Sparte et Athènes jusqu'aux Guerres Médiques
Des tribus de race dorienne, à partir du XIe siècle avant J.C., envahirent le Péloponnèse, s'installèrent en Laconie et fondèrent Sparte sur l’emplacement de l’ancienne Lacédémone. La constitution de Sparte que la tradition attribuait à Lycurgue, est avant tout aristocratique et militaire. L'Etat spartiate est une royauté avec deux rois héréditaires, mais le pouvoir effectif appartient à cinq éphores qui exécutent les ordres de la Gérousia (Sénat) et de l’Apella (Assemblée populaire). Les Spartiates ou Egaux seuls ont des droits ; ils sont avant tout des soldats chargés de la défense du territoire. La culture de la terre est laissée aux Hilotes, le commerce et l’industrie aux Périèques. Le Spartiate appartient à l'Etat : de son enfance à sa vieillesse et il est astreint à une discipline militaire. De cette organisation militaire, Sparte se servit pour conquérir la Messénie aux VIIIe et VIIe siècles avant J.C. et imposer sa prépondérance au Péloponnèse. Au VIe siècle probablement, Sparte se donna une constitution, qui dépouillait les rois de tout pouvoir politique et confiait la direction de l’Etat à cinq phores et à un Sénat ou Gérousia.
Le partage des terres à Sparte.
La population de Sparte se composait de trois catégories d'hommes : les citoyens ou Egaux, les Périèques qui étaient libres, mais n'avaient pas de droits politiques, et les Hilotes ou esclaves. Les citoyens, obligés de se consacrer tout entiers à la défense du pays ne pouvaient se livrer ni au travail manuel, ni au commerce, ni à l'industrie; l'aîné de chaque famille avait droit à un lot de terre inaliénable qu'il faisait cultiver par les Hilotes. Le second des établissements de Lycurgue et le plus audacieux, ce fut le partage des terres. L’inégalité des fortunes était prodigieuse : les uns ne possédaient rien, manquaient de toute ressource, et c'était le plus grand nombre des citoyens, tandis que toute la richesse affluait aux mains de quelques autres. Dans le dessein de bannir l'insolence, l'envie, l'avarice, le luxe, et deux maladies plus anciennes encore et plus funestes à un Etat, la richesse et la pauvreté, Lycurgue persuada les Spartiates de mettre en commun toutes les terres, de faire un nouveau partage et de réduire toutes les fortunes au même taux et à un parfait équilibre. La vertu toute seule devait faire toutes les distinctions, n'y ayant, entre les hommes, d'autre différence et d'autre inégalité que celles qui procèdent du blâme dû aux mauvaises actions et de la louange que méritent les actions honnêtes et vertueuses. Le projet fut bientôt mis à exécution. Lycurgue divisa les terres de Laconie en trente mille parts qu’il distribua à ceux de la campagne, et il fit neuf mille parts de celles du territoire de Sparte ; car c'était là le nombre des citoyens appelés au partage. Chaque part pouvait produire par an soixante-dix médimnes d'orge pour un homme, et douze pour une femme avec le vin et les fruits en proportion. Cette quantité parut suffisante pour les entretenir dans un état de bien-être et de santé, et pour fournir à leurs besoins. Il entreprit aussi de détruire complètement l’inégalité sous toutes ses formes, de faire le partage des biens mobiliers. Comme il vit qu’on ne s'en laisserait pas dépouiller ouvertement sans répugnance, il prit une autre voie, et ce fut indirectement qu'il porta l’attaque contre le luxe. Il commença par supprimer toute monnaie d'or et d'argent, ne permit que la monnaie de fer, et donna à des pièces d'un grand poids une valeur si modique que, pour loger une somme de dix mines (environ 137€) il fallait une chambre entière et un chariot attelé de deux bœufs pour la traîner.
A Sparte, le citoyen est mobilisable jusqu'à 60 ans, et est astreint, même en temps de paix, à toutes sortes d’obligations. Il doit en particulier, prendre son repas du soir avec les 15 hommes qui forment son escouade en temps de guerre. Lycurgue obligea les citoyens à manger tous en commun et à se nourrir, des mêmes viandes, des mêmes mets réglés par
L'éducation spartiate.
Le Spartiate est avant tout un soldat. L’éducation a donc pour but de le préparer à son rôle de soldat. Jusqu'à 30 ans il appartient à l’Etat et fait son apprentissage militaire. Un père n'était pas maître d’élever l’enfant qui venait de lui naître. Il devait le porter dans un lieu appelé Leschée où s'assemblaient les plus anciens de chaque tribu. Ceux-ci visitaient l'enfant; et, s'il était bien conformé et de complexion robuste, ils ordonnaient qu'on le nourrît, et ils lui assignaient, pour son apanage, une des neuf mille parts de, terre : s'il était chétif ou contrefait, ils l'envoyaient jeter dans un gouffre voisin du mont Taygète et qu'on appelait les Apothètes. Ils ne voyaient aucun avantage, ni pour lui-même, ni pour l'Etat, à le laisser vivre, destiné, comme il l'était dès sa naissance, à n'avoir ni santé ni vigueur.
