Dans un champ près de Ringsted, sur l'île danoise de Zealand, une découverte archéologique a récemment captivé l'attention des experts et amateurs d'histoire. Deux archéologues amateurs, équipés de détecteurs de métaux, ont mis au jour un petit portrait en bronze d'Alexandre le Grand, datant d'environ 200 de notre ère.
EN BREF
- Un portrait en bronze d'Alexandre le Grand a été découvert par Finn Ibsen et Lars Danielsen sur l'île danoise de Zealand, datant d'environ 200 de notre ère.
- L'artefact, mesurant 26 à 28 millimètres, pourrait avoir orné un équipement militaire romain, symbolisant le pouvoir et les échanges culturels entre l'Empire romain et le nord de l'Europe.
- Cette découverte illustre l'influence durable d'Alexandre le Grand et soulève des questions sur les interactions culturelles et les voies commerciales de l'époque.
La récente découverte d’un portrait en bronze d’Alexandre le Grand dans un champ de l’île danoise de Zealand met en lumière la portée de l’influence de cette figure historique, bien au-delà des frontières de son empire. Trouvée par deux archéologues amateurs équipés de détecteurs de métaux, cette pièce rare de 26 à 28 millimètres pourrait remonter à environ 200 de notre ère, une période marquée par des échanges culturels intenses entre les Romains et les peuples germaniques du nord de l’Europe.
Cette trouvaille soulève d’importantes questions sur les voies commerciales, les interactions culturelles et l’adoration des figures historiques dans les régions éloignées de leur origine.
Une découverte inattendue pour Alexandre le Grand
Finn Ibsen et Lars Danielsen, deux amateurs d’archéologie, parcourent habituellement les terrains de l’île de Zealand avec leurs détecteurs de métaux, dans l’espoir de retrouver des vestiges du passé. Leur passion pour l’histoire les a souvent menés à des découvertes intéressantes. Mais rien qui ne se rapproche de l’importance de leur trouvaille récente.
Un jour ordinaire, alors qu’ils exploraient un champ près de Ringsted, le détecteur de Finn a émis un signal fort. Il indiquait vraisemblablement la présence de métal sous la surface. Après avoir creusé, ils ont mis à jour un médaillon en bronze, petit en taille, mais lourd de significations.
Ce médaillon mesure entre 26 et 28 millimètres de diamètre, coulé dans un alliage de bronze contenant du plomb. Il porte une image frappante d’Alexandre le Grand, reconnaissable à ses cornes de bélier stylisées. Il s’agit d’un attribut associé au dieu Zeus Ammon que le conquérant macédonien avait adopté suite à sa visite à l’oracle de Siwa en Égypte.
L’ornement délicatement conçu suggère qu’il a pu servir de décoration sur un bouclier ou une ceinture. Ce qui est typique de l’équipement militaire romain de l’époque. L’artefact symbolise non seulement le pouvoir et le divin, mais reflète également les échanges culturels entre l’Empire romain et les régions nordiques durant la période de l’Antiquité tardive.
Cela illustre ainsi l’étendue de l’influence d’Alexandre bien après sa mort, sur les générations d’empereurs romains qui le considérèrent comme un modèle exemplaire.
Rappelons qu’Alexandre le Grand (356-323 avant notre ère) incarne le commandant militaire le plus illustre de l’Antiquité. À sa mort à Babylone, à seulement 32 ans, son empire couvrait des territoires allant de la Grèce jusqu’en Inde. Son héritage perdura bien au-delà de sa mort.
L’importance historique et culturelle du portrait d’Alexandre
Lorsque Freerk Oldenburger, un archéologue au Musée Vestsjælland, a examiné pour la première fois le portrait en bronze découvert par Finn Ibsen et Lars Danielsen, il n’a eu aucun doute sur l’identité du personnage représenté. Selon ses propres mots, le visage aux traits distinctifs avec des cornes de bélier était indéniablement celui d’Alexandre le Grand. Sa renommée transcendait les frontières de son empire antique.
Son image survivait dans des contextes géographiques éloignés de son règne originel. Oldenburger souligne l’importance de cette découverte dans un communiqué. « C’est une trouvaille unique en Scandinavie, qui relie cette région à l’une des personnalités les plus célèbres de l’histoire mondiale ».
Néanmoins, les archéologues avancent seulement des hypothèses sur la fonction de cet artefact. A-t-il été coulé par les Romains, utilisant le même alliage contenant du plomb pour fondre des statuettes ? A-t-il été coulé par les Romains à partir d’une statuette refondue ou la refusion a-t-elle eu lieu en Zélande ?
Si le support a été coulé par les Romains, comment a-t-il fini dans un champ près de Ringsted ? Quelle était la signification du portrait d’Alexandre le Grand pour les Allemands qui vivaient au Danemark vers l’an 200 ? Pensaient-ils que le portrait pouvait porter chance sur le champ de bataille ?
Oldenburger a également exploré des hypothèses sur la manière dont un tel objet a pu arriver en Scandinavie. Il propose potentiellement à travers des réseaux de commerce ou par l’intermédiaire de guerriers ou de marchands qui traversaient l’Empire. Ces échanges auraient facilité l’intégration d’objets romains dans les pratiques rituelles et sociales des peuples nordiques.
Les implications archéologiques évidentes
Ce portrait offre un aperçu précieux des pratiques culturelles et religieuses de l’époque romaine, en particulier sous le règne de Caracalla. On connait cet empereur romain pour son admiration profonde et quelque peu obsessionnelle pour Alexandre le Grand. Caracalla cherchait à émuler et à revendiquer l’héritage du célèbre conquérant macédonien.
Cette admiration s’étendait au-delà des simples affaires de l’État pour influencer les aspects culturels et spirituels de son règne. Comme en témoigne d’ailleurs la présence de ces artefacts.
« Les objets comme ce portrait en bronze fonctionnaient peut-être comme des amulettes ou des symboles de pouvoir, adoptés par les élites locales pour affirmer leur autorité », a expliqué Oldenburger. Ceci révèle ainsi les dynamiques de pouvoir et d’identité influencées par l’iconographie impériale romaine. Le portrait devait canaliser les qualités du grand empereur vers celui qui le possédait, insufflant une aura de divinité et de légitimité impériale.
Sous le règne de Caracalla, une grande bataille eut lieu à Illerup Ådal, près de Skanderborg, où deux armées germaniques s’affrontèrent. La bataille a coûté de nombreuses vies et les épées, arcs, flèches, lances et boucliers restants ont été offerts en sacrifice aux dieux et jetés dans un lac.
Des boucliers ornés de minuscules disques décoratifs représentant des portraits de guerriers ont été découverts lors des fouilles du lac. L’un de ces disques décoratifs porte un portrait d’Alexandre le Grand, identique au portrait de la monture nouvellement découverte à Ringsted. Le portrait d’Illerup se trouve exposé au musée Moesgård.
Ainsi, ce petit portrait en bronze agit comme une clé ouvrant sur des aspects beaucoup plus vastes de l’histoire antique, révélant comment les mythes et les héros transcendent les cultures et les époques.
LAURIE HENRY
Source : HTTPS://WWW.SCIENCE-ET-VIE.COM - 16 AVRIL 2024