L'immigration est plus que jamais l'arme du Capital.
Pour Jean-Marc Borello, proche du président de la République, le choix des quotas annuels d'immigrés n'est pas le virage que la France doit prendre.
Rarement une question n'aura autant déchaîné les passions que celle de l'immigration. Omniprésente dans le débat public, il y a pourtant très peu de consensus sur l'analyse des faits et la meilleure réponse à y apporter : l'immigration draine avec elle de nombreux fantasmes. Et parmi ceux-ci, l'idée qu'instaurer des quotas annuels d'immigrés aurait des effets bénéfiques sur l'économie ou le niveau de chômage des Français.
Chaque jour, le Groupe SOS accompagne familles et personnes isolées, ressortissants d'États étrangers, souvent en guerre, au sein de ses 2 000 places du dispositif national d'asile : nos équipes traitent des vulnérabilités développées par des familles au parcours fragmenté, aident à l'ouverture des droits, agissent pour leur inclusion. Nous rencontrons également les étrangers au sein de l'ensemble de nos dispositifs sanitaires, sociaux et médico-sociaux qui, en vertu du principe de l'inconditionnalité de l'accueil, ouvrent leurs portes à tous quels que soient le sexe, la religion, les pathologies, les addictions ou le statut de la personne. C'est une valeur fondamentale.
Comme de nombreuses entreprises, le Groupe SOS connaît aussi les enjeux de l'immigration sous l'angle des ressources humaines, en tant qu'employeur de 18 000 salariés. Ici ou ailleurs, des initiatives ont été lancées pour parer à un réel manque de main-d'œuvre et aux nombreux postes non pourvus dans certains secteurs : des programmes employant des réfugiés originellement agriculteurs dans des fermes qui manquent de main-d'œuvre qualifiée dans le bio et la permaculture ; des programmes formant et employant des réfugiés dans le BTP, secteur qui connaît des difficultés similaires. Il n'existe pas de chef d'entreprise digne de ce nom qui ne voie dans l'immigration une extraordinaire opportunité.
Sur la question des quotas, il s'agit premièrement de réaffirmer que les demandes d'asile en sont par essence exclues : l'asile est un droit fondamental qui figure dans notre Constitution, et ne peut être soumis à une politique migratoire. Il en va de même pour le regroupement familial, protégé à la fois par notre Constitution, qui garantit à tout étranger résident de manière stable et régulière en France le droit à une vie familiale normale, et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). Instaurer une politique de quotas au titre du regroupement familial reviendrait à réécrire notre Constitution et sortir de la CEDH et, par suite, de l'Union européenne. Chacun assumera.
Par soustraction, les quotas ne seraient donc applicables qu'à l'immigration économique et estudiantine. La première, qui représente moins de 10 % de l'immigration en France, aurait pour effet de nous priver de professionnels : ce sont des médecins, des aides-soignants, des infirmiers.
On note également qu'un chef d'entreprise sur dix à Paris est étranger, créateur de richesses et d'emplois pour tous. Ils sont essentiels au fonctionnement de notre économie et nous en priver serait à la fois absurde et terriblement coûteux. Quant aux étudiants étrangers, réduire leur nombre reviendrait à remettre en cause tous les efforts déployés pour restaurer l'attractivité et la compétitivité de notre pays sur le champ international et affaiblirait la France dans la mondialisation.
Plus largement, l'idée d'instaurer des quotas est révélatrice de la manière dont sont posés les termes du débat public : la question de l'immigration est sans cesse présentée, à tort, comme un conflit opposant les intérêts des migrants à ceux des Français, un arbitrage à faire entre notre économie et notre humanisme. Il en ressort des propositions absurdes ne répondant à aucune logique juridique, économique ou humaine, comme celle des quotas.
Si nous voulons un débat constructif, donnant naissance à des propositions ambitieuses, humaines et efficientes pour notre avenir commun, nous devons poser les termes du débat avec toute l'honnêteté intellectuelle requise. C'est-à-dire admettre d'une part que l'immigration est une réalité, et que nous devons nous pencher sans attendre sur la meilleure manière d'intégrer, de « faire société » ; et d'autre part que l'immigration est une chance pour notre pays, une immense opportunité sociale, humaine, économique et culturelle. À nous de la saisir.
*Jean-Marc Borello est président du directoire du Groupe SOS
www.lepoint.fr du 11/07/2019