Halte à la dictature sanitaire !
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P. J. Proudhon, toujours aussi actuel !
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« tu ne te rassembleras pas ; tu n’imprimeras pas ; tu ne liras pas ; tu respecteras tes représentants et tes fonctionnaires, que le sort du scrutin ou le plaisir de l’État t’aura donnés ; tu obéiras aux lois que leur sagesse t’aura faite ; tu payeras fidèlement le budget ; et tu aimeras le gouvernement, ton seigneur et ton dieu, de toute ton âme, de tout ton cœur, de toute ton intelligence : parce que le gouvernement sait mieux que toi ce que tu es, ce que tu vaux, ce qui te convient, et qu’il a le pouvoir de châtier ceux qui désobéissent à ses commandements, comme de récompenser jusqu’à la quatrième génération ceux qui lui sont agréables. »
Proudhon – idée générale de la révolution au XIXe siècle – 1851
Un cousin du Père Noël, le bon saint Nicolas
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Depuis des siècles, dans bien des communes du nord de la France et du bassin rhénan, les enfants s'endorment, le soir du 5 décembre, dans l'attente d'une visite merveilleuse, celle du bon saint Nicolas qui vient apporter aux plus sages cadeaux et friandises, juste récompense d'une année de travail et d'obéissance. L'ancienneté et la vitalité de cette fête bon enfant et souriante traduisent bien la dimension fondamentalement populaire d'une des figures clés du folklore européen.
Protecteur des enfants, mais aussi des prisonniers, des marins, des passeurs de gué, et plus généralement des pauvres et des déshérités de toutes sortes, saint Nicolas s'est à l'évidence imposé dans l'Occident médiéval comme le «saint à tout faire» d'un petit peuple humble et confiant, attaché à ses croyances traditionnelles. Le chemin paraît long, qui va faire d'un obscur prélat oriental du bas Empire mort au IVe siècle la première ébauche du Père Noël, celui qui, pour des millions de Lorrains, de Flamands ou d'Allemands, vient tous les ans trouer la longue nuit d'hiver d'un instant privilégié de féerie et d'abondance.
Ce saint si familier à la sensibilité collective est presque un inconnu. Les auteurs s'accordent pour le faire naître vers 270 à Patare, en Lycie, province d'Asie Mineure de l'Empire romain, et pour admettre qu'il fut nommé plus tard évêque de Myre. Fort actif dans la lutte contre le paganisme, il passe pour avoir pris part au concile de Nicée, qui devait proclamer le dogme de la Sainte Trinité, ce qui explique, sans doute, que le chiffre trois revienne si fréquemment dans les miracles qui lui sont attribués. Après sa mort, son culte se répand en Orient où Nicolas connaît une fortune singulière, devenant plus tard l'un des saints patrons de la Russie. Il faut attendre le temps des croisades pour qu'il soit introduit en Occident : en 1087, les reliques de l’évêque de Myre sont transférées à Bari. Les circuits commerciaux vont faire le reste. Son culte va peu à peu gagner la Lorraine - où l'on édifie en son honneur à Saint-Nicolas-de-Port une prestigieuse basilique - et, de là, atteindre les diverses régions de l'ancienne Lotharingie.
Le chiffre trois
Nicolas s'impose à l'opinion par de nombreux miracles. Dès sa plus tendre enfance, il avait habitué son entourage à de menus prodiges : le jour même de sa naissance, il s'était dressé sur ses pieds et était demeuré debout trois heures durant. Devenu évêque, il va donner la pleine mesure de ses pouvoirs. Son action la plus célèbre, celle qui domine sans conteste l'iconographie traditionnelle, c'est la visite en songe qu'il fit à un empereur romain et qui détermina la libération de trois officiers injustement condamnés. Cet exploit, suivi de bien d'autres, va faire de lui le patron des prisonniers. La même volonté d'assistance aux personnes en danger le conduit sans doute à secourir le navigateur en péril. Joinville nous rapporte que Saint Louis lui-même échappa à un naufrage après que la reine, sa femme, eut imploré saint Nicolas et fait le vœu de lui offrir une nef en argent.
