La situle en bronze d'origine romaine dans son contexte archéologique à Kazimierza Wielka (Pologne). Michał Podsiadło / Jagiellonian University Institute of Archaeology
Des fouilles ont révélé une rare situle en bronze presque intacte, contenant des restes humains brûlés, potentiellement ceux d'un guerrier. Une découverte qui revêt, selon les archéologues, d'une grande importance scientifique en raison de la rareté de tels artefacts en Pologne.
Dans la ville de Kazimierza Wielka (voïvodie de Sainte-Croix, sud de la Pologne), les trois saisons de fouilles menées par les spécialistes de l'Institut d'archéologie de l'université Jagellonne de Cracovie ont déjà permis d'identifier vingt tombes d'inhumation et quatre de crémation.
Les 160 artefacts mis au jour sur le site remontent jusqu'à la période néolithique (10000-2200 av. J.-C.) et au début de l'âge du bronze (3300-1200 av. J.-C.). Mais l'ancien cimetière est plus récent, daté de la période romaine tardive à romaine (entre le Ier siècle av. J.-C. et le IIe siècle apr. J.-C.). Or, l'une de ses sépultures, découverte à la mi-août et soupçonnée d'être celle d'un guerrier, s'est révélée particulièrement intrigante, relate Newsweek le 18 septembre 2024.
Une rare situle funéraire conservée
Les archéologues polonais ont découvert que restes humains brûlés avaient été placés dans un récipient en bronze d'origine romaine, en forme de seau doté d'une anse. Celui-ci est connu sous le nom de situle (du latin situla, « seau »).
S'il pouvait être utilisé pour transporter de l'eau, du vin ou d'autres liquides durant l'Antiquité, il servait aussi à contenir les cendres des défunts après la crémation. Les situles funéraires étaient souvent richement décorées, pour honorer le défunt et témoigner de son rang social ou de son statut dans la communauté.
Les motifs en relief ou gravés pouvaient représenter des scènes de la vie quotidienne, des processions ou des symboles en lien avec les croyances sur l'au-delà. La situle identifiée à Kazimierza Wielka a quant à elle « survécu presque intacte, avec des attaches de poignées en forme de dauphins finement moulées », décrit à Newsweek Joanna Zagórska-Telega, l'une des responsables des fouilles. « Trois pieds en forme de dauphins stylisés sont encore visibles à la base. »
De tels contenants sont extrêmement rares en Pologne. Plusieurs dizaines d'entre eux (ou fragments d'entre eux) ont été identifiées à travers l'Europe : « la plupart ont été découverts par hasard au XIXe siècle et au début du XXe siècle, et seuls quelques-uns ont été trouvés lors de fouilles régulières par des archéologues, c'est-à-dire dans des circonstances permettant d'étudier tout le contexte de la découverte » explique Joanna Zagórska-Telega. Seulement une poignée d'entre eux a été préservée dans un aussi bon état que la situle nouvellement décelée. « C'est pourquoi la découverte de Kazimierza Wielka revêt une telle importance scientifique », indique la spécialiste.
Il n'y a pas de consensus parmi les chercheurs quant au lieu de fabrication de ces récipients, bien que les ateliers du nord de l'Italie ou des Alpes orientales soient fortement soupçonnés. Les premières formes de récipients en bronze, y compris les situles, auraient été importées par le biais du commerce au-delà des limes (frontières) romaines du nord, dans le Barbaricum intégrant l'actuelle Pologne.
En outre, dans certaines cultures archéologiques du centre-ouest de l'Europe – la culture de Hallstatt (VIIIe-Ve siècle av. J.-C.), par exemple – des urnes funéraires, déposées dans les tombes de personnes de haut rang, avaient déjà été découvertes.
Guerrier inconnu et commerce celte
Bien que l'âge exact de la situle n'ait pas encore été confirmé à Kazimierza Wielka, les artefacts similaires précédemment trouvés sur le site ont été datés entre le Ier siècle av. J.-C. et le Ier siècle apr. J.-C. Sa structure métallique va être soumise à analyse avant les traitements de conservation. Les restes d'ossements humains brûlés vont être aussi minutieusement examinés, pour déterminer, entre autres, l'âge et le sexe de l'individu enterré. Sur la base des preuves contextuelles, il pourrait s'agir d'un ancien guerrier, imaginent les archéologues.
Pour cause, à côté de l'urne ont été retrouvés une épée, des pointes de lance et des accessoires de bouclier en fer, délibérément pliés puis brûlés sur le bûcher funéraire. Leurs caractéristiques stylistiques suggèrent que la tombe date probablement du Ier siècle av. J.-C.
« La coutume de détruire rituellement des armes et de les placer dans la tombe avec le défunt guerrier est caractéristique des peuples habitant le Barbaricum européen au cours des trois derniers siècles av. J.-C. et des premiers siècles apr. J.-C. », précise Joanna Zagórska-Telega, toujours à nos confrères.
Des preuves de telles pratiques sont particulièrement répandues dans les cimetières de la culture de Przeworsk, qui s'est développée dans ce qui est désormais le centre et le sud de la Pologne (IIIe siècle av. J.-C. au milieu du Ve siècle apr. J.-C.).
Si elle est associée aux peuples des Lugii et des Vandales dans les sources écrites anciennes, elle aurait dans les derniers siècles av. J.-C. été fortement influencée par les Celtes, alors dominants dans une grande partie de l'Europe centrale. « C'est probablement à travers l'environnement celtique que la situle découverte à Kazimierza Wielka est arrivée dans la région occupée par la culture de Przeworsk », conclut l'experte.
Mathilde Ragot, Journaliste rédactrice web Histoire GEO.fr - 20/09/2024