MONTHERLANT FAMILIER
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S'accomplissant dans la mort, le « secret de Montherlant » ne sera donc jamais percé. L'homme a voulu jusqu'au bout s'enfermer dans sa légende, que défendait sa solitude. On ne pourra plus, maintenant, que se demander quels mouvements de l'âme se dissimulaient derrière cette attitude singulière, qui l'a tenu si jalousement à l'écart de son siècle et de la société littéraire pendant plus de cinquante ans. Reste l'œuvre, c'est-à-dire le principal. Quelles que soient les révélations auxquelles historiens et critiques pourront parvenir, en s'infiltrant à travers la muraille dont l'auteur des Célibataires avait entouré sa vie privée, son caractère, ses sentiments profonds (et dont il lui est arrivé de dire qu'on pourrait en voir surgir l'objet d'un « scandale surprenant»), ces découvertes ne changeraient rien à la valeur propre du Songe, des Jeunes filles, de Port-Royal, des Garçons, du Maître de Santiago, des Carnets, du Chaos et la nuit.
La première impression qu'on tire de ces livres si divers, mais unis par ces signes non équivoques qui annoncent la présence du génie, touche au langage qu'on y entend.
Langage tout à fait différent de celui que parlait l'auteur en son particulier. La plume à la main, son esprit s'élevait de plusieurs degrés, pour la raison très simple que son style écrit refusait de se confondre avec le «français courant», dont les négligences et les indigences font un si triste accompagnement aux progrès intellectuels et matériels de notre époque.
Montherlant a su nous faire entendre à peu près la façon dont les grands écrivains du dix-septième et du dix-huitième siècles auraient pu décrire nos mœurs, nos faits et gestes, le décor qui nous entoure, s'ils ressuscitaient. Les héros du théâtre de Montherlant, même du «théâtre en veston», s'expriment avec la syntaxe de Bossuet. Et cependant, grâce à quelques détails opportunément disposés, leurs discours nous paraissent naturels en 1972. Ainsi, l’une des bases les plus essentielles de notre littérature et de notre culture demeure utilisable, en dépit des constructions hétéroclites dont on l'a surchargée.
De Pascal à Voltaire, à Chateaubriand, à Nerval, à Proust, à Montherlant, on conçoit une tradition continue, qui n'attend plus, pour se prolonger, qu'un nouveau « classique», tel qu'ils l'ont été tour à tour.
Classique ne signifie rien d'archaïque ni de resserré, mais une façon harmonieuse et solide de dire les choses, fût-ce les plus insolites ou hardies.
Autre leçon qui se dégage de ces soixante livres, comme de tout ce qui s'y ajoute, articles, préfaces, notes et commentaires : partout éclate une dignité qui a manqué souvent dans nos Lettres, il faut l'avouer, au cours des cent dernières années.
Point de romantisme. L'essayiste du Solstice de juin, le romancier de La rosé de sable, le dramaturge de La reine morte, n'a jamais feint d'exercer un sacerdoce social, ni prétendu distribuer à la ronde des préceptes ou des consignes. Simplement, et quelles que fussent ses erreurs, ses faiblesses, il a su imprimer à tout ce qu'il écrivait la marque du respect, qu'on ne pouvait s'empêcher de lui restituer.
On l'a dit orgueilleux, méprisant, parce que, dès qu'il écrivait, il s'interdisait toute vulgarité, comme aussi toute concession au goût public. L'exemple a été suivi. C'est de Montherlant autant que de Morand que procèdent les Nimier, les Laurent, les Nourissier, les Blondin, les Spens, les Marceau, qu'avait précédé le premier des « désinvoltes» contemporains (avec un fond de sérieux et même de tragique) : Pierre Drieu la Rochelle.
Tout commença quand parut La relève du matin. Les points de repère, en art, doivent être pris à la fin, non au début, des périodes que l'on considère. Si bien que les deux grandes dates de l'histoire littéraire, pour la France moderne, seront peut-être 1885 : mort de Victor Hugo, et 1972 : mort d'Henry de Montherlant. Je ne compare pas les talents, mais les importances respectives, chacune par rapport à son temps. Deux grands acteurs, puisque tout artiste de premier plan est contraint, à quelque moment, de jouer un rôle. Deux tempéraments strictement opposés.
Il suffit d'évoquer la mort de l'un, la mort de l'autre, et les dispositions que chacun avait prises en vue de cet évènement, avec les suites :
— pour Hugo, la veillée sous l'Arc de Triomphe, au milieu d'un bataillon de poètes, l'ostentatoire corbillard des pauvres, deux cent mille badauds se répétant des vers immortels;
— pour Montherlant, le refus de tous les hommages, l'escamotage de la dépouille ensanglantée, et les cendres sur le Forum, ironique défi d'un Romain à son pays et à son siècle.
L'auteur des Misérables avait trop d'amis. L'auteur des Célibataires n'en avait pas assez. A tous deux, dans des proportions inégales, on doit le même bienfait spirituel, qui regarde la hauteur de la civilisation. Ce mot de hauteur plaisait à Montherlant, qui repoussait le mot grandeur : c'est une des dernières observations qu'il m'ait faites.
Je me devais, interrogeant sa mémoire, de me tourner d'abord vers le plus précieux, qui est, pour un écrivain, sa part d'éternel : les idées qu'il a conçues, les phrases où il a enfermé ses idées. A présent, je voudrais revenir à sa personne et, pour cela, porter mon témoignage, en égrenant des souvenirs qui s'échelonnent de 1929 à 1972. J’avais écrit déjà, dans des « revues de jeunes», quatre ou cinq études consacrées à Montherlant, quand je l'aperçus pour la première fois : aux Nouvelles littéraires, alors dans tout leur éclat. J'y attendais Maurice Martin du Gard. D'une porte latérale jaillit un autre phénix de ces lieux, Frédéric Lefèvre, sorte de cétacé soufflant de la fumée à la place d'eau de mer, les yeux perpétuellement furieux derrière les loupes de ses lunettes.
A sa rencontre s'élança l'un des visiteurs qui patientaient avec moi. Un adolescent, aurait-on dit. Mince et vif, le profil impérieux. Et ce profil, soudain, s'amollissait, s'humiliait curieusement. Car l'auteur du Songe — c'était lui, déjà célèbre — présentait une requête à son massif interlocuteur. Le journal ne pourrait-il, de toute urgence, publier un texte qu'un tiers avait rédigé, au sujet (je crois) des Olympiques.
— Impossible ! tranchait Lefèvre, à haut et intelligible voix. Le prochain numéro des Nouvelles est complet.
— Mais enfin, n'y aurait-il pas moyen, à titre exceptionnel ?...
— Je vous répète que c'est impossible.
