« La défense de chaque tradition s'oppose à la Mondialisation, le choc entre elles l'alimente ».
Gabriele Adinolfi
Dans cet entretien de fond avec Gabriele Adinolfi, nous revenons sur la série d’événements terroristes qui font l’actualité nationale et internationale depuis décembre. Série noire qui culmine cette semaine avec l’attaque meurtrière en plein Paris des locaux de «Charlie Hebdo». Il nous rappelle ici les logiques internes de la stratégie de la tension qu’il analyse depuis des années. Stratégie centrale dans la gestion des populations par les oligarchies qui se disputent le Nouvel Ordre Mondial. A l’heure où le terrorisme islamique est plus que jamais au centre de toutes les manipulations médiatiques et géopolitiques, il convient de prendre le recul nécessaire et de comprendre comment l’ingénierie sociale l’utilise. Ceci afin de maintenir en place le statu quo nécessaire à l’avancée du globalisme partout dans le monde.
Cet entretien a été réalisé fin décembre avant l’attaque de « Charlie Hebdo » à Paris. Nous y ajouterons un addendum sur les évènements de Paris à paraitre dans les prochains jours.
Les Non-Alignés.
LNA : « La police italienne a annoncé lundi 22 décembre avoir arrêté quatorze néofascistes soupçonnés de vouloir s'en prendre à des cibles politiques et à des magistrats, tandis que la presse évoquait un projet d'une dizaine d'assassinats coordonnés. Deux années d'enquête et d'écoutes téléphoniques ont révélé que le groupe, issu de l'organisation d'extrême droite interdite Ordine Nuovo (Ordre Nouveau), avait commencé à stocker des armes et prévoyait des attaques à Noël, a expliqué la police lors d'une conférence de presse. »
Que penser de cette annonce incroyable et de ces arrestations selon toi ?
G-A : Il s'agit d'une quinzaine de « nicknames », c'est à dire d'exhibitionnistes qui s'amusaient en écrivant des bêtises sur Facebook. Ils n'ont aucune appartenance politique sérieuse et il est encore moins correct de parler d'une filiation avec Ordine Nuovo. Les armes ? Le fusil de chasse d'un chasseur !
Pourtant ils avaient parmi eux 3 provocateurs des services spéciaux des Carabinieri (les gendarmes italiens) dont l'activité, durée 2 ans, a coûté bien de l’argent aux contribuables.
Comme si elles étaient dotées d'une extraordinaire clairvoyance, les autorités ont procédé à l'arrestation des exhibitionnistes, présentés comme de dangereux terroristes, au même moment où les anarchistes sabotaient la ligne du TAV (le TGV italien). Combien d'infiltrés de ce côté-là ?
LNA : Dans quel contexte ont lieu ces arrestations ? Qui sont les personnes arrêtées ?
G-A : Mis à part Rutilio Sermonti, 94 ans en chaise roulante, accusé d'être l'idéologue d'un groupe qui n'existe pas, tout simplement parce qu'il écrit encore et toujours sur la politique, nous avons 3 infiltrés et une douzaine d'inconnus, sans aucune activité politique sauf celle de jouer aux rebelles sur internet.
LNA : Dans le même ordre, que penser de la série d’attaques « islamistes » que la France a connue en quelques jours, juste avant Noël ?
G-A : Je crois que c'est très diffèrent. Rentrent ici en jeu au moins trois éléments de nature diverse. L'un de politique interne, l'autre internationale et enfin un élément passionnel, idéologique, qui est alimenté par le facteur mimétique : le « charme » d'Isis et l'assassinat de deux policiers américains par un exalté djihadiste.
LNA : Un psychiatre français a déclaré que « L'hyper-médiatisation de Dijon a pu influencer une sorte de mimétisme ». Est-ce plausible selon toi ?
G-A : D'après moi c'est certain. La question qui se pose concerne justement cette hyper-médiatisation : est-ce un phénomène obligé ou est-elle clairement favorisée dans le but de jeter de l'huile sur le feu ?
LNA : En 2005, au moment des émeutes des banlieues qui ont enflammé la France, tu avais dès le départ expliqué que ces événements serviraient à faire élire Sarkozy et donc à réaligner la France sur l’Atlantisme. A lui faire payer en quelque sorte son opposition à la guerre d’Irak de 2003. La séquence en cours pourrait-elle être selon toi une nouvelle tentative de stratégie de la tension en France ?
