Une équipe de chercheurs britanniques affirme avoir retrouvé les vestiges du château du roi Harold d'Angleterre, qui fut chassé du trône par le Normand Guillaume le Conquérant. Le lieu figure par deux fois sur la célèbre tapisserie de Bayeux.

 

cxoplj4170kgd

Un détail de la tapisserie de Bayeux montrant le roi Harold chevauchant vers Bosham, où il se rend à l'église et festoie dans une salle, avant de partir pour la France.

The Society of Antiquaries of London

Vient-on de localiser l’emplacement exact de la résidence d'Harold, le dernier roi anglo-saxon d'Angleterre, représentée sur la tapisserie de Bayeux ? Selon une équipe d’archéologues des universités de Newcastle et d’Exeter, au Royaume-Uni, la réponse est oui. Cette dernière pense avoir retrouvé l’endroit précis où avait été implanté il y a près d’un millénaire le centre de pouvoir de ce souverain tué d’une flèche dans l’œil lors de la bataille d’Hastings en 1066.

La tapisserie de Bayeux, broderie du 11e siècle illustrant la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant - et notamment la bataille d'Hastings -, compte parmi les trésors du Moyen Âge parvenus jusqu’à nous. Longue de près de 70 mètres de long, elle raconte en une série de scènes continues les événements menant à la victoire normande. En cela, elle est considérée par certains historiens comme la toute première bande dessinée de l’histoire.

 

Le siège du pouvoir d'Harold, roi d'Angleterre en 1066

Deux de ses scènes se tiennent à Bosham, sur la côte ouest du comté du Sussex. Dans la première, Harold prend part à un festin dans une salle extravagante de son palais avant de s'embarquer pour la Normandie, où il est fait prisonnier par le comte Guy de Ponthieu. Il doit sa libération à Guillaume dit le Bâtard, duc de Normandie, à qui il prête serment : il s’engage à soutenir Guillaume comme futur roi d’Angleterre après la mort de l’actuel roi, Édouard le Confesseur (dans une scène clé de la tapisserie, Harold jure notamment fidélité à Guillaume sur des reliques sacrées).

Mais la suite des événements est tout autre. Harold est de retour à Bosham, où il apparaît une seconde fois sur la tapisserie. À la mort d’Édouard, Harold monte sur le trône d’Angleterre avec l’accord d’une assemblée et trahit ainsi sa parole. S'ensuit une guerre éclair menée par Guillaume à partir de septembre 1066, qui se déroule dans le sud de l’Angleterre. Le 14 octobre 1066, soit près de dix mois après le couronnement d’Harold, la confrontation décisive entre les deux armées a lieu à Hastings, à 85 kilomètres au sud de Londres. Après plusieurs heures de combat, Harold est tué - selon la légende, d'une flèche dans l'œil donc. Guillaume remporte la victoire et devient Guillaume le Conquérant.

 

Des vestiges sous une habitation

Jusqu’ici, l’emplacement de la résidence d'Harold à Bosham restait indéterminé, même si les archéologues et les historiens soupçonnaient depuis de nombreuses années une maison du village - aujourd'hui une habitation privée – d’en recouvrir les vestiges. L'équipe dirigée par Duncan Wright, maître de conférences en archéologie médiévale à l'université de Newcastle (Royaume-Uni), a décidé de vérifier une bonne fois pour toutes si cette hypothèse était ou non la bonne.

 

cvnr761oiu

Une partie de la ruine présente dans le jardin de Bosham, dont les recherches récentes ont confirmé qu'il s'agissait d'un bâtiment médiéval. Crédits : Université de Newcastle

 

Le chercheur et ses collègues ont ainsi employé une série de méthodes pour élucider les débuts de l'histoire de la propriété, notamment une étude géophysique de la zone environnante, l'évaluation des vestiges encore présents, l'examen minutieux des cartes et des archives et le réexamen des rapports de fouilles déjà menées sur place en 2006 par une société privée, West Sussex Archaeology.

Leurs travaux ont ainsi pu confirmer l'existence de deux bâtiments médiévaux non identifiés auparavant : un premier intégré à la maison actuelle, et l'autre dans le jardin. L'indication cruciale que le site avait des origines encore plus anciennes provient des fouilles de 2006, qui ont permis d'identifier des latrines dans un grand bâtiment en bois, expliquent les chercheurs dans un communiqué.

 

Une salle de bain, un luxe réservé à l'élite

En quoi la présence de latrines constitue-t-elle un indice déterminant ? Depuis une dizaine d'années, les archéologues reconnaissent qu'en Angleterre, à partir du 10e siècle après J.-C., les maisons de haut rang avaient tendance à intégrer des toilettes, écrivent les archéologues. Bingo. Pour l’équipe, il ne fait aucun doute que le bâtiment en bois équipé de commodités abritait une partie de l’élite dirigeante. 

Nous avons réalisé que lors des fouilles de 2006, une salle de bain anglo-saxonne avait été trouvée. Elle nous a permis de confirmer que cette maison se trouve sur le site d'une résidence d'élite antérieure à la conquête normande. En examinant cet indice vital, ainsi que tous nos autres éléments de preuve, il ne fait aucun doute que nous avons ici l'emplacement du centre de pouvoir privé d'Harold Godwinson, celui-là même qui est représenté de façon célèbre sur la tapisserie de Bayeux.

La salle faisait partie d'un complexe plus vaste, qui comprenait également une église, qui elle subsiste encore. Les résultats de ces recherches ont été publiés dans The Antiquaries Journal le 9 janvier 2025.

Marine Benoit - 03.02.2025

Source : Sciences et Avenir

FaLang translation system by Faboba
 e
 
 
3 fonctions