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Golan une « occupation juive depuis 2500 ans » vraiment ?

Telle était, il y a dix ans déjà, la fracassante affirmation d’un journaliste, David Stern, qui n’a évidemment peur de rien et sera sûrement prêt à affirmer dans la même veine que « Jérusalem est capitale d’Israël depuis trois mille ans ». Pourtant cela n’a jamais été le cas. Les universitaires israéliens spécialistes de ces questions sont les premiers à en convenir : « Après 70 ans d’excavations et de fouilles extensives sur la terre d’Israël, les archéologues ont trouvé que les actions du patriarque sont des histoires de légende; nous n’avons pas séjourné en Egypte, ni fait un exode, nous n’avons pas conquis la terre. Il n’y a pas non plus de mention de l’empire de David et de Salomon. Ceux qui s’y intéressent savent tout cela depuis des années, mais Israël est un peuple têtu et ne veut pas en entendre parler», écrit Ze’ev Herzog Professeur d’Archéologie et d’Histoire antique du Proche Orient – Université de Tel Aviv. (Ha’aretz Magazine, 29 Octobre 1999).

L’affaire de l’invasion du Golan n’échappe pas à ces légendes…

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Avant la guerre des Six Jours en 1967, le Golan comptait une population d’environ 120 000 Syriens (dont des Turkmènes, des Circassiens et 10 000 Palestiniens) et 30 000 soldats… Et seulement quelques centaines de sionistes essentiellement des russes ashkénazes venus au début du siècle.

Au cours de l’Antiquité, cette zone de passage a été habitée par divers peuples, dont les Amorites, les Ituréens et sporadiquement par quelques Israélites venus depuis la Galilée, ou surtout depuis Babylone au IIIeme siècle av. JC mais pas avant ! La présence sporadique des israélites se terminera en 636, avec la conquête arabe sous Omar ibn al-Khattâb. Les Druzes vont s’y installer à partir du XVème siècle. Le Golan fait alors partie de l’Empire ottoman, et diverses populations vont s’y établir. Mais pas de juifs. En 1918, le Golan fait partie du mandat britannique sur la Palestine et est cédé au mandat français en 1922 jusqu’à l’indépendance de la République syrienne en 1946.

Mais à partir de la fin du XIXème et le début du XXème siècle, soit quinze siècles après la disparition des derniers résidents juifs historiques sur le Golan, des associations sionistes russes achètent des terres dans le plateau du Golan et y organisent des implantations de quelques centaines de colons.

Aujourd’hui les nouveaux envahisseurs israéliens, devenus colons, se flattent d’avoir trouvé là les « meilleurs terres pour l’élevage ». Les riches terres du plateau les changent quelque peu des collines rocailleuses de Judée :

 

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On n’est pas plus cynique !

L’occupation du Golan est donc clairement plus une occupation économique que militaire et la « sécurité d’Israël » toujours mise en avant sert surtout de prétexte à un vol de terres à vocation purement économique, entériné maintenant par les Etats-Unis dont on se demande à quel titre ils donnent leur avis dans une question locale israélo-syrienne.

Historiquement le plateau du Golan, lieu de passage des caravanes entre le Proche Orient et le Monde Méditerranéen (Egypte, Maschrek, Maghreb jusqu’à la Grèce et à la Turquie) est quasi-uniquement peuplé de pasteurs nomades. La présence juive, aussi discontinue dans l’espace que limitée dans le temps, peut s’y résumer en trois noms :

I – Guémala (Gamala ou Gamla)

 

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La cité de Gamla a été fondée par les Séleucides[1] au IIIe siècle av. J.-C.

 

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Vue du site de Gamala depuis le sud-est. Le lac de Tibériade est visible sur la gauche (photo prise entre 1934 et 1939).

 

À la chute de l’Empire séleucide, la ville passe sous contrôle hasmonéen[2]. La ville est alors peuplée par ceux que Flavius Josèphe appelle des « Babyloniens ». Ce sont des Juifs non palestiniens d’origine, qui se sont enfuis d’orient, ou se sont loués comme mercenaires, partis avec leurs familles de Mésopotamie pour des raisons encore inconnues. On retrouve ainsi trace de 500 hommes entraînés pour tirer à l’arc à cheval, que le roi Hérode le Grand a installés vers – 7 av. J.-C. — ou peu auparavant — en « Batanée » où ils créent une sorte de « bouclier » face aux raids des brigands nomades qui venaient régulièrement piller les territoires de son royaume. Ces « Babyloniens » venaient, selon Flavius Josèphe, des rives de l’Euphrate ou du Tigre. Le roi Alexandre Jannée – roi et grand prêtre, frère d’Atistobule I, étendit la ville au Ier siècle av. J.-C.

