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En tant que témoin d'une parole divine, et auditeur privilégié d'un dieu unique et céleste, Zarathoustra est le premier prophète de l'Histoire de l'humanité.

Au cours des deux premiers millénaires avant J.-C., naquit en Perse sa doctrine, dont les textes liturgiques se trouvent dans l'Avesta. Ce culte est nommé mazdéisme, qui est la foi en Ahura-Mazda, également appelé Ormuz. Des anges (yazatas), des archanges (Amesha Spenta) et des anges gardiens (fravashis) accompagnent Ahura-Mazda. Ils sont dignes de louanges de la part des zoroastriens, mais seul Ahura-Mazda est considéré comme divinité capable et agissante d'elle-même. Toutes les autres créatures célestes sont soit ses adjuvants, ses alliés, et répondent à ses ordres, soit ses adversaires (Angra-Mainyu, l'Esprit du Mal et les démons). Or, comme l'Esprit du Mal ne peut pas créer, mais seulement corrompre ce qu'Ahura-Mazda a créé, Ahura-Mazda est donc la seule créature céleste digne d'un culte, car elle est la seule à pouvoir agir de son propre chef.

Ahura-Mazda est aussi nommé simplement Mazda, le « Sage » qui réside au sommet de l'Univers, tandis que son frère maudit Ahriman vit au plus bas, au cœur des enfers. Il est le « Seigneur juste », dieu supérieur et tout-puissant, créateur de la vie dans l'Univers. Bien que ne possédant pas de parèdre, il est très entouré. Sa cour céleste est composée des Amesha Spenta (« les Immortels »), les Yazatas (archanges), les anges, mais aussi de toutes les âmes de tous les gens honnêtes et bons qui un jour peuplèrent la Terre (fravashis).

Les Fravashis peuvent se comprendre comme les anges gardiens d'une existence, ou collectivement, l'ensemble des ancêtres justes et bons (les saints). Le concept d'ange gardien se retrouve en Europe gréco-romaine, s'agissant probablement d'une des nombreuses mais mystérieuses influences qu'exerça l'empire perse sur l'univers métaphysique et religieux gréco-égyptien. Ammien Marcellin mentionne en effet un double céleste et sauveur ; une théorie commune aux néo-platoniciens et aux pythagoriciens, adeptes de deux doctrines très populaires avant l'intronisation du christianisme. Ce mythe de l'ange gardien sera abondamment repris dans le folklore chrétien, et l'expression « avoir un ange gardien » est toujours populaire.

La royauté d'Ahura-Mazda sur le ciel est donc sans cesse disputée par son frère maléfique Ahriman. Mais Ahura-Mazda possède un avantage : il demeure le seul capable de créer (son frère ne pouvant que corrompre). La cosmogonie mazdéenne dépend d'ailleurs uniquement de la relation tumultueuse qui unit les deux fils de Zurvan.

Cette sagesse étant des plus ancestrales, il nous est difficile de dater la vie de son prophète Zoroastre (qui se prononce Zarathoustra en ancien perse). On sait que celui-ci aurait vécu entre 1700 et 600 avant notre ère, mais les traces que nous possédons à son sujet ne sont que des indices linguistiques et des bribes de textes recopiés. On ne peut donc avancer avec certitude et sans parti pris, une datation plus exacte.

Le panthéon mazdéen pourrait se résumer ainsi : Zurvan est le Brahma ou le Chronos perse, il est le créateur de l'Univers, le père des premiers monstres à peupler l'Univers.            

Divinité primordiale, Zurvan s'efface devant les deux fils qu'il obtint de Khvashizagh, la déesse de l'éther. Ces deux fils sont les deux figures antagonistes sur lesquelles se développent la théogonie mais aussi la théologie perse : Angra-Mainyu (aussi nommé Ahriman) est l'Esprit du Mal, tandis qu'Ahura-Mazda est l'esprit du Bien, le « super-sage ». C'est du mythe de Zurvan et ses deux fils que naquirent les théologies reposant sur une vision bipolaire, tel que le manichéisme. Une divinité maléfique serait l'incarnation du Mal, et serait victorieuse durant l'existence incarnée, tandis qu'une autre divinité serait bénéfique et magnanime, et serait victorieuse durant l'existence désincarnée.

Celui qui l'on appelle aussi Ahriman est une des sources d'inspiration du mythe de Lucifer, l'ange déchu chassé du paradis abrahamique. Ahriman influença aussi largement le mythe de Satan (Sheitan).