Bousculant le solliciteur, le cétacé regagnait son antre sous-marin. Henry de Montherlant se retournait pour gagner la sortie, après sa vaine démarche. Et je voyais les marques de la supplication, puis de la déconvenue, s'effacer sur ses traits, pour leur rendre leur physionomie ordinaire, celle de la fierté, de l'énergie, et, tout compte fait, du bonheur.
A cet âge — trente-quatre ou trente-cinq ans — le grand espoir des lettres françaises avait son allure et sa figure de jeune premier sportif, beau comme un torero qui serait aussi danseur mondain, mais avec ce regard de force et de ruse qu'il devait garder jusqu'à ses derniers jours. Dans la décennie qui suivit, j'échangeai beaucoup de lettres avec Montherlant, parce qu'il lui arrivait rarement de ne pas répondre aux critiques, après un article.
A propos des Jeunes filles, où il se moquait du monstre mariage, qu'il appelait « l'hippogriffe», j'avais écrit qu'il aurait beau faire, il finirait par enfourcher l'animal. « Vous avez failli avoir raison, me répondit-il plaisamment. Mais vous avez tort.» Par deux fois il rompit des fiançailles très sérieuses : les historiens de demain, n'en doutez pas, citeront des noms. Généralement, les lettres du « voyageur solitaire» soufflaient ensemble le froid et le chaud, me remerciant pour la moitié de mes propos et me reprochant l'autre moitié. On ne peut pas modeler un buste sans l'égratigner, ni parler d'un auteur sans lui faire de la peine. C'est le prix de la vérité.
A partir de 1943, les événements rompirent ce mince lien, qui ne devait se renouer que dix ans plus tard, quand je repris ma férule d'aristarque. Ce qui me conduisit, presque aussitôt, quai Voltaire.
Montherlant m'y reçut avec sa bonne grâce ordinaire. Mais était-ce bien Montherlant ?... Je n'en croyais pas mes yeux! Où était le «jeune premier» que sa sveltesse, sa mine altière, sa démarche allègre faisaient paraître presque grand ? Il était devenu ce petit homme épais, la tête enfoncée dans des épaules rondes, l'air d'un vieux notaire de province (à cinquante-cinq ans), qui me serrait les deux mains, dans ce salon aujourd'hui illustre, avec ses quatre meubles collés contre les murs, ses deux fenêtres basses, son entassement d'« antiques» disparates tournés vers un fauteuil.
Lors de cette visite, il me dit, par allusion à des persécutions dont, assurait-il, on le menaçait encore : « S'il en est ainsi, je ferai comme Drieu». Aveu qu'il nia, quand je le lui rappelai.
Je ne le vis pas une fois sans qu'à tel ou tel propos il prononçât le mot suicide. La dernière fois, ce fut à la table du restaurant où il m'avait invité. L'étude sur Hemingway que j'avais publiée ici (Le Spectacle du Monde, mars 1972) l'avait frappé, à cause de la fin du romancier américain. Il me questionna longuement là-dessus. « Comment, au juste, s'y est-il pris ? Et pourquoi l'a-t-il fait ?» Je répondis : « Parce qu'il devenait impuissant». Cela fit sourire Montherlant. Mais au fond de son regard meurtri, il restait quelque chose de sombre.
La fois précédente, chez lui, il s'était plaint d'un projet de « parking» souterrain, qu'on voulait construire sous sa cour : — Si l'on m'inflige cette brimade, deux mois au moins de remuements et de tintamarre, je n'ai plus qu'à me suicider.
— Pourquoi n'allez-vous pas passer une saison à la campagne ?
— Je ne peux pas. J'ai deux pièces en répétition.»
Se détendant de nouveau : « Le théâtre, c'est si amusant!»
L'obsession de la mort volontaire voisinait, dans sa pensée, avec des plaisanteries, des boutades. Il redevenait grave dans deux circonstances bien définies. Quand il parlait des femmes — à l'entendre, il avait collectionné les conquêtes féminines, mais je le soupçonnais de forcer la note. Et quand il mangeait. Car je l'ai vu gourmand. Jusqu'à s'inonder de crème au chocolat.
Dans un autre article, j'avais parlé de Gabriele d'Annunzio (Le Spectacle du Monde, juin 1971), qui fut tour à tour pour Montherlant un modèle et une tête de turc. Il me téléphona aussitôt pour me faire un grief de l'ironie avec laquelle j'avais conté l'accident dont l'écrivain italien fut victime, et le parti publicitaire qu'il en tira. Montherlant s'était repris de sympathie pour l'idole de sa jeunesse, inspirateur du Songe. Motif de ce revirement : comme d'Annunzio, il souffrait des yeux.
— Avez-vous relu Notturno? me demanda-t-il sévèrement.
C'est le recueil de poèmes composés par le «Commandante» quand il dut vivre dans le noir, pendant des semaines, pour lutter contre une menace de cécité. J'avais relu « Notturno», dont j'admirais la sérénité courageuse. C'est le livre le plus sobre de d'Annunzio. Le plus émouvant aussi.
Montherlant trouvait que je n'avais pas assez tenu compte de ce que subit moralement un homme qui craint de perdre la vue. Il me priait de noter que la méditation dannunzienne est « exempte de tout mysticisme», c'est-à-dire de tout sentiment religieux. Néanmoins, interrogé par moi, un autre jour, sur son agnosticisme, Montherlant concéda qu'« au-delà de la mort, il y a quelque chose».
En quoi consiste ce quelque chose ? il déclarait l'ignorer.
Cette conversation-là, l'avant-dernière, s'acheva par un échange de remarques sur La ville dont le prince est un enfant.
En 1953, il m'avait demandé si, à mon avis, cette pièce pouvait être représentée, j'avais répondu : « Non. Elle causerait un scandale. Mais plus tard, dans quelques années, ce serait possible, si vous coupiez deux répliques scabreuses, qui me semblent de trop».
En 1972, je le lui rappelai. Sa « tragédie moderne» était jouée avec grand succès et sans le moindre scandale. Les temps avaient changé. Avait-il coupé les deux répliques ? Il ne me répondit ni oui ni non. Soutenant toutefois que la nuance qui me choquait était nécessaire : « Sinon, mes héros n'auraient plus rien à sacrifier. Il n'y aurait plus de pièce».
La dernière fois, il discuta certains passages de mon « Secret de Montherlant» (SM d'octobre 1971). Spécialement, ce que j'avais écrit de ses fiançailles. Les deuxièmes avaient-elles été plus tendres et plus libres que les premières ?... A ce sujet, je m'étais fondé sur un passage daté des Carnets. Il secouait la tête. « II y avait beaucoup d'autres filles à ma disposition», s'écria-t-il, en brandissant la coupure de l'Argus. C'est alors, sans transition, qu'il en vint à la mort d'Hemingway. Je l'interrompis pour m'informer du sort fait à ses notes et à son journal intime. Cela le fît rire. Il en avait jeté une partie à la Seine «sans le moindre regret».
