Article à charge de Marianne.

 

Début septembre, Les Brigandes, un groupe de musique d'extrême droite, a annoncé sa dissolution. Dans l'ombre : Joël LaBruyère, un gourou installé près de La Salvetat-sur-Agout (Hérault), à la tête d'une communauté mystique à tendance sectaire, visée par plusieurs plaintes et citée dans une affaire d'assassinat.

La nouvelle est passée inaperçue mais, le 9 septembre dernier, le groupe de musique étiqueté extrême droite Les Brigandes a annoncé sa dissolution. Selon le communiqué mis en ligne sur leur site, la vindicte médiatique et la crise sanitaire ont eu raison de leur entreprise musicale : « Notre œuvre est derrière nous : les 12 albums des Brigandes resteront le témoignage d’un ovni de la scène musicale française, un chant du cygne de la chanson libre et contestataire.​​​​​​ » Ce groupe de musique, qu'on pense composé uniquement de femmes masquées d'un loup, s'est fait connaître avec des chansons très politiques. On peut encore écouter aujourd'hui « C'est foutu la France », ou « Foutez le camp ». Jean-Marie Le Pen leur a même fait la grâce d'une apparition dans une chanson que le groupe lui a dédiée en 2018, titrée Monsieur Le Pen.« Quand un Philippot lui tire dans le dos, c'est pas ça qui le déprime. Dans le vent, la tempête, ya rien qui l'arrête », entend-on. « Elle est belle cette chanson », s'émeut Jean-Marie Le Pen dans le clip.

Les Brigandes, c'est donc fini ? « Nous ne croyons pas aux solutions politiques, écrit le groupe. Plutôt que de contester la société, que nous ne pouvons pas changer en profondeur autant qu’elle le nécessite, mieux vaut essayer d’en créer une autre. » Un communiqué signé des Brigandes, mais aussi de la « Communauté de la rose et de l'épée ». Car si ce groupe semble exclusivement composé de femmes proches de l'extrême droite, un homme est à la manœuvre : Joël LaBruyère, à la tête de la communauté spirituelle installée à La Salvetat-sur-Agout en Occitanie et à l'origine de la création des Brigandes. La Communauté de la rose et de l'épée, qui a changé plusieurs fois de nom, est impliquée dans plusieurs affaires judiciaires et surveillée par les pouvoirs publics et les associations de lutte contre les dérives sectaires.

 

« PLUS FACILE D'ÊTRE FACHO QUE GOUROU »

« C'est un des dossiers de dérives sectaires les plus emblématiques que j'ai eus à traiter », raconte à Marianne maître Rodolphe Bosselut. L'avocat a défendu des anciens adeptes de Joël LaBruyère qui sont parvenus à sortir de la communauté. « C'en est presque caricatural poursuit-il. LaBruyère a construit un salmigondis idéologique fumeux, fait de bric et de broc conspirationniste. Les Brigandes sont juste une vitrine "acceptable" de la communauté sectaire qu'il a créée. » La stratégie était osée, mais elle a fonctionné : en plaçant les Brigandes à l'extrême droite, Joël LaBruyère a permis à sa communauté de trouver des alliés politiques. « Il s'est dédiabolisé en utilisant l'extrême droite, il faut reconnaître que c'est astucieux », décrypte maître Bosselut qui ajoute : « Au fond, c'est plus facile d'être vu comme un facho que comme un gourou. »

Pourtant, la Communauté de la rose et de l'épée, construite par Joël LaBruyère, relève bien d'une idéologie mystique. Au cœur de cette spiritualité : une affaire de royaume elfique. « Joël LaBruyère se fait appeler "Eliohe", il est le chef militaire autoproclamé d'un royaume elfique et croit être la réincarnation de grandes figures historiques comme Gengis Khan », nous explique Rodolphe Bosselut. Un phénomène amplifié par le Covid-19 : « La pandémie a accentué leur défiance vis-à-vis du gouvernement et de la société traditionnelle. Les lois dites "liberticides" ou "attentatoires à leur liberté" les ont renforcés dans l'idée que le monde extérieur est totalement satanisé », nous confie-t-on à l'Union nationale de défense des familles et de l'individu (Unadfi), qui vient en aide aux personnes victimes de dérives sectaires.

Rodolphe Bosselut a déposé deux plaintes, notamment pour travail dissimulé, en 2015 et en 2016, contre le leader des Brigandes et de la Communauté de la rose et de l'épée, au nom d'anciens adeptes. Ces derniers en sont partis après que le comportement de Joël LaBruyère se soit fait de plus en plus inquiétant. Dans la plainte, on peut notamment lire qu'il « a réussi à imposer son emprise sur les membres du groupe grâce à un processus de conditionnement classique passant de la phase de séduction de l’adepte à celle de la destruction de leur personnalité (...) Il a usé de la fragilité affective ou émotionnelle des adeptes, de leur soif d’absolu ou d’engagement. » Il pointe aussi le travail fourni, sans aucune rémunération et « avec des horaires permettant l’abrutissement, sept jours sur sept ».

 

UNE ENQUÊTE OUVERTE POUR ASSASSINAT

Ce n'est pas la seule affaire qui concerne le groupe de Joël LaBruyère. En janvier 2020, l'Obs révélait qu'une instruction avait été ouverte contre X en Belgique pour « l'assassinat » d'une adepte. Celle-ci souffrait, selon un témoignage recueilli par nos confrères, d'un cancer et aurait été « étouffée par deux de ses veilleuses », en 2011, afin d'abréger ses souffrances. Les faits se seraient produits quelques jours après son mariage avec un membre de la communauté. Aujourd'hui, l'instruction se poursuit. En France, les plaintes déposées par Rodolphe Bosselut n'ont toujours pas abouti. « C’est en instruction », indique l'avocat, las d'une procédure judiciaire qui dure depuis cinq ans.

L'Union nationale de défense de la famille et de l'individu (Unadfi) s'inquiète pour sa part du « climat insurrectionnel » qui règne dans la communauté. « On sait que ces gens-là s'entraînent au combat. Ils se vivent comme une société médiévaliste organisée autour d'un monarque : Joël LaBruyère », explique-t-on à Marianne. Selon plusieurs sources, cette annonce de dissolution pourrait bien cacher un nouveau changement de nom, ou de mode d'action. Une stratégie qui transparaît clairement du communiqué des Brigandes : « L’arrêt des Brigandes nous permettra de libérer plus d’énergie pour notre collectif, car nous envisageons de nous réorganiser sous la forme d’un réseau plus dispersé et moins visible pour s’adapter aux temps difficiles à venir », prévient le groupe.

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