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Invoquer l'Occident, pour le louer ou le vouer aux gémonies de l'Histoire, c'est fatalement interroger le concept moderne (inusité dans les temps anciens) d'identité, car on ne proclame son identité que quand l'on l'a perdue.

Généralement, la notion d’ « Occident » est appliquée aux pays qui ont porté au monde le capitalisme, à partir de la fin du XVIIIe siècle, avec, en parallèle, le libéralisme politique. Ces nations constituent l'Europe de l'Ouest, d'abord l'Angleterre puis la France et l'Allemagne pour ne parler que des plus importantes, et la colonie anglo-saxonne du Nord, devenue les États-Unis et le Canada, avec les autres dominions de l'empire britannique, de souche, du Pacifique, Australie et Nouvelle Zélande. C'est ce bloc qui s'oppose actuellement aux BRICS, et principalement à la Russie et à la Chine.

Évidemment, l'adoption d'un tel découpage civilisationnel suppose l'effacement d'une opposition entre l'Amérique du Nord et la « Vieille Europe ». 

Or, l’« Occident » est aussi ce mouvent économique, social, politique, culturel, civilisationnel, qui a pris son essor en Italie et dans la partie Nord du continent européen, notamment dans l'axe Rhône/Rhin et Italie du Nord/Pays-Bas, et a transformé l'antique société ordonnée selon des principes verticaux et holistes, en zone où l'individu est roi, et l'argent empereur. Dès que la révolution industrielle s'est imposée, au XIXe siècle, elle a essaimé, aidée de canons, dans l'ensemble du Globe, en infusant sa logique technique, scientifique, prométhéenne, et en ruinant les traditions, en arasant le Vieux Monde. A ce titre, toutes les régions du Monde sont « occidentales », y compris la Russie et la Chine, et maintenant l’ « archaïque » Inde, qui envoie des fusées sur la Lune. L'un des signes les plus sensibles de cette appartenance à l'Occident moderne est la propension de ces pays à vanter leurs réalisations modernes, et à démontrer qu'ils n'ont rien à envier aux mégalopoles américaines et aux avancées techno-scientifiques de l’ « Ouest ». Cette manie s'est d'ailleurs universalisée, et touche des régions jadis considérées comme « arriérées ». Chacun court après le modèle new-yorkais, ou californien, ou texan, selon...

Adopter le schéma productiviste et techniciste « occidental », voire sa logique marchande, qu'elle soit plus ou moins encadrée par l’État, ou par des géants commerciaux transnationaux, c'est se condamner ipso facto à se modeler sur le type de société qu'il induit, à savoir l'individualisme utilitariste, la recherche hédoniste d'un certain confort de vie, la sécularisation des devoirs, rabattus à la satisfaction de besoins, etc.

Certes, ce processus se différencie par des disparités et des « couleurs » civilisationnelles différentes selon l'Histoire de chaque entité « culturelle », autrefois enracinée dans une vision singulière de l'homme et du monde. Mais désormais, cette weltanschauung particulière à chaque civilisation n'existe plus. Le Dernier homme est l'unique horizon, et, par-là, Fukuyama a eu raison. Mais il a eu tort quand il en a conclu, dans sa Fin de l'histoire, à l'achèvement des conflits et de la guerre. Au contraire, on sait que l'égalité et l'uniformité génèrent la haine, la tension, et la violence. Paradoxalement, l'harmonie et la paix entre individus et nations, sont mieux assurées dans une hiérarchie justifiée par les siècles et l'assentiment des dieux. Quand l'homme est l'unique parangon de ce qui est souhaitable, et le seul arpenteur du réel, surtout d'un progrès infini et indéfini, fatalement, l'anarchie s'installe, avec son lot de règlements armés de comptes.

Prosaïquement, l'état de guerre mondiale actuel se résume à des revendications de partage du gâteau. L'Occident (au sens politique restreint) est considéré comme un accapareur illégitime des richesses planétaires. La relation entre nations nécessite un nouvel rééquilibrage, ce que n'ont pas compris les classes dominantes de l'Amérique du Nord et de sa vassale européenne. Les divergences sociétales, comme le poids massif du lobby LGBT dans le bloc occidental, que le reste du monde considère comme déstabilisant et agressif, sont à relativiser. Les « pays émergents » ont gardé, en assoyant leur nouvelle puissance économique, voire militaire, des traits du capitalisme viril, qui a marqué le XXe siècle. Mais ils n'en sont qu'au stade de la confiance collective de soi, âge où l’État est encore puissant, comme les muscles d'un jeune homme sont solides ; mais ils parviendront à l'état de sénilité fébrile de l'Occident décadent, où certes les muscles faillissent, avec la virilité, mais peuvent encore faire mal. 

La logique techno-scientifique et productiviste aboutit, inévitablement, au nihilisme, et personne n'y réchappera.

Quid de l’« identité » ? La Russie est-elle « orthodoxe » ? La Chine, « confucéenne » ? L'Inde, « hindouiste » ?

Comme disaient Marx et Engels, dans L'Idéologie allemande, il ne faut jamais juger un homme sur ce qu'il dit être, mais sur ce qu'il fait. En l'occurrence, sa praxis. Le monde « religieux » (on entendra par-là un monde « relié » - religare = religion au supra-humain), est animé par toutes les croyances, les convictions, par les gestes, les réflexes, les rêves, les desseins qu'un tel assentiment suppose. Or, les nations du monde contemporain, DANS LES FAITS sécularisé, matérialistes et menées à vue d'homme (ou d’État), sont conduites par des objectifs d'accroissement de la puissance, par des considérations utilitaristes, économiques et uniquement militaires. Le reste n'est que de l'accompagnement idéologique. 

Les revendications « identitaires », pour peu qu'elles soient bien comprises et ajustées à des réalités civilisationnelles réelles (car on a tendance à glisser derrière elles des chromos fabriqués et aussi authentiques que des cartes postales touristiques, comme cette confusion, courante en Europe, entre la Vieille Europe, souvent guindée et pudibonde, avec la modernité américaine « libérée » et obscène), sont souvent des fantasmes surgissant face à une déshumanisation, à une décivilisation de nos sociétés, et une reconstruction à partir de bribes de « savoirs » scolaires – souvent faux et biaisés -, à la manière de la IIIe République, qui a créé le « roman national », ou du romantisme du XIXe siècle (et, au XXe siècle, hollywoodien), mensonger et partial, sur lesquels se fondent pathétiquement les cerveaux incultes (pour la plupart) des militants qui se battent pour ne pas être « grand remplacés ». La notion d'identité est bien souvent parente de ces slogans publicitaires de marques qui tentent de se distinguer des concurrents, ou de plaire aux clients, en se prévalent d'un ancrage dans une réalité authentique d'existence, tout en demeurant des machines à désosser l'existence.

Claude Bourrinet

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