« Je vis ensuite le mauvais esprit, le fatal, le destructeur du monde, celui dont la religion est le mal. Il humiliait et se moquait à jamais des âmes des pécheurs en leur disant : « Ne mangiez-vous pas le pain d'Ahura Mazda tout en œuvrant pour moi ? Alors comment se fait-il que vous n'ayez pas songé à votre propre créateur mais que vous ayez continué à travailler pour moi ? » leur criait-il rieur. » Arda Viraf, 100.

La naissance d'Ahriman est le véritable mythe fondateur de la cosmogonie mazdéenne. Alors qu'il n'y avait rien, il y avait Zurvan, le Temps. Il est la cause première ; le passé, le présent et le futur de toute chose. Il n'a ni nom, ni genre, ni passion. Il réside en dehors de l'Univers bien que le soleil soit sa manifestation physique.

Les alliés d'Angra-Mainyu sont les Daevas. Il s'agit du pendant perse aux dévas indiens, c’est-à-dire un groupe de dieux indépendants les uns des autres. Dans les Vedas, les dévas sont des dieux bénéfiques et complémentaires, tandis qu'ils sont perçus comme démoniaques dans l'Avesta. Ils représentent les forces du mal, divisés, néfastes, demandant des sacrifices mais incapables d'offrir le bonheur ou la vie juste. Dans l'Avesta, le Druj et Aeshma, sont quelques-unes des incarnations monstrueuses du Mal.

Les Amesha Spenta sont les principaux alliés et créatures d'Ahura-Mazda. Ce sont « les immortelles » puissances à son service, sortes d'archanges incarnant des concepts déifiés tel que :

Spenta Mainyu, le sacré, l'esprit créatif et le mental. Spenta étant « le Bien, la Sainteté » et Mainyu étant « l'esprit », Angra-Mainyu est donc le « mauvais esprit », tandis que Spenta Mainyu est « l'esprit saint », associé à Ahura-Mazda. Spenta Mainyu est parfois présenté comme une incarnation d'Ahura-Mazda lui-même.

Vohu Manah : l'esprit saint, le « juste objectif », parfois présenté comme un avatar d'Ahura-Mazda. Manah est la Pensée. Elle peut et doit être bonne et juste.

Asha : concept similaire au Rta des Aryens védiques. Il s'agit de la Justice, de l'ordre juste de l'Univers.

Kshathra : vocable qui rappelle la caste kshatriya indienne, soit la caste des soldats et des rois. Kshathra est l'Empire, la Puissance telle que le suggèrent les traductions de J. Duchesne-Guillemin et Jean Varenne. Peut aussi signifier « la justice divine ».

Armaiti : la Dévotion, divinité affiliée à la planète Terre, elle est la déification de la préservation, de l'amour et de la dévotion.

Haurvatat : l'Intégrité (Duchesne-Guillemin), la plénitude, la perfection associées à l'élément eau et à la santé.

Ameretat : l'Immortalité ou plutôt l'Éternité. Entité féminine incarnant la longue vie, à la fois sur Terre et dans l'au-delà.

Outre, les Amesha Spenta :

Sraosha est l'ange du soir. Il écoute les prières et bénit les champs et le bétail.

Mithra, Sraosha et Rashnu sont les anges chargés de faire passer les âmes des justes, de la terre au paradis du Garonmana. Mithra, la Lumière, étymologiquement « le Pacte », est la plus belle des créatures d'Ahura-Mazda. En punissant les pécheurs, il fait respecter la justice du Seigneur Juste et Sage (traduction littérale d'Ahura-Mazda). Dieu aux multiples visages, Mithra est à la fois le Soleil, le sacrificateur du taureau de vie et le chef des légions divines.

« Mithra transforme les gorges les plus vastes en champs fertiles. » Avesta, yesht […] C'est pourquoi il faut honorer Mithra, à haute voix et par des offrandes purifiées. » Avesta, yesht 10.

Associé à Ahura-Mazda en Perse, c'est naturellement à Varuna qu'est associé Mitra en Inde, tandis que les premières mentions de Mithra se trouvent dans les traités diplomatiques entre l'Empire Hittite et le Royaume du Mitanni (v. -1400), deux zones géographiques où les Aryens étaient présents avant même leur entrée en Inde et en Perse. Mais c'est son hymne avestique, bien plus tardif (v. -600) qui nous fournit le plus d'informations sur lui1.