— Ces papiers n'ont plus d'intérêt. Et cela ne regarde personne... Ma vie
privée..
— Un jour ou l'autre, elle sera fouillée de fond en comble. Comme celle de tous vos prédécesseurs.
Il rougit de colère.
— Tout se saura, continuai-je. Il faut en prendre votre parti. C'est le prix dont vous payerez la qualité de grand écrivain.
Et de lui expliquer que cette qualité apparaît souvent avant même qu'elle ne soit justifiée par des ouvrages tout à fait accomplis. Il m'écoutait, avec, dans ses pauvres yeux malades, une lueur de surprise.
— Vous avez sans doute raison», conclut-il.
Sur son front tombait une ombre. Il se renversa et elle lui couvrit le visage, II se leva, me tendit la main, partit.
C'était, de nouveau, un petit homme usé, blessé, acculé, un vieillard aux pas hésitants qui s'en allait, avec un reste d'énergie. Ce reste, toujours indomptable, qu'il lui fallait, le moment venu, pour« prendre ses dispositions», comme il disait, et pour mordre sur un canon de pistolet, en appuyant sur la détente.
Robert Poulet
Sources : Le Spectacle du Monde – Novembre 1972
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MARIANNE LA SALOPE! par Emile Pouget
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« LE PÉRE PEINARD », c'est quelque chose, mille foutres ! Sans cesse saisi, interdit, poursuivi, ce journal unique est aussi exemplaire. C'est qu’Emile POUGET (1860-1931) n'hésite pas à exalter la violence révolutionnaire et à prendre radicalement parti pour les exploités contre les exploiteurs du grand capital apatride. Il défend toutes les victimes et se dresse contre tous les États, toutes les bureaucraties, tous les accapareurs. Mieux, il incite les tièdes et les résignés à se révolter et à tout chambarder. Il donne même les adresses des palais et des palaces, nomme les brigands capitalistes, dénonce sergots et militaires, incite au sabotage, à la rébellion, raille les socialos réformistes et autoritaires, rosse les ratichons, invective les juges, ridiculise les grenouilles de l'Aquarium parlementaire. Pour chacun, le mot juste, la formule cinglante, lapidaire, indélébile ; « Puisque ça coûte le même prix de dire merde, de fiche une claque ou de foutre la baïonnette dans le ventre, m'est avis qu'il vaut mieux choisir la baïonnette ».
On menace POUGET, il récidive ! On le poursuit, il se déchaîne ! On l'interdit, il reparaît! On l'emprisonne, il est toujours là !
Rarement le pamphlet politique eut cette virulence, cette hargne et cette haine. Passionné, excessif, irrécupérable POUGET dans le PERE PEINARD n'a pas vieilli d'une ride. Il n'a d’autre équivalent moderne que les éléments radicaux ayant œuvré, au cours de ces dernières années, à la destruction de la société marchande et cosmopolite.
MARIANNE LA SALOPE!
Ah, quand viendra la Belle ?
Voilà des mille et des cent,
Que Jean Guétre t'appelle
République des Paysans!
Ainsi goualait, il y a une kyrielle d'années, Pierre Dupont *, un bon bougre de chansonnier.
Et le populo reprenait au refrain ! Tous les gas qui avaient le « Pouvoir » dans le nez soupiraient après la République.
Elle vint, la « République », en 1848 ; mais elle ne fit que passer et on n'eut pas le temps de se rendre suffisamment compte de quoi il retournait. Sur le moment, les pétrousquins, aussi bien que les gas des villes, avaient eu confiance en elle : ils s'imaginaient que ce mot magique signifiait un nouvel alignement social.
Ce fut une déception ! Quoique ça, l'épreuve n'était pas suffisante.
Quand Badingue eut réussi son coup d'Etat et qu'il fallut du pognon, beaucoup de pognon, pour goberger la vermine impériale, le mot « république » rayonna à nouveau.
Les impôts tombaient, dru comme grêle, sur le casaquin du populo. Aussi, chacun ruminait et songeait que si la république venait, ça changerait : foutre bas l'empire et coller à sa place une société galbeuse avec le bricheton assuré et la liberté à la clé...
C'est l'idée qu'en ces temps-là, on se faisait de la république.
Aussi, quand l'empire croula ce fut une sacrée jubilation : on allait vivre enfin, la Belle était en route !
Je t'en fous ! Elle s'est bien amenée — mais quelle garce. Au lieu de la Marianne de ses rêves, le populo a vu une affreuse pelasse réservant ses caresses à tous les charognards de la haute.
Banquiers, frocards, chats-fourrés et porte-rapière sont devenus ses clients les plus gobés et c'est avec bougrement de plaisir que cette goton les reçoit dans son plumard.
Les chameaucrates ont seuls bénéficié du nouvel état de choses — qui n'a pas été un changement, mais un simple recrépissage de la façade : aujourd'hui, ils sont au mieux avec « la Gueuse » qu'ils rêvaient d'estrangouiller au premier jour ; ils ne la craignent plus, sachant qu'elle n'est gironde que pour eux.
Quant au populo, son sort n'a pas varié : chair à turbin il était, chair à profit il est resté ! Ses fils continuent à être raflés et parqués aux casernes pour la défense des riches ; quant à ses filles, quand elles ont du galbe, les richards se les offrent !
Ces jours-ci, le 4 septembre, on a doublé le cap du 28e anniversaire de cette cataud de république qui, expérimentalement, a prouvé que tous les gouvernements se valent et que république, empire, monarchie, ne sont que les différentes étiquettes qu'on peut coller sur un même poison.
L'empire avait eu les expéditions de Chine et du Mexique, la république s'est offert celles du Tonkin, de Madagascar, de Tunisie, du Dahomey.
L'empire ayant eu, pour le baptême de ses chassepots les fusillades d'Aubin et de la Ricamerie, la Belle d'antan devenue la Salope, lui a fait concurrence en inaugurant les fusils Lebel à Fourmies.
Quant aux réformes tant promises, elles ne sont jamais à point pour être réalisées : la séparation de l'Eglise et de l'Etat et autres balivernes aussi émollientes sont renvoyées à la semaine des quatre jeudis.
Il y a des chances pour que ça dure jusqu'à la consommation des harengs saurs — à moins qu'on n'y mette bon ordre !
Et ceci est fort possible, heureusement ! Si le temps a marché, les idées n'ont pas fait le pied de grue — elles ont avancé avec bougrement de vitesse.
Quand s'amènera le prochain chambardement, non seulement ils seront foule, les gas qui y mettront un doigt, mais encore ils auront quelque chose dans le ciboulot et ne marcheront plus à l'aveuglette. Ils ne seront pas assez poires pour se laisser monter le job par un tas d'ambitieux n'ayant qu'un but : enrayer le grabuge et détourner le mouvement à leur profit.