G-A : C'est bien possible. Tout ce qu’Éric Werner avait prévu dans l'Avant-guerre civile et dans l'Après-démocratie s'est ponctuellement vérifié.
LNA : Si tel est le cas, comment et qui pourrait monter une telle série d’événements selon toi ? Qui a intérêt à une telle manipulation ? L’État est-il, selon toi, au courant ou peut-il s’agir d’une attaque extérieure ?
G-A : Je crois qu'il y a une combinaison de trois facteurs. La stratégie de la tension, qui vient du haut, sert à souder les gens dans le désarroi autour d’une oligarchie privée de tout autre consensus ; ensuite, nous avons l'émotionnel, l'idéologique et le mimétique qui vivent leur vie propre et qui font du djihadisme une bombe à retardement ; enfin il y a les enjeux internationaux qui s'imbriquent avec les autres composantes.
LNA : Ce modus operandi de l’« auto-djihadisme », qui nous est présenté, te semble-t-il réaliste ? Des « loups solitaires » ont ainsi frappés récemment en Australie et aux États-Unis. Peut-on considérer ces événements comme des opérations orchestrées partout en Occident de manière à impressionner les foules et à les préparer psychologiquement ?
G-A : C'est réaliste si l'on pense d'ailleurs que la terreur manipulée du haut est désormais confiée aux « lone wolfs » qui sont des individus avec des troubles psychiques et qui souvent sont en thérapie psychanalytique.
LNA : En resterons-nous selon toi à des événements isolés mis en scène de manière médiatique ou est-on en train de préparer l’opinion publique à des troubles plus importants à venir ?
G-A : J'y vois plutôt des essais pour tâter les réactions des opinions publiques.
LNA : Penses-tu que les élites globalisées peuvent avoir un plan de chaos généralisé avec l’Islam en Europe occidentale ?
G-A : Oui mais il y a encore plus. De la part des gangsters de la mondialisation il ne s'agit pas seulement de stabiliser les artères stratégiques et énergétiques en les déstabilisant politiquement et en les privant du contrôle étatique : nous sommes en présence de deux autres desseins. Couper l'Europe en deux (nord et sud) et affaiblir la France pour ensevelir définitivement l'axe Paris-Berlin-Moscou. La France est dans le collimateur.
LNA : On assiste progressivement à un retour du désir de souveraineté dans de nombreux pays. Les élites occidentales peuvent-elles détourner les poussées de nationalisme vers un but de substitution comme la confrontation avec l’Islam ?
G-A : A l'époque des satellites, aucune souveraineté n'est possible si elle n’est pas ancrée dans une logique impériale. Le jeu des anglo-américains est de pousser le souverainisme dans des culs- de-sac passéistes plutôt que dans l’optique révolutionnaire européenne qui poursuit l'axe Paris-Berlin-Moscou. Il me paraît évident que toute la stratégie des quatre dernières années essaye d'éloigner ces trois capitales entre elles et, ce faisant, d'enterrer l'Europe toute entière. C'est la raison pour laquelle un souverainisme futuriste et révolutionnaire représente une grande chance, alors qu'un souverainisme réactionnaire est pour nous tous aussi délétère que ne l'est le club Bilderberg.
LNA : La France peut-elle basculer dans une guerre civile de basse intensité entre « minorités motivés » : islamistes d’un côté, islamophobes de l’autre ? Un peu comme ce que l’Italie a connu dans les années soixante-dix entre communistes et néo-fascistes mais ici sur un clivage plus profond, sur un clivage ethno-confessionnel.
G-A : Ce n'est pas impossible. Pour l'instant on ne peut pas prédire si l'avenir de la France sera ce scénario, mais on n’en serait pas vraiment étonné. C'est pour cela qu'il faut repousser toute « phobie ». Ce n'est pas l'Islam (et puis quel Islam ?) qui a produit l'immigration massive. Il faut toujours s'en prendre aux causes parce qu'on ne les combat pas les effets sans en avoir coupé les racines.
