Les récentes fouilles archéologiques menées à Casas del Turuñuelo, en Espagne, ont révélé une découverte fascinante : une plaque de schiste datant du VIe siècle av. J.-C. gravée de scènes de guerriers. Ce site tartessien, situé à Guareña, Badajoz, est un trésor d'informations sur une civilisation ancienne qui a prospéré dans le sud-ouest de la péninsule ibérique.
EN BREF
- Les récentes découvertes archéologiques au site de Casas del Turuñuelo en Espagne révèlent des aspects inédits de la culture tartessienne.
- Une plaque de schiste gravée, datant du VIe siècle avant notre ère, illustre des scènes de guerriers et des pratiques artisanales tartessiennes.
- Ces trouvailles enrichissent la compréhension de la société tartessienne, connue pour ses compétences en métallurgie et ses rituels complexes.
L’archéologie nous permet de découvrir des témoignages tangibles des sociétés anciennes et de reconstituer des aspects de la vie quotidienne, des structures sociales et des pratiques culturelles qui autrement resteraient inconnus. Le site de Casas del Turuñuelo, en Espagne, est une source inestimable d’informations sur la culture tartessienne. Il s’agit d’une des premières civilisations d’Europe occidentale. Dirigées par des chercheurs du Conseil supérieur de la recherche scientifique (CSIC) et de la Junta de Extremadura, les récentes découvertes dans ce site incluent une plaque de schiste gravée de scènes de guerriers datant du VIe siècle avant notre ère. Cette découverte, relayée dans un communiqué, offre de nouvelles perspectives sur les pratiques artisanales et les rituels de cette époque, améliorant la compréhension de la société tartessienne.
Le site de Casas del Turuñuelo en Espagne
Situé dans la région de Vegas Altas del Guadiana, près de l’embouchure du río Búrdalo, le site de Casas del Turuñuelo est un des plus importants sites archéologiques tartessiens. Les fouilles y ont débuté en 2015. Il présente un excellent état de conservation. Cela permet alors de documenter des techniques de construction et des solutions architecturales à cette époque en Ibérie.
En 2023, les archéologues avaient découvert l’emplacement de la porte est du bâtiment principal, au centre d’une façade monumentale de plus de trois mètres de haut. Elle donne accès à la salle des gradins. Ce bâtiment, scellé par ses habitants avant son abandon, a été retrouvé intact. Il offre donc une « photographie » précieuse de la vie quotidienne à Tartessos.
De plus, cette porte confirme l’accès principal au bâtiment à son extrémité est, qui conserve ses deux étages constructifs. La porte relie la salle en gradins à une grande cour pavée d’ardoise, devant laquelle se trouve un couloir pavé. Ce couloir sépare le corps principal du bâtiment d’un ensemble de pièces où de nombreux matériaux ont été récupérés.
Parmi les découvertes précédentes les plus marquantes, figure un massacre rituel d’animaux, incluant les squelettes de 52 chevaux, quatre vaches, quatre porcs et un chien. Cet événement, le plus grand sacrifice animalier documenté en Méditerranée occidentale, soulève alors des questions sur les pratiques rituelles et les crises potentielles ayant pu frapper cette société antique. Récemment, c’est une plaque de schiste qui concentre toute l’attention des archéologues. Sa découverte s’inscrit dans la sixième campagne de fouilles du bâtiment.
La plaque de schiste : un témoin unique
La plaque de schiste mesure environ 20 centimètres et est gravée des deux côtés. D’un côté, elle présente des motifs géométriques et des visages répétés. L’autre côté illustre une scène de combat impliquant quatre guerriers. Ces reliefs, datés du Ve siècle avant notre ère, sont particulièrement remarquables. Ils représentent des visages humains, une caractéristique jamais observée auparavant dans la culture tartessienne, traditionnellement considérée comme aniconique.
Or deux de ces reliefs dépeignent des figures féminines ornées de boucles d’oreilles sophistiquées, typiques de l’orfèvrerie tartessienne. Ils attestent du haut niveau de compétence en métallurgie de cette civilisation. Les trois autres reliefs, bien que fragmentaires, incluent un guerrier identifiable grâce à une partie de son casque préservé.
Les archéologues, dirigés par Esther Rodríguez González et Sebastián Celestino Pérez de l’Institut d’Archéologie de Mérida, estiment que cette plaque servait de modèle pour les artisans. Ils gravaient ces motifs sur des matériaux précieux tels que l’or, l’ivoire et le bois. Ce type de plaque, appelé « pizarra de orfebre », constituait un outil essentiel pour les artisans de l’époque en Espagne. Cette découverte exceptionnelle permet de mieux comprendre les méthodes de production artistique et artisanale à Tartessos. Une civilisation connue pour ses compétences en métallurgie et ses objets décoratifs élaborés. Les détails des vêtements, des armes et des coiffures des guerriers gravés sur la plaque dévoilent l’apparence et l’équipement militaire des Tartessiens. Ils enrichissent ainsi notre connaissance de cette société ancienne.
Artisans et production à Tartessos en Espagne
Les fouilles ont révélé que les pièces adjacentes à la porte est servaient de zone de production artisanale. Les archéologues y ont trouvé divers objets. Parmi eux, citons des céramiques miniatures, des outils en fer, des ivoires et des poids de métier à tisser. Ces découvertes indiquent une activité textile significative à Tartessos. Elle se trouve renforcée par la documentation de fragments de lin et de laine lors des campagnes précédentes. Ces textiles, uniques pour l’époque, témoignent de l’importance de la production artisanale dans cette civilisation.
Les céramiques retrouvées, ornées de décorations incisées, et les outils en fer démontrent des compétences artisanales avancées. Les ivoires et les poids de métier à tisser suggèrent également une production sophistiquée de biens. « Nos efforts se concentreront désormais sur l’étude de ces restes pour mieux comprendre les processus de production de la Première Âge du Fer dans cette région », précise Sebastián Celestino. L’exploration des zones de production le long du côté est du site et l’ouverture des pièces flanquant l’espace principal, encore bien conservées, permettront de définir plus précisément la fonctionnalité du bâtiment et les techniques utilisées par les artisans tartessiens.
Perspectives futures
Le projet « Construire Tartessos », financé par l’Agence nationale de la recherche en Espagne, a pour objectif principal de caractériser la culture matérielle tartessienne à travers l’analyse architecturale des grands bâtiments en adobe. Il s’inscrit dans le cadre du Plan national de R&D du Ministère de la Science, de l’Innovation et des Universités.
La prochaine campagne de fouilles se concentrera sur la délimitation des zones de production situées le long du côté est du site de Casas del Turuñuelo. Les archéologues prévoient d’ouvrir les pièces flanquant l’espace principal, qui ont été remarquablement bien conservées. Ces pièces fourniront certainement des informations précieuses sur la fonctionnalité du bâtiment et les techniques artisanales utilisées par les Tartessiens.
Sebastián Celestino explique alors que l’étude des artéfacts récupérés permettra d’approfondir la compréhension des processus de production de l’époque. En parallèle, les efforts se concentreront sur la documentation des techniques de construction et des solutions architecturales employées. Ils offriront ainsi une vision plus complète de l’organisation spatiale et fonctionnelle du site. Ce projet vise à intégrer l’architecture comme un élément clé pour comprendre le territoire. Il doit permettre aussi à appréhender la société tartessienne dans ses derniers moments.
LAURIE HENRY - HTTPS://WWW.SCIENCE-ET-VIE.COM - 10 JUIN 2024
Source : CSIC