Crédits : Murat Hakan Sahin/istock
Une équipe de chercheurs a récemment fait une découverte surprenante à Bodmin Moor, dans les Cornouailles. Le King Arthur’s Hall, un site associé aux légendes du roi Arthur, serait en réalité bien plus ancien que ce que l’on croyait. Datant d’environ 5 500 ans, il remonterait à l’époque néolithique, bien avant le Moyen Âge. Cette découverte repousse donc considérablement l’âge de ce monument mystérieux et change notre compréhension de l’histoire dans cette région.
Le site de King Arthur’s Hall
Le King Arthur’s Hall est un site situé dans les landes sauvages de Bodmin Moor, en Cornouailles. Il se présente sous la forme d’un talus rectangulaire en terre et en pierres entouré de 56 grandes pierres dressées. Certaines de ces pierres mesurent jusqu’à 1,8 mètre de hauteur, bien qu’elles soient souvent inclinées, partiellement enterrées ou couchées. Ce site singulier est classé par les autorités patrimoniales britanniques comme un enclos à bétail médiéval qui date d’environ 1 000 après J.-C., soit du haut Moyen Âge.
Néanmoins, depuis des siècles, King Arthur’s Hall intrigue les habitants et les chercheurs par son apparence inhabituelle. Sa forme et la présence des grandes pierres dressées ont alimenté diverses théories. Selon la légende, cet endroit mystérieux serait une ancienne salle où le roi Arthur et ses chevaliers auraient pu se rassembler, d’où son nom.
Certains archéologues ont également émis l’hypothèse que King Arthur’s Hall pourrait en réalité être bien plus ancien que la période médiévale, peut-être un site rituélique ou symbolique d’une époque préhistorique. Jusqu’à récemment, aucune étude scientifique n’avait toutefois confirmé cette idée, laissant l’histoire de King Arthur’s Hall suspendue entre légende arthurienne et mystère archéologique.
La méthode de datation : la luminescence stimulée optiquement (OSL)
Pour lever le doute sur l’âge réel du site, une équipe de chercheurs des universités de St Andrews, Reading et Newcastle a appliqué une méthode de datation innovante appelée la luminescence stimulée optiquement (OSL). Bien que complexe, cette technique peut être expliquée simplement : elle permet de mesurer l’instant où des sédiments ont été exposés à la lumière pour la dernière fois avant d’être enterrés. En analysant les grains de sédiments autour des pierres, les chercheurs ont ainsi pu déterminer à quand remonte leur enfouissement.
Grâce à l’OSL, ils ont découvert que le site date d’environ 5 500 ans, ce qui place sa création à l’époque néolithique. Cette méthode a donc permis de reculer l’âge du site de 4 000 ans par rapport à ce que l’on croyait initialement.
Crédits : Historic England
Les implications de cette découverte
Cette redécouverte transforme notre perception du site. La période néolithique, qui s’étend de 10 000 à 4 500 ans avant notre ère, est marquée par le développement de structures rituelles et communautaires en Europe. De nombreux monuments construits durant cette période servaient en effet de lieux de rassemblement, de cérémonies ou de rites funéraires. La structure rectangulaire de King Arthur’s Hall, entourée de pierres dressées, est typique des constructions de cette époque et suggère qu’il s’agissait peut-être d’un lieu de rassemblement ou de rituel important pour les communautés locales.
La redécouverte du site néolithique de King Arthur’s Hall indique également que Bodmin Moor, aujourd’hui une lande isolée, pouvait être un paysage habité et significatif dans la préhistoire. Ce site rejoint ainsi d’autres monuments de la même époque, comme les célèbres cercles de pierres de Stonehenge, en termes d’importance archéologique. Les chercheurs espèrent que cette découverte contribuera à une meilleure compréhension des interactions humaines avec le paysage à cette époque lointaine.
Le Dr Tim Kinnaird, de l’Université de St Andrews, qualifie cette découverte de « révélation majeure » : « C’est extrêmement excitant que nous ayons enfin pu dater la construction de ce monument énigmatique, jusque-là ancré dans les mythes et les légendes. » D’autres experts impliqués dans l’étude partagent cet enthousiasme, soulignant qu’il s’agit d’une découverte qui change la perspective sur le passé des Cornouailles.
L’équipe de chercheurs prévoit désormais d’étudier les autres structures environnantes de Bodmin Moor pour mieux comprendre l’interaction entre ce monument et son paysage préhistorique. Ils cherchent notamment à découvrir si d’autres constructions de la région pourraient être reliées à King Arthur’s Hall afin d’obtenir une vision plus large de la vie communautaire et rituelle au Néolithique. Cette recherche ouvre ainsi la voie à une exploration plus approfondie du paysage néolithique de cette région, encore peu explorée.
Brice Louvet, expert espace et sciences - 12 novembre 2024 - Sciencepost