A la fin de la guerre de sécession, le colonel Alfred Horatio Belo, natif de Salem en Caroline du Nord, fait route vers le Texas à cheval. Promu colonel par le général Lee après la bataille de Gettysburgh, il a décidé de mettre le plus de champ possible entre lui et les Yankees. Et le Texas, où lesdits Yankees font profil bas (et c'est toujours le cas, Thanks God!), lui semble être un endroit hautement fréquentable pour tous les good ol' rebels.
En 1866 (il a alors 27 ans), il devient le directeur du journal de Galveston, News, en partenariat avec un Texan, William Richardson. A la mort de Richardson, en 1875, le colonel Belo devient l’actionnaire principal du journal : il en fera l'un des tout premiers du Texas.
Passionné de techniques avancées, il est séduit, lors de la Philadelphia Centennial Exposition, par le téléphone récemment « inventé » par Grahham Bell. Il sera parmi les tout premiers acquéreurs de cette invention qui va changer la vie du monde. En mars 1878 – et c'est le tout premier au Texas – un téléphone Bell est mis en service entre le domicile du colonel Belo et ses bureaux.
En 1883, il demande à l’architecte le plus connu de Gavelston, Nicholas J. Clayton, de concevoir un bâtiment – et ce sera, là encore, le premier du genre – conçu tout à la fois pour la fabrication et la publication d'un journal. Dans le même temps, il comprend que Gavelston ne va guère rester plus longtemps la ville la plus importante du Texas.
Au début des années 1880, il envoie un de ses jeunes employés, l'Anglais George Bannerman Dealey, en quête de l'endroit idéal pour promouvoir un nouveau quotidien. Dealey va choisir Dallas, qui n'est encore qu'une grosse bourgade, mais qui est parfaitement desservie par le chemin de fer. En 1885, le colonel Belo lance le Dallas News qui, de conception très moderne, va conquérir des milliers de lecteurs, et bien au-delà du Texas.
Cette même année, le colonel Belo, toujours fringant et toujours fidèle à ses convictions sudistes, s'installe à Dallas. Cinq ans plus tard, il y fait construire une superbe demeure, dans l’esprit des demeures ante bellum du vieux Sud, le Belo Mansion (on peut toujours l’admirer à Dallas).
Il meurt le 19 avril 1901, lors d'un voyage à Ashville, Caroline du Nord, où se tenait une commémoration de vétérans confédérés. Il sera enterré dans sa ville natale, Salem. Salem avait été fondée en 1753 par l'évêque August Gottlieb Spangenberg de l'Eglise Moravian, communauté à laquelle appartenait la famille Belo. Salem (aujourd'hui Salem-Winston) s'appela d'abord Bethabara, avant de prendre le nom de Salem (de l'hébreu shalom).
L’Église Moravian, initiée par le Tchèque Jean Huss, prit naissance en Bohème-Moravie en 1457. Elle est aujourd'hui représentée, outre aux États-Unis où elle associée aux Quakers, dans de nombreux pays d'Amérique latine. Le colonel Belo en est, à ce jour la figure la plus connue et, paradoxalement, une figure guerrière : curieusement pour notre époque, mais pas lors de la guerre de sécession quand, à la différence des Quakers qui refusèrent de porter les armes, les Moravians choisirent massivement de servir le Sud.
Alain Sanders