C'est qu'aussi ce ne sera plus comme avant : il y avait désaccord à tel point entre les prolos des villes et les gas de la cambrousse que quand les uns se levaient, les autres les laissaient en frime.
Au prochain coup, ça ira autrement : des villes aux campluches on se tendra les pognes et, en chœur, on marchera !
Aussi, ce ne sera pas piqué des vers ! Ça ronflera tant et si bien que la Sociale nous fera en plein risette.
Et les plus finauds des jean-foutre auront eu soin de se faire blinder le croupion, afin que la peau du cul ne leur fume,
Mais, foutre, si ce blindage garantit leurs fesses, il ne garantira pas le plus mesquin de leurs privilèges.
Emile Pouget
LE PERE PEINARD : 18 septembre 1898
* Dupont, Pierre (1821-1870). Chansonnier, auteur du Chant des ouvriers (1846).
A LA SOURCE DU GÉNIE EUROPÉEN : L'HELLÉNISME
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« La connaissance des phénomènes célestes a été perfectionnée par les Grecs à la suite des premières observations faites par les Barbares à Babylone. La géométrie, née de la géodésie en Egypte, a fait les immenses progrès que nous voyons. Ce sont encore les Grecs qui ont élevé l'arithmétique, inventée par les marchands phéniciens, à la dignité de la science. Les Grecs, enfin, unissant ces trois disciplines en une seule, appliquent la géométrie à l'astronomie, combinent l'arithmétique avec ces deux-ci, et révèlent les rapports harmonieux qu'elles soutiennent mutuellement. »
Sources : L’Empereur Julien, œuvres complètes, Ed. par Talbot, Paris, 1863.
« La Grèce a fondé, dans toute l'étendue du terme, l'humanisme rationnel et progressif. Notre science, notre art, notre littérature, notre philosophie, notre morale, notre politique, notre stratégie, notre diplomatie, notre droit maritime et international sont grecs d'origine. Le cadre de la culture humaine créé par la Grèce est susceptible d'être indéfiniment élargi, mais il est complet dans ses parties. Le progrès consistera éternellement à développer ce que la Grèce a conçu, à remplir les desseins qu'elle a, si l'on peut s'exprimer ainsi, excellemment échantillonnés. »
Sources : Ernest Renan, Histoire du peuple d’Israël, T1.
Le numéro 84 de TERRE & PEUPLE Magazine est paru !
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- Catégorie : Terre et Peuple Magazine n°84 - Été 2020
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LE MYTHE VIKING ET LA NORMANDIE: Jean Mabire
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Quand on veut s'imaginer la personnalité du pays normand, avant de penser à Corneille, à Gustave Flaubert ou même à Guillaume le Conquérant, la plupart des Normands (et encore plus les « Français de l'extérieur » - les « horsains » comme on dit ici) pensent à un pays fondé par les « hommes du Nord », les Vikings, et a leurs bateaux (improprement appelés « drakkars »), et naturellement les ancêtres des Normands sont venus de Norvège (même si le plus gros des Vikings installés en Normandie venait du Danemark ...).
En Normandie, cette conscience au « premier degré » est commune. (...) C'est cela un mythe: une origine quasi-fabuleuse, des ancêtres lointains, réels ou supposés qui cimentent une communauté de destin. Bien plus, il n'y aurait eu que 5000 colons Scandinaves au milieu d'une population autochtone de plus de 100 000 Neustriens, qu'importe ... que les Normands descendent des Gaulois ou des Vikings. C'est la conscience de ce mythe qui fait la Normandie. Un mythe s'oppose quelquefois à la science ou à l'histoire, jamais complètement toutefois. Il part d'un fait historique réel qui s'idéalise à travers les générations ou qui s'enracine à une « période basse » de l'histoire d'un pays.
Le folklore normand du XIXème siècle est moribond: il est essentiel qu'il survive ou plutôt qu'il revive, mais cette survie est loin d'être évidente. En ce qui concerne la langue, le normand est encore bien plus menacé que le breton; il est probable qu'il aura quasiment disparu dans une génération. Quant au mythe viking, c'est en Normandie la valeur la plus éternelle. Dans une époque où chacun recherche des racines et où règne l'attrait pour le fantastique ou le merveilleux, un tel mythe hors du commun ne peut que fasciner.
Tout mythe national s'enracine dans l'Histoire pour la transfigurer et susciter une véritable « relance » d'un sentiment qui se transforme à son tour en événement. L'avenir s'enchaîne sur le passé. Il en privilégie certains aspects et donne un éclairage qui devient parfois contrainte, exaltant et réduisant tour à tour. Le mythe devient fait.
Ainsi, ce qu'on nommera un jour l'idée nordique est-elle devenue, au fil des ans, inséparable de la réalité normande. Elle a peu à peu conquis le régionalisme jusqu'à s'identifier avec lui. L'originalité fondatrice de la Normandie se réclame d'abord de la source Scandinave.
JEAN MABIRE
Sources : ARTUS N°2-1980
Terre & Peuple magazine N° 83: Compte rendu de lecture de nos amis de Renaissance Européenne
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- Catégorie : Terre et Peuple Magazine n°83 - Printemps 2020
Dans son éditorial qu'il intitule « La Peste » Pierre Vial rapproche, en bon médiéviste, la pandémie actuelle, faillite du modèle jacobin et du mondialisme, de l'impuissance du monde du XlVe siècle face à la peste, colère de Dieu. Le retour du réel et la conscience de notre vulnérabilité suscite de salutaires remises en cause. Les responsables étaient au courant et n'ont pas pris à temps les mesures appropriées. Il s'agira de faire rendre des comptes, notamment à l’ex-ministre de la santé Agnès Buzyn, qui fait d'ores et déjà l'objet d'une plainte introduite par un collectif de médecins. La crise marque la fin d'un monde, celui de l'optimisme consumériste béat, celui de la démesure de l'utopie progressiste. Pierre Vial situe notre combat au départ de l'ouvrage de Guillaume Faye « Pourquoi nous combattons », qu'il convient de compléter par les 82 numéros parus de la revue « Terre & Peuple Magazine ». Il souligne que celle-ci n'a pas, dans le combat des idées, de prétentions intellectuelles qu'elle laisse à un éventail déjà bien fourni de spécialistes. Elle vise simplement à procurer des munitions idéologiques aux combattants qui, dans les villes et villages envahis, sont confrontés quotidiennement aux réalités d'une guerre sainte. Elle veut dans l'Age sombre proposer une voie de lumière, un élan de spiritualité. Au besoin des Amis de se regrouper, elle présente Terre et Peuple comme une communauté de travail, de combat et de foi (les trois fonctions des Indo-Européens). Mais elle a impérativement besoin d'être d'une solidité à toute épreuve.
