Aurélien Rousseau

Isa Harsin / Sipa

Réseaux ex-PS… et risques de conflits d'intérêts : qui est Aurélien Rousseau, le nouveau ministre de la Santé ?

Nommé à la place de François Braun, Aurélien Rousseau, ancien directeur de cabinet d'Élisabeth Borne à Matignon est un haut fonctionnaire qui a fait sa carrière au Conseil d'État, à la mairie de Paris et auprès de différents premiers ministres socialistes. Ses liens familiaux dans le domaine de la santé peuvent d'ores et déjà laisser craindre des conflits d'intérêts.

Beaucoup ont reproché à François Braun, sans toujours mentionner son accommodation du libéralisme, de ne pas être assez « politique » ou de ne pas suffisamment « imprimer ». Bref, d'être trop « mou ». Les critiques à l'égard d'Aurélien Rousseau seront peut-être du même ordre. Son successeur au ministère de la Santé est un habitué des hautes sphères de l'État macronien, technocrate ou, c'est selon, haut fonctionnaire.

Cet énarque était encore, il y a quelques jours, directeur de cabinet de la Première ministre Élisabeth Borne – un rôle de « vice-Premier ministre », disaient Édouard Philippe et Gilles Boyer dans Impressions et lignes claires, publié en 2021. Il occupait ce poste depuis le 17 mai 2022, désigné dans la foulée de la nomination de l'ancienne patronne de la RATP à Matignon. Il avait toutefois décidé de se démettre courant juin.

 

HAUT-FONCTIONNAIRE DE CARRIÈRE

Mais on lui connaît surtout une expérience en matière d'affaires sociales et sanitaires. Directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France entre 2018 et 2021, il a traversé la crise sanitaire dans un territoire francilien particulièrement touché par l'épidémie de Covid-19. Il l'avait quittée le 7 juillet 2021 en adressant notamment ces mots aux agents publics de l'ARS : « Vous quitter m’emplit d’une très grande tristesse. Mais il faut aussi savoir entendre les petits signaux, ne pas se croire à l’abri des ennuis de santé […] On se croit souvent plus fort ou on veut tenir au nom de l’intérêt supérieur de la mission mais ce n’est pas toujours possible. » Un an plus tard, cependant, il est à la tête du cabinet de Matignon.

Auparavant, entre 2015 et 2017, quasiment jusqu'à la fin du mandat de François Hollande à l'Élysée, il a été directeur adjoint de cabinet et conseiller social de deux premiers ministres, Manuel Valls puis Bernard Cazeneuve. Notre homme a donc été le principal collaborateur du chef du gouvernement, qui deviendra macroniste quelque temps, au même où la contestation de la Loi Travail, dite « El Khomri », suscitait un mouvement social très fort. Un choix qui demeure toutefois difficile à saisir venant de cet ancien militant du PCF dans le courant des années 2000, et dont une partie de l'histoire de sa famille est liée à celle du communisme français. « J’ai dit à Manuel ma position. Ensuite, je suis fonctionnaire et je n’ai pas eu le sentiment de franchir la ligne jaune », s'était-il défendu auprès de Libération en 2021.

Sa rencontre avec la gauche institutionnelle – à l'époque socialiste – date justement de l'aube des années 2000. Après être monté d'Alès (Gard), d'où il est originaire, pour enseigner l'histoire en Seine-Saint-Denis dans la commune de Bondy, il fait la rencontre en 2001 de Pierre Mansat, un communiste élu dans la majorité de Bertrand Delanoë, alors maire socialiste de Paris. L'heure est à la « gauche plurielle » du gouvernement de Lionel Jospin. Aurélien Rousseau rejoint le cabinet de son nouveau « camarade ». Là-bas, le directeur adjoint du cabinet du maire, Nicolas Revel, convainc l'historien de passer l'ENA, ce qu'il fait. Il en sort en 2009 pour intégrer l'un des corps les plus prestigieux, celui des magistrats administratifs du Conseil d'État.

 

DANS LA SANTÉ, RÉSEAUX SOCIALISTES ET FAMILIAUX

Trois ans plus tard, il retourne dans sa seconde maison : la capitale. En 2012, il devient ainsi directeur adjoint du cabinet de Bertrand Delanoë. Puis, en 2014, il est nommé secrétaire général adjoint de Paris. Une fonction qu'il a occupée à mi-chemin entre les mandats Delanoë et Hidalgo. Des réseaux socialistes qu'Aurélien Rousseau connaît donc bien, comme l'a montré La Lettre A. Et qu'il sera amené à revoir. Comme Nicolas Revel, directeur de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) depuis juillet 2022. Entre 2020 et 2022, ce dernier avait dirigé le cabinet du Premier ministre d'alors Jean Castex, après avoir été à la tête de l'Assurance maladie entre 2014 et 2020.

Des liens familiaux qu'Aurélien Rousseau sera aussi amené à entretenir. Sa femme, Marguerite Cazeneuve, ancienne conseillère passée par l'Élysée et Matignon, est depuis 2021 directrice déléguée de l'Assurance maladie. Son beau-père est Jean-René Cazeneuve, macroniste et rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale (et sans aucun lien de parenté avec Bernard Cazeneuve). Sa belle-mère est Béatrice Cazeneuve, tout juste retraitée, en juin dernier, du comité de direction de la branche française du laboratoire pharmaceutique Lilly, coté en Bourse à plus de 400 milliards de dollars.

Pourtant, fin juin seulement, Aurélien Rousseau s'apprêtait, d'après La Lettre A, à quitter le cabinet de Borne et à prendre un poste-clé – mais inconnu du grand public – au sein de la Caisse des dépôts et consignations. Surtout, début juin, Le Monde révélait qu'Aurélien Rousseau s'apprêtait à quitter ses fonctions auprès d'Élisabeth Borne notamment en raison d'un désaccord autour de négociations avec LR à propos du projet de loi Darmanin sur l'immigration. Un projet qui n'a pas été enterré par la présidence de la République.

Marius Matty

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