À la fin du premier millénaire av. J.-C. le culte de Mithra semble subir de nombreuses variations, pour finalement investir la Méditerranée sous la forme d'un culte à mystères dont on ne sait que très peu de choses. De divinité du contrat, de la justice et de sa vengeance, Mithra devient donc une divinité solaire, mais surtout une divinité guerrière. À la suite des conquêtes en territoire perse (Arménie, expédition dans le désert d'Arabie, émissaires en Sogdiane, Bactriane et même Chine), ce culte connaîtra une véritable popularité dans les armées romaines. Pour eux, le dieu-soleil, « œil du monde », sacrificateur du Taureau de vie, annonciateur du printemps, mais aussi fils de Dieu sur Terre, est alors le moyen d'atteindre le Dieu du ciel.

Verethragna (Bahram) est la plus puissante des créatures d'Ahura-Mazda. Il est la divinité qui protège les guerriers et provoque la panique et le désarroi chez les adversaires. L'Avesta le présente comme celui qu'il faut prier sur le champ de bataille, juste avant que ne débutent les combats. Il possède plusieurs formes, dont celle d'un chameau en rut, d'un oiseau, d'un taureau, etc.

Aredvi Sura Anahita est la déesse de l'eau. C'est aussi une divinité du combat. C'est elle qui décide du sort d'une bataille. Dans l'hymne qui lui est consacré, l'Avesta raconte que dans l'Histoire, tous les conquérants qui désiraient envahir la Perse lui adressèrent des offrandes et des prières. Mais Anahita ne favorise que les Aryens, et chez ces Aryens, seulement ceux qui lui ont adressé un rituel correct.

Le feu (Adar) est un élément indispensable du culte zoroastrien. Les prêtres se couvrent symboliquement le visage durant les cérémonies afin de ne pas souffler sur sa flamme. Le feu est le symbole de la puissance et de l'immortalité d'Ahura-Mazda, mais ce n'est pas Dieu en tant que tel. Les zoroastriens n’adorent donc pas le feu, mais ils pensent que le feu représente leur divinité la plus haute.

Quant à Zarathoustra lui-même, il est le premier des grands prophètes, et sa représentation classique le montre debout, en marche, tenant dans ses mains les Gathas, les chants sacrés qu'il a composés, et dans l'autre son bâton de pèlerin.

Le clergé mazdéen est composé des « mages ». L'atharvan est le prêtre du plus haut rang, gardien du feu sacré. Il pratique la magie et assume le rôle de « sorcier » décrit dans les hymnes ésotériques de l'Atharva-Veda des Aryens Indiens. Le zoata (ou zaotar, ou hota) est le prêtre des rituels. Le zaothra est l'offrande. Le baresma est la baguette cérémonielle, qui plus tard inspirera la baguette magique des sorciers et sorcières des contes de fées.

Le zoroastrisme est la religion de ceux qui suivent l'enseignement de Zoroastre, le prophète errant du démiurge Ahura-Mazda. Grand prêtre du mazdéisme, Zarathoustra, prône une forme de monothéisme qui sera à la base d'une partie du judaïsme comme du catholicisme. Les Hébreux en exil à Babylone (-597 à -538) furent en effet fortement exposés au zoroastrisme. À cette même période, les Perses dominaient la ville mais aussi toute la Mésopotamie. Originellement, Yahvé était doté d'une parèdre, Shekhinah. Jusqu'à l'exil babylonien du peuple hébreu, Yahvé était une version locale du dieu du tonnerre sémite, Baal. Ce n'est qu'après le passage des Hébreux en Babylonie que le culte de Yahvé devint le pur monothéisme que nous connaissons, doté tout de même d'une très riche mythologie des anges.

Le zoroastrisme est en effet un véritable monothéisme. L'homme est placé au centre de la relation entretenue par le Bon Esprit (incarné par Mithra ou Ahura-Mazda) et le Mauvais Esprit. Entre ces deux pôles, il n'existe aucune créature céleste indépendante.

Si Mithra, Bahram et Anahita sont présents dans la partie de l'Avesta la plus récente (datant des empirses mède, achéménide ou parthe, v. -800 à 300), ils sont par contre totalement absents des couches les plus anciennes, telles que les fameuses paroles de Zarathoustra, les Gathas, et les récits de ses disciples, le Yasna Haptanghaiti. De telles divinités ne font donc pas partie intégrante du panthéon zoroastrien.

Leur popularité fut inégale à travers les 4000 ans d’histoire que compte cette doctrine. Mithra, par exemple, et qui plus est Anahita, sont tombés en désuétude, tandis que les personnages de Zarathoustra ou celui de Saoshyant n'ont jamais cessé de provoquer l’intérêt. Saoshyant est le sauveur de la fin des temps, le lointain descendant de Zarathoustra lui-même. Son mythe inspirera celui de Kalki chez les Indiens, et bien sûr le christianisme (le retour du Christ).

