Tout au long de l'histoire, de l'Antiquité aux conflits plus modernes, l’utilisation de bruits agressifs pour intimider l’ennemi a joué un rôle important dans la guerre. À l'âge du fer et durant les périodes grecque et romaine, un instrument de musique celtique bien spécifique était utilisé sur les champs de bataille d’Europe : le carnyx.
En produisant les sons les plus forts et les plus effrayants possibles, il servait à impressionner et à faire fuir les ennemis. Il remplissait également une fonction importante de commandement et de contrôle, que les tribus utilisaient pour projeter leur pouvoir et leur puissance militaires. On le sonnait par exemple en cas d’assaut ou de grande victoire.
Un instrument de guerre au son effroyable
Comme le rapporte le média The Warzone, les carnyxs sont des instruments à vent sans soupape, semblables à des trompettes mais de taille colossale : ils étaient souvent aussi (voire plus) grands que les personnes qui en jouaient.
Fabriquée en métal battu en forme de « f », cette sorte de trompe comportait un long tube central permettant de créer des basses et des aigus stridents avec, à l’une de ses extrémités, une embouchure pour souffler.
L'extrémité supérieure était, quant à elle, souvent ornée d'une corne sculptée en forme de tête d'animal – la plupart du temps dans le style d'un sanglier, que l'on associe facilement aux sons durs et gutturaux du carnyx.
Les références textuelles et les découvertes archéologiques indiquent que le carnyx était largement utilisé dans toute l'Europe occidentale et centrale entre 300 avant J.-C. et 200 après J.-C.
Malgré une affinité particulière avec diverses tribus celtiques, gauloises, puis gréco-romaines, cette trompette géante était également utilisée plus loin, comme le suggèrent des représentations de carnyx découvertes dans des sculptures bouddhistes en Inde. Cela n’a rien d’étonnant, vu la présence et le rayonnement extérieurs des mercenaires celtes dans la société de l’époque.
C'est d’ailleurs grâce à leurs interactions avec leurs contemporains de l'âge du fer sur le champ de bataille que les soldats grecs et romains ont été fini par être, à leur tour, exposés aux sons dérangeants du carnyx. Selon l'historien grec Polybe (206-126 av. J.-C.), la cacophonie des sons produits par les forces gauloises utilisant des carnyx était effroyable.
« Les trompettes et les cors étaient innombrables, et comme toute l'armée poussait en même temps ses cris de guerre, il en résultait une telle confusion que le bruit semblait provenir non seulement des instruments et des soldats, mais aussi de la campagne qui se joignait à l’écho », assure-t-il.
Des vestiges très rares... et une seconde vie
Les vestiges de ces instruments sont toutefois rares. C’est en 1816 que la première tête de carnyx est découverte à Deskford, dans le Banffshire, au nord-est de l’Écosse. D'autres artefacts ont ensuite été identifiés à partir du XIXe siècle, notamment en 2004, à Tintignac, en Corrèze, en France.
L'un d’eux, représentant une tête de sanglier, a été retrouvé presque intact. Bien entendu, on ne sait pas exactement comment ces instruments sonnaient, car même le carnyx de Tintignac le mieux conservé est injouable.
Mais des répliques modernes façonnées à partir de celles qui ont été trouvées ont néanmoins été fabriquées et utilisées afin de se faire une idée des sonorités obtenues par l’instrument à vent. D’après France musique, le carnyx a même une deuxième vie aujourd'hui, des musiciens contemporains s’en étant emparé dans des orchestres. Avec ses 5 octaves, il peut être joué en concert, tantôt piano tantôt forte...
JOSÉPHINE DE RUBERCY Publié le 26/12/2023 - GEO