L'évêque de Myre ne borne pas là ses bienfaits. Il s'intéresse encore à l'avenir des jeunes filles. Un père de famille ruiné songeait à prostituer ses trois filles. Saint Nicolas déposa nuitamment au logis des malheureuses trois bourses d'or destinées à leur éviter un sort infâme. C'est bien, au reste, sous les traits du saint donateur ou du père nourricier qu'il se fixe et se popularise : pour lutter contre la famine qui sévissait dans son diocèse, il apparut en songe à un marchand, lui enjoignit de conduire son navire à Myre et lui fit l'avance de trois pièces d'or sur ses gains futurs.
Pour transformer le héros bienfaiteur en cousin du Père Noël, il fallait aussi que le saint éprouvât une prédilection particulière pour les enfants. Les exemples d'une telle prédilection ne font pas défaut ; on peut même dire qu'avec le bon saint Nicolas les enfants reviennent de loin ! Dans l'excellent ouvrage qu'elle a consacré à cette haute et puissante figure, Colette Méchin nous conte une succession de faits divers particulièrement tragiques que vient heureusement clore l'intervention réparatrice du saint. Ainsi, jour de fête, celle de saint Nicolas bien entendu, un enfant vient à être étranglé par le diable. L'affliction des parents ne les empêche pas de poursuivre les festivités comme si de rien n'était. Déguisé en pèlerin, saint Nicolas frappe à la porte, demande à dîner, se fait servir dans la pièce où repose l'enfant et bientôt le ressuscite.
La plupart de ses miracles sont bâtis sur un scénario semblable : vole, disparu, bouilli, dépecé, le plus souvent à l'occasion d'événements liés à la vie du saint ou à son culte, l'enfant est rendu à la vie ou à ses parents par une intervention miraculeuse de saint Nicolas. L'archétype de ces aventures demeure consigné dans la célèbre ballade qui conte l'histoire horrible et édifiante de trois petits enfants «mis au saloir comme pourceaux» par un boucher manifestement mal intentionné, avant d'être ressuscites, sept ans plus tard, par le «grand saint Nicolas».
On observera que cette dernière histoire - où se pressent, au reste, l'ambiguïté fondamentale de Nicolas, mi- ogre, mi- sauveur, dans ses rapports avec les enfants - n'a été que fort tardivement acceptée par l'Église. Il faut attendre le XIIe siècle pour qu'il en soit fait mention dans un sermon de saint Bonaventure. L'intégration lente et difficile à l'hagiographie officielle de cette légende singulière en atteste l'origine populaire et souligne à quel point le culte de saint Nicolas plonge ses racines dans un fort ancien folklore, souvent étranger au christianisme. L'étonnante fortune de Nicolas en Occident tient peut-être tout entière dans cette synthèse réussie de l'orthodoxie religieuse et d'un rituel de festivités et de célébrations surgi d'un fonds plus ancien, et vraisemblablement lié au cycle des saisons.
Père nourricier, saint Nicolas assume manifestement certaines des fonctions dévolues par les anciennes religions aux divinités de l'abondance. En Lorraine et en Allemagne, on avait pris coutume de le fêter dans les premiers jours de mai ou le lundi de Pentecôte, et de promener à travers les villages un mannequin le représentant, constitué d'épis de blé tressés ensemble : on sent bien ici que les célébrations antiques de la fécondité printanière ne sont pas loin. Par un paradoxe qui n'est qu'apparent, c'est toutefois au seuil de l'hiver, en ce mois de décembre sombre et disgracié, que va dans toute l'Europe septentrionale se fixer définitivement la fête de cette figure d'abondance. De toute antiquité, la période qui entoure le solstice d'hiver - de la Toussaint à l'Epiphanie dans le calendrier liturgique chrétien - est vouée à une vie sociale intense et fortement caractérisée, où se mêlent la tradition du recueillement et le goût de la saturnale. C'est le temps des premières neiges, où la nature parait stérile, où le travail des champs est impossible et où le loisir forcé contraint d'un même mouvement une humanité ancienne à se souvenir et à se distraire. C'est le temps des grandes frayeurs nocturnes et des longues veillées au coin du feu, vouées à la méditation sur les morts et à la préparation de la vie, aux conciliabules entre commères et aux mariages négociés. C'est le temps du cochon mis à mort, sacrifice équivoque qui donne, simultanément, lieu à une débauche insolite de chair fraîche - certaines parties de l'animal devant être consommées immédiatement - et à la mise en conserve précautionneuse des instruments de la survie.