Pierre Vial encore définit le racialisme comme le constat que l'être humain est façonné à la fois par la nature et par la culture. Il en découle le droit pour chaque peuple comme pour chaque individu d'affirmer et de défendre son identité. Ce qui est en contradiction avec le racisme, qui prétend établir une seule échelle pour toute l'humanité, avec des premiers et des derniers de classe, ce qui est absurde. Il prend ses références chez Ernest Renan, Georges Montandon et Alexis Carrel, qui écrivait : « II faut abandonner l'idée dangereuse de restreindre les forts, d'élever les faibles et de faire ainsi pulluler les médiocres. » Sans oublier Jean Rostand, ni Nicolas Lahovary et son livre « Les peuples européens ».
Jean Haudry signale la déconfiture du dogme de l'origine africaine de l'humanité, qui reposait sur la découverte, en 1974 en Ethiopie, du squelette de l'australopithèque Lucy. Il a été daté de 3,18 millions d'années. La paléontologue Madelaine Böhme, de l'université de Tübingen, a découvert récemment dans une commune de l’Ostallgau, en Bavière, le squelette d'un primate, qui peut être considéré comme l'ancêtre commun de l'homme et du singe et qui remonte à 11,6 millions d'années.
Bogdan le Sarmate livre un aperçu de la genèse de la raciologie à une époque à dominante mondialiste, où prononcer le mot tabou de race éveille la suspicion, la délation et la répression. Sa suppression de la Constitution française est comme une dernière sommation et, confrontés à cet antifascisme d'Etat, les chercheurs le délaissent au profit de type humain ou d’origines géographiques. Les Européens de l'est manifestent une certaine réaction immunitaire de leur communauté d'affinités sociales. Les affinités comportementales et psychiques entrent dans la définition avant les propriétés biologiques. (Une volonté de survie raciale émerge depuis l'ère préhistorique. Les premières civilisations pratiquent une ethno-différenciation de plus en plus sophistiquée. Bien avant l'Ancien Testament, l'Egypte pharaonique dresse un inventaire sur des critères morphologiques : les Noirs et les Berbères sont distincts. Cette ethnicité suscite des disputes savantes dans les universités occidentales. La pensée raciologique s'ordonne au départ de quatre mastodontes : Vacher de Lapouge, Arthur de Gobineau, Madison Grant et Houston Stewart Chamberlain. Sans oublier l'illustre naturaliste suédois Cari von Linné (1707-1778), qui apporte déjà une classification interne à l'homo sapiens : Africanus, Americanus, Asiaticus et Europeanus. Montesquieu introduit une théorie climatique, qui souligne que les hommes du Nord sont plus laborieux que les méridionaux (bien que les colons nordiques de l'Afrique restent créatifs et que ni les Inuits ni les Yakoutes ne soient notablement effervescents). L'essor vertigineux des sciences et des techniques allait imposer une suprématie des Européens qui paraissait alors pérenne. A Arthur de Gobineau, leur décadence paraissait déjà inévitable : les Sumériens, les Egyptiens, les Perses, les Grecs, les Romains se sont dilués dans les alluvions du métissage. Dans son Essai sur l'inégalité des races, les Blancs sont les plus entreprenants et la sémitisation est synonyme de déclassement. Si certains de ses arguments sont aujourd'hui infirmés (les Slaves ne sont pas un ramassis d'Eurasiens et sa dévaluation des Asiatiques est tendancieuse), sa réflexion conserve un intérêt central. Pour Chamberlain et Grant, leur engouement nordiciste les pousse à certaines contre-vérités, qui ne devraient pas dévaloriser leur analyse générale, notamment l'étiolement que provoque le métissage et l'importance de l'eugénisme.
Alain Cagnat chante la geste des guerriers héroïques d'un grand peuple, les Kurdes. A la trace, il en remonte le filon indo-européen jusqu'aux Mèdes. Leur teint clair, leurs cheveux dorés et leur regard transparent achèvent de nous persuader qu'ils sont bien de nos cousins. Leur langue est plus apparentée au breton qu'au turc. Représenté par un triangle dans l'écriture cunéiforme, le mot KUR signifie « montagne ». Les Assyriens les appelaient Kardou et les Arméniens Kord. Xénophon parlait de Kardouche et Strabon de Kourtioi. Montagnards farouches, restés longtemps à l'écart des facilités urbaines, ils menaient leurs troupeaux. Leur grande fête, Newroz, à l'équinoxe de printemps, était le signal de la transhumance. Elle est symbolisée sur leur drapeau par un soleil de 21 rayons. Convertis à l'islam, ils le pratiquent avec une grande tolérance, notamment dans l'approche mystique du soufisme, dans l’alévisme ou dans le yarsanisme spécifiquement kurde. Il subsiste des fidèles du zoroastrisme. Cyaxare, roi des Mèdes, peuple d'éleveurs et de cavaliers, avait en -612 conquis l'Assyrie et fondé un grand empire qui s'étendait sur l'Iran et l’Anatolie. Mais déjà en -550, son fils Astyage est vaincu par Cyrus II, roi des Perses. Les deux empires fusionnent, mais en -331 Darius III est écrasé par Alexandre le Grand, qui se proclame « roi d'Asie ». La Médie est ravalée au rang régional d'une satrapie. Vers -240, la tribu des Parni, des Scythes (indo-européens), s'empare de la Parthie et, sous Mithridate 1er, conquiert la Médie et la Mésopotamie et fonde l'Empire parthe, qui écrasera les légions de Crassus. Mais, en 224 de notre ère, ruiné par les dissensions et par les guerres contre Rome, il est conquis par l'Empire perse. Celui-ci, centralisé à l'excès, pratique un zoroastrisme outrancier, notamment traite la femme en être inférieur. Les Kurdes, autonomistes et tolérants, ne cessent de se révolter, mais en vain. Les Perses sont si puissants que les Romains leur abandonnent l'Arménie et la Mésopotamie. Tentant de réagir, l'empereur Valérien est écrasé. Lui-même fait prisonnier est supplicié. L'Empire sassanide continuera de rayonner durant plusieurs siècles, jusqu'aux incursions des asiatiques, notamment des Huns. Avec l'Hégire, en 622, les Arabes conquièrent en un éclair le Kurdistan avec l'Iran et la Syrie. Islamisés de force, les Kurdes s'insurgent. Crucifiés par milliers, ils se réfugient dans les montagnes du Taurus. Pour renverser les Omeyades, ils s'allient aux Abbassides, ingrats qui massacrent les « Chemises blanches » kurdes, qui avaient installé à Samarcande un Etat sans islam. Dans une croisade sans espoir qui dure vingt ans, les « Chemises rouges » tuent plus d'un demi-million de musulmans. En 1071, les Turcs seldjoukides écrasent l'armée byzantine et démantèlent les principautés kurdes, qui sont fédérées en une seule province appelées enfin Kurdistan. De nombreux Kurdes abandonnent l'élevage pour le métier des armes. L'un d'eux, Saladin, se met au service des musulmans sunnites. Il conquiert l'Egypte pour le sultan Nur ed Din et, à la mort de celui-ci, se fait nommer sultan par le calife de Bagdad. Il s'illustre en arrachant Jérusalem aux croisés, mais n'accorde aucune faveur au Kurdistan. A partir de 1231, les Mongols ravagent le Kurdistan et provoquent des famines. Gengis Khan ne laisse pas âme qui vive à Bagdad. Tamerlan ravagera tout de Delhi au Caire. Il écrase les Ottomans turcophones