Cornlieu Codreanu Garde de fer Roumanie 1

 

Nous avons eu plusieurs fois l'occasion de faire connaître à nos lecteurs le mouvement de la « Garde de Fer » de Codreanu qui fut une des expériences les plus originales du fascisme d'avant-guerre. (Cf. notre numéro spécial, Les Fascismes inconnus, avril-mai 1969). Nous donnons ci-dessous un extrait d'une des études les plus récentes sur ce mouvement, celle de Carlo Sburlati, parue en Italie sous le titre « Codreanu et la Garde de Fer ».

 

Codreanu répétait souvent :

« Ce pays (la Roumanie) est en train de mourir par manque d'hommes et non par manque de programmes. Voilà mon opinion. Ce ne sont pas des programmes que nous devons chercher, mais des hommes, des hommes nouveaux. La pierre angulaire sur laquelle la Légion s'appuie est l'homme et non pas un programme politique. C'est pourquoi nous nous bat­tons ici, non pas tant pour réaliser un programme déterminé, mais pour forger des hommes nouveaux. »

On ne peut pas ne pas noter le réalisme de cette affirmation du Capitaine ; en effet, il est facile pour les déma­gogues et les hommes politiques de parler de révolutions et de réformes comme si on pouvait disposer d'une baguette magique comme panacée contre tous les maux. Mais changer le visage d'une nation est une affaire ardue et quotidienne, qui présuppose non seulement de la préparation, de la compétence et un grand sérieux d'intention de la part de celui qui est placé à la tête de l'Etat, mais aussi une force d'ensemble de la collectivité nationale tout entière.

Codreanu a, par ailleurs, compris que le peuple roumain, pour retrouver sa voie et la confiance en l'avenir, n'a pas besoin d'un homme politique grandiloquent et brillant, mais plus simplement d'un grand éducateur qui sache parler avec humilité et sincérité au cœur de toute la nation. Parti de l'idée de l'homme comme valeur morale et non comme entité numérique, Codreanu a exprimé dans la Légion de l'Archange Michel cette conception qui était la sienne, faisant ainsi d'elle plus qu'un parti politique, une école de vie et une milice du sacrifice.

C'est pourquoi il serait vraiment malhonnête de vouloir blâmer et corriger les défauts des autres si on n'a pas d'abord la volonté et le courage de connaître et de corriger les siens propres.

« Des programmes ? Et lesquels ? Croyez-vous que nous ne puissions pas assainir les marais ? Que nous ne puissions capter l'énergie des montagnes et électrifier le pays? Cons­truire de nouvelles villes ? Ne pouvons-nous pas élever dans les Carpathes une patrie qui rayonne comme un phare au centre de l'Europe? » Faire des programmes, c'est clair, n'est pas suffisant. Il faut avoir la force, le pouvoir, la volonté de les réaliser. Il faut avant tout se rénover intérieurement pour pouvoir avoir ses papiers en règle afin de porter en avant un processus de restructuration radicale de l'Etat et de reconsécration existentielle de l'homme dans le cadre de la nouvelle réalité.

« Nous aussi nous voulons construire : d'un pont brisé à une route, d'une canalisation d'une chute d'eau à sa trans­formation en force motrice, de la construction d'une maison jusqu'à celle d'un bourg, d'une ville, d'un état roumain nou­veau. C'est cela la mission historique de notre génération : sur les ruines d'aujourd'hui, nous devons construire un pays nouveau, un pays magnifique. Aujourd'hui le peuple roumain ne peut accomplir sa mission mondiale qui est celle de créer une culture et une civilisation propre dans l'Est de l'Europe. »

Comme on a eu souvent l'occasion de le remarquer, l'homme nouveau souhaité par Codreanu ne peut naître ailleurs que là où l'esprit chrétien a germé dans sa forme la plus pure. La foi en Dieu est un postulat fondamental de la doctrine légionnaire ; on ne peut laisser celle-ci de côté, à proprement parler parce qu’il est essentiel que chacun soit conscient de sa propre réalité spirituelle et de la mission terrestre qu'il doit accomplir.

« L'homme nouveau ou la rénovation nationale prédisposent une importante métamorphose spirituelle, une grande révo­lution du peuple tout entier, c'est-à-dire une réaction contre la situation actuelle, et la volonté ferme de changer cette direction. » L'acte révolutionnaire de Codreanu consiste dans le fait de vouloir pénétrer les différents problèmes en ne s'arrêtant pas aux apparences, mais en allant jusqu'au fond et en cherchant à les résoudre dans leur ensemble. Il ne s'agit pas de changer seul l'aspect extérieur, l'apparence des institutions, mais de chercher à modifier la nature même de l'homme en le faisant tendre vers des buts plus hauts.

Pour devenir un vrai légionnaire, il n'est évidemment pas suffisant de se proclamer tel. Il faut que se montrent évidentes des transformations intérieures, car elles seules peuvent déve­lopper de façon harmonieuse les différentes qualités de l'homme. Le mouvement légionnaire est une aspiration à la perfection et comme tel il exige de ses militants le sérieux, l'honnêteté et le courage en même temps que le refus le plus absolu, en politique comme dans la vie privée, de la déloyauté comme méthode de lutte.

