Amiral Castex

 

La Russie, Rempart de l’Europe face à la Chine, selon l’amiral français Castex (1878-1968) :

Dans une chronique célèbre « Moscou, Rempart de l’Occident[1] » de la Revue de la Défense Nationale, l’Amiral Castex, stratégiste reconnu et très grand érudit, [admiré par le plus grand philosophe politique du 20ème siècle, l'allemand Carl Schmitt; NdR) mettait déjà en garde, en 1955, d’une façon futuriste et prémonitoire, en pleine guerre froide avec l’URSS, les Occidentaux, contre la montée en puissance à venir de la Chine. Il était bénéfique, selon lui, pour l’Occident et l’Europe, de maintenir, face à la Chine, l’avantage stratégique d’une Russie forte.

Castex s’est non seulement opposé aux théories américaines d’Alfred Mahan sur la supériorité inéluctable de la mer, mais il a aussi théorisé la rivalité à venir de la Chine avec la Russie et les Occidentaux. Il concluait sa chronique par un dialogue entre Sir Anthony Eden, secrétaire du Foreign Office et M. Molotov, ministre soviétique des Affaires Etrangères, au moment de la signature des accords de Genève en 1954. Molotov avait dit à Sir Anthony Eden, à propos de certaines difficultés soulevées par les Chinois : « Que voulez-vous ? Ils ne pensent pas comme nous ! ». Castex termine l’article ainsi : « J’ai trouvé ce « nous » lourd de sens, et d’immenses espoirs ». Ce « nous » est en effet une parole historique d’une importance fondamentale, la preuve absolue que la Russie est européenne, la preuve que la Russie et l’Europe doivent conclure une Alliance vitale et bénéfique pour les deux parties, face à de nombreux dangers communs, nonobstant les nombreux avantages mutuels d’une coopération économique et technologique l

Si les Chinois n’ont pas oublié « les traités inégaux », il est donc tout aussi certain que le souvenir de Gengis Khan est toujours présent dans la mémoire historique des Russes et dans l’inconscient russe. Le jour où, après Taïwan, la Chine s’intéressera à la Mongolie, la nécessité d’une Alliance Europe-Russie s’imposera encore davantage !

Cet article de l’amiral Castex fait toujours autorité aux États-Unis. Il est plus d’actualité que jamais avec la stupide et criminelle guerre par procuration des Occidentaux en Ukraine.

Nous en publions ci-dessous quelques extraits originaux, futuristes, géniaux, prémonitoires et croustillants qui interpelleront le lecteur et justifient cet ouvrage :

« - Ainsi pendant trois siècles tsaristes environ (du début de la conquête de la Sibérie par Yermak en 1601 à la révolution bolchevique en 1917), cette action de la Russie, son effort anti-asiatique (pour contrer les offensives passées de Gengis-Khan, Tamerlan et de la Turquie), sa seule présence même, ont eu pour effet de protéger l’Europe contre l’Asie et de constituer pour la civilisation occidentale une barrière contre les périls qui auraient pu, comme autrefois, venir de ces régions. La Russie a pris, durant cette phase, figure d’avant-garde du monde blanc vis-à-vis des menaces éventuelles de l’autre continent.

- Comme le disait excellemment M.Branellec, dans un remarquable article paru ici même[2] : « Les Soviétiques sont aujourd’hui confrontés avec le problème qui, dans quelques décades et peut-être même avant, dominera toutes les tentatives de maintien de la paix mondiale, celui de la coexistence, non plus avec un monde capitaliste, mais avec le monde jaune... D’ici peu, la Russie soviétique risque d’entrer en compétition, à l’Est, avec la Chine. Celle-ci constitue le grand allié du jour, mais c’est aussi un grand adversaire potentiel ». En d’autres termes, cette perspective se résumerait dans le vieux proverbe russe : « Deux ours ne peuvent pas vivre dans la même tanière ».

- Faisant allusion à des difficultés possibles entre Moscou et Pékin, le satellite momentané est en passe de devenir politiquement, démographiquement et militairement un deuxième astre central aussi et même plus gros que le premier, au point de régner complètement sur l’Asie et même d’inquiéter l’Europe.