Le zoroastrisme est donc la doctrine prônée par Zarathoustra dans les Gathas, c’est-à-dire les chants les plus anciens de l'Avesta. Ces chants, composés entre le premier et le second millénaire avant notre ère, ne prônent qu'un seul dieu, Ahura-Mazda. Pratiquer la sainte parole, la sainte pensée et les saintes actions sont le meilleur moyen d'obtenir de lui le bonheur et la richesse (prospérité). Cette doctrine prône la vie, l'humilité, le travail et l’amour de Dieu. Les plaisirs ne sont pas interdits, tant qu'ils sont considérés comme « justes », c’est-à-dire « favorables à Ahura-Mazda ». Le zoroastrisme n'est donc pas un ascétisme. Si Zarathoustra fut un ascète et un mage errant, son propos n'indique pas l'ascétisme comme seul moyen de salut.

Le mazdéisme est un terme recouvrant un sens plus large. Le mazdéisme est l'ensemble des pratiques religieuses de la Perse Ancienne. Les traces archéologiques que nous possédons remontent aux Mèdes (v. -800) et ce culte semble culminer avec l'Empire achéménide (v. -500).

Le mazdéisme est un polythéisme, car outre Ahura-Mazda, les nombreuses autres divinités célébrées par les yasht (« hymnes ») de l'Avesta sont elles aussi dotées de pouvoirs. Mithra punit, Bahram aide, Anahita décide, etc. Il convient donc de les honorer chacune et non plus seulement Ahura-Mazda. Ce dernier demeure cependant le plus haut, le plus puissant et le plus sage des dieux, donc le plus vénérable. Par ailleurs, ce qui distingue Ahura-Mazda des autres divinités mazdéennes, c'est que sont louées en lui non pas la force et la violence, mais la sagesse, la maîtrise et surtout l'omniscience.

Le mazdéisme est donc un culte à rituels, qui comprend un ensemble de rites, de cérémonies et de prières chantées afin de s'attirer les faveurs des dieux intercesseurs. À ces rites très proches du védisme indien, la sagesse plus typique de Zarathoustra s'ajoute. Les gathas sont chantés lors des rituels, mais surtout, c'est la parole de Zarathoustra, et sa relation avec Ahura-Mazda, qui sont au cœur de la vie intellectuelle et religieuse des « partisans d'Ahura-Mazda » et non Mithra, Bahram ou Anahita. Cependant, pour les besoins du culte et parce qu'il n'est pas saint de vénérer un homme (ce que demeure Zarathoustra) les mazdéens vénèrent Mithra, le soleil, Bahram, la puissance, Anahita, les eaux vives et pures, etc.

 

 Le corpus mazdéen

L'Avesta est le livre saint des zoroastriens. Il s'agit d'une compilation hétérogène de textes datant de contextes et d'époques très différentes. Nous distinguons dans l'Avesta deux parties principales et plusieurs autres mineures. Les deux parties principales regroupent les textes de liturgie les plus étudiés par les universitaires comme par les mystiques zoroastriens. Il s'agit du Yasna et du Yesht. Un « yasna » est une prière rituelle, un « yesht » est un hymne.

Le Yasna est la couche la plus ancienne du corpus. Il s'agit de 72 chants de louanges et de prières adressées à Ahura-Mazda et à ses anges, de la part de Zarathoustra et des prêtres du mazdéisme. Il peut être divisé en trois couches, qui sont mélangées dans le corpus du Yasna. On distinguera les Gathas et le Yasna Haptanghaiti, qui sont les compositions les plus anciennes, des autres yasnas plus tardifs et datant de l'époque achéménide (v. -500).

Les Gathas sont les paroles attribuées à Zarathoustra. Rédigé dans la même langue archaïque que les Gathas, le Yasna Haptanghaiti semble avoir été écrit par les disciples directs de Zarathoustra. Il concerne les yasnas 35 à 41. Composés dans un perse très archaïque, nommé l'avestan ancien, ces yasnas les plus anciens sont datés du milieu du second millénaire avant notre ère, car c’est l'époque retenue de nos jours par les universitaires pour situer la vie de Zarathoustra. Cette datation ne repose pas sur des inscriptions, ni sur des vestiges archéologiques, car nous n'en possédons pas avant le milieu du premier millénaire et l'Empire achéménide. Une datation si haute repose plutôt sur la linguistique comparée. On peut ainsi se faire une idée, dans le temps et dans l'espace, de la division culturelle entre tribus aryennes perses (mazdéennes) et indiennes (védiques). Il ressort de telles études, que les yasnas les plus anciens furent composés par Zarathoustra dans sa propre langue, l'avestan. Très proche du sanskrit rig-védique, ce dialecte devait être parlé durant le second millénaire, tandis qu'il n’était plus qu'une langue morte un millénaire plus tard. L'ancien avestan n'est donc pas seulement la langue théologique des prêtres achéménides mais aussi une des langues vernaculaires des anciens Aryens installés au nord de la Perse.