« Marche seulement dans la voie de l'honneur. Lutte. Ne sois jamais vil. Laisse aux autres les voies de l'infamie. Plutôt que de vaincre avec infamie il vaut mieux tomber sur le chemin de l'honneur. Gardez-vous, Roumains, de cette folie épouvantable qu'est la lâcheté. Toute l'intelligence, tout te travail, tout le talent, toute l'éducation, ne serviront à rien si nous sommes lâches. Enseignez à vos fils à ne jamais employer de méthodes viles ni contre un ami, ni contre le pire ennemi, parce qu'en faisant ainsi, ils ne vaincront pas et seront plus que battus ils seront écrasés. »

« Même pas contre le lâche et ses viles méthodes, il (ne) faut employer les mêmes armes parce que, si alors nous vain­quons, ce ne sera qu'un changement de personnes, mais la lâcheté demeurera inchangée. La lâcheté du vainqueur se sera substituée à celle du vaincu, mais en substance, ce sera la même lâcheté qui dominera le monde. Les ténèbres de la lâcheté ne peuvent être dissipées par d'autres ténèbres, mais seulement par la lumière qui émane d'un homme courageux et honnête. »

L'éducation de «  l’homme nouveau » doit tenir compte par-dessus tout de lui donner conscience des devoirs civiques et des valeurs morales, et en outre naturellement de lui fournir un bagage culturel et de connaissances avec lequel il pourra faire front aux nécessités de la vie. La différence avec l'éducation comprise au sens bourgeois ou marxiste est plus qu'évidente : elle ne se réduit pas à un simple travail d'approfondissement ou de sensibilisation, ni n'aspire à un endoctrinement dogmatique et privé de sens critique. Elle aspire à quelque chose de plus profond et de plus suggestif : à faire participer l'individu à la réalité dans laquelle il vit, à en faire un centre d'irradiation spirituelle et non seulement culturelle, à le pousser vers des synthèses neuves et hardies, à le diriger vers des buts qui représentent des valeurs éter­nelles.

Si, pour la grande majorité des hommes, une des princi­pales déterminations à l'action et à la lutte est l'intérêt personnel, Codreanu se trouve en complet désaccord avec cette mentalité. Le désir de s'enrichir, le luxe, la cupidité immodérée sont indubitablement des facteurs importants dans la détermination des actions humaines : mais ils le sont au sens négatif. Il faut non plus une élite fondée sur les idées de succès, de popularité ou de fortune, mais sur celles de sacrifice, de pauvreté, d'une vie âpre, sévère, austère. Voilà quel doit être le chemin pour s'élever. Les facilités, la goinfrerie, le luxe, le trivialité, montrent le chemin de la décadence des peuples.

« Nous devons vivre une vie de pauvreté, en étouffant en nous le désir des richesses et n'importe quelle tentative d'exploitation de l'homme par l’homme. Chaque fois que je me suis trouvé en face d'un sacrifice de la Légion, je me suis dit : comme il serait terrible que sur le sacrifice saint et suprême de tant de nos jeunes gens s'installe une caste de vainqueurs dont les portes seront ouvertes aux affaires, aux coups aventureux, aux orgies, à l'exploitation des autres. »

Il ne faut pas ici revenir sur la fonction irremplaçable et sur la signification morale que Codreanu attribue au travail, au plus humble et du plus fatigant au plus engageant et qui réclame une grande responsabilité. D'autre part, ses camps volontaires de travail restent encore aujourd'hui ce qu'une génération a su exprimer de plus concret et de plus stupéfiant, une génération qui s'était imposée pour but de dire non aux consignes des rhéteurs en s'actualisant et en s'exprimant dans les problèmes réels du pays.

Voici le portrait que fait de l'œuvre de Codreanu un de ses très proches collaborateurs, qui a eu la possibilité d'appré­cier de façon particulière l'influence de la personnalité du Capitaine sur la mentalité et sur les coutumes roumaines.

« Au pays de la fuite devant toutes les responsabilités, étouffé par un si grand nombre de fourbes et de parasites sociaux, il a instauré l'école de l'homme d'honneur, de l'homme qui ne ment pas, de l'homme juste, digne, correct, joyeux, qui se donne à son travail et qui sait assumer ses propres risques. Il a instauré aussi le principe que nul travail n'est déshonorant et il a éliminé sans pitié de son organi­sation les débauchés, les fainéants, les fripons, les vaniteux, les hâbleurs et les malhonnêtes. »

Nous ne devons absolument pas considérer l' « homme nouveau » extrait de la réalité qui l'entoure, cristallisé dans ses archétypes idéaux, indifférent à tout ce qui ne le touche pas dans son intériorité spirituelle. Codreanu n'est certai­nement pas quelqu'un qui s'enferme dans une tour d'ivoire pour admirer sa propre supériorité intellectuelle et morale, qui ne s'abandonne pas au sarcasme, ne compatit pas ni ne méprise la multitude qui peine à chercher dans l'argent ou dans le plaisir le sens de sa propre existence.