LNA : Pour beaucoup de gens de droite, la guerre civile vaut mieux que la situation d’aphasie actuelle. Une guerre civile pourrait aboutir, d’après eux, à un départ massif des populations étrangères chez elles. Est-ce réaliste selon toi ?
G-A : Généralement ce sont les raisonnements de personnes qui n'ont jamais donné ou reçu une baffe de leur vie. Ou encore ce sont les mirages de ceux qui ne voient pas d'issues politiques : du désordre naîtra l'ordre … Il faudrait être en mesure de voir ce qui s'est passé ailleurs. Les guerres ethniques, qui se dégradent bientôt en guerres tribales, deviennent des éléments chroniques et bien stables de la société mondialisée. Il suffit d'observer les États-Unis. C'est seulement une Europe puissance, donc émancipée des américains, des anglais, des banquiers et des bureaucrates gauchistes, qui peut créer les conditions internationales pour un renversement des flux. Autrement c'est Harlem.
LNA : Comment vaincre la paresse intellectuelle d’une partie de la droite qui refuse de voir les possibles manipulations relatives à ces questions ?
G-A : La paresse c'est la prérogative de la droite. C'est la raison pour laquelle elle a toujours foiré. Les révolutions nationales, par contre, ont vu des hommes issus de bien d'autres milieux se mettre à la tête de la réaction populaire. Cela il ne faut jamais l'oublier. Jamais.
LNA : Comment concilier l’impératif du combat identitaire et la préservation du substrat ethnique européen avec le désamorçage de ces manipulations permanentes autour des questions relatives à l’Islam ?
G-A : Déjà il faudrait partir du réel et pas de l'abstraction. Arafat, Saddam Hussein, Assad, Massoud : la preuve que le clivage qu'on nous propose est faux. La défense de chaque tradition s'oppose à la Mondialisation, le choc entre elles l'alimente. Ceci dit il faut combattre le djihadisme et non seulement le djihadisme mais aussi le conformisme des islamistes conformistes : ce sont l'un et l'autre des piliers du système. En fait ce n'est pas la religion qu’on professe, pas même l'idéologie que l'on suit, mais de quelle manière on le fait qui nous rend complice ou adversaire du pouvoir subversif.
LNA : Que penser du mouvement PEDIGA en Allemagne ? N’est-ce pas plutôt réjouissant de voir l’Allemagne se réveiller en cette période de solstice, ou bien s’agit-il d’une version allemande de l’EDL ?
G-A : C'est plutôt réjouissant ; nous verrons s'il s'agira d'une nouvelle EDL et si elle servira, elle aussi, malgré elle, à combattre Paris, Berlin et Moscou. Espérons que ce ne soit pas le cas ou que, si cela l'était, que les Allemands ne tombent pas dans ce piège.
LNA : Dans l'historiographie libérale ou gauchiste, la stratégie de la tension nous est présentée comme la tentative de déstabilisation de la démocratie libérale par les néo-fascistes dans le contexte de la guerre froide. Faire basculer la démocratie libérale dans le désordre afin de créer les conditions nécessaires à une reprise en main autoritaire. Le tout appuyé par les forces atlantistes contre une possible alliance entre le parti communiste - à l'époque très puissant en Italie - et l'aile gauche de la démocratie chrétienne.
Tu as toujours contesté cette représentation faussée de cette époque de l’histoire italienne que tu as bien connue et qu'on appelle les « années de plomb ».
Peux-tu résumer ce qu'est donc la stratégie de la tension pour toi, si elle n'est pas cela ?
G-A : C'est un lieu commun absolument stupide. Pour commencer toute stratégie de la tension stabilise l'ordre oligarchique, elle ne le déstabilise pas, sauf s'il s'agit d'une attaque externe. Selon les desiderata des centres de pouvoir transnationaux, elle peut effectivement déstabiliser un gouvernement dans un scénario archaïque (par ex. Irak, Syrie) mais elle vise généralement à le renforcer, comme il est arrivé en Occident à chaque attentat (pensons aux Tours jumelles). C'est dans le but de la modernisation mondialiste et donc de la stabilisation oligarchique que l'Italie a vécu sa stratégie de la tension. Le rôle de l'extrême droite a été plutôt celui de représenter le “méchant” de l'histoire, l'élément nécessaire à la diabolisation et l'indispensable bouc émissaire. Le rôle principal, à cause du nombre de ses militants et des soutiens dont ils pouvaient profiter dans le monde intellectuel et dans la magistrature, fut joué par les communistes d'abord et, par la suite, par les ouvriéristes, c'est à dire les italiens les plus proches de l'Internationale Trotskiste.