Il est donc communément accepté de dater la première composition orale des Gathas et du Yasna Haptanghaiti entre -1500 et -1200, période durant laquelle l'avestan était parlé par les Aryens de Transoxiane et de Bactriane. Zarathoustra, supposé avoir vécu entre les monts Zagros et la Bactriane, était locuteur de cette langue. De tels indices nous permettent donc de situer la vie de Zarathoustra au second millénaire.

Faisant aussi partie du corpus avestique, le Yasht est l'autre source essentielle permettant de mieux connaître la religion mazdéenne. Il s'agit de 21 chants de longueurs différentes et honorant chacun une divinité différente. Si la composition du Yesht remonte aux Achéménides, les premiers textes ne nous sont pas parvenus. Ce sont les copies datant de l’Empire sassanide (224 à 651 apr. J.-C.) que nous connaissons. La langue de rédaction des yashts est l'avestan récent, c’est-à-dire la langue théologique des prêtres achéménides.

Alors que les prêtres mazdéens entreprirent la compilation de ce qui deviendra l'Avesta, ils ne voulurent pas exclure les doctrines perses hétérodoxes, mais au contraire les incorporer. Si les premières compositions orales de l'Avesta avaient eu pour objectif de transmettre les paroles et la doctrine du Zoroastre, la seconde rédaction de l'Avesta eut plutôt pour but d'unifier, dans un même courant, les différentes traditions perses issues du socle culturel indo-iranien. Commande royale, la seconde couche de l'Avesta est donc rédigée dans une langue qui n'est plus celle des premiers textes rédigés quelques centaines d'années plus tôt.

Si Zarathoustra est mentionné dans les yashts, leur tonalité est bien différente du Yasna. À la place d'un monothéisme centré sur Ahura-Mazda et ses principaux anges, on trouve un polythéisme composé des principales divinités alors présentes dans l'Empire Perse. L'Empire achéménide, qui souhaitait fédérer plutôt que diviser les peuples de Perse, favorisa la rédaction d'un corpus qui, tout en excluant les doctrines étrangères et déviques (védiques), laissait la possibilité aux traditions polythéistes locales de perdurer, malgré l'interdiction doctrinale zoroastrienne du polythéisme.

C'est ainsi que Mithra devint « la création préférée d'Ahura-Mazda », alors qu'à l'origine, il était son pendant lumineux, comme le védique Mitra est le frère lumineux de Varuna, le « roi de la nuit », et non son fils. De même, Verethragna devient « le meilleur et le plus puissant des alliés d'Ahura-Mazda », tandis que sous sa forme dévique (Indra), il était le roi des dieux, le seigneur des seigneurs. Anahita Sura Devi, la déesse de l'eau, la guerrière tutélaire de nombreuses villes et villages aryens, devint quant à elle la « meilleure alliée d'Ahura-Mazda. »

Divinités auparavant absentes des yasnas, Mithra, Anahita, Bahram et son incarnation l'oiseau Verethragna, font leur apparition dans l'Avesta. Si ces divinités sont directement inspirées du panthéon aryen, telles Vayu et Mithra, elles sont aussi fortement inspirées par les civilisations voisines de Mésopotamie (Mithra évoquant tout autant Shamash, le dieu solaire élamite, que Mitra, le compagnon du Varuna védique). La présence de ces divinités peut s'expliquer par le besoin qu'avaient les rédacteurs de l'Avesta tardif d'inclure des divinités guerrières à l'image du puissant Empire perse. Il s'agissait d'inclure des divinités originaires des différents clans aryens, afin de les fédérer, mais aussi d'inclure des divinités extraites du panthéon des peuples soumis mais encore puissants (et donc utiles). C'est ainsi que le Mithra de l'Avesta doit autant au Mitra védique qu'à Shamash, dieu solaire mésopotamien et élamite. C'est même Shamash qui dotera le dieu des soldats aryens de son caractère solaire, qui par ailleurs ne se retrouve pas d'une manière aussi prononcée en Inde.

Dans l'Avesta, composé du Yasna et du Yasht, se distinguent donc très clairement deux univers culturels bien distincts, mais pour autant conciliables grâce à la présence de Zarathoustra au début et à la fin de chacun des hymnes. Dans la première couche de l'Avesta, Zarathoustra est un personnage historique, qui tel Mohammed ou Jésus voyageait par le monde en recevant à intervalle régulier la grâce de Dieu. Si ce n'est Ahura-Mazda et ses anges, aucune autre divinité n'est présente. Il s'agit véritablement d'une des toutes premières formes de monothéisme.