Il espère dans l'évidence de (son) exemple et croit par­dessus tout dans la force du sacrifice compris comme témoi­gnage et comme réaffirmation d'une foi. Ayant tiré au clair que l'intérêt seul n'est pas en état de réaliser l'harmonie, tant dans le cœur des hommes que dans le contexte d'une nation, mais qu'au contraire cela représente un motif de discorde et de perturbation sociale, il reste à analyser quel serait l'élément capable d'opérer cette synthèse. Codreanu croit le trouver dans l'adhésion aux enseignements du Chris­tianisme et par-dessus tout dans un grand pouvoir d'amour. « L'intérêt est l'expression de la nature animale de l'homme ; le facteur d'harmonie, capable de le sublimer et de lui assigner une mission, ne peut être que son esprit. L'élément régulateur de la vie politique, sociale et économique doit être l'Amour. L'amour appliqué de façon concrète signifie la paix dans nos esprits, dans la société et dans le monde. »

En partant de ces bases, « l'homme nouveau » et le légion­naire se posent en profonde opposition avec le vieux monde politique. Ainsi s'explique la défiance instinctive de tous les partis roumains, de la droite économique et bien-pensante
à l'extrême gauche maximaliste et discoureuse, à l'égard du
mouvement codréaniste. ;

Cette concentration de forces illégitime eut raison de l'enthousiasme et de la jeunesse en écrasant dans le sang le rêve de toute une génération.

Nuremberg nous aurait appris par la suite que les vaincus, non seulement ont toujours tort, mais que la plupart du temps ce sont même des fous criminels.

 

Ressemblances et différences avec le Fascisme et le National-Socialisme.

Nous commençons ce chapitre sur les rapports entre le Fascisme, le National-Socialisme et le mouvement de Codreanu par un état de faits. Durant la 2e Guerre Mondiale, tandis que beaucoup de ceux qui deviendront des ennemis acharnés du nazisme et du fascisme n'avaient pas encore eu leur brave crise de conscience ou peut-être jouissaient dans leur for intérieur des succès de l'Axe, dans les camps de concentration de Buchenwald, Dachau et Sachsenhausen, des centaines de légionnaires de la Garde de Fer dépérissaient et mouraient pour garder leur foi à un de leurs impératifs moraux : celui de ne pas renoncer à leur propre patrimoine politique, national et spirituel, même pas vis-à-vis de prétendus amis ou alliés.

Cela pour mettre en évidence à quel point peuvent être fausses les accusations des adversaires de Codreanu pour lesquels le mouvement Légionnaire n'était pas autre chose à ses débuts qu'une imitation du Fascisme et, par la suite, une succursale du National-Socialisme allemand. On a fait appel à tous les prétextes, les plus futiles, les plus mesquins et les plus invraisemblables pour accréditer cette thèse; en dernier lieu, on a exhibé une lettre, manifestement apocryphe, d'Hitler lui-même à Codreanu. Il est inutile de répéter ici que Codreanu eut soin de démolir et de démentir une à une toutes ces argumentations fausses et fantaisistes.

Naturellement, Codreanu agissant dans le cadre des révo­lutions nationales, il existe certaines affinités entre le fascisme et le national-socialisme d'une part et le mouvement Légionnaire d'autre part. Toutefois, il ne faut pas s'en formaliser : par son caractère éminemment spiritualiste et antibourgeois, la Garde de Fer est peut-être idéologiquement plus voisine de la Phalange espagnole et du Fascisme hongrois tel qu'il a pris visage avec le major Szalazi et ses Croix fléchées.

La grande estime que le Capitaine nourrit vis-à-vis du Chef du Fascisme italien reste indubitable :

« Mussolini nous a donné la certitude de notre victoire. Il existe en effet un lien de sympathie entre tous ceux qui, dans les diverses parties du monde, servent leur propre nation, comme il existe un lien entre tous ceux qui travaillent à l'anéantissement des nations. Pour nous, il sera l'astre lumineux qui nous aura appris l'espérance, il sera la preuve que le communisme peut être vaincu, il sera une confirmation de nos propres chances de victoire. »

II dira une autre fois : « Nous sommes parmi ceux qui croient que le soleil ne se lève pas à Moscou mais à Rome

Pour Codreanu, les réalisations de l'Italie d'alors dans le domaine économique et social prendront leur intérêt. Par­-dessus tout le frappe le corporatisme par sa façon simple et honnête de résoudre les contrastes sociaux dans l'intérêt supérieur du prêteur, du donneur de travail et de nation. D'autre part, la structure économique particulière de la Roumanie, en phase d'industrialisation déjà mise en train, aurait permis une brillante application de ces idées.

Dans le national-socialisme allemand, à part la parfaite discipline instaurée, il voit la réalisation d'un grand état national et technocratique, avec une planification centralisée mais souple qui permet d'obtenir des résultats stupéfiants.

En Italie et en Allemagne enfin, Codreanu entrevoit le point d'appui de l'Europe Nouvelle qui est en train de naître, faisant fructifier l'héritage d'une civilisation qui a donné au monde les plus grandes réalisations de l'histoire et l'enthou­siasme de millions de travailleurs, conquis finalement à la cause de la rénovation et à l'action politique.

José Antonio avait bien dit : « Le fascisme est une inquiétude européenne ; c'est une nouvelle façon de concevoir tout ce qui fermente en notre époque et de l'interpréter avec notre sensibilité », II est donc logique que la tradition histo­rique différente de la Roumanie, la sensibilité différente de ses habitants, son degré différent de développement économique et social se reflètent aussi dans un mouvement comme le mouvement Légionnaire, qui enfonce ses racines dans l'humus même de la terre de Decebalo. A cela s'ajoute la présence d'une forte personnalité comme celle de Codreanu, inévitablement destinée à laisser la marque de ses propres actions.