- Il y a mieux encore. D’un bout à l’autre du continent intéressé, des slogans courent maintenant. « L’Asie aux Asiatiques ! » ou encore « Les Blancs hors d’Asie ! » (...) Et le Russe, s’interrogeant, se découvre incontestablement blanc ; et il se pourrait qu’il sentît sa destinée et ses intérêts se rapprocher de ceux de l’Occident.

- C’est ainsi qu’on a dit que les quatre cinquièmes des forces terrestres soviétiques seraient stationnées en Sibérie. ll y a là sans doute quelques exagérations. Si l’on en croit de récentes déclarations du Maréchal Montgomery, qui doit avoir de bons renseignements en la matière, sur un total de 175 divisions soviétiques, 22 se trouveraient en Allemagne orientale, 60 dans les pays satellites et en Russie d’Europe. Le reste, soit la moitié du total, serait donc au-delà de l’Oural. La moitié, c’est déjà une respectable proportion. Elle en dit long sur certaines préoccupations.

- Nombre de personnes sont intriguées par ce fait que la Russie, malgré une considérable supériorité militaire, n’entreprend rien contre l’Europe occidentale, où de faciles succès semblent l’attendre. (...) Gengis Khan n’avait lancé sa grande affaire de l’ouest qu’après avoir assuré sa sûreté dans l’est, en mettant hors de cause la Chine des King. C’est un précédent de poids. Or, ici on n’a réalisé aucune assurance du genre.

- Cette Russie, qui pensait jadis se servir de l’Asie comme d’un tremplin contre l’Europe, ne serait-elle pas conduite, par la force des choses, à redevenir comme autrefois l’avant-garde protectrice du monde blanc, de l’Europe, contre quelque chose de plus « à l’Est » que Moscou ? N’en viendrait-elle pas, par cette voie détournée et singulière, à se réintégrer à cette Europe, et plus généralement à l’Occident ?

- L’antagonisme de l’Est et de l’Ouest, la rivalité de l’URSS et des USA, la « guerre froide », le « rideau de fer », etc.. Tout cela n’est-il pas déjà dépassé, périmé, à reléguer au royaume des vieilles lunes ?

- Mais si l’on regarde les choses à la lumière de l’avenir que d’autres faits permettent d’entrevoir, ce facteur chinois nouveau, dangereux à première vue, ne serait-il pas, à force d’être dangereux, bienfaisant en réalité, comme susceptible d’amener la réconciliation de la Russie et de l’Occident, et de faire s’évanouir progressivement la menace russe qu’on supposait planer sur cet Occident ? Ce ne serait pas la première fois que d’un mal apparent résulterait un bien réel.

- S’il s’avérait - condition essentielle – que la Russie revenait à son rôle séculaire de rempart de l’Europe, force serait, pour l’Occident, de la considérer comme amie et de la soutenir, sans lui créer de complications du côté de l’ouest. Il faut comprendre en effet, à ce sujet, que la Russie souhaiterait être tranquille en Europe, afin de pouvoir, le cas échéant, faire face à un grave inconnu asiatique.[3]

- L’Europe doit se garder de tout geste maladroit qui aurait pour effet automatique de raffermir la cohésion d’un bloc russo-asiatique encore assez mal soudé »

Les élites américaines et leurs valets européens auraient donc dû relire l’Amiral Castex, avant d’engager, dès 2014, leur guerre par procuration de l’OTAN en Ukraine !

Marc Rousset

Notes :

[1]  Amiral Raoul Castex- Moscou, Rampart de l’Occident –pp 129-143 - Revue de la Défense Nationale - Février 1955

[2] M.R.Branellec - Le Jeu soviétique à Berlin- Revue de Défense Nationale- mai 1954

[3] C’est ainsi que nous avons imaginé, d’une façon tout à fait gratuite, dans notre ouvrage pionnier Paris-Berlin-Moscou (2008), avec une perspective futuriste, asiatique et civilisationnelle, en dehors du contexte contemporain actuel, une alliance possible Chine-Japon pour s’attaquer un jour à l’Extrême-Orient russe, la Chine finissant par avaler un jour ou soumettre de nouveau le Japon, tout comme le continent européen finira probablement un jour par avaler l’Angleterre à l’Ouest. 

Source : Metainfos

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