Voyageur opiniâtre et indestructible
Saint Nicolas, voyageur opiniâtre qui chemine, indestructible, par les routes enneigées, est à bien des égards le héros positif de cette saison difficile. Hôte de la nuit, visiteur des songes, pèlerin rosé et blanc surgi d'une campagne glacée, n'apparaît-il pas d'abord comme le contrepoint salutaire aux menaces et aux rigueurs de l'hiver ? Tout l'appareil de signes qui l'entoure fait moins de saint Nicolas le symbole d'une abondance triomphante que le garant d'une fécondité prochaine, le protecteur des gestations secrètes et des germinations invisibles. Sous une nature endormie, il voit et fait voir les promesses du printemps futur, et s'il choisit l'enfance, c'est qu'il distingue en elle le gage de l'humanité à venir. Equivalent masculin de sainte Catherine, il protège les jeunes gens à marier, évidents dépositaires du lendemain. Tout en lui parle non pas d'une vitalité débordante mais d'une survie patiemment assurée par le travail et l'effort. Ses libéralités elles-mêmes - fruits secs, pain d'épice, biscuits inaltérables - relèvent de l'espèce des biens durables et permettent une consommation différée. Cet intercesseur privilégié des voyageurs, des marins et des passeurs de gué est, avant tout, celui qui permet au peuple souffrant et démuni d'échapper au désastre de l'hiver et de joindre sans encombre les deux bouts de l'année.
L'ogre tapi au cœur des forêts médiévales
Ses origines païennes projettent, toutefois, sur cette figure tutélaire une ombre un peu inquiétante. Le geste de saint Nicolas fait assurément de l'évêque de Myre l'héritier assagi et récupéré de l'ogre tapi au cœur de la forêt médiévale. La plupart de ses légendes intéressant les enfants portent la trace d'un pouvoir malfaisant et d'une volonté cannibale, qui ne sont victorieusement combattus que par un miracle inespéré mais tardif du bon saint. Tout se passe comme si l'inconscient collectif avait, tout à la fois, voulu avec saint Nicolas préserver la trame originelle et abolir la portée maléfique d'un effrayant et fort ancien folklore. Rares en effet sont les histoires où la responsabilité personnelle de Nicolas n'est pas directement ou indirectement engagée dans le malheur qui frappe une innocente victime, et bien souvent l'intervention salutaire qui clôt heureusement le drame n'est que la contrepartie nécessaire de cette responsabilité initiale.
Quand le saint n'est pas lui-même en cause, le criminel n'est pas loin de figurer une sorte de double maléfique du bon Nicolas : on pourrait par exemple s'étonner de l'aisance avec laquelle dans la ballade, il est pardonné au boucher meurtrier si l'on ne s'avisait pas dans le même temps que l'attitude du saint n'était pas elle-même sans équivoque, lui qui demande avec insistance à son hôte du «petit salé qu'y a sept ans qu'est dans l'saloir !» Catherine Lepagnol, dans ses Biographies du Père Noël, nous rappelle à propos que «petit salé» a longtemps signifié dans le langage populaire «petit enfant» et que la sensibilité moderne a du reste conservé l'analogie en continuant de qualifier de «lardons» les petits des hommes. Coïncidant avec le sacrifice annuel du cochon, la fête de saint Nicolas est aussi celle d'un tabou alimentaire solennellement transgressé, la fête de la «chair fraîche», une fois seulement, mais une fois quand même, consommée dans l'année.
Père Fouettard et Valet noir
La fête du 6 décembre porte la marque de cette redoutable ambivalence. A la différence du Père Noël, dont la bienveillance universelle est sans nuages, Nicolas n'arrive pas seul au logis des «têtes blondes». Assis sur un âne, lui-même chargé de présents, le bon vieillard est accompagné d'un personnage inquiétant aux noms variés - Père Fouettard en Lorraine, dans le Jura et dans le nord de la France, Valet noir vêtu à l'espagnole (Zwarte Piet) dans la Flandre néerlandaise, Hans Trapp en Alsace, Krampuss en Allemagne - dont la redoutable mission est d'emporter dans sa hotte ceux des enfants qui n'auraient pas satisfait par leurs réponses aux attentes du saint. Le bon évêque est un justicier autant qu'un donateur, et sa venue est attendue dans la fièvre. En Lorraine, au début de ce siècle (xxe), ainsi que le rapporte Arnold Van Gennep, «les enfants se préparaient longtemps à l'avance à cette visite. Ils marquaient sur une baguette chacune des prières qu'ils récitaient par une encoche, et chaque dizaine par une croix.