et encage leur sultan Bajazet, mais il meurt soudain, laissant le fils de Bajazet, Mehmet 1er, fonder l'empire ottoman. Le fils de celui-ci, Mehmet II, s'empare de Constantinople en 1453. A l'est, les Safavides, des Kurdes soufis, font renaître la Perse. Ils se convertissent à un chiisme intransigeant et, en 1501, Ismaïl, qui s'est proclamé Shah de Perse, lance un djihad contre les sunnites. Le Kurdistan est déchiré entre, à l'est, l'empire perse indo-européen et chiite et, à l'ouest, l'empire ottoman turco-mongol et sunnite. Au lieu de s'en faire des alliés, Ismaïl traite les Kurdes avec rigueur et Sélim, le sultân ottoman, massacre 40.000 Kurdes chiites et met en pièces l'armée perse en 1514. A l'exception du sud-est, tout le Kurdistan est aux mains des Ottomans. Comme ils ne disposent pas des moyens de le défendre, ils en confient la charge aux Kurdes contre une parcelle d'autonomie. Comme ceux-ci se révoltent sans cesse, les Turcs rasent des centaines de villages yézidis. L'empire perse déclinant, les Afghans sunnites détruisent en 1719 sa magnifique capitale Ispahan et c'est alors le Kurde Kerim Xané Zend, qui devient shah, relève la Perse. En 1830, Mir Kor chasse les Turcs et proclame l'indépendance du Kurdistan, mais les Anglais, jouant la carte ottomane contre la Russie et la Perse, le livrent aux Ottomans. Lors de la guerre de Crimée, Ils répéteront leur traitrise en leur livrant le Kurde Yeshander, qui avait réussi à lever une armée de cent mille volontaires. Le sultan forme alors le corps des auxiliaires kurdes sous commandement turc, à qui seront confiées des basses besognes, notamment le génocide des Arméniens. Un mouvement intellectuel de liberté pro-kurde émerge à la fin du XIXe siècle, malheureusement au moment où s'impose le fanatisme des Jeunes Turcs kémalistes, panislamique et panturc. En 1914, les Kurdes, qui avaient joué la carte slave, sont dans le mauvais camp. Ces mises malheureuses vont se répéter ensuite à l’envi et aujourd'hui, Trump, qui a récupéré le pétrole irakien, n'a plus besoin des Kurdes et les a livrés à la vindicte d'Erdogan.
Pour situer son imprégnation personnelle par la spiritualité païenne, Pierre Vial exprime d'abord sa profonde aversion pour les religions du Livre qui, par leur mondialisme dogmatique, contaminent l'esprit de vie, lequel est divers et enraciné. Par bonheur, en Europe, la réaction identitaire monte partout en puissance. L'Eglise romaine avait été contrainte de prendre en considération un pagano-christianisme respectueux des rythmes de la nature, qu'il a symbolisé par la roue solaire. La spiritualité païenne se fonde sur le souci d'entretenir la relation avec la nature. Ce lien est mis en péril par la dictature de l'argent-roi, apatride et vagabond. L'auteur salue la création de mouvements de jeunesse en révolte qui, tels les Wandervögel, les Oiseaux migrateurs et E.J. cultivent la camaraderie dans l'effort déployé ensemble à travers montagnes et forêts. Tous ceux qui s'insèrent dans la conception völkisch de la vie se trouvent naturellement engagés dans le combat écologique. Est une révélation à cet égard le cas de Walter Darré, qui sera dénoncé après 1945 comme un maudit. Voir à ce sujet le livre d'Anna Bramwell « Darré, le Blut und Boden et l'écologie » (éditions du Lore 2020). Le célèbre éthologiste Konrad Lorenz, Prix Nobel de zoologie, reprendra nombre de ses idées.
Modèle lui-même de militantisme, Eugène Krampon brûle les trois cierges de notre rituel de fidélité au militant-phare qu'a été Robert Dun, de son vrai nom Maurice Martin. Comme nombre de champions de l'obéissance discipliné, celui-ci était jalousement libertaire. Entré à 14 ans aux Jeunesses Communistes, il les quitta très vite pour rallier la Fédération Anarchiste. Avec Nietzsche, il découvre comment la christianisation de l'Europe y a brisé la virilité solaire au profit de la religion droits-de-l'hommiste de saint Paul, véritable fondateur du christianisme, selon qui « il n'y a plus ni Juifs ni Grecs, ni maîtres ni esclaves, ni hommes ni femmes ». Lorsque, en 1943, Maurice Martin endosse l'uniforme maudit de la Brigade Frankreich, il précisera : « Je me suis rallié à un type humain plutôt qu'à une idéologie. Le monde guérira par la personnalité allemande ». Condamné à un an de prison, il exerce ensuite de multiples métiers, dont l'enseignement de l'allemand. Aux jeunes, il apprend à être des missionnaires du combat révolutionnaire européen et de la défense de leur identité raciale, des protecteurs des identités régionales enracinées dans l'ensemble civilisationnel de la Grande Europe Blanche, laquelle inclut la Russie. Ecologiste avant la lettre, il épouse la vision jungienne du conditionnement géographique des psychismes dans le cadre d'une psychologie des profondeurs. Il soutient le projet d'une agriculture naturelle et non-productiviste. Vis-à-vis de ses proches, il se refuse à être un gourou et recommande : « N'ayez jamais de maîtres à penser, pensez par vous-même. »
R.D. (qu'on n'hésitera pas à identifier en Robert Dragan) évoque l'affaire Matzneff. Romancier fécond et styliste de haute qualité, celui-ci avait, en 1988, décrit dans son roman Harrison Plaza sa liaison de plus d'une année avec une adolescente de 14 ans, Vanessa Springora. Celle-ci a publié, en janvier 2020, « Le Consentement », un livre où elle accuse l'écrivain de l'avoir détruite, le jour où elle a découvert que, en réalité, elle n'était aimée que pour son jeune âge et non pour sa personne. Dans son livre, elle fait ressortir la complicité du Système dans la banalisation de la pédophilie. Elle relève que, dès 1977, un grand nombre d'intellectuels de gauche ont pris la défense d'adultes inculpés. Deux pétitions successives en faveur de la dépénalisation des relations sexuelles entre adultes et mineurs sont signées par un cortège d'éminents intellectuels de gauche. A la question du pourquoi de cette ardeur à défendre des positions jugées aujourd'hui choquante, elle répond qu'il s'agissait de « lutter contre l'emprisonnement des désirs comme contre toutes les autres répressions ». Dans la foulée du mouvement « Me Too », les victimes relèvent aujourd'hui la tête. Les féministes visent large : c'est le patriarcat occidental et tous les hommes blancs qui sont dénoncés, donc personne en particulier. En tête d'un PS croupion, Raphaël Glucksman jette aujourd'hui la pierre à Matzneff, brûlant sur le bûcher ce que son nouveau philosophe de père encensait. Bouc émissaire, Matzneff est l'arbre qui cache la forêt du crime. Pendant que Polanski, prévenu aux USA pour avoir drogué une enfant de 13 ans pour la sodomiser, tourne des films en Europe où il est réfugié. Pendant que Cohn-Bendit, qui s'est vanté par écrit d'avoir provoqué des attouchements par et sur des enfants de cinq ans confiés à sa garde, reste éditorialiste radiophonique. Et que Gallimard met vertueusement fin à la publication des journaux intimes de Matzneff. Vanessa Springora est éditée par Grasset, que dirige B-H Lévy, que Matzneff évoque plusieurs fois comme un ami dans ses carnets intimes. Quel monde que ce beau monde !
