Les trains de sanctions économiques contre la Russie se succèdent comme les vagues sur la grève. Leur première caractéristique est qu’elles sont aussi arbitraires qu’illégales. Comme dans le cas du Kosovo, de l’Irak ou de la Libye, les Etats-Unis, l’Union européenne et leur bas armé, l’OTAN, ont pris l’habitude d’agir sans mandat de l’ONU, c’est-à-dire hors de toute légitimité. Pour ne pas dire qu’ils s’assoient sur les conventions internationales. Pour preuve, le gel des avoirs des dirigeants d’un Etat pour faire pression sur celui-ci : une aberration totale vis-à-vis des accords internationaux.
La dernière vague de mesures russophobes est donc tombée le 29 juillet. Pour punir Poutine ! Mais on ne sait pas trop de quoi. De soutenir trop activement les séparatistes ukrainiens ou bien de ne pas avoir assez d’influence sur eux ? Peu importe, l’essentiel est de pénaliser la Russie et de la pousser dans ses derniers retranchements. Le but poursuivi par les Américains est évident : couper définitivement l’Europe de la Russie et l’amarrer aux USA, grâce, notamment, à la signature prochaine du Grand Traité transatlantique. Comme une remorque ! Tout ce que les Européens méritent.
Ces nouvelles restrictions frappent surtout le système bancaire d’Etat de la Russie et les ventes d’armements et de systèmes de haute technologie. Mais les Européens se tirent une balle dans le pied, surtout la France. L’ensemble des entreprises du CAC 40, mais aussi 9 000 PME françaises font des affaires avec la Russie. Elles seront évidemment pénalisées, à la plus grande satisfaction des Etats-Unis qui ne commercent pratiquement pas avec la Russie. Les échanges entre ces deux pays, d’un montant de 40 milliards de $, ne représentent que 1% du commerce américain. A titre de comparaison, les échanges entre l’UE et sa voisine slave s’élèvent à 460 milliards de $.
Dix-huit des vingt-huit membres de l’Union européenne (dont l’Allemagne) dépendent de la Russie pour plus de 50% de leur approvisionnement gazier. On comprend mieux pourquoi les ventes de pétrole et de gaz ont été exclues du dernier volet de sanctions. Mais en cas d’aggravation de la tension, le secteur gazier serait probablement frappé à son tour. Les Américains y ont tout intérêt, ce serait pour eux le moyen d’exporter vers l’Europe au prix fort (eh oui ! car en matière économique les Ricains ne font pas de cadeau), leurs surplus de production de gaz de schiste.
Autre fait majeur : la France a sauvé la vente de ses deux Mistral à la Russie. Les restrictions sont donc à géométrie variable, ce qui ajoute encore à leur discrédit. Mais rien ne dit que les minus Hollande et Valls conserveront jusqu’au bout le courage de s’opposer à Obama et Cameron. Ce serait une première.
Ces mesures n’auront qu’un impact limité sur l’économie russe. Moscou a déjà annoncé qu’elle pourrait augmenter fortement le prix du gaz vendu aux Européens, alors que l’économie de l’UE ne va déjà pas très fort. Quant à Rosneft, la major pétrolière russe, plus grosse capitalisation mondiale, elle vient de publier un bénéfice trimestriel de 3,6 milliards de $ !
L’Histoire est pleine d’enseignements. Dans les années 1930, les Etats-Unis avaient pris ombrage de l’expansionnisme de l’Empire du Soleil levant. Roosevelt décida donc de lui imposer un blocus total. Privé d’énergie, et surtout de pétrole, le Japon n’avait pour seule issue que de forcer ce blocus. Ce fut le 7 décembre 1941 à Pearl Harbour. Le prétexte qu’attendait Roosevelt pour justifier une guerre contre le Japon. Heureusement, la Russie n’est pas isolée comme l’était l’archipel nippon. Si l’Europe lui fait la gueule, l’Asie lui tend les bras, surtout la Chine. Les banques d’Etat principalement visées par les sanctions ont déjà annoncé qu’elle se financerait désormais auprès de Pékin (qui n’attend que cela pour doper le yuan sur la scène mondiale).
Cependant, Poutine devra se méfier. Même si l’Histoire ne repasse jamais les plats de la même manière, elle peut bégayer. Un parallèle crève les yeux : le Pearl Harbour de 2014, c’est une intervention directe de la Russie en Ukraine. D’ailleurs, les usurpateurs de Kiev en appellent aujourd’hui à une intervention directe de l’OTAN. Le prétexte parfait pour réaliser le rêve des faucons américains : détruire la Russie une bonne fois pour toutes. Les dindons de la farce seraient une nouvelle fois les Européens, mais ne comptez pas sur les nains qui dirigent l’Europe pour nous éviter un tel conflit. Ils sont encore plus médiocres que leurs prédécesseurs de 1914.