De la rencontre (que nous avons déjà évoquée ailleurs) entre Corneliu et le philosophe Julius Evola, ce dernier a écrit : « Parmi les thèmes de notre entrevue, je me souviens de l'intéressante caractérisation que Codreanu fit du fascisme, du national-socialisme allemand et de son propre mouvement. Il disait que dans tout organisme existent trois principes : la forme, la force vitale et l'esprit. On doit penser la même chose pour une nation, et un mouvement rénovateur peut se dérouler en portant principalement l'accent sur l'un ou l'autre de ces trois principes. Selon Codreanu, dans le fas­cisme, c'est le principe de la forme, comme idée politique formatrice et comme état qui avait la première place : cette puissance organisatrice était l'héritage de Rome. Par contre, dans le national-socialisme allemand, un relief particulier est donné à la force vitale : de là, la part qu'avait pris la race, le mythe de la race et l'appel au sang et à la communauté ethnico-nationale. Pour la Garde de Fer, le point de départ serait, par contre, l'élément spirituel. C'est de lui qu'il voulait partir. Et par l'esprit, Codreanu entendait quelque chose qui se référait aussi aux valeurs proprement religieuses et ascétiques ».

Codreanu lui-même répondit ainsi à quelqu'un qui lui demandait quelles étaient les différences entre ces trois mou­vements nationaux : « La fascisme s'intéresse avant tout a « l’aspect », c'est-à-dire à la forme organisatrice de l'Etat; le national-socialisme au « corps », c'est-à-dire à la pureté et à l’Eugénie raciale; la Garde de Fer, par contre, met l'accent sur quelque chose de bien plus profond : l'âme, c'est-à-dire l'essence même de l'homme. Si nous voulions nous servir ici d'une image visuelle, nous dirions que le fascisme combat le mal en élaguant les branches d'un arbre hypothétique qu'il veut abattre ; le national-socialisme en sciant le tronc ; et le mouvement Légionnaire en arrachant les racines. »

Parmi ceux qui ont le mieux étudié la pensée de Corneliu en rapport avec l'idéologie fasciste et nationale-socialiste, il faut noter l'écrivain italien Alfonso Panini Finotti, de qui nous extrayons ces lignes pénétrantes :

« La révolution légionnaire est une révolution typiquement roumaine. Par rapport au Fascisme et au National-Socialisme, la révolution Légionnaire présente des caractères tout à fait spéciaux. L'originalité de Codreanu ne consiste pas en une objectivité conceptuelle, en idéologies et programmes, même si ses opinions sur de telles réalités ont gagné un si grand nombre de fidèles et la plus grande force incisive par le moyen de bien autre chose que leur aspect purement thématique. Son action révolutionnaire consiste dans une existence ontologique éminemment fondamentale de cette réalité, se rencontrant aussi d'une telle façon avec les der­nières tendances des conceptions les plus avancées de la vie européenne.

Il faut noter, en conclusion, le caractère humain de sa révolution tout entière. Tandis que les révolutions fascistes et nationales-socialistes s'effectuent comme un effort spécifique de simplification, et même et surtout d'unilatéralisation avec une finalité donnée de la nature humaine (l'extrême spécia­lisation, la transformation de l'individu en un instrument qui y prend part, mais en tout soumis aux consignes de l'Etat) et en contrecarrant le libéralisme, la révolution Légion­naire présente l'aspect d'une restitution de l'homme à lui-même au sens le plus complet du mot. Et à ce propos, l'émotion humaine de beaucoup d'affirmations de Codreanu et de ses militants est véritablement surprenante. Il est possible d'en trouver l'explication dans le caractère profon­dément spécifique de la sensibilité roumaine. A travers l'expé­rience de Codreanu et de la Garde de Fer, la sensibilité roumaine acquiert un caractère de dimension majeure, de monumentalité, en somme un nouveau style de vie. »

Est aussi intéressant ce jugement de l'historien américain Eugen Weber, professeur d'Université très lié avec les milieux juifs de Princeton et de Berkeley : « Une opinion largement répandue considère le fascisme comme l'idéologie d'une société bourgeoise décadente. Mais jamais ne s'est développée en Roumanie une bourgeoisie comparable à celles de l'Europe Centrale et Occidentale. La Légion, du reste, n'a jamais prétendu défendre ses intérêts, l'a au contraire attaquée en mettant en relief et en condamnant le système de corruption que Codreanu mettait en rapport avec les valeurs et les insti­tutions bourgeoises. En cela, la Légion rappelait d'autres mouvements fascistes qui ne s'étaient pas présentés comme les défenseurs du libéralisme capitaliste, mais plutôt comme ses adversaires. Dans toute l'Europe, pendant la vingtaine d'armées qui va de 1920 et 1940, de la Finlande à l'Espagne, les fascistes se sont voulus révolutionnaires, et c'est cette accusation du reste qu'avaient lancée les conservateurs eux-mêmes. »

Qu'ajouter d'autre ? Il est clair que Codreanu, comme toutes les grandes personnalités, n'avait pas la vocation d'un disciple exempt de critiques, ou pire encore, celle d'un imitateur inconditionnel. Entre autres, le début même de sa bataille politique, qui date de 1919, quand Mussolini ne tenait pas encore les feux de la rampe et que d'Hitler on ne connaissait même pas encore le nom, témoigne de l'originalité absolue de ses bases.

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Il reste à considérer comment Codreanu se serait comporté s'il avait conquis le pouvoir et eu entre ses mains le destin de la Roumanie, Très probablement, en connaissant son rigorisme moral et la sincérité absolue de ses affirmations, il aurait fait de la Roumanie un pays profondément différent, en s'efforçant par-dessus tout de maintenir la foi dans les principes mêmes pour lesquels tant d'amis étaient morts dans les longues années de lutte du mouvement Légionnaire.

