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Tout le monde se rappelle la phrase prononcée par nombre de professeurs de géographie : « L’Ukraine est le grenier à blé de l’Europe. » Avant la guerre, l’Ukraine était le 4e exportateur mondial de blé, derrière la Russie, les Etats-Unis et le Canada. Elle était même sur le point de ravir la 3e place. À elle seule, l’Ukraine exportait 12 % du blé au niveau mondial. Certes, un volume important, dont l’éventuelle privation peut provoquer l’inflation des cours mondiaux mais pas pénuries et famines généralisées… De plus, si l’Ukraine est un fournisseur important, dont à destination des pays importateurs du bassin méditerranéen comme l’Égypte ou la Turquie, elle n’est pas l’unique ou monopolistique exportateur de céréales.

L’Égypte, par exemple, exporte plus de 9 millions de tonnes de blé dur et de farine dérivée chaque année, tandis qu’elle en achète environ 13 millions de tonnes par an ! En effet, l’Egypte achète des céréales et en vend… Elle produit et exporte du blé de haute qualité et en revanche en achète du moins cher, elle gagne ainsi de l’argent en cultivant des céréales.

Concernant la Turquie, elle a importé 9,4 millions de tonnes de blé l’an dernier, dont 6,3 millions de tonnes de Russie et 2 millions de tonnes d’Ukraine, ce qui en fait le 2e importateur mondial de céréales après l’Égypte. Mais dans le même temps, la production de blé de la Turquie, environ 20 millions de tonnes, couvre entièrement ses propres besoins. Où vont les céréales russes et ukrainiennes importées par la Turquie ? Au cours des 10 dernières années, les Turcs, aidés par l’Etat, ont amené leur industrie à la première place mondiale dans la production de farine (30 % du marché mondial) et à la deuxième place dans la production de pâtes (10 % du marché mondial). Donc, en Turquie, les céréales russes et ukrainiennes sont transformées, puis les produits obtenus de leur transformation sont exportés…

Alors pourquoi cette dramatisation et cette urgence internationale autour de la reprise des exportations ukrainiennes ? Quels intérêts réels étaient contrariés par le « blocage » des ports ukrainiens de la mer Noire ? Comme souvent dans ces campagnes médiatiques, le dessous des cartes n’est pas aussi simple et propre qu’on présente les choses. Réponse, avec un coup de projecteur sur les véritables propriétaires des terres ukrainiennes : Cargill, Dupont et Monsanto. Et derrière : Vanguard, Blackrock, Blackstone…

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la vente des terres agricoles il y a exactement un an, trois grandes corporations transnationales états-uniennes ont acquis pratiquement un tiers des terres cultivables ukrainiennes. Selon la « Australian national review » les états-uniens posséderaient désormais 17 millions des 62 millions d’hectares de l’Ukraine (superficie totale du pays) ; 28% de l’Ukraine serait donc américaine !

Les acheteurs, les propriétaires sont des firmes US bien connues puisqu’il s’agit de Cargill, Dupont et Monsanto. Ce qui cependant est moins bien connu c’est que derrière ces enseignes célèbres ayant pignon sur rue apparaissent des fonds d’investissements – structures financières quelque peu obscures, caractéristiques de l’agiotage « new age ». Celles-ci, passablement obscures mais puissantissimes, disposent de capitaux qui font tourner la tête se chiffrant en trillions (c’est-à-dire en milliers de milliards) de dollars. Au nombre de celles qui opèrent en Ukraine on compte en particulier Vanguard, Blackstone et Blackrock dont les capitaux sont respectivement 10, 6 et 0,9 trillions de dollars.

Pour donner la mesure de l’état des choses, la revue australienne mentionne l’exemple de l’Italie où les terres cultivables représentent 16,7 millions d’hectares. Ainsi, le pouvoir des marionnettes kiéviennes a fait en sorte que trois compagnies étatsuniennes possèdent désormais en Ukraine plus de terres cultivables que l’Italie, membre du G7.

Du coup, lorsqu’on évoque le blé ukrainien et son exportation, la question se pose de quoi parle-t-on exactement ? Pourquoi omet-on systématiquement de mentionner les fonds d’investissements américains pourtant très importantes parties prenantes dans l’affaire et, pourquoi pas, principales bénéficiaires ?

Mais, outre ce questionnement à première vue platement économique, la question se pose de savoir comment et pourquoi l’Ukraine en est arrivée là ?

Lorsque le pays faisait partie de l’Union soviétique, la terre appartenait à l’état par l’intermédiaire des kolkhozes. Après la disparition de l’Union soviétique, les paysans, employés des kolkhozes, ont reçu en fermage les terres étatiques qu’ils cultivaient jusqu’alors. Par la suite, le statut de ces terres a été transformé pour devenir, au terme de longues procédures administratives, pleine propriété de ceux qui les cultivaient naguère, les anciens kolkhoziens. S’en est suivie alors une courte période pendant laquelle ont été autorisées des transactions, c’est-à-dire la vente et l’achat des terres. Mais, pour finir, dès 2001, un moratoire a été décrété mettant un terme à toute transaction. Cet état des choses a perduré peu ou prou durant les vingt années suivantes, jusqu’en 2021.

