une tombe royale en siberie eclaire les origines d un mysterieux peuple nomade de l age du fer

 

L'étude d'un kourgane sibérien vieux de 2 800 ans révèle des rituels funéraires complexes, incluant des sacrifices de chevaux… et suggère ainsi que les origines des Scythes pourraient se trouver plus à l'est que l'on ne le pensait jusqu'ici, selon des chercheurs publiés dans la revue d'archéologie Antiquity.

En Sibérie, une tombe royale éclaire les origines d'un mystérieux peuple nomade de l'âge du fer.

« Les cavaliers scythes fascinent les gens depuis l'époque d'Hérodote. Mais les origines de leur culture sont longtemps restées cachées dans les coins reculés des steppes eurasiatiques », introduit dans un communiqué le Dr Gino Caspari, chercheur à l'Institut Max Planck de Géoanthropologie et de l'université suisse de Berne. Partant de ce constat, son équipe et lui ont étudié une sépulture vieille de 2 800 ans en Sibérie, qui pourrait appartenir à une culture étroitement liée aux très secrets Scythes… et repousser leurs origines bien plus à l'est. Leurs résultats sont publiés dans la revue Antiquity le 8 octobre 2024.

 

Qui sont les Scythes et d'où viennent-ils ?

Les Scythes sont des nomades qui ont traversé les steppes d'Eurasie, au nord de la mer Noire, entre le VIIIe et le IIIe siècle av. J.-C. Ils ont laissé derrière eux des objets d'une grande richesse, témoignant de leur art : des bijoux en or finement travaillés, des armes, des représentations d'animaux stylisés, notamment, découverts dans les kourganes, de monumentaux tumulus funéraires destinés aux élites. Pour autant, ils n'ont laissé aucun écrit derrière eux. Leur héritage a donc été principalement transmis par ceux qui les ont rencontrés, notamment les Grecs, les Perses et les peuples de l'Asie centrale.

Ces cavaliers et archers redoutables ont également acquis une certaine renommée à travers les récits de l'historien grec Hérodote (~484-425 av. J.-C.), qui écrit sur eux dans ses Histoires (Historíai, en grec ancien). Il les figure comme un peuple mystérieux et difficile à conquérir, par exemple, lors de la campagne infructueuse du roi perse Darius Ier, contraint d'arrêter son expansion au Danube. Le « père de l'histoire » décrit également les rites funéraires élaborés pour la royauté scythe du Ve siècle av. J.-C., où des dizaines de chevaux et de serviteurs étaient sacrifiés pour honorer la mort du souverain.

Hérodote, enfin, indique aussi que ces nomades ont migré vers l'ouest depuis l'Asie centrale, après avoir été repoussés par un groupe hostile. D'autres contemporains donnent toutefois des récits différents sur leurs origines. Les études génétiques modernes ont d'ailleurs révélé que les Scythes du Ier millénaire av. J.-C. constituaient un groupe culturel diversifié, avec des ascendances sibérienne, est-asiatique et eurasiatique. Pour autant, l'histoire détaillée de la formation et du lieu de rassemblement des différents groupes ayant donné naissance à la culture scythe reste sujette à débat.

 

Des rituels funéraires aux origines orientales

Alors, pour retracer les débuts jusqu'à présent insaisissables des Scythes, une équipe de spécialistes de plusieurs institutions a examiné le kourgane le plus oriental jamais trouvé, contenant des éléments de la culture matérielle scythe. Situé dans une vallée contenant des milliers d'autres tumulus funéraires, la « Vallée des rois de Sibérie » en Touva (Sibérie orientale), il s'agit du « kourgane de Tunnug 1 », daté grâce à la datation carbone du IXe siècle av. J.-C.

À l'intérieur ont été retrouvés les restes fragmentés d'au moins un humain et de dix-huit chevaux, qui auraient été sacrifiés en l'honneur de l'individu de l'élite enterré là. La tombe renfermait aussi des artefacts de « style animalier scythe » et des équipements de cavalerie – des mors en laiton encore coincés entre les dents des équidés. Les restes d'une femme, faisant probablement partie des offrandes, ont aussi été décelés, notent les archéologues dans leur étude.

D'après ces derniers, ces découvertes constituent autant d'indices suggérant que la sépulture est un exemple précoce des rituels funéraires centrés sur le cheval, des tout premiers Scythes ultérieurs. Et que les origines de la culture, longtemps empreintes de mystère, pourraient se trouver de l'autre côté de la steppe eurasienne, à des milliers de kilomètres plus à l'ouest que supposé dans les textes classiques. Le Dr Gino Caspari s'enthousiasme dans le communiqué :

Après des années de travail de terrain difficile en Sibérie, c'est tout simplement merveilleux de tenir entre nos mains certains des plus anciens objets de « style animalier scythe ». Découvrir certaines des premières preuves d'un phénomène culturel unique est un privilège et la réalisation d'un rêve d'enfance.

Le précieux « kourgane de Tunnug 1 », de l'âge du fer ancien (environ 1200 à 800 av. J.-C.), partage en outre de points communs avec d'autres exemples de l'âge du bronze tardif (environ 1600 à 1200 av. J.-C.) en Mongolie. Peut-être alors, certaines pratiques funéraires des Scythes pourraient provenir de plus à l'est ou plus au sud encore, des cultures équestres de l'âge du bronze de l'Asie intérieure. « Nos découvertes soulignent l'importance de [cette région] dans le développement des connexions culturelles transcontinentales », conclut l'expert, avant d'ajouter :

Elles suggèrent également que ces pratiques funéraires ont joué un rôle dans le processus plus large de transformation culturelle et politique à travers l'Eurasie, contribuant à l'émergence des empires pastoraux ultérieurs [les Sarmates, les Xiongnu, les Huns, les Mongols etc., ndlr].

Mathilde Ragot Journaliste rédactrice web Histoire GEO.fr - 08/10/2024

FaLang translation system by Faboba
 e
 
 
3 fonctions