Bernard Baritaud, qui a occupé des fonctions diplomatiques, mais aussi publié des livres, dont une biographie de Mac Orlan, aux éditions Pardès, nous propose, chez le même éditeur, la biographie de cet incroyable aventurier que fut Garibaldi. Il ne tiendra hélas cependant pas ce livre entre les mains et ne lira pas ces lignes. Il vient de décéder, il y a quelques jours.
Enfance et jeunesse
En 1807, Nice, qui avait appartenu au royaume de Sardaigne, était une ville française depuis 1793: les comtés de Nice et de Monaco furent alors rattachés à la France, après vote de la population, constituant le département des Alpes-Maritimes. Joseph-Marie Garibaldi est donc né français, le 4 juillet 1807, à Nice, et il vit le jour, curieusement, dans la chambre où était né, cinquante ans plus tôt, le futur maréchal d'Empire, André Masséna, « l'enfant chéri de la victoire ». Son père était capitaine de la marine marchande et lui donnera certainement le goût de l'aventure sur les mers. Joseph Garibaldi, qui restera très attaché à sa ville natale, deviendra, à sept ans, sujet de Victor-Emmanuel 1er, lorsqu'à la fin de l'Empire, le comté de Nice revient à la maison de Savoie. Ses parents auraient aimé qu'il devînt médecin, avocat ou qu'il entrât dans les ordres. Mais l'enfant n'a pas le goût des études. Il est fasciné par la mer. Bagarreur, impulsif, il va tenter d’embarquer clandestinement pour Gênes, mais sera rattrapé et ramené à Nice. A l'âge de dix-sept ans, il va voyager sur des bateaux de commerce et découvre Odessa, la mer d'Azov, mais aussi Rome: c'est un choc: il voit, dans ces monuments évoquant la splendeur du passé, le seul et unique symbole de l'unité italienne.
Il va vivre des aventures maritimes dangereuses. Son bateau est attaqué et pillé par des corsaires grecs. Il va aussi se retrouver bloqué à Constantinople, du fait de la guerre turco-russe de 1828. En 1832, il reçoit enfin la patente de capitaine. Lors de ses voyages, il fera des rencontres importantes. Il aura ainsi à bord treize passagers français adeptes du saint-simonisme qui lui font découvrir leur idéal d'une société fraternelle, animée par l'esprit d'entreprise, et connaissant la liberté et la paix. Autre rencontre: celle d'un marin qui lui expose les idées de Mazzini et l'intéresse au mouvement « Jeune Italie », une société plus ou moins secrète qui se veut « républicaine et unitaire », prônant une unité territoriale de la péninsule. Garibaldi participera à une conspiration qui échoue. Condamné à mort par contumace le 3 juin 1834, il finira par se mettre à l'abri au Brésil où est établie une communauté de marins ligures.
Les aventures de Garibaldi en Amérique du Sud
On a l'impression de lire un album de Tintin. Lorsqu'il arrive au Brésil, Garibaldi est âgé de vingt-huit ans. Il va passer douze ans en Amérique latine, une terre où les tensions sont permanentes, et se forger une solide réputation de chef de guerre. Garibaldi va ainsi se ranger aux côtés d'une république séparatiste, le Rio Grande do Sul, qui entendait rompre avec le Brésil. De 1837 à 1839, il va combattre l'armée impériale brésilienne sur mer mais aussi sur terre. Il sera blessé, capturé, torturé, libéré... En 1842, le voici commandant de la flotte de l'Uruguay, en guerre contre l'Argentine. Pour défendre la capitale, Montevideo, il va organiser une Légion italienne, qu'il met au service de l'Uruguay. Sur six mille hommes, elle compte cinq à sept cents italiens et deux mille cinq cents d'origine française. Les légionnaires de Garibaldi porteront la fameuse chemise rouge, qui deviendra un élément essentiel du mythe garibaldien. L'origine de cette chemise rouge est des plus étonnantes. Garibaldi avait acheté à bas prix un lot de tuniques de laine rouge qui, étant destiné aux employés des abattoirs de Buenos-Aires, était resté bloqué sur les quais de Montevideo en raison des événements. La laine était rouge pour que le sang des bêtes se remarque moins ! Garibaldi va devenir un héros pour l’Uruguay après la victoire de sa Légion sur des forces ennemies bien supérieures, lors de la bataille de San Antonio, le 8 février 1848. Sa réputation militaire devient internationale. Il va prendre la décision de regagner l'Europe où de grands bouleversements se préparent. C'est le « printemps des peuples ».