Le but de la Commission Trilatérale était de produire la fusion gouvernementale entre démocrates-chrétiens et communistes. Les gauchistes, eux, poursuivaient un rêve insurrectionnel.
Les autres, c'est à dire les services secrets des puissances en concurrence dans la Méditerranée, s'en mêlaient pour jouer leurs cartes dans les parties de ces guerres asymétriques non déclarées. Bien que l'Otan n'ait jamais perdu le contrôle de la situation, même cette clef de lecture est erronée : il faut bien dire que les protagonistes des guerres asymétriques ne furent pas des atlantistes, vu qu'il s'agissait des Français, des Allemands de l'est, des Russes et surtout des Israéliens.
Pour finir il y avait l'intérêt usurier qui profita de la stratégie de la tension pour privatiser la Banque d'Italie.
La stratégie de la tension répondit à cet imbroglio. Ce n'est pas mon idée ou une vue de l'esprit, c'est ce qui a été amplement prouvé dans toutes les enquêtes.
LNA : Tu as connu de près et tu as été victime de cette stratégie de la tension au moment de son utilisation maximale en Italie dans les années 70. Peut-on en définir un modus operandi type ? Reste-t-il le même au cours des époques ?
G-A : Il faut faire la part de choses. Dans une société archaïque la stratégie de la tension consiste à jeter de l'huile sur le feu des passions et à empêcher aux pompiers d'intervenir avant que le feu ait pris.
C'est ce qui se vérifia en Italie à l'époque mais aussi ce qui se produit dans le Proche Orient aujourd’hui.
En France elle peut bien se vérifier, mais dans des dimensions réduites, dans les banlieues.
Dans des sociétés “avancées” comme les nôtres, c'est à dire implosées, hypnotisées et démobilisées, il suffit de donner l'idée de la tension même si elle n'est pas réelle et s'il est difficile de la mettre en route. Dans ce cadre, ce sont le terrorisme médiatique et parfois l'utilisation des lone wolfs qui sont les instruments principaux de la stratégie de la tension.
Un autre élément fondamental, dans cette société du spectacle, ou mieux de la fiction, ce sont les propos imbéciles tenus dans les réseaux sociaux comme Facebook. Un idiot qui écrit qu'il veut la peau d'un ministre non seulement est dangereux pour lui-même, ce qui n'est pas plus mal vu qu'on en a marre des crétins, mais il fournit un élément central dans cette stratégie parce qu'aujourd'hui ce n'est plus le réel qui compte dans la perception commune mais bien le virtuel.
LNA : A partir de quelle époque selon toi, on commence à voir cette stratégie s'imposer comme mode de gestion "normal" des populations ? Quelles sont pour toi les ouvrages à lire sur cette thématique ?
G-A : Cela commence au moins au cours du XIX siècle mais devient fondamental à la fin des années soixante.
Des ouvrages ? En Italie j'en connais quelques-uns, mais je ne crois pas qu'ils existent en français. Les meilleurs auteurs : Cutonilli, Fasanella, Priore, Rocca, Valentinotti. Mais on peut bien déduire sa dynamique dans les livres d’Eric Werner que j'ai cité et aussi dans quelques films: L’agent secret (1996, par Christopher Hampton d'après Joseph Conrad) et Le tailleur de Panama (2001 par John Boorman).
LNA : Tu as toi-même connu pendant longtemps ce climat de tension et tu nous a laissé quelques ouvrages importants sur ce sujet, entre autre « Orchestre Rouge », de l'année dernière, par Avatar éditions et « Années de plomb et semelles de vent – 20 ans de cavale » par Synthèse Nationale, comment se les procurer ?
G-A : Dans les librairies nationalistes, en ligne sur les sites dissidents et aussi sur : http://gabrieleadinolfifrance.weebly.com/livres.html
Merci Gabriele et à bientôt.
Les Non-Alignés.
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