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Vers 2900 avant Jésus-Christ, une invasion migratoire en provenance de l’actuelle Ukraine a affecté le continent européen. Une arrivée si massive qu’elle a remplacé dans une large mesure les précédents habitants et qu’elle est majoritairement à l’origine de la population blanche moderne.

C’est ce qu’a établi le laboratoire de David Reich, chercheur à l’université de Harvard et pionnier dans l’étude de l’ADN ancien. Dans un livre récent (1), il fait le point sur cette science qui a à peine 10 ans : en 2010, on n’avait étudié le génome que de 5 individus anciens découverts par les archéologues ; en 2018, ils sont près de 4000 à avoir été séquencés, de quoi réécrire la préhistoire récente, tout particulièrement celle de l’Europe.

 

Ukraine, mère de l’Europe

Ces migrants de l’âge du Bronze sont identifiés au peuple Yamna – un nom inventé par les archéologues, à partir de l’ukrainien yamna kultura, « culture des fosses ». Cette culture s’est épanouie vers 3000 avant J.-C en Ukraine et alentour, dans le biotope de la steppe pontique, entre Caucase, Carpates, Oural, Mer Noire et Mer Caspienne. Elle a été révélée au siècle dernier par les chercheurs soviétiques, qui ont mis à jour des tombes géantes, les kourganes – collines de terre artificielles abritant un prince entouré de son char et de ses armes.

L’apport de David Reich et de son équipe se place sur le terrain de la génétique : à travers un séquençage systématique et une méthodologie assez complexe, ils sont en mesure de suivre à la trace les Yamnas dans leur conquête du continent.

A partir de -2900, ceux-ci débordent sur les plaines du nord de l’Europe, de la Russie jusqu’à la Belgique, entre la Baltique et les Alpes. Les Yamnas sont en effet les moteurs de la culture de la céramique cordée : parmi les haches et les grandes massues qui décorent les tombes, les restes humains séquencés par Reich révèlent une population à 70 % d’origine yamna.

C’est un peu plus tard, vers -2500, que les Yamnas passent la Manche, dans le cadre de l’expansion de la culture campaniforme : ils laminent alors les autochtones, ceux qui avaient érigé Stonehenge. Reich estime que les Yamnas vont former dorénavant 90 % de la population des îles britanniques.

Le reste de l’Europe est touché plus partiellement et plus tardivement. Pour l’Espagne, cela se passe entre -2500 et -2000. « Environ 30 % des Ibériques ont été remplacés à la suite de l’arrivée des Yamnas », estime David Reich. Mais il ajoute qu’en Espagne, 90 % des chromosomes y, apportés par les pères, sont yamnas. Cela voudrait dire que les hommes yamnas ont profité de leur suprématie pour se réserver les femmes, une attitude pour le moins patriarcale qu’ils ont colportée d’un bout à l’autre de l’Eurasie :

«  Les descendants du peuple yamna et de ses proches parents ont disséminé leurs chromosomes y en Europe et en Inde, à la faveur d’une expansion de grande ampleur démographique, car le type des chromosomes y dont ils étaient porteurs, absents avant l’âge du Bronze, y sont aujourd’hui prédominants », conclut Reich.

 

Une révolution économique et culturelle encore actuelle

Dans son livre, David Reich raconte que ses découvertes ont suscité la méfiance de ses collègues d’université. Ils ne sont pas loin de le suspecter d’accointances nazies – alors qu’il est d’origine juive ashkénaze et que ce sont les maladies génétiques propres à sa communauté qui l’ont motivé à s’intéresser à l’ADN. Reich a été obligé plusieurs fois de reformuler ses conclusions dans le sens de la prudence et du flou, au point de les rendre incompréhensibles pour le grand public.

Cet obscurantisme concernant la génétique historique masque les contributions yamnas à la culture moderne, qui dépassent un simple impact sur le génome.

Sur le plan économique, ce peuple des riches prairies d’Ukraine a été partie prenante de ce que l’archéologue Andrew Sheratt a appelé la « révolution des productions secondaires de l’âge du Bronze », c’est-à-dire l’usage renforcé des animaux pour la nourriture, le travail de la terre et la locomotion. Selon Reich, ce sont les Yamnas qui ont diffusé cette révolution sur notre continent, apportant le cheval, la roue et le goût du lait, permettant ainsi de mettre en pâture des espaces délaissés et d’accroitre la production alimentaire. De toutes les civilisations, l’Europe est d’ailleurs restée la plus redevable à l’animal, avantage compétitif majeur.

Sur le plan culturel, Reich attribue aux Yamnas la diffusion des langues indo-européennes, c’est-à-dire de la totalité des langues européennes, moins 3 (le basque, le hongrois et le finnois). Il montre aussi que la civilisation hindoue est issue de la « rencontre », vers -1500, entre des envahisseurs d’ascendance yamna venus de l’ouest et les populations plus foncées déjà en Inde. Contrairement à l’Europe, la fusion ne s’est pas complètement réalisée et le système des castes, très ancien selon Reich, serait le fruit amer de ce clivage initial.

Enora

(1) David Reich, Comment nous sommes devenus ce que nous sommes, La nouvelle histoire de nos origines révélés par l’ADN ancien, Quanto, 2019 (livre sorti aux USA en 2018). Le livre porte sur toute la planète et pas seulement sur l’Europe et l’Inde.

Crédit photo : wikipedia : Une stèle anthropomorphe d’Ukraine, de la culture Yamna, datant du IIIe millénaire av. J.-C.

Source : Breizh-info.com - 30 octobre 2022

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