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Dynamique électorale

Depuis le 9 juin, la tectonique des plaques s’est déplacée : en 5 ans le RN a gagné 2,5 millions d’électeurs aux européennes et 6,5 millions au premier tour des législatives, multipliant son nombre d’électeurs par 2,5 et passant de 18,5 à 33% des suffrages. Le nombre de députés RN (et alliés) pourrait dépasser la barre des 289 pour atteindre la majorité absolue dimanche prochain. Le Rassemblement National, dont beaucoup pensaient qu’il n’atteindrait jamais le pouvoir, est en mesure, cinquante ans après sa création, d’enfin y parvenir. Le plafond de verre a été brisé et il n’y a pas de raison que cette lame de fond s’interrompe, parce qu’elle est productrice d’espérance et de renouvellement. Jusqu’à présent lointaine, le RN offre enfin une perspective de pouvoir à ses électeurs, à cette France des perdants de la mondialisation, des laissés-pour-compte, des « petits-blancs-moins-que-rien » qui refusent de disparaître.

 

Archipel vs continent

En 2019, Jérôme Fourquet montrait dans ses travaux « l’archipélisation » de la société française, désormais morcelée en différents groupes distincts respectant des mœurs, rites de passage, modes de vie et visions du monde différents voire opposés. Cette France multiple et divisée, les déclarations et promesses électorales clientélistes en rendent compte : les candidats ne ciblent que des groupes d’intérêt (retraités, fonctionnaires, immigrés, agriculteurs, handicapés, femmes, LGBT…), renforçant cette idée de décomposition et la fin d’un peuple unitaire qui ne serait plus constitué que de monades et de petites communautés.

L’atomisation et « l’archipélisation » des Français avec un séparatisme territorial et culturel sont incontestables ; néanmoins, lorsqu’un tiers de la population française vote pour un parti politique, il est évident que cette masse représente plus qu’un archipel, c’est un continent uni. La leçon de ces élections successives est que le peuple français existe toujours.

 

Le retour du peuple

Il n’est pas question de l’idéaliser simplement de constater que 33% du corps électoral s’est levé pour rappeler qu’il y a encore une résistance dans la France périphérique. Aujourd’hui c’est le RN qui prend le mieux en charge cette France invisibilisée, qui, à travers Jordan Bardella et Marine Le Pen, retrouve une voix qu’elle avait perdue. Le peuple central et historique, pourtant majoritaire, a été muselé, bâillonné, privé de reconnaissance depuis 40 ans, sorti des représentations populaires. Ce peuple-là est inconnu de nos élites, l’angle mort des discussions politiques et médiatiques. Cette France bleu-blanc-jaune – de la couleur des gilets portés il y a 5 ans et qui préfiguraient la révolte par les urnes – est sortie du bois massivement.

Ce peuple a prouvé qu’il existait encore en faisant des choix contre toutes les injonctions des prescripteurs d’opinion, qu’ils soient journalistes, éditorialistes, sportifs ou artistes. Tous s’y sont mis, on a même eu droit à des vidéos des fans de Star Wars, des professionnels du tourisme, jusqu’aux joueurs de cartes Magic, pour nous dire à quel point la démocratie était en danger. Les Français ont placé en tête la liste RN malgré l’avalanche de tribunes alarmistes, de fake news, de manipulations, de montages vidéo mensongers avec extraits tronqués ou propos hors contexte, de mauvaise foi partisane annonçant l’apocalypse. Les médias et opposants ont rivalisé dans la surenchère en agitant des peurs toujours plus extrêmes et s’arrogeant le droit de mentir, manipuler et exagérer…

33% des Français ont donc transgressé les diktats et franchi la ligne rouge et sont de plus en plus nombreux à le faire. Peu importe le résultat de dimanche prochain, peu importe que le système politique français soit vérolé et pourri jusqu’à la racine, le grand enseignement de ce début d’été est que le peuple français est en train de refaire peuple.

Anthony Marinier

Vu sur Synthèse Nationale - 02 juillet 2024

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