Dans la seconde couche de l'Avesta, Zarathoustra parle peu. Il n'est plus tant un prophète, qu'un archange, sanctionnant d'une bénédiction chacune des divinités citées. Il est devenu un personnage secondaire, parfois réduit au simple rôle de grand prêtre. Il ouvre et ferme les hymnes, d'une manière souvent artificielle. Le Zoroastre n'est donc plus celui auquel Dieu parle directement, mais il est toujours le témoin d'une vision mystique. Il n'est plus celui qui pose des questions à Dieu, mais il est encore celui qui observe et prend note.

Citons aussi le Vendidad, une autre célèbre partie de l'Avesta. Il s'agit d'un recueil de règles morales pour éloigner les démons. Vendidad est aussi le nom d'une cérémonie durant laquelle les yasnas sont récités.

Afin de compléter notre panorama de la littérature théologique zoroastrienne, citons le Denkard, d'Adurfarnbag-i Farrokhzadan (9e siècle) et le Bundahishn. Bundahishn est un terme désignant les œuvres cosmogoniques mazdéennes écrites en pahlevi, aussi appelé le moyen perse. Cette langue était celle de l'empire sassanide (v. 200 à 600) et demeura celle des zoroastriens jusqu'à la fin du premier millénaire.

 

 L'héritage perse

Si la communauté zoroastrienne ne représente plus de nos jours que quelques centaines de milliers de personnes, pour la plupart émigrées en Amérique du nord ou en Inde, le mazdéisme fut jadis la religion la plus universellement pratiquée. On retrouve en effet son influence directe et indubitable de la Galatie (Anatolie) aux contreforts himalayens, en passant par les steppes eurasiatiques.

On remarque en effet que de nombreuses coutumes et superstitions mazdéennes sont pratiquées par des peuples turco-mongols. Qu'il s'agisse d'un héritage du temps ancestral où Proto-Indo-Européens et Proto-Turco-Mongols vivaient conjointement dans les steppes, ou qu'il s'agisse plus simplement d'influences zoroastriennes à travers le média du manichéisme en Asie centrale, Marco Polo témoigne en tout cas de pratiques mazdéennes en Mongolie et au Turkestan. Les Mongoles considèrent en effet comme un péché de « toucher la flamme avec un poignard, tirer la viande de la marmite à l'aide d'un coutelas, blesser le feu en agitant la hache » (V. Chlovski, Le Voyage de Marco Polo).

Du fait du tabou de la mort et de sa supposée impureté, le zoroastrien meurt dans un autre lit que celui qui fut le sien, et en dehors de sa maison. Cette coutume se retrouve au nord de la Perse, sur les rivages de la Caspienne, en Anatolie et chez les Galates, si l'on en croit les témoignages de Strabon et Pausanias. À Taxila, ville indienne et aryenne située en amont de la vallée de l'Indus, on applique la coutume mazdéenne des vautours dévorant les cadavres. Ceux-ci sont alors placés dans des tours du silence.

Si les doctrines mazdéennes et védiques sont très différentes, elles ne sont pas nécessairement antagonistes. Jadis, ces deux courants religieux étaient unis par une même culture aryenne. Celle-ci se définissait par quelques points d'une doctrine commune : dont par exemple le culte du feu et la célébration d'un dieu central si ce n'est unique (Ahura-Mazda, Brahma ou Varuna). La civilisation aryenne, bien que divisée en deux aires géographiques et en deux traditions religieuses distinctes, possédait une certaine homogénéité. Par exemple, de Persépolis à Kashi, la société aryenne était dominée par une caste de prêtres, aux ordres de laquelle devait se conformer la caste guerrière et politique et pour qui devaient travailler les castes commerçantes et laborieuses. De fait, jusqu'à l'établissement de frontières par les puissances coloniales musulmanes puis britanniques, la Perse resta très fortement connectée à l'Inde.

L'influence du dualisme perse, renforcée encore par la réforme manichéenne se retrouve chez les néoplatoniciens de l'école de Plotin. Avant cela, le dualisme perse influença aussi les stoïciens, tel Chrysippe de Soles (280 - 206), disciple de Zénon de Kition. Né en Cilicie (Anatolie), Chrysippe fut scholarque du Portique. Une telle proximité avec la Perse ne laisse aucun doute quant à l'influence, active ou passive, qu'il a dû recevoir de la part des mages zoroastriens d'Anatolie. Son œuvre est perdue mais nous la connaissons grâce à de très nombreuses citations et commentaires.

