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A suivre L’histoire du nationalisme français, il apparaît comme une évidence que la référence à la Commune de Paris n’appartient pas seulement à la gauche ou à l’extrême gauche. Dès l’automne 1888, Edouard Drumont écrivait dans La Fin d’un monde, le livre qui caractérise le mieux son combat politique : « Ce qui rendit […] la répression de la Commune ignoble, c’est qu’elle fut faite par les courtisans, les corrupteurs de ceux dont on versait le sang à flots, c’est que les plus impitoyables égorgeurs du Peuple furent ceux qui le flattaient le plus bassement la veille : les Jules Favre, les Jules Simon, les Picard. » Et d’ajouter : « Ce sera l’éternel crime des conservateurs […] de s’être associés à cette répression infâme. » Dans cette lignée, à noter qu’une figure de la Commune, le socialiste Cluseret (il sera élu sous cette étiquette député du Var de 1888 à 1898) écrira dans La Libre Parole de Drumont.

Dans l’entre-deux-guerres, on relève que Robert Brasillach et l’équipe de Je suis partout se rendront en 1938 au mur des Fédérés afin de déposer une gerbe « aux patriotes parisiens qui ont été les premières victimes de la Gueuse. »

 

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1er mai 1966, pour la fête du travail, une délégation du Mouvement nationaliste du progrès dépose une gerbe au mur des Fédérés. Au centre, le général Cariou.

(Crédit photo : Jean Muscat.)

Chez les nationalistes, le souvenir de la Commune est intimement lié à celui de Rossel. Pour s’en tenir à la seconde moitié du XXe siècle, citons, entre autres et à titre d’illustration, les faits suivants. En 1960, Hubert Saint- Julien (Lambert de son vrai nom), auteur d’articles dans des journaux nationalistes comme L’Heure française et Jeune Nation, ami de Jean-Marie Le Pen, fait paraître aux Presses continentales un attachant Louis Rossel - Pensée et action d’un officier insurgé. En 1963, Europe- Action, dans sa plaquette Qu’est-ce que le nationalisme ?, décrit la Commune comme une « insurrection des patriotes parisiens » où s’illustra Louis Rossel « assassiné par les Versaillais (parti des défaitistes) ». Avant de conclure : « L’analogie est frappante avec l’insurrection spontanée des Français d’Algérie en 1962. Le souvenir des 30 000 patriotes fusillés sur ordre de la bourgeoisie capitaliste représentée par Thiers appartient aux nationalistes. » Aussi, le 1er mai 1966, date du premier congrès du Mouvement nationaliste du progrès (MNP, lié à Europe-Action), une délégation conduite par le général Cariou dépose une gerbe au mur des Fédérés, tandis qu’une autre, formée de travailleurs des usines Renault, fleurit la tombe du colonel Bastien-Thiry. Le 11 mai 1986, les mouvements Jeune Garde et Troisième Voie participent au défilé de Jeanne d’Arc de la place des Pyramides ; au même moment, plusieurs de leurs responsables honorent « les héros de la Commune ».

Dans National-Hebdo du 23 novembre 1995, Pierre Vial, où il tient la chronique « Notre mémoire », se voit reprocher par un lecteur de dire du bien de la Commune. Sa réponse est intéressante : « Etant nationaliste, je refuse l’alignement sur le vieux clivage entre droite et gauche, ces deux faces d’un même système qui, depuis deux siècles, dresse une moitié de la France contre l’autre, pour le plus grand bien de l’anti-France. Cette anti-France qui sera automatiquement vaincue le jour où le rassemblement et l’unité du peuple français sera réalisé […]. Et un nationaliste sait bien que l’ennemi principal est le libéralisme apatride par définition et par nécessité. En 1871, le libéralisme s’appelait Thiers. »

 

Un destin exemplaire

C’est vrai, le destin de Louis Rossel apparaît comme exemplaire. Ce fils d’officier, né en 1844 à Saint-Brieuc, entre à Polytechnique et choisit la carrière militaire. Les mondanités le rebutent. Ses passions ? Le théâtre de Corneille et la stratégie militaire. Promu en 1869 capitaine du génie, très vite il formule les principes de la « défense en surface », c’est-à-dire de la guérilla à l’échelle nationale. L’occasion pour lui d’écrire une étude sur Jeanne d’Arc chef d’armée, dont il était un fervent admirateur. Lors de la guerre avec la Prusse, il se trouve enfermé dans Metz avec l’armée de Bazaine, chef indigne et intrigant qui ne tarde pas à se rendre sans même avoir épuisé tous les moyens de défense (27 octobre 1870). Le jour de l’entrée des Allemands dans la ville assiégée, il réussit à s’enfuir afin de reprendre la lutte, alors que ses camarades demeurent indécis. Le voilà chef du camp de Nevers. Comme il le note : à l’heure des derniers combats, le départage se fait entre ceux pour qui le mot patrie signifie « sauvegarde de la souveraineté et de l’indépendance nationale » et ceux pour lesquels il ne veut rien dire d’autre que « préservation de la tranquillité publique». Le 18 mars 1871, Paris se soulève, Paris refuse la défaite. Deux jours plus tard, le colonel Rossel est dans la capitale, seul officier supérieur à rejoindre la Commune. Il sera successivement chef d’état-major au ministère de la Guerre et délégué à la Guerre à la place de Cluseret. Un de ses premiers gestes est d’empêcher le massacre des prisonniers. Il doit affronter le désordre, l’indiscipline, l’incapacité, la démagogie. Mais, à sa grande exaspération, l’anarchie s’étend.

 

Dégoûté de la Révolution

Le Comité de salut public s’ingénie à donner aux généraux fédérés des instructions contraires à celles de Rossel. Le 9 mai, il démissionne, incapable d’assumer plus longtemps la responsabilité d’un commandement où tout le monde délibère et où personne n’obéit. Il se dit « profondément ,dégoûté de la Révolution et des révolutionnaires ». Arrêté par la Commune, il s’évade, se cache puis, sur dénonciation, sera de nouveau arrêté, mais cette fois par les Versaillais. Un conseil de guerre le condamne à mort pour « rébellion armée ». Une grande campagne se déclenche aussitôt en sa faveur : pétitions, manifestations d’étudiants et interventions diverses. Rien n’y fait.

Le 28 novembre 1871, après avoir communié, Louis Rossel est fusillé dans les fossés du fort de Satory. Il meurt à 27 ans sous des balles françaises, après avoir lutté de toutes ses forces contre le déshonneur national. Il avait demandé à commander le feu, mais le colonel versaillais Merlin ne lui opposa qu’un sec refus. Quant au lamentable maréchal Bazaine, s’il fut également condamné à mort, il bénéficia aussitôt d’une grâce présidentielle.

Philippe Vilgier - Présent – Samedi 26 juin 2021

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