Dans une belle introduction, Franck Buleux, l'auteur de cette biographie de Pierre Sidos, parue dans les Cahiers d’histoire du nationalisme aux éditions Synthèse Nationale, rend hommage à celui dont la principale qualité fut la fidélité à son idéal. Né le 6 janvier 1927 à Saint-Pierre-d'Oléron, il a quatre frères et une sœur. Buleux évoque un « roc », un « homme intangible » qui « influença la vie politique française ». Il fut, écrit-il, « pas un tribun, mais un axe; pas un bateleur, mais une voie, celle de l'honneur ».
Son frère aîné Jean, était mort héroïquement, le 16 juin 1940 en combattant pour la France. Pierre Sidos connut les cachots de la République. Condamné à cinq ans de prison, il fut embastillé, à l'âge de 18 ans (la majorité était alors de 21 ans) au camp du Struthoff, en Alsace, pour avoir fait partie des Cadets du Francisme (Marcel Bucard) qui s'apparentaient plus à une sorte de « scoutisme maréchaliste » qu'à des jeunesses fascistes. Son frère, Jacques Sidos, avait suivi la même voie, et fut condamné à dix ans de prison. Quant à François, il avait combattu les Allemands durant l'Occupation: engagé volontaire à 16 ans, il a servi dans les Forces navales françaises libres. Son père, militaire de carrière devenu haut-fonctionnaire, sous le régime de Vichy et membre de la Milice, fut fusillé en 1946 à La Rochelle pour faits de collaboration. Sa mère, Louise, sera condamnée à la dégradation nationale. Un autre de ses frères, Henri, sous-officier parachutiste, tombera le 4 juin 1957, en Algérie. Pierre Sidos allait vivre bien d'autres épreuves. Nous les évoquerons dans cette recension.
Les Sidos sont décidément une famille où l'on met sa peau au bout de ses idées. Franck Buleux conclut ainsi son introduction: « Chez les Sidos, on ne s'agenouille que devant Dieu, on est debout devant les hommes. Voici l'itinéraire d'un homme debout ». Pierre Sidos (quel homme délicieux! Je l'aimais beaucoup) m'avait confié un jour avec humour: « Chez les Sidos, nous sommes immortels, sauf à tomber au combat ou à être fusillés ».
Jeune Nation
Le mouvement Jeune Nation s'est constitué, à l'initiative de Pierre Sidos, et de son cadet Jacques (surnommé le « Blanqui du nationalisme » en raison de ses longues périodes de captivité), en 1949. La croix celtique deviendra l'emblème de ce mouvement, qui se revendique nationaliste. Le but était, ni plus, ni moins, la prise du pouvoir. La défense du maintien de l'Indochine dans le giron national est le premier combat visible du mouvement. Le mouvement prône « un Etat fort, national et social » et s'autorise à se faire plutôt mal voir de ce que l'on n'appelait pas encore le « politiquement correct », en livrant dans son bulletin, sous la rubrique « Quand Israël est roi... de France », une liste des titulaires des principaux départements ministériels de l'Etat dont le nom semblait à consonance juive. L'aggravation de la situation en Indochine va amener nombre d'officiers de l'armée à rejoindre Jeune Nation. Au début de l'année 1956, un nouveau groupe de jeunes nationalistes, animé par Dominique Venner, va rejoindre JN. Jeune Nation prône une seconde Révolution française. Précisons que la première Révolution française n'était, dans l'esprit du mouvement de Pierre Sidos, aucunement celle de 1789, mais celle de 1940, la « Révolution nationale » de l'Etat français ! JN défend un « Etat populaire » et veut une société « sans partis », « parce que les partis perpétuent la mésentente entre les classes ». Le bolchevisme doit être « exterminé », les « métèques », au sens maurrassien du terme, « totalement exclus ». Il s'agit aussi de « réviser les naturalisations et annuler les droits pour les étrangers indésirables ». JN, s'adressant aux milieux ouvriers, veut « l'élimination total du capitalisme et de la haute finance internationale et juive », et « l'appropriation des entreprises par les travailleurs »! A y réfléchir, Arlette Laguiller aurait pu, après tout, être militante de Jeune Nation ! JN entend aussi défendre « la femme au foyer » et veut lutter « à outrance contre les tares sociales de la démocratie: alcoolisme, proxénétisme, rackett, mendicité ». Avouons que ces dernières considérations sont quelque peu datées et amusantes...Dernier point: il s'agit de défendre « la conservation de la vie, l'amélioration de la race et l'ascension de l'esprit ». Vaste programme... Jeune Nation prône « l'insurrection nationale », la « lutte