La valeur de l'armée spartiate.
L'armée spartiate se composait surtout d'hoplites, c'est-à-dire de fantassins armés d'une longue lance et d'une courte épée. La cavalerie n'avait que peu d'importance et les troupes légères se composaient de non-citoyens. Cette armée avait la réputation d'être redoutable. Ce qui fait la supériorité des troupes spartiates, ce sont d'abord les qualités physiques des soldats, soumis depuis l’enfance à un entraînement continu. Ce sont plus encore leurs qualités morales, respect de la discipline, sentiment de l'honneur, esprit de sacrifice. Toute l'éducation spartiate, les récits des actions héroïques, les chants de Tyrtée, les fêtes civiques, visent à inspirer un dévouement absolu à la cité. « Il est beau de tomber au premier rang comme un brave, en combattant pour la patrie ». C'est dans cette exaltation du patriotisme et du devoir qu'est la grandeur de Sparte. Par ailleurs, le Spartiate paraîtra étroit d'esprit, intransigeant, chagrin, lent à comprendre et à agir ; on l'accusera d'avidité et de duplicité. Mais, sous l'armure de l'hoplite, il ne laisse plus voir qu'une vertu un peu raide mais calme et digne. Tel l'a vu le poète (Tyrtée) et telle son image mérite d'être fixée pour l'histoire : « Que chacun, bien campé sur ses jambes, les pieds rivés au sol, mordant sa lèvre, demeure immobile, les cuisses, les jambes et les épaules bien couvertes par le ventre du large bouclier. Que dans sa droite se dresse une forte lance; que sur sa tête s'agite la terrible, aigrette. Pied contre pied, bouclier contre bouclier, l'aigrette froissant l'aigrette et le casque heurtant le casque, que les poitrines se pressent, que les guerriers se choquent du tranchant de l'épée et de la pointe de la lance ».
Le laconisme.
Les Spartiates avaient l’habitude de parler peu; ils s’appliquaient à ramasser leurs expressions en formules concises; à cette façon de parler on a donné le nom de laconisme. En voici quelques exemples. On demandait à Lycurgue pourquoi il n'avait prescrit pour les sacrifices que des victimes si petites et de si mince valeur : « Afin, dit-il, que nous ayons toujours de quoi honorer les dieux ». On cite de lui d'autres réponses semblables : « Comment pourrons-nous repousser l’incursion des ennemis .?. - si vous demeurez pauvres; si personne ne convoite une part plus grande que celle des autres ». Et au sujet des murailles : « Une ville n'est jamais sans murailles, quand elle est environnée non de briques, mais d'hommes de cœur».Un homme disait un jour, à contretemps, des choses qui ne manquaient pas de. bon sens. « Mon ami, lui dit le roi Léonidas, tu tiens, hors de propos, de fort bons propos ». On demandait à Charilaus, neveu de Lycurgue, pourquoi Lycurgue avait fait si peu de lois. «C’est, répondit-il, qu’il faut peu de lois à des gens qui parlent peu ». Demarate, importuné par les questions déplacées d'un faquin, et l’entendant demander, sans cesse quel était le plus homme de bien de Lacédémone, lui répondit : « Celui qui te ressemble le moins ». Un étranger faisait montre de dévouement aux Spartiates : « Dans notre ville, disait-il, on m'appelle l’ami des Lacédémoniens. - Il vaudrait mieux, dit Théopompe, qu'on t’y appelât l’ami de tes concitoyens ». Un rhéteur athénien traitait les Spartiates d'ignorants : « Tu as raison, dit Plistonax, fils de Pausanias, car nous sommes les seuls, dans la Grèce, qui n'ayons appris de vous rien de mal ».