Première guerre d'indépendance italienne
En 1848, l'Europe tout entière est secouée par un vent de liberté. Milan se révolte, le 3 janvier, contre l'occupation autrichienne. Le vieux maréchal Radetzky se vantera d'avoir acheté « trente ans de paix par trois journées de sang ». A tort. Trois mois plus tard, il devra évacuer la ville couverte de barricades. Des mouvements populaires ont lieu à Paris, mais aussi à Prague, à Budapest, en Allemagne, à Vienne, dans les Etats pontificaux, en Vénétie. Les hostilités de la première guerre d'indépendance italienne sont engagées lorsque Garibaldi débarque à Nice, le 23 juin, après quatorze ans d'absence. Il prend conscience de sa très grande popularité. Il offre ses services au roi de Sardaigne qui incarne, à ses yeux, la résistance aux Autrichiens. Une proposition plutôt fraîchement accueillie. Garibaldi ne se déclare-t-il pas républicain ? Le gouvernement insurrectionnel de Milan va le nommer général des formations de volontaires. Sa légion compte désormais 3700 hommes. Il n'aura guère le temps de l'engager dans les combats. Les opérations militaires dirigées par le roi de Sardaigne, Charles-Albert, tournent à la catastrophe. Les troupes italiennes vont devoir évacuer la Vénétie, Modène, Parme. Le mouvement est un échec. Garibaldi va entrer dans Rome le 12 décembre pour y jouer un rôle politique. Il est élu député à l'Assemblée constituante de la future République romaine. Pie IX avait quant à lui, quitté Rome de nuit, clandestinement, déguisé en paysan. Accueilli par le royaume de Naples, il va faire appel à l'aide internationale. Le président de la République française, Louis-Napoléon, va envoyer un corps expéditionnaire de 7000 hommes. Garibaldi, nommé général de brigade de la République romaine, bat les Français, puis les Napolitains, soutiens du pape. Mais Rome, assiégée par l'armée française qui compte maintenant 30 000 hommes ne résistera qu'un mois. Les Français entrent le 2 juillet dans la ville. Garibaldi, blessé, est obligé de fuir. En 1850, le drapeau tricolore, un temps espoir d'unité, ne flotte plus que sur le Piémont. Le jeune François-Joseph, empereur d'Autriche, règne sur une bonne part de la péninsule.
Exil à New-York
Il va s'exiler, en juillet 1850, à New-York, où il gagnera sa vie en fabriquant des chandelles. Bernard Bariteau raconte qu'il plonge des mèches dans une cuve de suif bouillant, les retire et les laisse refroidir. Pas très exaltant pour cet aventurier... Il a 43 ans. 18 mois plus tard, il va reprendre la mer, sillonnant le Pacifique, transportant les cargaisons de blé ou de guano en Chine, à Manille, en Australie. Pendant ce temps, un homme nouveau, Cavour, qui jouera un rôle essentiel dans l'unité de l'Italie, devient Premier ministre du royaume du Piémont. Il considère que le Piémont, libre et indépendant, a pour mission de plaider la cause italienne devant l'Europe. Garibaldi va, en janvier 1854, retourner en Europe.
