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Les fameuses pierres levées de Carnac n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Mais grâce à une étude inédite menée au Plasker, une section récemment fouillée, les archéologues peuvent enfin dater et comprendre une partie de ces mystérieux alignements.
On ne saurait presque plus dire ce qui est le plus ancien : l’existence même des alignements de Carnac ou leur candidature au patrimoine mondial de l’Unesco. Bon, en réalité, on le sait très bien - pardon pour la mauvaise foi. Le dossier d’inscription a été déposé en… 1996. Et après près de trente ans d’attente, ces célèbres pierres bretonnes pourraient enfin décrocher leur label Unesco : la décision est attendue pour le 12 juillet prochain. Hasard du calendrier, une étude scientifique publiée tout récemment lève en partie le voile sur l’origine et l’histoire méconnue d’un pan oublié de ce vaste site mégalithique. De quoi peut-être faire pencher la balance. Les alignements de Carnac, composés de plus de 3 000 menhirs répartis sur 10 km, figurent parmi les ensembles mégalithiques les plus impressionnants d’Europe. Et des plus mystérieux.
Mais leur datation précise restait incertaine, notamment à cause des sols acides du Morbihan qui empêchent la bonne conservation des matériaux organiques. Grâce aux récentes fouilles du site du Plasker à Plouharnel, menées par Archeodunum et l’Université de Göteborg, une chronologie claire émerge enfin. « Les alignements de la région de Carnac semblent désormais figurer parmi les plus anciens monuments mégalithiques d'Europe, cette section ayant été construite entre 4600 et 4300 avant J.-C. Nous avons également confirmé que le Golfe du Morbihan est la plus ancienne région mégalithique d'Europe », déclare dans un communiqué l’archéologue Bettina Schulz Paulsson de l'Université de Göteborg, et est l'une des chercheuses à l'origine d'une nouvelle étude publiée dans Antiquity.
Un cimetière sur une cabane préhistorique
Avant même l’élévation des menhirs, le site a connu une occupation au Mésolithique, avec ce qui semble être une hutte entourée de fossés. Puis, vers 4700 av. J.-C., une tombe monumentale a été construite à cet endroit stratégique, sur une crête dominant la mer. Cette ciste quadrangulaire en pierre sèche, recouverte d’un tertre, constitue l’un des plus anciens monuments funéraires de la région. Les analyses ont révélé que cette tombe, désormais vidée de ses ossements par le temps, était entourée de monolithes bruts soigneusement disposés. L’ensemble évoque une volonté de recréer un paysage rocheux naturel, transformant un lieu de mémoire en repère visuel dans un espace côtier ouvert.
« Une précision chronologique sans précédent »
« Grâce à près de 50 datations au radiocarbone et à l’application de la modélisation statistique bayésienne, nous avons pu reconstituer l’histoire du site avec une précision chronologique sans précédent », précise Schulz Paulsson, co-auteur de l'étude. Après la tombe, des rangées de menhirs ont été dressées progressivement, alignées nord-sud. Si les pierres ont disparu, leurs fosses de fondation et les blocs de calage sont encore en place. Fait remarquable : certaines de ces fosses sont associées à des foyers en pierre calcinée, suggérant que les alignements étaient accompagnés d’activités liées au feu. Ces foyers, placés à proximité des menhirs voire alignés avec eux, pourraient avoir servi à cuisiner ou éclairer les pierres lors de cérémonies collectives.
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Un morceau manquant du puzzle de Carnac
Ce nouveau site, inconnu jusqu’alors, complète la mosaïque des alignements de Carnac et renforce l’idée d’un chantier monumental évolutif, étalé sur trois siècles. On sait désormais que Le Plasker faisait partie intégrante de cet immense projet architectural, et qu’il combinait structures funéraires, pierres dressées et fosses de cuisson, révélant une intense occupation rituelle du lieu. Alors que l’Unesco doit rendre sa décision le 12 juillet prochain, cette découverte tombe à point nommé. La candidature de Carnac au patrimoine mondial pourrait être renforcée par ces nouvelles données scientifiques. Reste à espérer que ce trésor archéologique ne devienne pas un simple « Menhirland » touristique, à l'instar de son petit cousin outre-manche Stonehenge, comme le redoutent certains habitants du Morbihan.
Rémi Capra-Brocard - Ça m'intéresse - 30 juin 2025
Sources :
- EurekAlert - "Nouvel éclairage sur les alignements de pierre de la région de Carnac", 25 juin 2025
- Cambridge University Press - "Le Plasker à Plouharnel (Ve millénaire avant J.-C.)", 23 juin 2025