Saint Nicolas exigeait la baguette : qui avait bien prié était récompensé. Si un enfant avait fait trop de marques, les parents noircissaient la baguette par endroits pour que le saint sache à quoi s'en tenir. Et si un enfant prétendait que Nicolas n'existait pas, celui-ci le prenait et le mettait sur son âne».
La fête toutefois ne se terminait pas là pour autant et les pratiques du saint s'entouraient, une fois la nuit tombée, d'un mystère propre à enchanter les imaginations enfantines. Avant d'aller se coucher, les enfants déposaient près de l'âtre - cœur de la maison, lieu privilégié où s'organisaient les veillées et où brûlait, le soir de Noël, la grosse bûche dont les cendres servaient à protéger le logis contre la foudre - leurs sabots bien astiqués pour la circonstance. Il fallait veiller également à laisser un peu de foin ou quelques carottes pour l'âne ainsi qu'un verre de vin qui devait permettre au saint de se réchauffer. En échange de ces victuailles, saint Nicolas donnait aux enfants sages des friandises puis, à partir de la fin du XVIe siècle, de véritables cadeaux, mais il réservait aux autres, outre la crainte d'être enlevés à l'affection de leurs parents, les verges ou l'offrande dérisoire et humiliante d'un simple morceau de charbon. La fortune de saint Nicolas a décliné pourtant depuis le XIXe siècle. La Réforme, qui affecta puissamment les régions d'Europe où on le vénérait, lui avait déjà porté un rude coup, comme à tous les intercesseurs. Et, dans les régions protestantes, le relais de cette générosité programmée avait été repris par l'Enfant Jésus lui-même. Au XXe siècle, le Père Noël va s'assurer, sur son cousin et concurrent, un avantage décisif. Personnage tout ensemble merveilleux et sécularisé, le Père Noël a en effet sur son rival le grand mérite d'être étranger aux querelles de dogme et de représenter une figure œcuménique capable de tisser entre les nations unies un lien sentimental difficilement récusable. On peut, de plus, penser que ce bienfaiteur bénin, qui a de longue date renoncé à figurer les vertus répressives de la justice et du châtiment, répond davantage que le sévère évêque de Myre à la sensibilité d'une époque réputée permissive, qui, en tout état de cause, s'accommode de plus en plus mal d'un dieu justicier, et cherche à s'affranchir des craintes de l'enfer et du purgatoire.
Angeline Bourlanges
Sources : histoire magazine – N° 12, 1980.
I-Média n°321 – USA : chaos, fraude et propagande
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Fraude électorale aux USA - une analyse mesurée
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Ceux qui savaient mourir : les samouraï
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«Le vrai courage consiste à vivre quand il est juste de vivre, à mourir quand il est juste de mourir» déclare le premier article du Code du samouraï. L'histoire des samouraï remonte bien loin dans le temps, à l'époque guerrière où ils étaient les gardes des grands féodaux. Et déjà leur vie était réglée par le très strict bushido. Qu'en est-il dans le Japon aujourd’hui? Existe-t-il des samouraï des temps modernes ?
Il arrive qu'en Inde, au cours d'une conversation, on découvre que l'interlocuteur appartient à la plus haute des castes : celle des brahmanes, ou qu'en France, la carte de visite gravée, au nom assorti d'une particule, d'un banquier ou d'un haut fonctionnaire trahisse, ou plutôt proclame, sa naissance dans la noblesse. Au Japon, il est infiniment plus difficile d'identifier le samouraï ; dans la mesure où l'on se trouve devant cet insoluble dilemme : a-t-il totalement disparu, ou bien tous les Japonais sont-ils devenus des samouraï ?
