Dire que nos dirigeants sont déconnectés du réel est une lapalissade que certains peuvent pourtant avoir du mal à saisir. Heureusement, notre ministre de l’Éducation nationale est venue nous illustrer ce que cela signifie concrètement.
Ce lundi sur LCP, Élisabeth Borne, autrement connue sous le sobriquet de Madame 49.3 tant elle aimait en faire usage, a très sérieusement déclaré que les élèves doivent « commencer à se préparer dès leur plus jeune âge, quasiment dès la maternelle, à envisager la manière dont ils se projettent dans un parcours scolaire et une carrière professionnelle ».
Inutile de préciser que les commentaires ont été cocasses, allant du sarcasme « Oui à la maternelle où je travaille, on a 3 futur Batman, 4 Spiderman et 8 Reine des neiges » aux accusations d’être « née avec une cuillère en argent dans la bouche sans besoin de travailler ».
Si en prenant ses fonctions au ministère de l’Éducation nationale, Elisabeth Borne avait prévenu qu’elle n’était « pas spécialiste » du sujet, on était loin de s’attendre à une telle déconnexion.
Tentant de répondre à la polémique au micro de Sud Radio, elle a même créé encore plus de confusion en se contredisant totalement :
« On ne va pas orienter des élèves dès la maternelle, mes propos n’étaient pas clairs, ce que j’ai voulu dire c’est que l’orientation, c’est un sujet global, on doit veiller à ne pas prédéterminer, conditionner des choix.
Et on sait qu’il y a beaucoup de biais dans l’orientation qui sont très forts et qui apparaissent très tôt. Par exemple, le goût des filles pour les mathématiques à l’entrée au CP est le même que celui des garçons, mais au bout d’un trimestre, il y a un écart au détriment des filles qui se creuse tout au long de la scolarité. Ce que je veux dire, c’est qu’on doit veiller à ce que les élèves puissent découvrir leurs capacités, prendre confiance en eux, qu’on leur donne l’envie d’apprendre et que ça permette le moment venu d’avoir les choix les plus éclairés.
Veillons à ne pas fermer des portes. »
Oui mais, choisir dès la maternelle, ce n’est pas le contraire de « ne pas prédéterminer, conditionner des choix » ?
Si les élèves entrent au CP avec le même intérêt pour une matière, mais que par la suite, ils s’en éloignent, cela ne veut-il pas dire que ces mêmes goûts évoluent avec le temps ? Que ce même temps est nécessaire à une bonne évaluation de l’orientation ?
Veillons à ne pas fermer des portes » semble être ici l’exact contraire de « se préparer dès leur plus jeune âge, quasiment dès la maternelle, à envisager la manière dont ils se projettent dans un parcours scolaire et une carrière professionnelle ».
Force est de constater que ces incohérences sont le fruit d’un discours qu’on ne maîtrise pas. Une constante chez les macronistes, qui considèrent :
- qu’il est aberrant de vouloir enlever l’excuse de minorité aux adolescents criminels (à 17 ans et 11 mois, ils doivent encore être considérés irresponsables comme des bébés) ;
- qu’à 14 ans, ils peuvent décider de changer irrémédiablement de sexe ;
- et qu’à 3 ans, les enfants doivent réfléchir à leur futur métier… quand les mêmes prônent la « mobilité professionnelle » (locution pour rendre cool la précarité et instabilité professionnelle)
On est plus à une aporie près.
Audrey D’Aguanno
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Source : Breizh-info.com - 10/04/2025