Dans « l’Empire prédateur d'occident », l'essayiste helvétique Michel Bugnon-Mordant, analyse notre mal-être. Il cite Jean Delumeau (La civilisation de la Renaissance, 1984) pour rappeler que la civilisation occidentale n'a longtemps désigné que la seule Europe. Il a fallu l'action de traîtres tels que Jean Monet pour que lui soit greffé l'appendice prédateur pathologique des Etats-Unis. Au XXIe siècle, être un Occidental, c'est être attaché nolens-volens à un espace politique criminel. S'y sentent à l'aise les ploutocraties bancaires, industrielles, militaires et les oligarchies diverses, avec leurs complices et leurs obligés et les idiots utiles des partis et des organisations humanitaires, qui croient lutter contre le capitalisme prédateur tout en le servant. Il s'agit de rien moins qu'une opération de conquête mondiale, sous couvert de la religion laïque des Droits de l'Homme et avec l'encadrement d'institutions telles que l'OTAN, gigantesque organisation criminelle, du FMI, de la Banque Mondiale, de l'Union européenne, du Bilderberg, de la Trilatérale, appuyées par les médias en mains ploutocratiques. Ce projet global, jusqu'ici confidentiel, vient d'être étalé au jour par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Cela a la vertu de rendre ouverte la guerre sourde qui opposait jusqu'ici les Mondialistes et les Patriotes. Pour ces derniers, est sacrée la terre gorgée de sueur et de sang où reposent leurs aïeux. Les étrangers n'y sont invités que sous condition qu'ils la respectent et s'en montrent dignes. L'Etat a pour fonction de garantir son intégrité, afin que puisse y régner équité, continuité, identité et paix. Contre les Patriotes se sont armés les Mondialistes, qui ne tolèrent plus des états protecteurs. Maîtrisant les techniques de manipulation des masses, ils entraînent celles-ci dans la soumission. Universaliste, la Révolution française a d'emblée supprimé les corporations de métiers, avec les libertés qu'elles avaient obtenues de l'aristocratie éclairée. Ses assemblées réunirent bientôt un essaim de riches propriétaires, banquiers et industriels, profiteurs enrichis qui confisquèrent le pouvoir. Ceux qui n'y avaient pas accès constituèrent les futurs prolétaires et les massacrés des grandes guerres liquidatrices des bouches inutiles et des classes dangereuses. En ce début du XXIe siècle, police et armée sont payées pour n'avoir pas d'état d'âme au moment où le plus gros reste à faire : abattre les frontières, métisser les peuples et effacer genres et préjugés. Madame von der Leyen annonce que le droit international cède désormais la place, comme les droits nationaux, au droit globalisé, lequel permet de juger et condamner quiconque rejette l'ordre nouveau, fût-il chef d'état. Toute ingérence de l'OTAN sera légitimée et toute parole critique sera sanctionnée. Chaque individu pourra s'installer où il l'entend et s'y comporter selon ses mœurs. La violence explosera sous le regard amusé des oligarques. Les classes moyennes et populaires seront les victimes prééminentes. Elles auraient tort d'attendre de leurs compatriotes aux commandes qu'ils les épargnent : étant du monde, ils sont de partout, mais de nulle part.
Pierre Vial poursuit son analyse magistrale du modèle identitaire juif. A partir de 1925, la quatrième alyah fait passer, en 18 mois, le nombre des colons juifs de la Palestine de 93.000 à 141.000, grâce à des apports pour 50% polonais et 20% russes. 83% des nouveaux arrivés s'installent en ville. Tel Aviv, qui accueille 65% de ces immigrés, est peuplée exclusivement de juifs. Avec la crise de 1926, 15.000 de ces citadins quittent déjà le pays. La population juive de Jérusalem est passée, entre 1921 et 1931, de 34.000 à 51.000. Chargée de « reprendre la flamme de l'esprit hébreu », l’Université hébraïque attire pas mal d'intellectuels. Le port de Haïfa et ses industries accueille nombre d'immigrants, mais, pour la plupart, l'idéal est la terre et sa valeur symbolique. Nombre de jeunes pionniers s'installent dans les moshavim et les kibboutsim, des fermes collectives. D'autres s'organisent en communautés de travailleurs et se font embaucher dans l'industrie ou la construction. Entre 1929 et 1939, la colonisation juive de la Palestine se développe énormément grâce à la fois à la percée des nationaux-socialistes en Allemagne et à la révolte arabe en Palestine. La cinquième alyah fait passer, entre 1931 et 1939, le nombre des juifs en Palestine de 175.000 à 475.000, soit le tiers de l'ensemble de la population. Le pays leur paraît le seul refuge au monde, au moment où ils se sentent menacés en Allemagne, où l'URSS leur interdit de partir, où la Pologne et la Roumanie sont activement antisémites, où de nombreux pays occidentaux y compris les USA, l'Afrique du Sud et l'Australie, ferment leurs portes ou limitent fortement leur accès. De 4% du total de la migration juive, la Palestine en absorbe désormais plus de la moitié. Lors de la révolte arabe, ce sont pour l'essentiel des militants de mouvements de jeunesse. De 1936 à 1939, ce sont des familles bourgeoises. Un bureau central d'installation des Juifs d'Allemagne passe alors un accord avec le gouvernement allemand pour que les juifs puissent échanger une partie de leur fortune contre des machines, des produits manufacturés, des matières premières, ce qui permettra aux Juifs de Palestine de monter des entreprises de pointe. Médecins et intellectuels fournissent des cadres aux hôpitaux et universités. Dans l'agriculture, les nouveaux venus permettent de fonder les grands complexes modèles. La défense contre les troubles provoqués par les arabes impose de créer des villages dans les zones stratégiques, pour empêcher les infiltrations, tenir les points stratégiques et créer un bloc continu d'agglomérations juives tout en divisant les régions arabes dans la perspective d'un partage territorial. Pour joindre les parties nord et sud de la plaine côtière, 140 opérations surprises seront montées en une