et ce peuple est pour Soljenitsyne une cause majeure de l’histoire de son pays. Page 475, il écrit : « A la fin des années 60, lorsque je testais mon impression que, oui, le régime communiste était bel et bien condamné, une observation me confortait dans cette idée – c’était de voir combien de Juifs s’étaient détournés de lui. »
Dès lors, survient le temps des comptes et des responsabilités. Là, une version très particulière de l’histoire du communisme se construit, qui fait la part belle à la mythique barbarie asiatique, au moyen d’une amnésie partielle. Page 495 : « Au début des années 70, les attaques contre la Russie ne cessèrent de s’amplifier. Russisch-kulturisch (« une porcherie humaine ») : l’article anonyme, paru dans le samizdat, d’un certain « S. Téléguine (G. Kopylov), déborde de mépris pour la Russie, considérée comme de la matière brute dont an n’a plus rien à tirer. (…) Comme il s’est transformé, en Russie, le sempiternel « problème du peuple », entre le XIX° et la seconde moitié du XX° siècle ! Maintenant, on désigne sous le nom de « peuple » la masse autochtone, stupidement satisfaite de son sort et de ses dirigeants, au milieu de laquelle les Juifs, jetés par un sort malheureux dans ses villes, ont été condamnés à souffrir. Aimer cette masse est impossible, s’en préoccuper est contre nature. Le même Khazanov (qui, à l’époque, n’avait pas encore émigré) en juge ainsi : « La Russie que j’aime est une idée platonicienne ; dans la réalité elle n’existe pas. La Russie que je vois autour de moi me répugne…ce sont des écuries d’Augias uniques en leur genre…ses habitants pouilleux…un jour viendra où elle subira un châtiment terrible pour ce qu’elle représente aujourd’hui. »
Page 498, Soljenitsyne s’indigne : « Notons que tout jugement malveillant sur l’ «âme russe » en général, sur le « caractère russe » en général, ne suscite chez les gens civilisés aucune protestation, aucun doute. La question : « A-t-on le droit de juger une nation dans sa globalité ? » ne se pose même pas. Si untel n’aime pas tout ce qui est russe, ou même le tient en mépris, ou va jusqu’à dire dans les milieux progressistes que « la Russie est un dépotoir », en Russie cela n’est pas immoral, cela ne paraît pas antiprogressiste. Ici, personne ne s’adresse sur-le-champ aux Présidents, aux Premiers ministres, aux sénateurs, aux membres du Congrès pour leur demander anxieusement : « Que pensez-vous de cette incitation à la haine d’un groupe humain à raison de sa nationalité ?? »
Alors que les responsabilités sur les crimes du communisme sont redistribuées selon de bien étranges critères, il s’agit pour terminer de réécrire l’histoire, comme on le voit page 506 : citant Agourski, l’idéologie du national-bolchévisme, « dans l’histoire réelle de la société soviétique, très tôt les idées fondamentales traditionnelles de la conscience nationale russe ont commencé à pénétrer l’idéologie du Parti au pouvoir », « dès le milieu des années 20 l’idéologie du Parti change de monture… ». Dès le milieu des années 20 ?! s’étrangle Soljenitsyne, Comment avons-nous fait pour ne pas le remarquer ? Le mot même de « russe » - « je suis russe » - on n’avait même pas le droit de le prononcer, c’était de la contre-révolution, je m’en souviens très bien ! Or, on prétend qu’à cette époque, en pleine persécution de tout ce qui est russe et orthodoxe, l’idéologie du Parti « commence, dans sa pratique, avec de plus en plus d’insistance et de conviction, à se laisser guider par l’idée nationale », « le pouvoir soviétique, tout en gardant son masque internationaliste, en réalité ne fait que consolider l’Etat russe ». Hé oui ! ».

(1) cf. http://www.terreetpeuple.com/guerre-culturelle/decryptage/maconnerie-et-sectes-secretes-le-cote-cache-de-l-histoire.html

Lire Deux siècles ensemble, c’est rendre hommage à l’immense Alexandre Soljenitsyne ; c’est aussi ouvrir de nouvelles perspectives à la compréhension de l’histoire russe, du communisme, et des relations internationales au XX°siècle. En ces temps de réémergence du trotskisme sous toutes ses formes (politique, syndicale, mais aussi  bancaire, et guerrière), il n’est pas mauvais de s’instruire.
Faites mieux encore, achetez ce livre : ainsi peut-être contribuerez-vous au financement de son indispensable traduction en anglais, rendant du même coup sa lecture possible à nos amis américains.

 


Bonne lecture !  

Robert Dragan

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