La deuxième guerre d'indépendance italienne
La deuxième guerre d'indépendance ne va pas tarder à être déclenchée. La France va, cette fois-ci, se ranger aux côtés des Piémontais. Cavour va demander à Garibaldi d'organiser des contingents de bersaglieri. Il mènera une véritable guerre de partisans, qui se battront au cri de « Vive l'Italie! Vive Victor-Emmanuel! Mort aux Autrichiens! ». La bataille de Magenta, le 4 juin, courte mais meurtrière, verra la défaite des Autrichiens. La victoire de Magenta est confirmée le 24 juin, à Solferino, où les Autrichiens, qui alignent pourtant 220 000 hommes commandés par l'empereur François-Joseph en personne, sont défaits. 40 000 soldats sont hors de combat dans les deux camps. Une véritable boucherie. Ce massacre poussera Henri Denant à créer la Croix-Rouge. Garibaldi va être nommé major général par Victor-Emmanuel III, et chargé d'assurer la défense de Turin. Il envahit la Lombardie avec son corps franc, bat les Autrichiens et occupe Côme. Sur son uniforme de général, il porte un poncho et a un foulard rouge autour du cou. L'armistice du 11 juillet 1859 met fin provisoirement à la guerre. On négocie. Napoléon III rencontre l'empereur d'Autriche. Mais les clauses du traité déçoivent Cavour et Garibaldi. Le royaume de Sardaigne incorpore certes la Lombardie, mais Venise reste autrichienne. Garibaldi, furieux, flétrit une « politique de renard », qui tergiverse au lieu de frapper fort et vite.
L'expédition en Sicile
Il est vrai que sans Venise, sans la Sicile, sans Naples et sans Rome, l'Italie n'existe pas. Mais la cause de l'unité italienne progresse dans les esprits. Des insurrections se produisent en Sicile, à Palerme et à Messine. L'insurrection de Palerme offre une merveilleuse occasion que Garibaldi va, bien sûr, saisir. Faisons une parenthèse. La vie sentimentale de Garibaldi ne fut pas toujours un long chemin tranquille. Le 24 janvier 1860, il épousait Giuseppina, dont il était tombé amoureux. Las, il découvrait le même jour que sa jeune épouse le trahissait avec un de ses officiers. Il la répudia au terme de la cérémonie nuptiale, et n'obtiendra l'annulation du mariage que vingt ans plus tard. En attendant, soutenu par le royaume de Sardaigne, il va embarquer dans la nuit du 5 au 6 mars, avec mille hommes, à Gênes, sur deux navires. L'expédition est financée par des dons internationaux. Alexandre Dumas et la veuve de Byron y contribuent. Les armes viennent d'Angleterre et des Etats-Unis. Les Mille, comme on les désignera, sont surtout des intellectuels, des étudiants, des artistes. Ils seront accueillis avec ferveur par les Siciliens. Garibaldi va se proclamer dictateur (au sens romain) de la Sicile, formant un gouvernement au nom de l'Italie et de Victor-Emmanuel. Etape suivante: la Calabre où il débarque et marche sur Naples, qu'il conquiert le 7 septembre. Le 1er et le 2 octobre, avec 24 000 Garibaldiens, il bat l'armée des Bourbons, pourtant deux fois plus nombreuse. Les troupes piémontaises ont, quant à elles, vaincu l'armée pontificale, permettant l'annexion des Marches et de l'Ombrie et réalisant leur jonction avec les troupes de Garibaldi. Durant cette campagne, Garibaldi a rencontré Alexandre Dumas qui lui propose de lui procurer des armes en France. Commentaire de Bernard Baritaud: « Une campagne fulgurante, menée par un tacticien de génie avec une troupe d'aventure et le soutien de la population, a défait une armée aguerrie et chassé les Bourbons ».
Garibaldi va rencontrer Victor-Emmanuel le 26 octobre. Mais il ne reçoit pas l'accueil qu'il pouvait légitimement espérer. Le monarque lui donne congé: « Vos troupes sont lasses, les miennes sont fraîches ». L'éternelle ingratitude des princes... Cavour, quant à lui, lui fait savoir que l'on diffère de pousser jusqu'à Rome. L'aventure des Mille s'arrête là. Garibaldi se retire sur son île, à Caprera. Il refuse toute récompense. Ce panache contribuera à sa légende.