En 66, Flavius Josèphe, devenu gouverneur de la Galilée, fait de Guémala sa principale place forte pour défendre la Galilée des incursions des tribus venues du nord mais aussi la défendre des Romains. Lorsque Vespasien part en campagne pour reprendre le contrôle de la Galilée, après avoir pris la région du lac de Tibériade (66) il entreprend le siège de Guémala. Après une première tentative plutôt désastreuse, il finit par parvenir à prendre la place début novembre 67. Guémala n’a jamais été reconstruite depuis. C’est la fin de la « présence antique juive » sur le Golan.

(On n’a jamais parlé évidemment de suzeraineté juive sur cette zone !)

II – Qatzrin (ou Katzrin)

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Annexé par Israël

 

Cette ville est située à une dizaine de kilomètres du « gué des filles de Jacob » sur le Jourdain, point de passage obligé des caravanes. À l’époque byzantine (IVeme siècle) il existait aux confins de la ville actuelle un village juif dont les ruines de la synagogue sont encore visibles :

 

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Ce village était construit à proximité d’une source.

Il fut abandonné à l’époque médiévale du temps où les Mamelouks régnaient sur la Palestine. C’est ce qui marque la fin de la faible présence juive médiévale dans le Golan. Et on n’observe toujours pas toujours pas de suzeraineté juive durant cette période. Ce village ne fut pas réoccupé jusqu’à la guerre des Six jours.

Une ville a été établie alors par les Israéliens en 1977 après leur prise de contrôle du Golan en 1967 et elle est actuellement peuplée d’immigrés récents, dont plus de 2000 sont venus de Russie. Qatzrin est aujourd’hui, avec une population de 7 000 habitants, le siège du « Conseil régional du Golan ». Une ville qui a donc à peine cinquante ans ! Au-delà de cette implantation juive, Majdal Shams, avec 10 000 habitants druzes pour la plupart, en est l’agglomération la plus importante de la région.

III – Kuneitra (ou Quneitra) : Ville martyre, pillée et détruite par les Israéliens

 

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Une petite localité a existé là durant la période romaine et byzantine, servant de halte sur la route entre Damas et la Palestine : un relais caravanier. La ville moderne a grandi autour d’un noyau constitué d’un caravansérail ottoman qui fut construit avec des pierres de l’ancienne cité. Au XXème siècle Quneitra devint le centre administratif du secteur du Golan majoritairement peuplé de Circassiens. Après l’indépendance de la Syrie et d’Israël, respectivement en 1946 et 1948, la ville prit une grande importance stratégique en raison de sa position clé sur la route liant les deux pays, à 64 km de la frontière. Elle devint alors une ville marchande prospère et, sa population tripla à la suite de l’installation d’une garnison militaire.

La prise de Quneitra par les Israéliens eut lieu dans des circonstances chaotiques le 10 juin 1967.

Lors des deux premiers jours de la guerre du Kippour en 1973, Quneitra fut brièvement reprise par les Syriens aidés par les forces armées royales marocaine (FAR) du colonel ‘Aqid El Allam, avant qu’ils ne soient repoussés lors de la contre-offensive israélienne. Les autorités syriennes appellent alors la population syrienne à « abandonner leurs habitations et leurs propriétés » et dès le mois de juin, l’armée israélienne détruit les structures abandonnées.

 

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Hôpital abandonné de Qouneitra

 

La ville a été entièrement saccagée et pillée par les soldats israéliens. Les meubles étant ensuite revendus à des entrepreneurs. Les maisons, une fois vidées, étaient systématiquement détruites par les bulldozers et les tracteurs. À ce jour, le plateau reste recouvert de décombres en témoignage.

Seuls 6 000 à 7 000 Druzes resteront alors sur place sous contrôle israélien.

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Ce qui n’a pas empêché avec le culot qui caractérise les propagandistes sionistes, lors d’une réunion d’urgence au Conseil de sécurité de l’ONU, de voir l’ambassadeur d’Israël aux Nations-Unies, Danny Danon, déclarer que « le Golan a toujours été un territoire israélien et de remercier les États-Unis de l’avoir reconnu. ». Ce que « Le Monde Juif », comme à son habitude qualifie de réponse cinglante. Et Danon osera ajouter : « La souveraineté d’Israël sur le Golan est “éternelle”, la présence des Juifs y remontant à des millénaires. » (sic !) (https://www.lemondejuif.info/2019/03/la-cinglante-reponse-disrael-a-la-france-et-au-monde-la-presence-juive-sur-le-golan-remonte-a-des-millenaires ; page bien entendu « lessivée » aujourd’hui).

Plus c’est gros, comme toujours, mieux cela passe !