Quant à l'influence qu'exerça le zoroastrisme sur le judaïsme, elle fut longuement étudiée par les universitaires ; elle trouve son origine vers -597, durant la période de l’exil des Hébreux à Babylone. Ces derniers, exilés hors de Palestine, vivaient alors sous domination perse.

Les Hébreux étaient encore polythéistes. Leur nomadisme avait été entravé par la déportation et la séquestration à Babylone.

À l'inverse, les chants sacrés des prêtres aryens étaient chantés déjà depuis un millénaire et venaient d'être répertoriés dans l'Avesta (dont la recension et l'ajout des hymnes du Yesht sont probablement contemporains à la présence juive à Babylone). Le clergé juif ne put alors qu'être influencé, même involontairement, par la puissante caste de prêtres mazdéens, dont l'autorité s'exerçait d’Égypte en Inde. Ce n’est qu'après leur retour en Palestine que le clergé juif mit par écrit la Torah. Inspiré du zoroastrisme, cette recension favorisa dès lors le monothéisme.

La règle qui impose au sang qui jaillit d'un animal sacrifié de ne pas toucher l'élément aquatique est d'ailleurs une coutume dont sont possiblement inspirés les rituels kascher et halal. Il s'agit probablement d’une coutume mésopotamienne commune : le sang de l'animal sacrifié, lié à la mort, ne devait pas entrer en contact avec un élément symbolisant la vie, tel que la terre, l'eau lustrale ou encore le corps des prêtres (d'où l'utilisation de baguettes cérémonielles).

La doctrine zoroastrienne préconise de prier cinq fois par jour, une coutume que reprendra l’islam. À chaque moment de la journée est associé un ange gardien, qu'il faut honorer d'une prière. La journée est donc marquée par le passage d'un « gah » à un autre1.

Du lever du soleil à midi, c'est le Havan gah, consacré à l'ange qui procède à l'accroissement du gros bétail (J. Varenne).

De midi à trois heures, c'est le Rapithvin gah, les anges bénissent le petit bétail et les prêtres des principaux sanctuaires (ibid).

À trois heures, c'est le Uzairin gah. Un ange bénit la population et les prêtres instructeurs.

Après le coucher du soleil, l'Aivisruthrem gah est le « moment propice aux chants ». Il célèbre les fruits que portent la terre et les chefs.

À minuit, une veille honore l'ange qui préside aux bonnes moissons et le génie gardien des maisons.

Si les Aryens perses furent éradiqués par Alexandre le Grand en -334, la tradition mazdéenne perdura de longs siècles. Sous la forme du mithraïsme, elle entra en Europe. Quelques siècles plus tard, Mani (v. 216 – v. 277), qui se réclamait à la fois du Christ et du bouddha, fut l'une des personnalités les plus influentes du premier millénaire de notre ère. Sa parole, dont on sait aujourd'hui si peu de choses, fit des émules des côtes atlantiques à celles du Pacifique. Le dualisme mazdéen est aussi à la base de la tradition yézidie, qui se revendique encore de nos jours comme héritière des pratiques aryennes. Mazdak (v. 500) est quant à lui crédité d'une doctrine fanatiquement redistributive qui évoque étonnamment le communisme. Conseiller du roi perse, il mit en œuvre les premières réformes socialistes de l'Histoire, qui niaient le droit à la propriété et la hiérarchisation sociale. Enfin, Baha'u'llah (1817-1892), fondateur du bahaïsme et continuateur du babisme, est le dernier prophète mondialement célèbre issu de la Perse. Son enseignement se veut œcuménique et revendique l'influence hindou et vishnavite. Par ailleurs, c'est de la Perse mythique (Ol-mo-lung-ring en tibétain, le pays de Tazig) que serait originaire Tonpa Shenrab, le semi-légendaire gourou fondateur de la tradition himalayenne bön. La religion bön est encore active de nos jours à travers le plateau tibétain.

 

 La persécution des zoroastriens

Bien que la civilisation perse nous soit largement documentée du point de vue archéologique, la dimension religieuse de cette culture nous demeure très mystérieuse, en grande partie à cause du génocide humain et culturel perpétré par les Arabes islamisés. Du 7e au 9e siècle, ces derniers éradiquèrent toute trace des traditions mystiques préislamiques.

En Inde, où les zoroastriens fidèles à leur culte avaient fui, la persécution fut la même, bien que plus tardive : « En 1709, Ibrahim le Ghaznévide se vante d'avoir exterminé des zoroastriens installés à Dun (ville au nord de Delhi) » (J. Varenne, Zarathushtra et la Tradition mazdéenne).