seule journée. La nécessité d'une force armée organisée devenait alors de plus en plus évidente. Une première organisation d'auto-défense, le Ha-Sho-mer, remonte à 1908. Pour passer inaperçus, ses membres, qui fondèrent leurs propres kiboutsim, s'habillaient comme les Palestiniens. Les Anglais, s'emparant de la Palestine en 1917, étaient sensés assurer la sécurité de ses habitants, mais ils n'en faisaient rien. Après la chute de Tel Haï, en 1920, la Fédération sioniste autorisa Zé'ev Jabotinsky à former une Force de défense juive, la Haganah, que celui-ci voyait comme un bataillon intégré à l'armée anglaise. Mais Ben Gourion voulait une milice armée autonome et la Haganah se procure alors clandestinement des armes et organise l'entraînement de ses forces dans des associations sportives. En 1929, des attaques simultanées de colonies juives sont déclenchées dans toute la Palestine et des massacres ont lieu, les Anglais s'attachant alors à limiter la liberté d'action des sionistes. La Haganah, désormais subordonnée au seul Yishouv, l'organisation sioniste, voit naître une dissension en son sein actionnée par la Histadrout, qui défend les droits syndicaux des salariés juifs. Il en résultera la sécession de l'organisation militaire nationale Etzel (Irgoun Tsvaï Léoumï). Quand éclate la grande révolte arabe de 1936-1939 contre tant les Anglais que les Juifs, ils joignent leurs forces et des volontaires de la Haganah sont intégrés à la police. Leurs escouades de nuit organisent des coups de main. La Haganah, qui entre-temps s'est dotée du Shai, service secret très efficace, et du Ta'as, comptait en 1937 25.000 miliciens et miliciennes.
Grégoire Gambier recommande l'édition Flammarion de poche (242 pages 7 euros) du livre du géographe Christophe Guilluy « No Society - La fin de la classe moyenne occidentale », augmentée d'un avant-propos sur le phénomène des Gilets jaunes. Il y ouvre une perspective de victoire au Bloc populaire, qui rejette la rigueur du libéralisme tatchérien, avec sa liberté individuelle obligatoire, ferment de la « trahison des élites ». Il relève la révolte d'une fraction croissante d'entre elles, qui réagit à la prolétarisation systématique des classes moyennes occidentales. Comment refaire une société populaire ? C'est la question que pose Guilluy dans « La France périphérique » (2014) et dans « Le crépuscule de la France d'en haut » (2016). Celle-ci a su écarter, économiquement puis socialement, le peuple souverain, en utilisant à son profit le Lumpenproletariat immigré. Tout en se préservant de ses effet négatifs (ghettos, effondrement du système éducatif, criminalité) et en l'utilisant, pour délégitimer les revendications sociales des autochtones et pour écraser dans l'œuf toute velléité de révolte de leur part. Guilluy dénonce le repli dans ses citadelles d'une bourgeoisie asociale, décidée à jouir sans contrainte des bienfaits de la mondialisation, en pariant notamment sur l'intelligence artificielle. Le socle populaire autochtone, encore majoritaire (60% ?), se pense comme réfèrent culturel, sédentaire, adhérent de moins en moins à la société ouverte (Michel Onfray « La grandeur du petit peuple », Albin Michel 2020). Les classes dominantes, dépendantes du système bancaire mondialisé, cherchent dans une fuite en avant économique surtout à gagner du temps, en freinant les effets du vent qui tourne. Guilluy, optimiste et volontariste, y voit la fin du « magistère des prétentieux ». L'heure est au développement durable, à la relocalisation sous les contraintes économique, écologiques, sociales, à la réconciliation des anywhere avec les somewhere. Le populisme doit encore se trouver une élite.
Pierre Vial, orienté sur le même azimut que Jean-Gilles Malliarakis avec son livre « Ni trusts ni soviets » (1985) et son Mouvement nationaliste révolutionnaire (MNR), dissèque le thème de la Troisième Voie, auquel la Nouvelle Droite avait consacré son XVIIIe Colloque, en 1984. Depuis longtemps déjà, il existait un courant de pensée qui récusait tant le libéralisme que le marxisme. Avant 1914, aux Cercles Proudhon, les anciens militants du socialisme révolutionnaire côtoyaient les royalistes. Dans « Qu'est-ce que le fascisme ? », Maurice Bardèche remarque que les néofascismes recherchent toujours une troisième voie entre capitalisme et marxisme. Dans « Pensées corsaires », Gabriele Adinolfi rappelle que le corporatisme fasciste visait, comme le justicialisme péroniste, la prééminence du travail sur le capital. A présent, il s'agit d'opposer à la déferlante de l'indifférencié et au règne de l'argent la solidarité verticale de la nation et la solidarité horizontale du service social. C'est cette même orientation qui se retrouve à Casa Pound, chez Robert Steuckers, dans le mouvement national révolutionnaire allemand Der Dritte Weg, chez Georges Feltin-Tracol qui, avec « Pour la troisième voie solidariste » nous découvre les auteurs qui ont donné son contenu à la notion de troisième voie. Notamment Hyacinthe Dubreuil (1883-1971), qui opposa au monstrueux taylorisme déshumanisant la participation pécuniaire, intellectuelle et morale des travailleurs dans des entreprises organiques. Sa méthode a été pratiquée avec succès dans les usines Arthur Martin et Bata-France, qui employaient chacune plus de deux mille travailleurs. Autre auteur marquant de la troisième voie, Pierre-Joseph Proudhon (1808-1865), dont se réclame aujourd'hui Michel Onfray. Il est l'apôtre du mutuellisme et du travail bien fait dans un tissu social serré, qui n'est plus déchiré par l’individualisme, l’industrialisation et la voracité du capitalisme. Pierre Vial n'oublie pas le gaullisme de gauche, animé par Louis Vallon et par le constitutionaliste René Capitant. Ils visaient à « unir le travail au capital et à faire des ouvriers comme des cadres les co-actionnaires de leur outil de travail ».
Sources : RENAISSANCE EUROPEENNE – Juillet Aout Septembre 2020
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