Résultat :

Après la guerre, la démographie du Golan s’est trouvée bouleversée : 30 000 Syriens fuient lors des combats et à la fin de l’année, de 90 000 à 115 000 civils (Syriens et réfugiés palestiniens) ont quitté le plateau du Golan. En 2014, la population du Golan était estimée à 22 000 Druzes, et 30 000 israéliens vivant dans 35 colonies.  Environ 10 % des Druzes ont pris la nationalité israélienne. Sans doute est-ce cela qui justifie les explications aussi laborieuses qu’alambiquées de Tribune Juive : http://www.tribunejuive.info/israel/legitime-annexion-illegitime-contestation-par-pierre-saba.

Cela dure depuis dix ans.

La grande question aujourd’hui est de savoir si en vertu de la loi « état nation » si chère à Nétanyahu – les Druzes, collabos sionistes de la première heure, feront ou non les frais du nettoyage ethnique israélien clairement programmé.

La question syrienne a rebattu les cartes

 

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« l’effacement » de la Syrie de Bachar el Asssad au profit de celle de djiadistes qualifiés de « modérés » mis en place avec l’aide active des bombardements israéliens ne présage rien de bon ni pour les chrétiens ni pour l’immense majorité des chiites et des alaouites du pays, tout comme des sunnites non politisés. L’enthousiasme médiatique est particulièrement inquiétant et traduit, comme toujours, une méconnaissance totale de la situation.

L’homme fort actuel de la « rébellion » se nomme Abou Mohammed al Jouali, né en Arabie saoudite, il sera un membre très actif de la mouvance al Quaïda dont les liens avec Israël ne sont plus à démontrer :

 

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En 2016, Joulani rompt avec al-Qaïda et forme en 2017 une nouvelle organisation, Hayat Tahrir al-Cham (HTC). À la suite d’affrontements avec d’autres groupes rebelles, HTC devient la force dominante dans le gouvernorat d’Idleb et forme un « gouvernement de salut syrien » chargé d’administrer les territoires sous son contrôle. Pendant cette période, Joulani s’éloigne du salafisme et du djihadisme et réprime les partisans d’al-Qaïda et de l’État islamique. Tout en administrant sa région de manière autoritaire et conservatrice, il n’impose pas une application rigoriste de la charia et accorde une relative liberté de culte aux chrétiens et aux druzes, afin de se concilier les populations locales et la communauté internationale.

Mais rien ne dit qu’il parviendra à se maintenir à la tête du pays au milieu des divers mouvements dits de « libération » aux intérêts ethniques et aux buts idéologiques et religieux parfois contradictoires. On retrouve là la technique rassurante des talibans afghans lorsqu’ils ont repris le contrôle du pays après le « départ » des Américains. Mais cinq ans plus tard, les filles sont exclues du système éducatif et plus ou moins condamnées à la claustration domestique, la musique occidentale est interdite, etc.

Les dernières déclarations de Joulami sont très éclairantes quant à ses affinités : « Nous sommes ouverts à l’amitié avec tous les pays de la région, y compris Israël. Nous n’avons pas d’ennemis autres que le régime d’Assad, le Hezbollah et l’Iran. Ce qu’Israël a fait contre le Hezbollah au Liban nous a beaucoup aidé. Maintenant, nous nous occupons du reste. »

C’est bien ce « reste » qui doit nous interpeller quand on connaît la haine viscérale d’Israël pour tout le monde chrétien d’Orient on peut légitimement s’inquiéter du devenir des minorités chrétiennes au Liban et en Syrie ; celles des églises de traditions les plus anciennes (assyrienne, syriaque) aux maronites et chrétiens orthodoxes. Une remarque qui vaut aussi pour la minorité chiite.

Claude TIMMERMAN

[1] La dynastie séleucide est une dynastie hellénistique qui a régné sur une partie de l’Asie (Babylonie, Mésopotamie, Anatolie et Syrie), de la prise du titre royal par le Diadoque Séleucos en 305 av. J.-C. à la mort de son dernier représentant, Philippe II, en 64 av. J.-C.

[2] Les Hasmonéens sont une dynastie juive qui parvient au pouvoir en Judée au cours de la révolte des Maccabées. C’est Mattathias un prêtre de la lignée sacerdotale de Yehoyarib qui l’instaure  en 168-167 av. J.-C.. S’y joindront  les hassidéens. (Dans la tradition littéraire chrétienne, cette dynastie est dénommée « Maccabées ».) Mattathias mourra un an après le déclenchement de la révolte. Son fils Judas Maccabée, qui n’est pas l’aîné, lui succède. Après plusieurs batailles, il parvient à s’emparer de Jérusalem et rétablit le culte juif au Temple (déc. 164 av. J.-C.). Hérode règnera sur la Judée après l’exécution d’Antigone II, dernier véritable souverain des Hasmonéens, en -37. Il meurt en -4, après avoir agrandi le temple de Jérusalem.  Ce fils de converti iduméen est le dernier roi de Judée. Compte tenu de ses origines, ce n’est pas un Hasmonéen à proprement parlé, même s’il est leur héritier direct.

METAINFOS - 14 décembre 2024

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