De cela, nous pouvons établir une dernière «différence entre Codreanu et les autres leaders des révolutions nationales. Ceux-ci lui sont supérieurs sur le plan de l'efficacité dialec­tique, sur le plan du réalisme entendu dans un sens pragmatique et sur le plan de l'adaptation de leur propre stratégie politique aux conditions de lutte transformées. Profonds connaisseurs de l’âme humaine, ils ne savent pas individua­liser le ressort le plus caché, réussissant à canaliser les vices, les passions, les héroïsmes et les vertus vers des objectifs déterminés à l'avance, et sans doute inconsciemment imposés à leurs propres peuples.

Codreanu a davantage confiance en l'homme, ou plutôt dans la capacité de l'homme à lutter et à s'élever au-dessus de sa propre nature d'animal diencéphalo-hypophysaire. Cela toutefois doit être un processus conscient et choisi, et non pas imposé. Il faut plutôt agir par l'exemple que par la suggestion. En somme, il ne faut pas vaincre d'abord et convaincre ensuite, mais faire en sorte que la conviction et l'acquiescement de tous soit le premier degré d'où partir pour réaliser les buts qu'on s'est imposés.

Codreanu est davantage un poète, avec tout ce que ce mot peut signifier, aussi bien en un sens négatif que positif. Mais probablement, autant dans le monde d'hier que dans celui d'aujourd'hui, il n'y a pas de place pour les poètes à ta tête des Etats.

Nation et Etat.

Il est extrêmement difficile de délimiter le concept de nation et la signification du mot : pour le moins, il n'y a guère de concordance entre les définitions données par les histo­riens, les philosophes, les hommes politiques et les hommes d'étude.

Le problème fondamental consiste justement à mettre en lumière quels sont les facteurs constitutifs de la nation, les uns s'orientant davantage vers un certain patrimoine spirituel, vers la culture et vers l'histoire, et les autres vert la population, les frontières de langue, la souche ethnique, la religion et ainsi de suite.

Mais ce qui peut être bon pour un peuple peut ne pas être valide pour un autre. Il suffit de penser à la langue et à la religion qui, comme le démontrent divers cas, peuvent être ou non indispensables pour la réalisation d'une nation.

Pour Codreanu, les facteurs fondamentaux sont trois :

  • Un patrimoine physique : la chair et le sang ;
  • Un patrimoine matériel : la terre;
  • Un patrimoine spirituel.

Des trois, le plus important, ou plutôt le plus caractéristique est le patrimoine spirituel. Celui-ci, à son tour, consiste :

 Dans la conception à l'égard de Dieu, du monde et de la vie;

Dans l'honneur ;

Dans la culture.

Cette dernière surtout, tient à préciser Corneliu, tout en étant internationale dans sa diffusion est cependant clai­rement nationale dans son origine.

Dans le patrimoine spirituel conflue ce qui fait l'âme véri­table d'un peuple, sa manière de s'exprimer et d'être vivant, la spontanéité limpide de ses aspirations. « La force spiri­tuelle d'un peuple, dira Codreanu, se façonne à la base comme un acte intellectuel et une conception de la vie, pour s'insérer ensuite dans la culture et dans l'histoire de la nation ».

Certains ont noté combien la façon de Codreanu de penser la réalité nationale, ainsi qu'elle apparaît dans ses écrits et dans ses discours, est semblable à la position sur ce problème de J. A. Primo de Rivera, fondateur de la Phalange de la J.O.N.S. et artisan de l'insurrection nationale espagnole.

Bien que les deux hommes ne se soient pas connus, ni n'aient eu l'occasion de s'influencer réciproquement, il résulte de façon impressionnante d'un examen de leurs écrits, l'iden­tité (foncière) de leurs vues sur ce problème fondamental.

C'est surtout Horia Sima qui, dans sa pénétrante étude, a mis au point la convergence substantielle de tous deux sur l'inter­prétation du donné national.

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José Antonio dit : « La nation n'est ni une race, ni une langue, ni un territoire. Es ma unidad de destino en lo universal. La nation n'est ni une réalité géographique, ni ethnique, ni linguistique; c'est seulement une unité historique. Un petit groupe d'hommes sur un lopin de terre constitue une nation en germe, seulement s'il agit en fonction de l'universalité, c'est-à-dire s'il accomplit son propre destin dans l'histoire ». Et l'auteur continue ; « Le facteur qui unifie les aspirations d'une masse humaine et qui relève au rang de nation, c'est son propre destin. Par la réalisation de son destin, une nation se distingue d’une autre, et non par le territoire, la langue ou les coutumes communes. C'est seulement une communauté humaine qui lutte pour la réalisation de son destin, qui sort de l'anonymat de l'histoire ».

Sur un point précis, aussi bien De Rivera que Codreanu n'ont aucun doute, c'est-à-dire sur le fait que les nations sont des réalités possédant une existence propre, et ne dépendent pas toujours de qui les dirige. Cela pousse José Antonio à affirmer l'existence d'une « âme métaphysique de l'Espagne qui est une vérité élémentaire, un axiome historique et politique, comparable aux vérités mathématiques » et à Codreanu : « L'honneur d'un peuple consiste dans la façon avec laquelle la race a pu acclimater son existence historique aux normes de ses conceptions sur Dieu, le monde et la vie ».

