Lire l’œuvre abondante – ou les études universitaires voire les nombreuses publications sur les écrits et la pensée du plus grand juriste allemand du XXe siècle que fut Carl Schmitt - n’est pas toujours un exercice aisé. Si vous ne possédez pas de formation en droit et/ou en sciences politiques (comme l’auteur de ces lignes d’ailleurs), cet ouvrage de Robert Steuckers constitue, et de loin, la meilleure entrée en la matière, tant nul mieux que lui, dans notre mouvance, ne dispose d’un lumineux esprit de synthèse, de précision, du sens de l’anecdote et surtout, de la faculté de vous ouvrir à de nouvelles et vastes perspectives idéologiques. En clair, avant de vous lancer dans de sérieuses et nécessaires « aventures schmittiennes », mieux vaut commencer par cette riche et complète initiation – je dirai même plongée juridico-philosophique – que nous propose notre érudit et délicieux camarade belge dans ce recueil d’une grande densité.
QUELQUES POINTS SAILLANTS
Au-delà des éternelles critiques que lui adressent en continu les cloportes et les minus qui n’ont jamais rien lu de l’œuvre de Schmitt et qui ne retiennent de lui que ses quelques années de sympathie pour le IIIème Reich voire sa supposée postérité dans la praxis des néocons et autres faucons américains, il est nécessaire de le lire pour découvrir en fait une pensée verticale extrêmement riche et très actuelle, et dont les leçons nous éviteraient bien des naufrages sur les récifs de la mondialisation libérale qui nous prive de notre destin.
Cet ouvrage fourmille de concepts. Néanmoins, en tant que nationaliste révolutionnaire européen, j’ai choisi quelques points de la pensée de Carl Schmitt qui peuvent trouver écho dans notre combat contre la pieuvre :
Le décisionnisme en politique : en cas de normalité de la situation, les dirigeants politiques libéraux s’en tiennent généralement à une norme juridique, des mécaniques, des rigidités, des procédures routinières qui peuvent vite devenir « une cage d’acier » empêchant toute résolution de problèmes urgents pouvant même conduire une nation à sa perte. Les vieilles nations européennes s’en rendent bien compte aujourd’hui tant elles sont démunies juridiquement face au terrorisme islamique mais aussi face à l’invasion migratoire qu’elles ne peuvent juguler au motif qu’il existerait une norme supérieure à leurs droits fondamentaux : les droits de l’homme. Hors selon Carl Schmitt, l’exceptionnalité d’une situation appelle la décision, ce qui signifie, agir, sévir, légiférer. Et en conséquence, restaurer la dimension personnelle du pouvoir, la décision d’un homme dans le cadre d’une situation « hors norme et urgente » étant toujours préférable que la lenteur des procédures et du verbiage parlementaire. Un véritable vitalisme politique ! Ce qui suppose ponctuellement d’avoir recours à la dictature, de suspendre le droit avant que la normalité ne reprenne ses droits, ou que le droit évolue de manière « re-territorialisé », c’est-à-dire convenant à un Etat et à son peuple (aucun droit international ne peut se substituer au droit national). Et qu’on ne vienne pas nous faire là la sempiternelle leçon sur le totalitarisme qui serait congénitalement au fond de notre ADN puisque la sacro-sainte république de Weimar a usé de cette pratique politico-juridique des dizaines de fois avant 1933, ainsi que le général de Gaulle durant la guerre d’Algérie ( l’article 16 de la Constitution de notre Vème république permet de suspendre la démocratie sous couvert de l’état d’urgence…)
Le Grand Espace – grossraum – européen : les peuples européens partageant une identité, une culture, des intérêts et un espace de civilisation communs, Carl Schmitt estimait urgent de penser l’organisation de cette espace qui est « nôtre » et que constitue le bloc continental « Europe », afin de nous organiser militairement, économiquement et de partager intelligemment nos ressources ( matières premières et agricoles) visant de facto et avec le temps, à une véritable autarcie des grands espaces. Voyant aussi la montée en puissance d’Empires et de nations prédatrices, il estimait que les Européens devaient au plus vite se doter d’une véritable « doctrine Monroe », c’est-à-dire littéralement interdire notre sol à toute puissance étrangère (notamment aux USA.) Repenser une autre Europe intégrée, hors UE voire même contre l’UE qui n’est non pas les Etats-Unis d’Europe mais les Etats-Unis en Europe, voilà à quoi nous devons nous atteler urgemment. De même qu’il avait bien analysé, pour prolonger sur ce sujet, notamment dans Le nomos de la terre, la lutte éternelle entre les puissances de la Terre par définition enracinées ( l’Europe) et les puissances de la mer (les thalassocraties Anglo-saxonnes) nomades, fluides, impérialistes, agressives, prédatrices.