Du coup, comme ils ne pouvaient ni vendre ni acheter la terre, de nombreux anciens kolkhoziens, devenus propriétaires à la suite de la disparition de l’Union soviétique, se sont retrouvés devant le choix soit de continuer à travailler la terre, comme auparavant, soit, ce qui était nouveau pour eux, de la donner en location au prix de 150 dollars l’hectare l’an a des « opérateurs », surgit d’on ne sait où dans la foulée de la dislocation de l’Union soviétique. Ainsi, à l’ombre du moratoire des « opérateurs » sont devenus d’authentiques latifundiaires, pis des entreprises monopolistiques agricoles. De la sorte, si la terre continuait à appartenir, du moins formellement, aux anciens kolkhoziens, dans les faits elle était entre les mains « d’opérateurs » privés, rouages importants, si ce n’est essentiel compte tenu de l’importance démographique de la paysannerie ukrainienne – représentant environ 30% de la population du pays -, du système oligarchique à la tête de l’Ukraine.

Volodymyr Zelensky et les ambassadeurs des pays du G7 à Odessa « supervisant » le lancement du « couloir de céréales » le 29 juillet 2022

Cependant, la question de la propriété des terres agricoles en Ukraine demeurait en suspens, problème politique important, central, particulièrement sensible en pays slave qu’est l’Ukraine. La qualité de tchernoziom ukrainien, parmi les meilleures terres arables du monde, ajoutait encore à cet enjeu traditionnel d’autant plus que la production agricole ukrainienne participait de plus en plus aux échanges internationaux. Du coup, le débat s’enrichissait pour savoir s’il fallait, outre l’abolition du moratoire sur les transactions des terres agricoles, ouvrir aux ressortissants étrangers la possibilité d’acheter des terres en Ukraine. Un peu à la fois, progressivement l’idée s’imposait avec l’ouverture de plus en plus effective du pays.

Volodymyr Zelensky, averti de la question, proposait de soumettre la question au pays par voie référendaire. Lors de manifestations paysannes il proclamait haut et fort que « la terre appartenait aux Ukrainiens » tout en stigmatisant « les Chinois et les Arabes » qui s’apprêtaient, selon lui, « à emporter notre terre par wagons ».

Le débat faisait rage et Zelensky, en habile bateleur, savait jouer du sentiment populaire pour lui conférer une orientation chauvine, voire xénophobe.

En dépit de l’opposition très majoritaire à l’abolition du moratoire sur la vente des terres agricoles on mettait en avant avec insistance la « justification ». Il fallait le faire, disait-on, car il s’est passé beaucoup de temps depuis l’adoption de cette mesure sans que le parlement ukrainien, la Vrhovna Rada, ait mis en place un mécanisme suffisamment transparent pour organiser la vente et l’achat des terres comme le prévoyait la loi de 2001.

A cet égard, il importe de mentionner qu’au même moment des sondages d’opinion indiquaient que 81% des personnes interrogées se prononçaient contre la vente de la terre aux étrangers et que seuls 13% soutenaient la démarche préconisée par le Gouvernement. Par ailleurs, deux tiers des sondés estimaient qu’une décision aussi importante devait faire l’objet d’une consultation par référendum alors que plus de la moitié (58%) estimaient que la terre agricole devait demeurer propriété de l’état à l’exemple du Canada et de l’Israël (références importantes pour l’opinion publique ukrainienne).

Finalement, c’est le compte-rendu du mois d’avril 2021 du Fond Monétaire International, le plus important créditeur de l’Ukraine, qui emportait la décision en mettant l’abolition du moratoire comme condition sine qua non à l’attribution d’un nouveau paquet de crédits à l’Ukraine. Et le gouvernement ukrainien de s’exécuter contre l’avis très largement majoritaire de son opinion public. Dès lors les « opérateurs » avaient les mains libres pour transmettre les terres qu’ils avaient en gestion aux « investisseurs étrangers », ultima ratio du système économique ukrainien. Au préalable, ils devaient les acquérir, comme la loi désormais les autorisait de le faire, auprès des « petits porteurs » ex-kolkhoziens. L’opération, classique dans son genre, rondement menée, comme en témoigne le délai entre l’adoption de la loi par la Vrhovna Rada et sa mise en application – à savoir l’acquisition par les compagnies américaine -, a évidemment rapporté gros à quelques malfrats proches du pouvoir kiévien.

Alors, après l’implantation d’une trentaine de laboratoires biologiques américains sur l’ensemble de son territoire, l’Ukraine ajoutait, par la vente massive de ses terres agricoles aux corporations transnationales sous tutelle des fonds d’investissement américain, une dimension supplémentaire à son alignement atlantique. Si les laboratoires biologiques n’ont pas encore livré tous leurs secrets, en revanche en ce qui concerne les terres agricoles les choses semblent plus simples à élucider en répondant à la question : le blé exporté d’Ukraine est-il américain ?

N.B. : Gageons que les inspecteurs qui ont examiné le navire libérien transportant la première cargaison de blé ukrainien au large du port d’Istanbul le 3 août dans la matinée à partir de 10 heures GMT, auront la réponse à la question. Ayant entre les mains les bordereaux et la documentation réglementaire, ils connaîtront ipso facto le propriétaire des céréales ukrainiennes.

Source : librairie-tropiques.fr

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