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Et encore, tandis que De Rivera affirme : « L'Espagne n'est pas à nous comme un objet de patrimoine, notre génération n'en est pas la maitresse absolue », Codreanu fait une nette distinction entre « la collectivité nationale actuelle, c'est-à-dire la totalité des individus vivant sur la même terre, dans un même Etat et dans une période déterminée, et la Nation, c'est-à-dire l'entité historique qui existe par elle-même ».

« La première loi que doit suivre un peuple, écrit ailleurs Corneliu, est d'être fidèle à la réalisation de son destin. » Et José démontre de façon irréfutable que la décadence de l'Espagne a commencé précisément au moment où elle a cessé de croire à sa mission spirituelle et historique. Les rapports qui existent entre Nation et Etat sont analogues à ceux qui existent entre la cause et l'effet. Pratiquement l'Etat est la manifestation objective avec laquelle la Nation agit dans l'histoire et réalise sa mission.

C'est précisément pourquoi celui-ci ne doit pas être seule­ment un complexe d'organismes administratifs et bureaucratiques au service du citoyen et de la collectivité. L'Etat ne doit pas se limiter à organiser les transports ou les routes, à discipliner les rapports économiques, à diffuser l'instruc­tion, à exercer la justice, à contrôler les prix et à tenir le compte des naissances, des morts et des mariages. L'Etat a évidemment aussi une fonction plus élevée. Il est l'instrument historique par lequel une collectivité s'exprime elle-même et se fait l'actrice de son propre destin.

Celui qui est appelé à la barre de l'Etat doit avoir bien présent à l'esprit le fait que sur ses épaules repose une triple responsabilité : par rapport aux générations passées, présentes et futures. C'est précisément pourquoi il ne doit pas être toujours l'esclave des décisions du peuple, comme cela est le cas dans un régime parlementaire où règnent les partis. Il est certain que l'assentiment populaire est une chose dont il ne peut se séparer, mais doit engager encore plus sa conscience d'agir dans le sillon de la continuité natio­nale, expression et incarnation de la réalité éternelle de la nation.

Il est clair qu'un Etat, entendu comme tel, ne doit pas être au service des intérêts particuliers, qu'ils soient de classe ou de groupe. Une telle forme d'état, en effet, au lieu de souder les énergies et les forces de tout un peuple en vue du salut commun, rend stérile et improductif l'apport de chacun à la réalisation des objectifs fixés. Sans compter que le soupçon d'une discrimination entre les citoyens de première et de deuxième catégorie fait manquer à l'Etat ce qui est la condition indispensable pour qu'il soit en état d'interpréter et de réaliser sa mission, c'est-à-dire l'harmonie et la concorde entre tous les membres de la communauté nationale.

Certes, pour ceux qui, comme nous, sont désormais habitués au pouvoir des partis, ou pire, à celui des courants politiques, il est difficile d'imaginer la vie politique soustraite aux jeux de couloirs du Parlement et aux groupes de pression, au conditionnement de la presse et des centres occultes de per­suasion, aux orientations divergentes des syndicats et du pouvoir économique. Pour nous aujourd'hui, gouverner l'Etat signifie se diviser en sous-gouvernements et en offices, signifie la solidarité entre criminels et le placement obligé des amis, les bâtons dans les roues et les soucis pour les adversaires et les ennemis.

Pour Codreanu, au contraire, représenter l'Etat signifie avoir assimilé en soi-même la totalité historique et spirituelle de la nation, être entré en communion spirituelle avec de son propre peuple. C'est à travers la liberté créatrice de l'individu que se réalise le processus d'auto-identification de l'individu dans l'Etat doit être facilité par une éducation politique et religieuse sérieuse et consciente. Ce n'est pas par la violence ou la coercition qu'on peut édifier un Etat ou créer un destin commun. Pour le moins, il est mieux de laisser ces moyens extrêmes à qui a de l'Etat et de la Nation une conception purement utilitariste et pragmatique et qui réduit tout à un combat d'intérêts opposés en lutte éternelle entre eux.

Pour juger de la légitimité d'un Etat, nous ne devons pas nous référer à ses formes de gouvernement, c'est-à-dire s'il s'agit d'une république ou d'une monarchie, d'une démocratie ou d'un régime autoritaire. Il est clair que des formes parti­culières de gouvernement dans certaines parties du monde se sont avéré « coller » à la réalité d'un seul pays et dans d'autres ont montré des carences importantes et parfois même désastreuses. Ce qui est fondamental est que l'Etat se mette au service de la Nation, qu'il fasse accomplir à celle-ci sa mission historique, qu'il soit en état de réaliser les consignes qu'il a reçues.

Logiquement, en ce qui concerne les caractéristiques exté­rieures de l'Etat, celles-ci doivent s'adapter à la mentalité et aux coutumes d'un peuple en particulier et doivent s'insérer dans la réalité effective du moment. Cuoco a déjà démontré dans quelles erreurs on tombe en voulant sim­plement transformer les archétypes cristallisés des consti­tutions politiques.