La désignation de l’ennemi : telle est la base du combat politique qui ne l’oublions jamais, est aussi une forme de guerre. Malheur à celui qui par mollesse n’ose pas le montrer du doigt! A contrario, si vous ne désignez-pas un ennemi, c’est aussi lui qui peut vous désigner comme tel (regardez aujourd’hui comment les mondialistes nous désignent avec mépris ou avec une haine viscérale : populistes, extrémistes, fascistes…) Cet ennemi peut être extérieur mais aussi intérieur. Schmitt écrivait : « Aussi longtemps qu’un peuple existe dans la sphère politique, il devra opérer lui-même la distinction entre amis et ennemis, tout en la réservant pour les conjonctures extrêmes dont il sera juge lui-même…Dès l’instant que la capacité ou la volonté d’opérer cette distinction fait défaut au peuple, ce dernier cesse d’exister politiquement. S’il accepte qu’un étranger lui dicte le choix de son ennemi et lui dire contre qui il a le droit ou non de se battre, il cesse d’être un peuple politiquement libre et il est incorporé ou subordonné à un autre système politique. » Citation d’une clairvoyance rare qu’illustre notre vassalisation, que ce soit dans les domaines du militaire, du politique, de l’économique à des organismes qui nous ont littéralement mis sous tutelle, pensons à l’UE, l’OTAN, l’OMC, la CEDH…
La primauté du Politique : l’Etat n’est qu’un moyen, pas le but (contrairement au fascisme.) S’appuyant sur l’Histoire, son territoire et son peuple, un Etat a le devoir de concevoir des institutions et des règles s’inscrivant dans la durée, susceptibles non pas d’assurer le bonheur à ses citoyens mais un destin. Mais aussi de briser impitoyablement toutes les féodalités, notamment financières susceptibles de mettre le peuple en coupe réglée. Imposer le pouvoir du Politique contre le pouvoir de l’économique qui ne peut profiter qu’a une minorité. Ce qu’avait bien compris Maurras : « De l’autorité des princes de notre race, nous avons passé sous les verges des marchands d’or qui sont d’une autre race que nous, c’est-à-dire d’une autre langue et d’un autre passé. »
L’ernstfall : l’ernstfall est l’antonyme absolu du bien-être, du confort, du farniente, de la dolce vita, du consumérisme qui tuent tout vitalisme chez les peuples qui ne sont plus aptes à lutter contre la dureté de l’existence ou contre toute difficulté, même temporaire (la crise du COVID 19 en est un exemple frappant puisqu’avec un taux de mortalité de 0,05% en France, il s’avère qu’1/5 em des Français souffriraient de troubles psychologiques !) Cette notion qui nous rappelle aussi le tragique de l’existence oblige les peuples, s’ils ne veulent pas mourir, à se hisser à la pointe d’eux-mêmes. Dominer une situation ou se laisser emporter. Pour Schmitt, l’ernstfall c’est la guerre sous toutes ses formes, ce qui justifie l’existence d’un Etat fort, des citoyens disciplinés, des militants mobilisés en permanence, une sorte de « Sparte » au quotidien dynamisant toutes les forces potentielles de son peuple.
Vous trouverez bien d’autres choses passionnantes dans cet ouvrage de l’ami Steuckers (citons la théorie du partisan), notamment sur les influences philosophiques qui ont influencé Carl Schmitt (Hobbes, Machiavel, Donoso Cortes, Clausewitz…) ainsi que sur sa postérité à travers des auteurs trop méconnus tels qu’Othmar Spann, Otto Koellreuter…Ce sont sur les fondations solides qu’a jetées le grand juriste de Plettenberg que nous relèverons l’Europe de ses ruines.
Eugène Krampon
Diffusion du Lore, pour commander c’est ici : Sur et autour de Carl Schmitt : un monument revisité
Pour information à nos amis du Grand Est, Robert Steuckers échangera avec vous et pourra
vous dédicacer ses ouvrages, le samedi 24 avril, à partir de 14 h, à la librairie LES DEUX
CITES, 6 Grande rue 54000 NANCY.
Venez nombreux !