Garibaldi, rebelle, en prison
Le projet d'une Italie unie et indépendante bute encore sur deux écueils: Venise et Rome, et sur les "puissances" que Cavour craint d'affronter. Venise est occupée par l'Autriche, Rome et le pape étant sous la protection de Napoléon III, dont Garibaldi pense fort peu de bien. Cavour va mourir à l'âge de 51 ans. Une perte considérable pour l'Italie. Garibaldi se tient à l'affût. Les ambassadeurs américains en Belgique et à Turin lui proposent, avec l'assentiment de Lincoln, de prendre part à la guerre de Sécession comme commandant de division. Tenté un moment, Garibaldi réclame le commandement suprême des armées nordistes, ce qui fait échouer le projet. L'année suivante, Garibaldi va retourner en Italie. C'est en Sicile qu'il va tenter, une fois de plus, et une fois de trop, l'aventure. Il va recruter des volontaires et pénétrer en Calabre. C'en est trop. Il est déclaré rebelle. La marche sur Rome est bloquée par les troupes régulières. Il est blessé à la cuisse et au pied droit. Il fait cesser le feu et se constitue prisonnier. Il est enfermé quelques temps à la prison de Varignano. On a frôlé la guerre civile et évité une intervention militaire de la France pour défendre Rome. Il sera amnistié assez rapidement par Victor-Emmanuel II, sur le conseil de Napoléon III, dans le souci d'éviter que l'on en fasse un martyr, car un fort mouvement d'indignation populaire se développait.
Garibaldi, qui a été élevé à la dignité de grand maître de la franc-maçonnerie italienne, va faire un voyage en Grande-Bretagne. 500 000 personnes l'acclament à Londres. La reine Victoria est réservée: « C'est un chef révolutionnaire », dit-elle. Cela n'empêche pas de hautes personnalités de l'aristocratie britannique de lui offrir une épée d'honneur. Il rentrera dans son île de Caprera à bord du yacht du duc de Sutherland. L'année suivante, la seconde moitié de son île, qui ne lui appartenait pas, lui est offerte par une souscription de donateurs britanniques.
La troisième guerre d'indépendance italienne
C'est la politique internationale qui va permettre la marche vers l'unité. Florence est alors la nouvelle capitale du royaume. En attendant que cela soit Rome. Mais c'est la question de Venise qui sera résolue en premier. Une alliance italo-prussienne va être conclue au détriment de l'Autriche. Bismarck, en effet, veut prendre l'ascendant sur l'Autriche dans la confédération germanique, et il revendique les duchés de Schleswig et de Holstein, contrôlés par Vienne. L'Italie, pour sa part, espère récupérer Venise. Le traité entre la Prusse et l'Italie est ainsi signé le 8 avril 1866. La troisième guerre d'indépendance est déclarée deux mois plus tard, le 20 juin. L'Italie mobilise 200 000 hommes. L'Autriche n'a que 80 000 soldats, mais ce sont des soldats d'élite qui écrasent les Italiens. La victoire prussienne sur les Autrichiens à Sadowa, deux jours plus tard, sauvera l'Italie. Une fois de plus, Garibaldi, avec 40 000 hommes mal équipés, s'était distingué, offrant à l'Italie les seules victoires du conflit. Battue sur terre, battue sur mer, l'Italie n'en récupère pas moins Venise grâce aux Prussiens. Un référendum sera organisé quant au rattachement de Venise à l'Italie. Résultat: 617 246 oui contre 69 non. Victor-Emmanuel entre triomphalement à Venise le 7 novembre 1866. Reste à résoudre la question romaine. Les soldats de Napoléon III n'y sont plus, la bannière pontificale flottant à la place du drapeau français, et ils sont remplacés par une milice papale composée de volontaires catholiques, commandés par un officier français, le colonel d'Argy. Celui-ci arrive à cheval place Saint-Pierre, saluant martialement le pape en français: « Vive le Pape-roi! » Garibaldi ne renonce pas à l'idée de prendre Rome. Il va organiser une nouvelle expédition (la troisième) sur Rome: la « campagne de l'Agro Romano pour la libération de Rome ». Mais le soulèvement escompté des habitants de la ville éternelle ne se produit pas. Sa troupe