Le Capitaine dira : « C'est le moment de poser les fon­dations d'une époque nouvelle. Une époque de retour aux réalités nationales, donnant à la Nation son sens réel de société naturelle, d'un groupe d'individus de la même race. Il faut élever depuis sa base le nouvel Etat ethnique national, fondé sur le primat de notre culture, sur le primat de la famille et sur celui des corporations de travailleurs ». Pour cela, l'Etat nouveau qui naît d'une révolution nationale ne doit pas se limiter seulement à une réforme des institutions. « Le nouvel Etat présuppose, en premier lieu, comme élément indispensable un nouveau type d'homme. On ne peut con­cevoir un Etat nouveau si on ne change pas d'abord une certaine mentalité ». Et Sima, interprétant admirablement la pensée de Codreanu dit : « L'Etat ne sera pas meilleur ou pire par la splendeur des institutions qui le constituent, mais bien par le degré de conscience civique de chaque citoyen. L'individu gardien des valeurs éternelles est le plus enviable trésor de l'Etat National. »

Le sentiment Religieux.

« Christ est ressuscité ! Ainsi ressuscitera aussi la justice pour le peuple roumain. Mais pour obtenir cela, il est néces­saire que ses fils parcourent le chemin qu'a parcouru Jésus ; se mettent sur la tête la couronne d'épines, montent à genoux le Golgotha avec la Croix sur les épaules et se laissent crucifier!... Légionnaires, c'est vous qui êtes ces jeunes gens! Celui qui renonce à la tombe, renonce aussi à la Résur­rection ! » (Codreanu pour les Légionnaires).

Arhangel

Comme cela apparaît clairement dans ces paroles du Capitaine et dans ses innombrables écrits sur cette question, un des points fondamentaux de l'idéologie, de la doctrine et de l'action légionnaires est la foi en Dieu et la confiance dans le triomphe des valeurs soutenues par le Christianisme.

Il faut surtout dire d'abord que le peuple roumain est, par une tradition millénaire, profondément religieux; sa religiosité est intimement et sincèrement ressentie et vécue intérieurement. Ce n'est pas une foi alambiquée et soumise au crible de la raison, mais une foi pure, spontanée, cristal­line. Nous avons déjà fait remarquer comment pour Codreanu et pour les Légionnaires Dieu ne se discute pas mais se vit. Pour eux, la négation de Dieu est une position tout aussi insoutenable que la négation du monde ou de nous-mêmes.

Certains, en partant de ces principes, en sont venus à affirmer que la Légion est le seul mouvement politique contemporain de structure religieuse. Et effectivement la structure organisatrice que Codreanu a donnée à son mou­vement peut rendre cette thèse plausible. En effet, la Légion prend naissance sous la tutelle protectrice de l'Archange Saint Michel, et une de ses organisations les plus fortes, celle de la jeunesse, porte le nom de Confraternité de la Croix.

Le rituel des réunions également, qui a donné à beaucoup d'adversaires de la Légion sujet à des descriptions de registre pirandellien ou kafkaïen, se ressent d'une organisation vague­ment religieuse. Chaque discussion ou réunion est ouverte par une prière et, dans chaque local, il y a obligatoirement un Crucifix ; une lampe à huile brûle perpétuellement face à l'icône de Saint Michel. Ainsi le chant, auquel Corneliu accorde une grande importance pour faire ressentir spirituel­lement l'unité de tous les militants, a une fonction chorale qui est bien présente dans la liturgie et la pratique chrétiennes.

Si tout cela est indéniable, il ne faut pas en déduire que le mouvement de Codreanu fut une émanation de l'Eglise orthodoxe roumaine ou qu'il la représentait sur le plan politique. Rien de plus faux et de plus éloigné de la vérité.

Au contraire, même si de nombreux prêtres, surtout dans les campagnes, suivirent avec sympathie et intérêt l'action politique de Codreanu (les prêtres soumis à un procès parce que suspects de connivence avec la Garde de Fer seront un peu moins de 300), l'Eglise comme structure séculaire et hiérarchique fut toujours résolument hostile au Mouvement Légionnaire.

En effet, on ne peut nier que la condamnation à mort de Corneliu, des Décemvirs et des Nicadors fut décrétée par un gouvernement dans lequel le fauteuil de Premier Ministre était occupé par le Patriarche de l'Eglise Orthodoxe Miron Cristea. Et ce fut toujours sous la direction des hautes autorités religieuses du pays et sous la compétence technique du ministre de l'Intérieur Calinescu que les persécutions contre les éléments de la Garde atteignirent un degré d'intensité encore jamais expérimenté.

Bien évidemment, le Christianisme est pour Corneliu bien autre chose que la « Religion des esclaves » de Nietzsche, ou de l'attentisme passif et renonciateur de tant de pseudo chrétiens qui est une véritable fuite devant ses propres responsabilités au nom de principes qui ne sont certes pas recommandés par l'Evangile. Dans son livre : « De Codreanu à Antonescu », A. P. Finotti dit : « Face au découragement résultant du manque total de compréhension avec le néant, Heidegger construit de façon radicale son célèbre pragmatisme métaphysique. Sur les pas de la philosophie nietzschéenne et acceptant la lutte avec le Christianisme, il se dirige vers une espèce de mythologie ontologique. Devant la même situation à laquelle, en réfutant le nihilisme intégral, Nietzsche et Heidegger ont dit non, Codreanu dit : « Je crois en Dieu ». Il reste donc sur une position tout à fait dans l'optique du Christianisme et il établit la nécessité absolue de la foi pour chaque Légionnaire. Toujours dans ce sens s'explique et doit être entendu l'aspect eschatologique de la « résurrection » dans laquelle Codreanu voit le sens ultime de la vie des peuples. Tout ce qui constitue le matérialisme et la conception faustienne et démoniaque de la culture européenne est un outre­passement orgueilleux ».