contre le Régime », « hors du cadre parlementaire » et clame: « La rue appartient à celui qui y descend ». Ses effectifs, 1000 adhérents environ, restèrent cependant limités. Les événements de 1956, à la suite de l'invasion de la Hongrie par les chars soviétiques, virent des affrontements entre militants JN et militants communistes. Les locaux du comité central du PC et ceux de L'Humanité furent attaqués et incendiés. La défense de l'Algérie française fut évidemment un sujet majeur pour JN. Lors des événements de mai 1958, qui portèrent De Gaulle au pouvoir, les militants JN défilèrent en scandant le slogan: « Les députés à la Seine ». Ceux d'Alger prirent d'assaut, avec d'autres, le Gouvernement général, un des dirigeants algérois de JN déclarant: « L'Algérie est une terre définitivement blanche ». L'Humanité dénonçait un « complot fasciste ». Le 15 mai 1958, Jeune Nation et d'autres organisations classées à l'extrême droite étaient dissoutes. Mais Jeune Nation va survivre grâce à sa presse, et surtout son journal éponyme. Après la dissolution de JN, une nouvelle organisation allait naître en février 1959, à l'initiative de Pierre Sidos et Dominique Venner: le Parti nationaliste qui fut dissous une semaine plus tard. Jeune Nation va se fondre dans l'OAS. Sidos et Venner se retrouvent en prison. L'extrême droite est durement atteinte.
Occident vaincra !
Pierre Sidos et Dominique Venner vont collaborer au sein de l'association et de la revue éponyme Europe Action. Mais cela ne durera pas: deux crocodiles dans le même marigot... Pierre Sidos va fonder le mouvement Occident le 23 avril 1964. Le ton est martial: « Les nationalistes français constituent contre la république maçonnique et ploutocratique le Parti de la nation française. » Occident considère que l'élite contemporaine est dégénérée et propose sa vision völkisch, notant que « l'ethnie française présente une proportion exceptionnelle du type brachycéphale hérité de notre lointain passé celtique et préceltique ». Le mouvement prône « la conservation de l'espèce, la propagation de la race, et l'ascension de l'esprit ». Luttant contre un « cosmopolitisme décadent », « une élite nouvelle doit se perpétuer par sélection des meilleurs éléments de toute la nation ». Pour Occident, l'ennemi principal est le libéralisme: « Pervers et nuisible sous toutes ses formes, le libéralisme est l'ennemi le plus dangereux du nationalisme », reprenant à son compte la définition que Louis-Ferdinand Céline donnait de la démocratie: « Le gouvernement du peuple, pour le peuple, par la vinasse », et rejetant l'idée-même du suffrage universel.
L'Œuvre française
Mais Pierre Sidos va être évincé du mouvement, le décalage entre la majorité des militants d'Occident, très jeunes, et Pierre Sidos s'accentuant. On retrouve dans le nouveau secrétariat central François Duprat, Alain Robert et le futur ministre giscardien Gérard Longuet. Pierre Sidos se replie sur le mensuel qu'il a créé en février 1966, Le Soleil, qui deviendra l'organe de son nouveau mouvement, l'Œuvre française, qui durera jusqu'à sa dissolution en 2013. Le premier congrès de l'Œuvre se tient au Palais des congrès de Versailles les 10 et 22 octobre 1970. Très hiérarchisée, l'Œuvre française possède un uniforme et des grades. Ses militants portent une chemise bleue comme les Phalangistes des années 1930. Son bureau politique se nomme « l'Autorité ». Le mouvement entend se situer dans la continuité d'Edouard Drumont, Maurice Barrès, Alexis Carrel et Robert Brasillach. Il entend refuser une « immigration inassimilable » et se prononce en faveur d'une amnistie et de la réhabilitation des victimes de l'épuration. Il appelle à l'instauration d'un Etat nationaliste réconciliant les patriotes avec le social et « bannissant l'athéisme et l'immoralité de la vie publique ». Sur les murs de France apparaissent de larges inscriptions à la peinture avec le slogan « la France aux Français » et la croix celtique, emblème du mouvement.
Pierre Vial, ancien de Jeune nation et président de Terre et Peuple, nous livre une information assez étonnante. Des célébrités du spectacle sont passées par Jeune nation ! C'est le cas de Johnny Halliday et de l'acteur Richard Bohringer ! L'Œuvre va être la cible de violentes attaques de la gauche et surtout des organisations sionistes (attaques à la bombe de son local, tirs contre la façade, agressions contre les militants, procès, perquisitions).
