Depuis plus de dix ans, le secteur de la ZAC Intercampus, au sud de la préfecture de la Somme, fait l’objet de fouilles archéologiques. La dernière phase de ce chantier a révélé trois nouveaux emplacements funéraires du IIe au Ier siècle avant J.-C., qui permettent d’en savoir plus sur les pratiques d’incinération à cette époque. Entretien avec Lydie Blondiau, responsable scientifique de ces fouilles.
Fouille d’une incinération. (Stéphane Lancelot, Inrap)
Historia - Dans quel cadre ces fouilles ont-elles eu lieu ?
Lydie Blondiau - Ces fouilles se sont déroulées préalablement à l’implantation d’un nouveau quartier dans le sud d’Amiens, dans la ZAC Intercampus. J’ai pu suivre ce chantier, dont nous avons récemment terminé la dernière phase d’intervention, pendant plus de dix ans. Des fouilles y avaient notamment été menées en 2010, 2018 et 2020.
Vue globale de la fouille de la ZAC Intercampus d'Amiens.Sébastien Hebert, Inrap
Nous y avions découvert une partie d’un habitat laténien – dont l’installation remonte au Ve siècle après J.-C.– entouré d’un fossé ainsi qu’une nécropole. Cette dernière phase de chantier nous a donc permis de faire la liaison entre ces deux zones, et d’avoir une vision globale du site sur plus de 10 hectares.
Qu’avez-vous découvert pendant cette dernière phase du chantier ?
Nous avons mis au jour trois nouveaux emplacements funéraires, tous différents et contenant certains éléments très rares. Ces trois secteurs se sont développés les uns après les autres, au cours des IIe et Ier siècles avant J.-C. Ils nous ont livré des informations qui vont nous permettre d’en savoir plus sur les pratiques funéraires de cette époque, toutes liées à l’incinération – la seule méthode en usage à cette période.
Le premier espace était disposé ainsi : de petites fosses entouraient une tombe plus importante. Cette dernière renfermait un chaudron en alliage cuivreux, accompagné de sa crémaillère en fer.
Le détail d'une incinération qui révèle chenets, chaudron en bronze, céramiques et offrandes animales.Bruno Untereiner Inrap
C’est un objet rare – dont nous connaissons moins d’une dizaine d’exemplaires dans la Somme – et un vrai marqueur aristocratique. Toujours sur ce premier secteur, mais dans une autre tombe, nous avons retrouvé un petit amas osseux, déposé directement dans un trou carré. À côté de cet amas, nous avons mis la main sur des vases, surélevés, qui servaient peut-être à caler les os. C’est une pratique que nous n’avions jamais observée auparavant.
Qu’ont révélé les deux autres emplacements funéraires ?
Dans le deuxième pôle, nous avons découvert la tombe d’une personne seule, entourée d’un fossé en « L ». C’est, là encore, signe qu’il s’agissait de quelqu’un doté d’un statut particulier. Cette tombe était coffrée et nous avons retrouvé les traces d’emplacement des planches. Nous avons également mis la main sur le couvercle, ainsi que sur les agrafes qui servaient à attacher les planches les unes aux autres, afin de fermer la fosse. Ce sont des vestiges exceptionnels, que l’on retrouve très rarement.
Enfin, la troisième zone contenait six tombes aristocratiques importantes. L’une d’elles a révélé un élément inédit en France : un petit coffret en bois déposé sur le défunt et dont le système de fermeture fonctionnait avec un anneau en bronze. À l’intérieur se trouvait un trousseau de toilette, contenant notamment un rasoir et une pince à épiler.
Un coffret en bois contenant un trousseau de toilette avec des charnières d’angles en bronze et un anneau de bronze servant à l’ouverture du couvercle.Bruno Untereiner, Inrap
Si nous retrouvons souvent des ustensiles de toilette sur des lieux d’incinération, nous n’avions en revanche jamais retrouvé le coffret en bois les contenant. Toutes ces découvertes amènent à se poser la question suivante : pourquoi les morts ont-ils été traités de trois façons différentes au sein de trois ensembles funéraires destinés à des personnes aisées, sur une période d’un siècle seulement ?
Avez-vous trouvé des vestiges plus récents ?
Nous avions déjà, lors des fouilles précédentes, identifié les vestiges d’un camp militaire de 1870, édifié lors du siège d’Amiens. Cette fois-ci, nous avons mis la main sur des fonds de cabanes de ce camp, de 2 m2 environ, qui étaient à l’époque recouverts de tentes. À leurs extrémités, nous avons retrouvé des petits foyers, qui servaient aussi bien à se chauffer qu’à réchauffer la nourriture. C’est l’un des seuls sites en France où nous avons mis en évidence une ligne de camp militaire qui s’étendait sur 300-400 mètres : cela apporte des données nouvelles sur une période qui fait très rarement l’objet de fouilles archéologiques.
Elise Neyret - 3 sept. 2024
Source : Historia