En observant le comportement individuel et collectif des Nippons au cours des trente-cinq dernières années, on est tenté de répondre par la seconde hypothèse, tant, chez ce peuple, la tradition nationale est inséparable de la règle de vie. Si chacun se plie aux rites de la tradition, on pourrait dire que le samouraï des temps modernes, de la fin du XXe siècle, est le Japonais qui s'impose le plus haut Giri. Le Giri, c'est la notion de devoir, de droiture, le code moral. Chaque classe de la population a son Giri, qui codifie l'honneur personnel de chacun. Plus on s'élève dans la hiérarchie sociale, dominée par la classe des samouraï, et plus le Giri est exigeant. Dans ces conditions, tout homme de l'empire du Soleil-Levant peut accéder à la «qualité» de samouraï, pour peu qu'il en ait le courage, la constance, la force morale. Tout homme peut ainsi recueillir, à sa façon, une part de l'héritage de l'une des chevaleries les plus fascinantes du monde. Mais le samouraï ne peut se comprendre qu'au prix d'un bref rappel de son évolution historique.
Comme l'Europe, le Japon a son époque médiévale. Elle dure jusqu'à l'aube du XVIIIe siècle et elle est marquée par des guerres incessantes : contre les Aïnou, ou barbares du Nord, auxquels les seigneurs japonais arrachent la partie septentrionale de l'archipel ; entre eux, par la suite, afin de s'assurer la primauté sur leurs voisins. A ce compte, et comme en Europe, la société japonaise est dominée par la classe sociale qui détient et exerce la force, celle des militaires. Les grands féodaux, ou daïmio, se partagent le pouvoir, appuyés sur leur «clientèle» militaire, leurs vassaux, les samouraï, littéralement les «gardes».
S'ils sont bien loin de nos soudards occidentaux, s'ils sont soumis à une discipline et à une éthique conformes au tempérament du peuple japonais, les samouraï, tout en observant une sorte de code particulier, le bushido (de bushi, guerrier, et de do, voie ou morale), n'en vivent pas moins du produit de leur industrie, c'est-à-dire du partage des dépouilles de l'ennemi.
En 1603, Tokugawa leyasu devient sei-i-tai-shogun, c'est-à-dire dictateur militaire et établit sa capitale à Edo, qui donne son nom à l'époque qui se prolonge jusqu'à 1868. Mais en apportant au Japon l'unité nationale et la paix intérieure, il met, par voie de conséquence, la caste des samouraï au chômage. Et la réaction est étrange. Certains samouraï se reconvertissent dans l'agriculture, le commerce, l'armement maritime. D'autres demeurent des rônin, ou samouraï sans emploi. La majorité d'entre eux deviennent fonctionnaires, mais tous marquent la détermination de conserver l'esprit de leur caste, et c'est l'apparition du bushido réformé, sorte de philosophie née à la fois du shinto, du bouddhisme et du zen, à l'égard de laquelle le samouraï se montre d'autant plus sourcilleux qu'il sent bien que la paix et le désœuvrement, du point de vue militaire, le menacent d'un laxisme destructeur.
A quel moment est-il juste de mourir ?
Le bushido, ou Giri du samouraï, est inséparable de l'idée de mort, dans la mesure où elle est l'accomplissement de la vie. Le samouraï doit protéger sa vie - et celle des autres - tant qu'elle est utile, et se préparer à mourir à tout moment. Le premier article du code du samouraï tel que le rappelle Michel Random, déclare que «le vrai courage consiste à vivre quand il est juste de vivre, à mourir quand il est juste de mourir».
Mais le vrai courage consiste aussi à décider de l'instant où il est juste de mourir, et à pratiquer le sheppuku, que le langage populaire appelle aussi hara-kiri. Il consiste pour le samouraï, au terme d'un rituel compliqué, à s'ouvrir le ventre à l'aide du plus petit de ses deux sabres, le wakizashi, tandis que derrière lui se tient son meilleur ami, armé du second sabre, le katana, prêt à lui trancher la tête sitôt le geste fatal accompli.
