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Près de Seddiner See en Allemagne, la tombe royale découverte en 1899 était déjà considérée comme l'un des sites le plus importants de son époque, l'âge du bronze nordique, dans le nord de l'Europe centrale. Désormais, c'est au tour des maisons où vivaient les gens, directement aux côtés de leurs dirigeants – et dont la vie a été bouleversée par le changement climatique –, d'émerger de la terre.

En novembre 2023, des archéologues annonçaient avoir identifié de premières preuves d'un centre de pouvoir méconnu de l'âge du bronze nordique (2200 et 800 av. J.-C.) à Seddiner See, à 150 kilomètres au nord-ouest de Berlin (Allemagne). Notamment, une immense salle de réunion datée de 900 av. J.-C., qui pourrait avoir servi à des rassemblements "royaux". Aujourd'hui, les spécialistes ont décelé de nouveaux éléments étayant la théorie d'une ancienne communauté étonnamment densément peuplée en ces lieux, révèlent-ils au Guardian le 15 octobre 2024 : une « mer de maisons » sur une parcelle de terrain de 2 000 mètres carrés, des habitations qui auraient pu accueillir jusqu'à 300 personnes.

 

Au tumulus de Seddin, une colonie de l'âge du bronze

L'immense tumulus funéraire de Seddin (aujourd'hui Seddiner See) – ou « triple tombe » du roi Hinz (ou Heinz) – suscite, depuis sa découverte en 1899, un vif intérêt chez les passionnés d'histoire, les visiteurs de la région de Prignitz (Land de Brandebourg)… et évidemment, la communauté scientifique. Au fil des décennies, des fouilles archéologiques s'y sont tenues de manière intermittente. Mais les dernières en date, menées au cours de l'année par les équipes de l'université allemande Georg-August de Göttingen et de l'Office national de Brandebourg, se sont avérées particulièrement fructueuses.

Après une imposante structure millénaire, supposément employée pour des célébrations et des foires commerciales, ils ont mis au jour à quelques mètres, les traces d'au moins huit maisons dans le sol sablonneux. Une trouvaille qualifiée par le directeur des fouilles, l'archéologue Immo Heske, « d'extraordinaire », valant les mois de travaux sur le site isolé. D'après lui, les habitations sont de même orientation (axe ouest-est) et de même style que ceux de la salle de réunion « royale », ce qui pourrait suggérer qu'elles ont été construites à peu près à la même époque, autour du Xe siècle av. J.-C.

Les restes de souches de poteaux et de fours en argile cuite ont permis de retracer des plans sommaires de plusieurs bâtiments de formes et de tailles variées. Les chercheurs estiment que l'ancienne colonie permanente aurait pu abriter, sur deux siècles et une succession de monarques de l'âge du bronze, plusieurs centaines d'individus, des fermiers comme des marchands. « Il y avait ici des métallurgistes, des charpentiers, des femmes s'occupant du foyer, des agriculteurs et des éleveurs de bétail, développe auprès du Guardian Immo Heske. Les gens pouvaient espérer vivre jusqu'à 50 ou même 60 ans, et de nombreuses générations vivaient ensemble sous le même toit. »

 

Un carrefour commercial abandonné à l'âge du fer

Les habitants de l'ancien Seddin prospéraient en outre dans une période de grande expansion. « L’âge du bronze était une époque de communication pour obtenir les matières premières dont on avait besoin d'autres régions », continue-t-il. De par sa position géographique, le royaume de Prignitz devait être considéré comme un centre clé du commerce entre le nord et le sud. La fameuse salle à deux étages, grande de 30 mètres sur 10 – l'une des plus grandes structures jamais révélées pour l'âge du bronze nordique – aurait été l'endroit idéal pour se rassembler. « Dans le sud, ils auraient bu du vin, ici ils buvaient probablement de l’hydromel et discutaient affaires », imagine l'archéologue.

Dans le grand bâtiment, ils pouvaient jouir de la salle de banquet de 254 mètres carrés, de pièces séparées pour discuter de questions privées. Les archéologues ont aussi identifié, les jouxtant, des quartiers d'habitation, sans doute pour la famille du souverain, ainsi qu'un espace pour le stockage de grains ou des portes s'ouvrant vers l'extérieur, pour permettre une fuite rapide en cas d'urgence.

Cette période de faste et d'échanges s'est finalement vue perturbée par l'avènement de l'âge du fer (1200 av. J.-C. – 550 av. J.-C.). « Le fer, vous pouvez le fabriquer localement – vous n'avez pas besoin de favoriser les contacts, les mariages mixtes et les accords », explique l'expert. D'autant qu'au même moment, l'Europe connaît un refroidissement drastique et global du climat, qui a un impact considérable sur les sociétés anciennes (crises agricoles, migrations, conflits). En Allemagne, l'air devient beaucoup plus froid et humide, le terrain marécageux… « Il y avait probablement des moustiques et cela a eu un impact sur les récoltes de céréales. Les gens ont abandonné cette zone [de Prignitz] et sont partis. »

Plus de 2 800 ans plus tard, où se dressait autrefois le village, les recherches vont être poursuivies jusqu'à l'année prochaine, au moins. Les autorités locales souhaiteraient ensuite monter des installations pour accueillir les amateurs d'histoire. Ceux-ci, tous comme les spécialistes sur place, se trouvent chanceux : le terrain autour du site a été épargné par les dommages de la Seconde Guerre mondiale, précise Immo Heske. La colonie proche de la « triple tombe » du roi Hinz constitue ainsi l'une des mieux préservées de son époque dans le nord de l'Europe centrale, voire du continent.

Mathilde Ragot - Journaliste rédactrice web Histoire GEO.fr - 17/10/2024

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