Sur une île battue par les vents au nord de l’Écosse, une étudiante fait une découverte qui ravive les échos d’un passé viking oublié. Une tête en pierre vieille de 900 ans ressurgit des terres, avec un regard figé, presque vivant. Que faisait-elle là ? Qui représentait-elle ? Et pourquoi ce nez brisé ?
Une sculpture millénaire découverte par hasard dans les terres viking de Rousay
L’été 2025, sur l’île de Rousay, dans l’archipel des Orcades. Le site de la ferme de Skaill bruisse des discussions d’archéologues, les mains dans la terre, à la recherche de vestiges.
C’est là que Katie Joss, étudiante en archéologie, retourne une pierre rougeâtre. Elle pense d’abord à un fragment anodin. Cependant, en y regardant de plus près, elle se fige : un visage sculpté la regarde.
Cette tête en grès rouge, probablement taillée au XIIᵉ siècle, présente des traits étonnamment expressifs, des sourcils asymétriques, un regard plissé, presque amusé. Le nez, lui, a été brisé net. Ce détail troublant pourrait signaler un acte de vandalisme symbolique. Ou peut-être s’agit-il de la destruction volontaire d’une figure religieuse, hypothèse que les archéologues n’écartent pas.
Le grès, provenant sans doute de l’île voisine d’Eday, réputée pour son grès rouge chaud, était fréquemment utilisé dans les constructions médiévales. Ainsi, cette ressource locale témoigne d’un artisanat enraciné dans le paysage insulaire. En ce sens, elle participe à dessiner les contours d’un passé longtemps resté muet.
La cathédrale Saint-Magnus et les influences croisées du monde nordique médiéval
La cathédrale Saint-Magnus, joyau d’architecture romane du nord de l’Écosse – © Rob Farrow / Wikimedia Commons
Les Orcades, ancien bastion viking, regorgent de mystères archéologiques. L’île de Rousay, surnommée « l’Égypte du Nord », compte plus de 150 sites anciens. La tête de Skaill pourrait bien avoir appartenu à un bâtiment religieux disparu, ou être liée à une figure importante comme Sigurd de Westness, chef viking du XIIᵉ siècle.
À ce titre, elle constitue une pièce maîtresse pour comprendre les influences croisées qui ont modelé l’identité de l’archipel. La similitude frappante avec une autre sculpture ornant la cathédrale Saint-Magnus de Kirkwall intrigue particulièrement les experts.
Même mèche de cheveux, même style artistique, même type de pierre. Dès lors, l’hypothèse d’un atelier commun ou d’une tradition régionale de sculpture gagne en crédibilité. De plus, elle ouvre également la voie à de nouvelles recherches sur les liens entre les centres de pouvoir religieux de l’époque.
Mais une énigme subsiste : comment une œuvre datant du XIᵉ ou XIIᵉ siècle a-t-elle fini enfouie dans un remblai du XVe siècle ? A-t-elle été réutilisée comme matériau ? Cachée intentionnellement ? Ou simplement oubliée, jusqu’à ce que le hasard la rende à nouveau visible ?
Ces questions, bien que déroutantes, donnent toute sa richesse à l’enquête archéologique.
Une énigme silencieuse au regard figé qui relie deux mondes
Une tête en grès rouge récemment exhumée lors de fouilles archéologiques au Royaume-Uni – © UHI Archaeology Institute
« En la retournant, nous avons vu un visage nous regarder », confie Katie Joss, encore émue par sa trouvaille. Et ce visage n’a pas fini de poser des questions. Pour les archéologues, cette découverte dépasse le simple cadre d’un artefact.
Elle devient un véritable trait d’union entre deux époques, entre l’art sacré et les mémoires profanes, entre la culture nordique et l’héritage britannique.
Un simple fragment de pierre. Pourtant, un fragment qui raconte une histoire plus vaste, plus dense, plus humaine. En un regard figé, il nous invite à réinterroger ce que nous croyons savoir de notre passé commun.
Et, peut-être, à découvrir que les civilisations ne meurent jamais tout à fait : elles nous observent encore, silencieuses, depuis les strates de l’histoire.
Eric Rafidiarimanana, le 7 août 2025
Source : Daily Geek Show