La vallée de la Shenandoah, ce sont quelque 140 miles de long sur une largeur variant de 3 à 30 miles. Les Alleghanies à l'ouest et les Blue Rigde Mountains à l'est sont les écrins de cette vallée qui, pendant la guerre entre les États, joua un très grand rôle stratégique. Pour plusieurs raisons.
Le corridor de la vallée, au nord-est, est le passage désigné vers Washington, DC, pour les troupes confédérées. Mais la vallée est surtout très nourricière : maïs, céréales de tous genres, élevage de bêtes à cornes, etc. Autant de ressources qui seront une manne pour les Sudistes et vaudra à la Shenandoah, le surnom de « grenier de la Confédération ».
En 1862, Stonewall Jackson déclenche la Valley Campaign qui aura pour effet de détourner les Yankees en marche vers Richmond. En 1863, le général Lee utilise la vallée lors de sa marche – hélas stoppée à Gettysburg – vers la Pennsylvanie. Tout au long des années de guerre, les fermiers de la vallée de la Shenandoah, accusés de ravitailler les Sudistes, subiront de terribles persécutions. Mais le pire viendra en 1864.
En mars 1864, Lincoln qui comprend que la guerre piétine, nomme l'alcoolique invétéré Ulysses S. Grant général en chef des forces nordistes. C'est un homme brutal. Un criminel de guerre. Un partisan de la tactique de la terre brûlée. Il va s'employer à raser jusqu'au sol tout ce qui faisait la richesse et la beauté de la vallée de la Shenandoah.
En mai 1864, le général nordiste Franz Sigel pénètre en force dans la vallée. Pour essayer d'empêcher la progression des Confédérés qui contrecarrent la marche de Grant sur Richmond. Le 15 mai, Sigel est écrasé par les Sudistes du général John Breckenridge à New Market. Lincoln le limoge et nomme à sa place le général David Hunter.
Pour renforcer l'armée de Virginie, Lee commande à Breckenridge de se porter vers l'est. Avec le risque de ne laisser dans la vallée que les maigres effectifs du général William E. « Grumble » Jones. Ce dernier résistera jusqu'au bout de ses forces, mais sera battu – et tué au combat – lors de la bataille du Piedmont (5 juin 1864). A partir de là, la haine yankee ne connaîtra plus aucune limite : fermes, granges, moulins, réserves de céréales, bâtiments publics, récoltes, habitations seront pillés et brûlés, et les populations massacrées. Le général David Hunter va y gagner le surnom de « Black Dave » (Dave le noir). A Lexington, il incendiera le prestigieux Virginia Military Institute avant de marcher sur Lynchburg.
Lee réagit très vite en envoyant, contre Hunter et ses soudards, le 2nd Corps du lieutenant-général Jubal Early. Avec trois missions : empêcher la prise de Lynchburg ; chasser Hunter de la Shenandoah ; passer au Maryland pour attaquer Washington. Jubal Early, l'un des plus grands noms des officiers confédérés, réussira à sauver Lynchburg, à chasser Hunter de la Shenandoah et à prendre pied dans les faubourgs de Washington ! Malheureusement, d'énormes renforts dépêchés par Grant vont contraindre Early à revenir sur ses positions initiales. Positions à partir desquelles il continuera à faire du bilan : raids contre les trains nordistes, attaques ciblées au nord du Potomac, occupation le 30 juillet de Chambersburg en Pennsylvanie.
Humilié par ces revers, Grant va charger le major-général Sheridan, autre criminel de guerre, de réduire Jubal Early et de finir de détruire tout ce qui est encore un peu debout – et vivant – dans la vallée. A la tête de 40 000 hommes, Sheridan attaque les 15 000 Confédérés de Early à Third Winchester, le 19 septembre. Malgré une résistance héroïque, Early est contraint de reculer jusqu'à Fisher's Hills au sud de Strasburg. Trois jours plus tard, Sheridan frappe à nouveau. Avec succès. Désormais, la vallée est ouverte aux forces yankees qui, une fois de plus, se déchaînent contre les populations, faisant de la vallée de la Shenandoah un désert.
Cet épisode est passé dans l'Histoire sous le nom de « The Burning ». Un mois plus tard, Early, qui a reçu des renforts, va mener une attaque surprise à Cedar Creek. Mais ça, c'est une autre histoire que je vous raconterai peut-être un jour...
Alain Sanders