Malgré l'atmosphère vaguement mystique qui entoure la personnalité et les décisions du Capitaine, malgré l'aura de sacralité qui paraît vivifier chacun de ses gestes et chacune de ses actions, il est indubitable que Codreanu considère le Christianisme non à la façon d'un mythe ou d'une philo­sophie positive, non comme un ordre établi ou un confor­misme d'attitudes, mais bien comme une façon de vivre et de s'expliquer soi-même.

Pour lui, être chrétien signifie de ne jamais renoncer à la lutte du bien contre le mal, signifie assumer couragesement ses propres responsabilités, signifie combattre et lutter de toutes ses propres forces pour le triomphe des idéaux mêmes pour lesquels le Christ, il y a deux mille ans, est monté au Calvaire. Cela signifie surtout souffrir et savoir accepter de bon gré toute épreuve et tout sacrifice, et même le sacrifice suprême de la vie.

C'est-à-dire témoigner, comme les martyrs de l'antiquité et les milliers de saints qui étincèlent dans l'histoire de l'Eglise, que la vie est d'autant plus digne d'être vécue qu'elle est davantage placée au service de Dieu, de ses comman­dements et d'une juste cause. Dans ce contexte, le martyre des Légionnaires prend une valeur d'autant plus significative et durable dans la mesure où elle a pour but non seulement le triomphe de valeurs terrestres et d'idéaux politiques, mais est placée au service de la parole de Dieu. « Le but final du peuple n'est pas la vie, mais la résurrection dans le nom du Christ ».

« La foi légionnaire, ainsi profondément inspirée par l’ensei­gnement chrétien, a réussi à réaliser, dans le cadre de l'huma­nisme spécifiquement roumain, une synthèse originale, grâce à la fusion de l'idée nationale avec les désirs les plus avancés de justice sociale et de coexistence pacifique entre les peuples de manière qu'elle possède toutes les valeurs nécessaires pour pouvoir s'insérer organiquement dans l'ordre interna­tional réclamé par la nouvelle phase historique. Cette foi légionnaire qui n'a pas pu être détruite par les sanglantes persécutions du passé ne peut pas non plus être dépassée par les événements en cours » (Constantin Papanace).

Codreanu écrit dans ses Mémoires inédites : « Une des caractéristiques de notre temps est que nous nous occupons des luttes entre nous et les autres hommes et non de la lutte entre les Commandements de l'Esprit Saint et les désirs de notre nature terrestre. Seules les victoires sur les hommes nous intéressent, et presque jamais celles sur le mal et le péché. Le mouvement Légionnaire tend aussi à la victoire chrétienne de l'homme, en vue de sa rédemption. Il faut être préparés également à la lutte décisive pour le salut de notre âme. »

Même en posant sa bataille politique sur un plan hautement idéaliste et même en prêchant le don absolu des mili­tants à la cause de la Légion, Codreanu a la perception bien claire de la portée de sa propre action, et ne l'effleure même pas la pensée de se substituer à l'Eglise roumaine là où celle-ci, surtout en ce qui concerne des actions extérieures, peut avoir manqué à son devoir et à sa haute mission. En effet, l'Eglise n'est pas pour lui tel ou tel de ses ministres, ni tel ou tel homme politique qui prend sous sa tutelle des intérêts déterminés purement matériels, mais elle est l'expression tangible d'une réalité que le Christ a voulu pour perpétuer son enseignement. « Nous faisons une grande distinction entre la ligne que nous suivons personnellement et la mission de l'Eglise chrétienne. Celle-ci est infiniment plus élevée. Elle atteint la perfection et le sublime. Dans notre action quotidienne, dans tous nos projets et toutes nos décisions, nous devons aller vers elle ; c'est à travers nos efforts terrestres que nous pourrons nous élever jusqu'à elle. »

« Le Légionnaire croit en Dieu et le prie pour la victoire de la Légion. Les guerres sont gagnées par ceux qui ont su attirer du ciel les forces mystérieuses du monde invisible et qui savent s'en assurer le concours. »

D'où l'importance de la prière dans la doctrine légionnaire. Prier n'est pas seulement un acte de foi. C'est un acte d'espé­rance. C'est une manifestation de courage, quand tout semble s'écrouler sur nous. C'est s'enrichir en esprit pour affronter de nouvelles luttes et de nouveaux sacrifices. Pour Corneliu, la prière est « l'élément décisif de toute victoire », voulant signifier avec cela plus que la victoire sur les autres, celle, beaucoup plus importante, sur soi-même et sur sa propre nature rebelle.

Pour finir, nous voulons rappeler une phrase de Codreanu qui met au point toute sa conception spiritualiste et anti­machiavélique de la politique, et son haut enseignement moral et chrétien :

« II faut surmonter la nature animale de l'homme ; le facteur d'harmonie, capable de la sublimer et de lui assigner une mission ne peut être que son esprit. En dehors de l'amour que Dieu a placé dans l'âme humaine, à travers le sacrifice de N.-S. J.-C. et comme synthèse de toutes nos qualités, l'amour qu'il a placé au-dessus de toutes les autres vertus, il n'y a rien qui puisse nous donner la tranquillité et la paix. »

Carlo SBURLATI

Sources : Défense de l’Occident - Numéro 95 - Avril 1971.

 

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