Les Perses ayant fui la Perse pour continuer à pratiquer leur culte furent dès lors, nommés « Parsis ». Installés dans un premier temps aux alentours de Bombay, ils occupèrent des emplois de bijoutiers, usuriers et commerçants. Cette communauté s'est organisée en caste pour s'intégrer à la société indienne. Alors que l’islam et le christianisme n'ont jamais cessé de créer la dissension en Inde, alors que le judaïsme ne s'y est jamais trouvé à son aise et quitta définitivement le pays vers le milieu du 20e siècle, les zoroastriens y ont parfaitement trouvé leur place. L'Inde est en effet un pays tolérant envers les communautés qui souhaitent participer à son destin commun sans chercher pour autant à subvertir le modèle hindou de référence (qui n'est autre que le ciment social du sous-continent depuis plus de 3000 ans).

Selon K.K. Pardis, les Parsis, c’est-à-dire les Perses zoroastriens émigrés hors de l'Iran, sont aujourd’hui 100 000 dans le monde, dont 70 000 en Inde, 6500 aux États-Unis, 4500 au Canada, 4000 en Grande-Bretagne et 3000 au Pakistan.

Ceux qui restèrent au pays furent contraints de fuir les villes pour continuer à pratiquer leur culte dans les villages. Ils furent surnommés les « Guèbres. » Population pauvre, agricole et rurale, les Guèbres subissent depuis plus de mille ans une ségrégation systémique de la part de la majorité musulmane. Le terme « Guèbre » fait d'ailleurs transparaître le mépris que ressentent les musulmans à leur égard : dérivé du vocable « gaur », il signifie « adorateur d'idole », ou encore « mécréant ».

Selon le recensement iranien de 2012, les zoroastriens ne seraient de nos jours que 25 271 en Iran, un pays dans lequel ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone, ne disposant que d'un siège sans pouvoir à l'Assemblée iranienne. De plus, du fait de leur statut de mécréants, ils sont frappés de l’interdiction d'occuper des postes dans la fonction publique ou d'exercer une quelconque responsabilité politique. En 2013, un zoroastrien fut pourtant élu comme sénateur (un poste qui lui fut immédiatement retiré par les gardiens de la révolution islamique).

Grégoire de Visme

Source : www.arya-dharma.com

 

1« Ahura-Mazda assigna à Mithra comme demeure l'étendue de la Terre et du monde physique. Pour lui, il construit un immense et lumineux palais au sommet de la montagne sacrée du Hara, où il n'y a ni nuage, ni jour ni nuit, ni vent glacé ni chaleur ardente, ni maladie, ni cause de mort, ni souillure démoniaque. Les Amesha-Spenta vivent aussi dans ce palais, tous unis au soleil et dévoué à Mithra. Depuis le sommet du Hara, le regard de Mithra s'étend donc sur le monde physique tout entier. Au plus haut du ciel, depuis son vaste observatoire, Mithra ne dort pas mais veille sans cesse. Et lorsque le coupable ou le méchant s'apprêtent à commettre leur méfait, il attelle son char et accompagné de l'archange Sraosha et de l'ange du Feu, il lui assène de violents coups et le frappe de ses rayons. Par ailleurs, vivant dans des grottes aux sommets des montagnes de la Terre, les ministres de Mithra observent les traîtres, enregistrent les fraudes et ne manquent pas de les lui rapporter. Personne ne peut tromper Mithra, ni le chef de maison, ni le chef de quartier, ni le chef d'un village, ni le chef d'une province. Si un chef de maison, un chef de quartier, un chef d'un village ou un chef d'une province cherche à le tromper, alors Mithra sera offensé et il détruira la maison et le quartier, le village et la province. Mithra irrité et offensé, s'en ira de ces régions et ne leur offrira plus sa protection céleste. Ceux qui trahissent Mithra, même en courant ne peuvent atteindre leur but et même en chevauchant, ils n'avancent pas, de même qu'ils ne peuvent diriger leur char. La flèche que lance l'ennemi de Mithra revient en arrière, portée par le vent et même si elle touchait sa cible, elle ne la blessera pas. Implacable, Mithra, fait pénétrer la terreur dans le corps même de ceux qui veulent le tromper. » Mihr yasht, yesht 10.

1En Inde, le système correspondant aux gahs est celui des ragas. À chaque moment de la journée correspond un sentiment, une luminosité. En musique, les improvisations à la cithare s'établissent donc en considération de la « couleur » du raga.

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