La tentation électoraliste
Cela peut paraître incroyable, mais Pierre Sidos fut tenté par une candidature à l'élection présidentielle de 1969, organisée après le décès de De Gaulle. En tout bien, tout honneur, si l'on ose dire, puisque son objectif était de faire connaître son mouvement, grâce à l'audio-visuel d'Etat. Il fallait alors réunir 100 parrainages d'élus (500 aujourd'hui) pour pouvoir être candidat. Le Conseil constitutionnel retoqua cependant sa candidature au prétexte que certaines signatures étaient contestables, ce qui était faux. L'écrivain Roger Peyrefitte dénoncera le « sectarisme du Conseil constitutionnel en récusant par des arguties, la candidature de Pierre Sidos ». Pierre Sidos soutiendra en 1974, la candidature de Jean Royer, député-maire de Tours, probablement pour son esprit traditionnel, ses convictions chrétiennes et sa lutte contre la pornographie. Il obtint 3,2% des suffrages. En 1973, Pierre Sidos se présenta aux élections législatives dans le XIIIème arrondissement. Il recueillit moins de 1% des suffrages. Décidément la voie électorale n'était pas celle de l'Œuvre française... A partir de 1982, le FN devenait le seul mouvement national représentatif crédible grâce au succès de Jean-Pierre Stirbois aux élections municipales de Dreux et aux européennes de 1984.
Bien des avanies...
L' Œuvre française allait, dans les années qui suivirent, subir bien des avanies. Le 8 mai 1988, jour de la fête de Jeanne d'Arc, les militants de Pierre Sidos subirent une violente attaque de la part de nervis sionistes, place Saint-Augustin. Une cinquantaine d'entre eux, déguisés en militants nationalistes (drapeaux tricolores), des « blonds aux yeux bleus en première ligne » (oui, ça existe), attaquèrent le cortège. Bilan: 8 blessés. Les interpellés en garde à vue seront relâchés le jour même suite à l'intervention de Jean-Pierre Pierre-Bloch, maire-adjoint de Paris... Rivarol titra son article relatant ces faits « Saint-Augustin, territoire occupé ». La répression, dans les années qui suivirent, devint de plus en plus féroce. En 1990, la revue Le Soleil était interdite de vente aux mineurs, mais aussi d'exposition et de toute publicité par un arrêté du ministère de l'Intérieur. Mais Pierre Sidos ne reculait jamais. On se souvient de l'émission de Christophe Dechavanne, « Ciel mon mardi », le 6 février 1990, où selon François Brigneau, « tout au long de la soirée, dans le tumulte et l'explosion de la haine à la kippa, Pierre Sidos avait gardé beaucoup de courage, de tranquillité, et de présence d'esprit ». A la question : « Etes-vous antisémite », le chef de l'OF avait répliqué à son interlocuteur, devant un public médusé et dix millions de téléspectateurs: « Ni plus ni moins que Saint-Louis. »
Dissolution de l' Œuvre française
Après 45 ans d'existence, l' Œuvre française changeait de chef en 2012 avec la nomination d'Yvan Benedetti comme président, Pierre Sidos demeurant « président d'honneur » à vie. Benedetti, qui était aussi membre du Front national (Sidos acceptait la double appartenance), et qui avait coordonné la campagne de Gollnisch pour l'élection à la présidence du parti, contre Marine Le Pen, fut exclu par la nouvelle présidente pour s'être déclaré « antisioniste, antisémite, anti-juif ». Des propos certes quelque peu audacieux par les temps qui courent... Epilogue: le 24 juillet 2013, l' Œuvre française était dissoute par décret du premier ministre socialiste Manuel Valls, suite à la mort causée par une rixe, de l'antifasciste Clément Méric, alors que le mouvement de Pierre Sidos n'était aucunement concerné. Pierre Sidos décède, le 4 septembre 2020, à l'hôpital de Bayeux. Il est inhumé au cimetière de Thiais (Val-de-Marne). Yvan Benedetti poursuit aujourd'hui le combat de l' Œuvre française avec un excellent site Internet « jeune nation. Com ».
Pierre Sidos, Présent!
Robert Spieler
« Pierre Sidos, de Jeune Nation à l'Oeuvre française », présenté par Franck Buleux, 158 pages, Cahiers d'histoire du nationalisme, 24 euros (plus 5 de port), commande à Synthèse nationale, BP 80135-22301 Lannion PDC ou www.synthese-editions.com