Mais à quel moment cesse-t-il d'être juste de vivre ? Par exemple, lorsque le maître auquel on a voué sa vie n'est plus. La mort d'un grand daïmio est généralement suivie du suicide de certains de ses samouraï, devenus rônin (sans emploi) et rien n'est plus émouvant que l'histoire des quarante-sept rônin, une des chansons de geste les plus populaires du Japon. Elle remonte à 1701. Cette année-là, le shogoun Tokugawa Tsunayoshi avait condamné à mort un de ses grands daïmio, Asano Naganori, coupable d'avoir blessé au cours d'une altercation le maître du protocole shogounal, Kira Yoshihisa. Asano était alors âgé de trente-six ans. Il écrivit un poème d'adieu et, sans broncher, se fit hara-kiri.
Il laissait, outre une famille éplorée, des guerriers désormais sans suzerain. L'un d'eux, Oishi Kuranosuke, décida de venger le maître défunt et réunit dans ce but quarante-six camarades également déterminés. Mais Kira, le responsable de la mort d'Asano, se méfiait. Dans sa position de maître du protocole, il faisait surveiller étroitement les rônin de son ennemi. Ceux-là, pour donner le change, se mirent à mener joyeuse vie, à s'enivrer, à fréquenter les geishas, et à se conduire comme des gens qui ne se souciaient nullement du souvenir de leur maître.
La vigilance de Kira enfin endormie, ils attaquèrent tous ensemble sa demeure, l'occirent, le décapitèrent, et s'en furent déposer sa tête, enveloppée dans un linge blanc, dans le temple de Sengakuji, où était enseveli Asano, y joignant le sabre qui l'avait tranchée et une lettre exposant leur action. Là-dessus, ils se constituèrent prisonniers.
Bien qu'admirant leur fidélité, le shogoun ne pouvait qu'appliquer la loi et les condamner au sheppuku, que les quarante-sept rônin pratiquèrent tous ensemble et sans faiblesse. Ils furent inhumés à côté de leur maître et ont pris place parmi les héros les plus vénérés du Japon. Leurs tombes, de nos jours, sont toujours fleuries. Ils ont inspiré d'innombrables poèmes, chansons, et pièces de théâtre.
Hara-kiri en 1972
Le sheppuku est également une façon de protester ou de partager le poids d'une faute. Des samouraï le pratiquaient pour reprocher à leur maître une injustice. De nombreux notables se sont immolés en 1945, lors de la reddition du Japon, devant le palais impérial et, plus près de nous, ainsi que la presse l'a largement diffusé, l'écrivain Mishima Yukio s'ouvrait le ventre en 1972 pour protester contre l'évolution de son pays.
Selon le bushido ancien, le guerrier n'était rien d'autre qu'un combattant qui consacrait sa vie à son entraînement militaire. Dans le bushido réformé, qui laissait plus de loisirs au samouraï, l’art militaire s'imprégnait de symbolisme et d'esthétique, et la culture devenait un des éléments déterminants de sa formation. «Un samouraï qui ne serait que fort n'est pas admissible», précise le code. «Sans parler de la nécessité des études scientifiques, il faut qu'il profite de ses loisirs pour s'exercer à la poésie et comprendre la cérémonie du thé.»