Athènes
Habitée de bonne heure par des races préhelléniques, l’Attique subit l’hégémonie crétoise (légende du Minotaure) et connut la civilisation mycénienne. Vers le XXe siècle avant J.C., elle fut envahie par les Hellènes, (Achéens, Eoliens, Ioniens) qui s'établirent en communautés isolées et indépendantes. Ces bourgades finirent par se grouper en un seul Etat, dont la capitale fut Athènes. Jusqu'au Ve siècle, l’histoire d’Athènes est la transformation d’un état aristocratique en un état démocratique. Elle fut d'abord gouvernée par des rois qu'assistaient les nobles ou Eupatrides; ceux-ci dépouillèrent peu à peu la royauté de ses pouvoirs et la remplacèrent par des archontes assistés d'un conseil de nobles : l'Aréopage. Le régime des Eupatrides parut trop dur au peuple qui se révolta à plusieurs reprises. En 621 avant J.C., Dracon s'efforça de rétablir le calme par un code écrit mais sévère. Solon, vers 594 avant J.C. établit une constitution qui donnait le pouvoir politique aux riches et prit des mesures favorables aux pauvres. L’insuccès de sa réforme permit à Pisistrate d'établir la tyrannie en s'appuyant sur les pauvres; il s'appliqua à faire le bonheur et la grandeur d'Athènes. Ses fils lui succédèrent, mais en 510 avant J.C. un complot mit fin à
L’Attique semble avoir été habitée, à l'origine, par des populations de races diverses qui finirent par se grouper en un seul Etat dont le centre politique et religieux fut l'Acropole d'Athènes. La légende attribuait la formation de l'Etat athénien à Thésée, le héros qui, selon la mythologie, avait libéré le pays du joug crétois en tuant le Minotaure. Il conçut une grande et merveilleuse entreprise : il s'agissait de réunir en un seul corps de ville tous les habitants de l’Attique, et d'en former un seul peuple, dans une seule cité. Dispersés auparavant en plusieurs bourgs, il était difficile de les assembler pour délibérer sur les affaires publiques : souvent même, ils étaient dans un mutuel désaccord, et ils se faisaient la guerre les uns aux autres. Thésée parcourut lui-même chaque dème et chaque famille, pour faire agréer son projet. Les simples citoyens et les pauvres l'adoptèrent sans balancer. Pour déterminer les puissants, il leur promit un gouvernement sans roi, où le peuple serait souverain : lui, Thésée, ne s'y réservait que le commandement militaire et la garde des lois; chaque citoyen, pour tout le reste, jouirait des mêmes droits que lui-même. Il en persuada quelques-uns : les autres, craignant sa puissance, qui était déjà considérable, et aussi son audace, aimèrent mieux s’y prêter de bonne grâce que de s'y voir forcés. Il fit abattre, dans chaque bourg, les prytanées, édifice public où siégeait le premier magistrat de la cité, et les édifices où se tenaient les conseils, cassa les magistrats, bâtit pour tous un prytanée et une salle des délibérations dans le lieu où ils sont encore aujourd'hui, donna à la ville et à la citadelle le nom d'Athènes, et établit les Panathénées, fête de tout le peuple athénien.
L'état social avant Solon.
De bonne heure, les nobles ou Eupatrides, dépouillèrent la royauté de ses droits et partagèrent ses attributions entre trois, puis neuf archontes. Mais ce régime aristocratique fut très dur pour les fermiers et les petits propriétaires qui, faute de pouvoir rembourser leurs dettes, devenaient esclaves des riches. Les nobles et la foule furent en conflit pendant un long temps. En effet, le régime politique était oligarchique en tout; et, en particulier, les pauvres, leurs femmes et leurs enfants étaient les esclaves des riches. On les appelait «clients » et « sizeniers » (hectémores) : car c'est à condition de ne garder que le sixième de la récolte qu'ils travaillaient sur les domaines des riches. Toute la terre était dans un petit nombre de mains; et, si les paysans ne payaient pas leurs fermages, on pouvait les emmener en servitude, eux et leurs enfants; car les prêts avaient tous les personnes pour gages, jusqu'à Solon, qui fut le premier chef du parti populaire. Donc, pour la foule, le plus pénible et le plus amer des maux politiques était cet esclavage ; pourtant, elle avait tous autres sujets de mécontentement ; car, pour ainsi dire, elle ne possédait aucun droit.
Réformes politiques de Solon.
Solon ne s'est pas contenté d'accomplir une réforme sociale par l'abolition des dettes contractées jusque-là et par la suppression de l'esclavage pour dettes. En matière politique, il a préparé les voies à la démocratie, en supprimant le privilège de la naissance et en proportionnant les droits des citoyens à leur degré de richesse. Avant lui, un seul principe de discrimination entre les Athéniens : la naissance ; elle sépare de la catégorie des élus, qui ont droit à tout, celle des réprouvés, qui n'ont droit à rien. Après lui, une seule distinction :
Ruses de Pisistrate.
Après Solon, les luttes sociales continuèrent entre Pédiens ou grands propriétaires de la plaine, Diacriens, pauvres paysans de la montagne et Paraliens, marins de la côte, dont les intérêts étaient différents. Appuyé par les Diacriens, Pisistrate, parvint à établir sa tyrannie dont il se servit pour favoriser les classes pauvres, créer un mouvement artistique et littéraire, embellir Athènes et assurer sa grandeur à l'extérieur. Pisistrate, comme les Athéniens de la côte et ceux de la plaine étaient en dissension, les premiers ayant à leur tête Mégaclès, fils, d'Alcméon, et les gens de
Les réformes de Clisthènes.
C'est Clisthènes qui fit d'Athènes un véritable Etat démocratique. Les transformations politiques opérées par Solon n'avaient pas définitivement brisé la puissance des Eupatrides; par leur forte organisation en tribus, en phratries et en familles, ils continuaient à dominer
JP Lorrain