est relativement peu nombreuse. Le gouvernement italien ne bouge pas. Et la France envoie aussitôt une division. Le 3 novembre, Garibaldi est battu à Mentana, aux portes de Rome, par les Français et les pontificaux. Il y a eu 600 morts dans les rangs garibaldiens, décimés par l'utilisation du nouveau fusil Chassepot, utilisant le chargement par la culasse, et non plus par la bouche, permettant le tir et surtout le rechargement couché, ainsi qu'une cadence de tir accrue. Le général de Failly écrit son enthousiasme au ministre de la guerre Adolphe Niel: « Nos fusils Chassepot ont fait merveille! » C'est l'échec pour Garibaldi qui, désavoué par le roi, est arrêté une fois de plus, incarcéré quelques jours, puis libéré contre la promesse de se retirer dans son île, à Caprera. Cette malheureuse affaire ternit l'image du libérateur auprès d'une partie de l'opinion. Il paraît, d'ailleurs, abattu, diminué. Et Rome sera rattachée à l'Italie sans son concours, le 2 octobre 1870, après la défaite de Sedan. C'est l'armée régulière, et non les chemises rouges, qui défilera dans la ville, après le référendum qui confirmera la réunion des Etats pontificaux au Royaume par 40 785 oui contre 46 non.
Garibaldi, général français
La dernière campagne militaire de Garibaldi sera française. Quand la Troisième République est proclamée, après le désastre de Sedan, il se met à disposition du nouveau gouvernement, sans obtenir de réponse. Il n'en débarque pas moins à Marseille, le 17 octobre 1870 et se rend à Tours où, Paris étant assiégé, se trouve le gouvernement provisoire. « J'étais trop malheureux quand je pensais que les républicains luttaient sans moi », dira-t-il. Gambetta, ministre de l'Intérieur et de la Guerre lui offrira le commandement des corps francs de la zone des Vosges, de Strasbourg à Paris, les généraux français ayant refusé de servir directement sous ses ordres. Les volontaires affluents de partout: d'Alger, d'Oran, d'Italie, d'Espagne, de Hongrie, des provinces françaises. Ils sont mal équipés et doivent assurer leur subsistance par des réquisitions, ce qui les rendra impopulaires. De plus, les casernes étant occupées, ils logent, à Dole ou à Autun, dans des collèges religieux ou des séminaires, ce qui révulse les catholiques. Garibaldi va aussi choquer les bonapartistes, s'en prenant dans une déclaration au « plus stupide des tyrans qui a conduit des hommes vaillants au désastre ». Il est vrai que sa haine pour l'empereur est cuite et recuite. N'avait-il pas donné à ses ânes de Caprera les noms de Pie IX et de Louis-Napoléon ? La campagne, à laquelle participent deux de ses fils, Ricciotti et Menotti, qui commandent deux brigades, verra se produire un coup d'éclat. Les 400 voltigeurs de Ricciotti tuent, à Chatillon-sur-Seine, une centaine d'Allemands et font 160 prisonniers. Le seul drapeau pris à l'ennemi durant cette guerre est celui du 61ème régiment poméranien, dont les hommes de Ricciotti se sont emparés ! Mais la campagne prend fin avec la capitulation de Paris, le 28 janvier 1871. Les légions garibaldiennes sont licenciées en mars avec deux mois de solde et se dispersent.
Elu député en France
En février ont lieu en France des élections législatives. Garibaldi, qui n'est pas candidat, est cependant élu dans cinq circonscriptions, dont Paris et Alger, comme le permettait le mode de scrutin à l'époque. Son élection sera invalidée car il n'a pas la nationalité française. Victor Hugo, furieux, rappelle qu'il est « le seul général qui n'ait pas été vaincu », et démissionne de l'Assemblée. Zola, quant à lui, commente: « C'est une honte pour la France d'avoir marchandé un remerciement à ce soldat de la liberté ». Lorsque les insurgés de la Commune demanderont à Garibaldi de prendre la tête de la Garde nationale, il refusera, arguant du fait qu'il s'agit d'une affaire intérieure française. En Italie, le roi va entrer solennellement à Rome, le 2 juillet 1871 et le parlement italien s'y réunira pour la première fois le 27 novembre.