Ainsi, pendant la période d'Edo, les samouraï s'imposent-ils comme les leaders de la société japonaise, au point qu'en 1868, ce sont eux qui prennent la tête de la révolution Meiji parce qu'ils prennent conscience du fait que le Japon est condamné, s'il reste à l'écart de l'évolution politique et industrielle du monde occidental. C'est en quelque sorte la nuit du 4 août, l'abolition des privilèges et le sheppuku de leur caste. En 1874, ils renoncent à se raser le devant de la tête et à ramener en chignon sur le dessus du crâne le reste de leur chevelure. En 1876, ils acceptent l'interdiction du port de leurs deux sabres, insignes de leur rang. Mais paradoxalement, le bushido se répand dans le peuple tout entier avec le service militaire obligatoire qui fait de chaque citoyen un soldat, puis un ancien soldat, affilié à une association régimentaire. Et rien ne l'exprime mieux que le sacrifice des kamikazes, à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le bushido moderne est plus vivant que jamais. On peut dire qu'il a pris un essor mondial avec les arts martiaux que pratiquent un grand nombre d'Occidentaux. Mais ces derniers, s'ils parviennent à une perfection technique qui a permis à un Français de devenir champion du monde de judo en battant ses adversaires japonais, ne peuvent sans doute pas accéder, sauf très rares exceptions, à l'esprit dans lequel on les pratique dans l'archipel. Michel Random, grand spécialiste de ces questions, cite les pensées du maître Anzawa, grand maître de la «voie» du tir à l'arc : «Le tir doit revêtir une forme sage et profonde, grande et suprême. L'expression naturelle de soi-même par le tir doit être la réalisation de l'unité des trois principes : le vrai, le bien, le beau. Si vous voulez vivre dans l'accord du ciel et de la terre, qui est la voie du tir, ne cherchez pas à atteindre le but. Ne recherchez pas le plaisir du but. Prenez le chemin de l'union entre l'âme et le corps. »
Remonter le temps
A la fin du siècle dernier, afin de marquer la détermination du Japon d'entrer dans le concert des nations modernes, l'enseignement et la pratique du bushido étaient interdits et les contrevenants frappés de lourdes peines. Pour le Nippon d'aujourd'hui, c'est au contraire un moyen de revenir aux sources, de retenir son identité dans le grand tourbillon nivellateur du progrès technologique et de la société de consommation. De même qu'il abandonne, en rentrant chez lui, ses vêtements occidentaux pour revêtir le confortable kimono, il lui arrive de remonter le temps, et de retrouver, sous la direction de maîtres à la sagesse universellement reconnue, les gestes traditionnels des samouraï de jadis.
Pour certains, il ne s'agit sans doute que de la pratique d'un sport national. Pour un plus petit nombre, c'est une recherche exigeante de l'esprit ancestral. Ainsi se reconstitue la hiérarchie du Giri. Au sommet, il imprègne la vie tout entière, donnant un sens à chacun des gestes quotidiens. Et lorsqu'un ingénieur, ou un médecin, revêt l'équipement de l'archer à cheval, la robe marron du tireur de sabre, ou encore la cuirasse et le masque du kendo, cet art du bâton, il ne s'agit nullement d'une manifestation purement folklorique. C'est l'expression physique, extérieure, de son entraînement, l'autre aspect, le plus important, se situant dans la méditation qui transcende ses jours et lui donne cette maîtrise de soi qui était celle du vrai samouraï, lui conférant l'ascendant reconnu et accepté de sa caste sur les autres.
L'histoire du samouraï et des quatre mouches illustre cette situation. Un samouraï s'est arrêté pour se restaurer dans une auberge et autour de son assiette, volent quatre mouches qui l'importunent. Mais le samouraï ne semble pas les voir et dîne en silence. Arrivent trois rônin, en quête de quelque mauvais coup. Le samouraï est richement équipé. Il est seul contre trois. Il suffit de le provoquer en duel et de le tuer pour le dépouiller. Les trois hommes multiplient à haute voix les allusions malsonnantes sans provoquer la moindre réaction. Ils passent alors aux insultes et aux quolibets, mais, admirablement maître de soi, le samouraï ne semble même pas s'aviser de leur présence. Les trois rônin vont alors passer aux actes, lorsque leur victime désignée, ayant terminé son repas, pose tranquillement ses baguettes et, en quatre gestes rapides comme l'éclair, attrape au vol les quatre mouches et les dépose délicatement dans son écuelle, avant de se lever.
Alors, les trois malfaiteurs, ayant mesuré non seulement le sang-froid du samouraï mais aussi la maîtrise de ses mouvements, prennent la fuite sans plus insister.
Pour l'esprit occidental, la spiritualité nippone est difficilement accessible. Elle conditionne étroitement le comportement d'un être qui, individuellement, nous fascine, et collectivement nous inquiète. Le Japonais d'aujourd'hui est l'héritier, et le produit, de quinze siècles d'une civilisation originale et fermée, puisque le Japon moderne n'a que tout juste cent ans. Le bushido des samouraï a joué un rôle essentiel dans la formation de sa personnalité. Malgré les objectifs ambitieux que la nation s'est assignée pour la fin du siècle en matière de croissance industrielle, le samouraï de l'époque Édo continuera sans doute de vivre au plus profond d'elle-même et de lui fixer le cadre précis et immuable de son développement.
Jérôme Brisset
Sources : Histoire magazine – N° 13, 1981.
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