La fin de l'aventure
Dans les années qui suivent, Garibaldi, qui a encore des charges familiales avec ses jeunes enfants, connaît des difficultés matérielles. Il tente de les résoudre, sans y parvenir, en publiant des romans. En 1874, il refuse une pension votée par le Parlement et approuvée par Victor-Emmanuel II, pension qu'il acceptera deux ans plus tard. Il a encore une activité politique et est élu député de Rome en 1875. En 1881, encore, il s'élèvera contre le traité du Bardo qui permet la mainmise de la France sur la Tunisie où résident de nombreux Italiens. Mais sa santé est altérée. Il meurt, entouré des siens, le 2 juin 1882, à l'âge de 75 ans. La nouvelle de son décès causera partout une forte émotion. Victor Hugo déclare que « l'Italie n'est pas en deuil, ni la France, mais l'humanité ». Le parlement de Rome décrète un deuil national. 4000 personnes, venues du continent, et notamment des représentants des conseils municipaux de Paris, de Lyon, de Nîmes et du conseil général de la Seine, assistent aux obsèques, le 8 juin. Son corps repose à Caprera, dans un sarcophage fermé par un bloc de granit.
Un étrange destin
C'est sous le titre de « Un étrange destin » que Bernard Baritaud nous propose la belle conclusion de son livre. Lisons-la: « Destin étrange, en effet, que celui d'un gamin niçois qui, peu ou mal instruit, deviendra un excellent navigateur, se révélera un stratège de premier ordre, et jouera un rôle politique significatif dans l'histoire de son temps. Garibaldi est hors normes. Homme politique, il est député uruguayen, parlementaire du royaume de Sardaigne (quatre législatures), du royaume d'Italie (huit législatures), député de la République romaine (cinq mois et treize jours), député français (quinze jours). Homme de guerre, il se bat en Uruguay, sert le royaume de Sardaigne, la République romaine, le royaume d'Italie, la République française. Il commande une flotte aussi bien que des forces terrestres. Il est général, puis il ne l'est plus, puis il le redevient. Ses troupes sont composées de volontaires qui accourent à son appel, se dispersent une fois les hostilités terminées, se reforment-ce ne sont jamais les mêmes- pour une nouvelle campagne. Viscéralement hostile à l'Eglise, notoirement franc-maçon, il est adulé par une population très majoritairement catholique. Il est incontrôlable. On se sert de lui, il le sait, il l'accepte, mais rien ne l'empêche de se consacrer à la cause qui, seule, compte pour lui, celle de la liberté. Le peuple de ce pays peut se reconnaître en lui. Garibaldi a le sens de la mise en scène. Son personnage -chemise rouge, poncho, calotte brodée- ne laisse pas indifférent. Il a du panache. Il sait se battre, mais ne tire pas profil personnel de ses victoires, et il est parfaitement intègre. Il ne fait pas "carrière". Il n'était pas un homme d'Etat. Les gouvernements s'en défiaient. Il était un homme de guerre, mais pas un véritable militaire. Les généraux de tradition le toisaient et refusaient de servir sous ses ordres. il était parfaitement indépendant, et c'est ce qui faisait sa force. L'historien Denis Mack Smith juge qu'il était trop prudent pour être révolutionnaire. Il avait, certes, une juste appréciation des événements. L'immense popularité, dans la Péninsule comme à l'étranger, qu'il connut de son vivant, la caution glorieuse que lui apportèrent de grands contemporains, comme Victor Hugo, le prestige qui, aujourd'hui encore, s'attache à son nom, font de Garibaldi un personnage historique singulier qui fait définitivement partie de l'imaginaire collectif ».
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« Garibaldi » de Bernard Baritaud, éditions Pardès, 128 pages, 12 euros