Yves Laqueille DR
Le MEDEF, organisation patronale française, jette un pavé dans la mare et propose ses petites mesures, aussi scandaleuses qu’injustifiées : réduire ou supprimer les indemnités journalières des salariés en arrêt maladie pour grippe s’ils ne sont pas vaccinés. Cette idée, glissée parmi une centaine de propositions pour soi-disant « redresser les comptes de la Sécurité sociale » en vue du budget 2026, est non seulement une atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs, en s'immisçant dans leur vie privée, mais c'est aussi une démonstration flagrante de son incompétence, somme toute logique, en matière de santé publique.
Pas d’obligation vaccinale, une liberté fondamentale
En France, la vaccination contre la grippe n’est pas obligatoire, sauf pour certains professionnels de santé ou ceux en contact régulier avec des personnes vulnérables. Le taux de couverture vaccinale, à 47,7 % pour la saison 2023-2024 selon Santé publique France, reflète un choix personnel, souvent motivé par des considérations médicales, éthiques ou pratiques. Imposer des sanctions financières aux salariés non vaccinés reviendrait donc à piétiner cette liberté de disposer de leur corps, un droit fondamental protégé par le Code de la santé publique et la jurisprudence.
Le vice-président du MEDEF, Yves Laqueille, déclare que « se faire vacciner contre la grippe participe à la santé publique » et que ceux qui refusent, montrent une « déresponsabilisation totale ». Mais qui est-il pour dire ça ? Quelles sont ses compétences, incompétences, oserait-on dire, sa légitimité ? Depuis quand le MEDEF, une organisation patronale représentant les intérêts des entreprises, s’arroge-t-il le droit de juger des choix médicaux des salariés ?... Si encore c'étaient des patrons ! La santé publique relève des autorités sanitaires et des professionnels médicaux, et encore, sans s'immiscer dans les choix éclairés de chacun, mais certainement pas d’un syndicat patronal dont l’expertise se limite à la défense des profits de ces mêmes entreprises. Et c'est là que le bât blesse. Il nous revient comme un arrière-gout de Covid, où d'aucun venait dénoncer et jeter l'opprobre sur le non-vacciné, responsable de tous les maux. Celui que l'on envie aujourd'hui. Peut-être qu'un jour finalement, on réussira à lui faire payer cette audace ?
Yves Laqueille s'attaque aux salariés qui refusent de se faire vacciner contre la grippe : Se faire vacciner contre la grippe participe à la santé publique. C'est un exercice collectif que nous faisons pour protéger les autres. Nous posons la question de dire qu'il ne faut pas s'interroger, une fois passée cette crise antivax, qu'on sera revenu dans le pays de Pasteur, quand une personne a décidé délibérément de ne pas participer à l'exercice de protection de santé publique, est-il normal que la totalité de sa rémunération soit assumée par l'Assurance maladie et son employeur?.
Une proposition discriminatoire et illégale
Chaque salarié cotise à l’assurance chômage et à l’Assurance Maladie via des prélèvements sur fiche de paie. Des cotisations, droit acquis, permettant à tous d’accéder aux indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, sans distinction. En proposant de moduler les indemnités selon le statut vaccinal, le MEDEF imagine donc là, une discrimination dégueulasse, mais de quel droit ? Le Code du travail et les principes fondamentaux interdisent de sanctionner un salarié pour un choix médical personnel, encore moins lorsque ce choix est légal et conforme à la législation. Mais punir est à la mode, tout comme culpabiliser, pourquoi donc ne pas punir des individus qui exercent leur droit de refuser un vaccin non obligatoire, et les culpabiliser, alors qu’ils financent eux-mêmes le système de protection sociale par leurs cotisations ?
Cette proposition est non seulement moralement répréhensible, mais aussi juridiquement douteuse. En 2021, des sources juridiques ont clairement établi qu’un employeur ne pouvait ni imposer la vaccination contre le Covid, ni sanctionner un salarié pour son refus, sauf dans les cas où la vaccination était légalement obligatoire (par exemple, pour certains soignants). Il est à rappeler tout de même les dérives de ce gouvernement pendant la crise Covid, qui n'avait pas hésité à faire fi de la loi, imposant un vaccin non obligatoire. Appliquer une logique similaire à la grippe, où aucune obligation légale n’existe pour une majorité des salariés, ouvre la voie à des recours en justice pour discrimination, avec de forts risques de dommages et intérêts pour ces employeurs trop zélés, tentés de suivre cette funeste voie. Du temps et de l'argent public dilapidés, une fois de plus, afin d'emmerder les français.
Une intrusion dans la sphère médicale, en vertu de quelle compétence ?
Et le MEDEF de prétendre que sa mesure vise à réduire les coûts de l’Assurance maladie, estimés à 17 milliards d’euros pour les arrêts de travail, auxquels s’ajoutent 25 milliards pour les entreprises. En quoi une organisation patronale est-elle qualifiée pour dicter des politiques de santé publique ? La vaccination contre la grippe, bien que recommandée, n’élimine pas le risque de maladie, mais est censé en atténuer les effets. De plus son efficacité baisse année après année et varie selon les souches virales et les individus. Sanctionner les non-vaccinés reposerait donc sur une simplification abusive de l’épidémiologie, ignorant les complexités des réponses immunitaires et des facteurs socio-économiques influençant les choix vaccinaux.
Le MEDEF n’a ni compétences médicales ni autorité morale pour transformer la grippe en outil de chantage. Cette proposition, qualifiée de « chantage à la seringue » par certains observateurs, ouvre une boîte de Pandore où tout comportement jugé « irresponsable » pourrait être sanctionné. Aujourd’hui, c’est le vaccin contre la grippe ; demain, un régime alimentaire non conforme aux recommandations ? Un manque d’exercice physique ? Cette pente glissante menace non seulement les droits des salariés, mais aussi le principe même de la Sécurité sociale, fondé sur la solidarité et l’égalité d’accès aux soins.
Cette proposition scélérate est une tentative de transférer la responsabilité des déficits de la Sécurité sociale sur les travailleurs, tout en détournant l’attention des véritables enjeux, comme l’optimisation fiscale des grandes entreprises ou la sous-dotation chronique du système de santé. Les salariés ne sont pas les « enfants gâtés de la santé », comme certains le prétendent, mais les contributeurs essentiels d'un système social qu’ils financent par leurs cotisations.
Monsieur Laqueille a certainement perdu là une occasion de se taire... Et certains s'en souviendront surement.
De plus, il semblerait que son implication dans Malakoff Humanis, (specialisé dans les domaines de la complémentaire santé), en tant que vice-président, augure d'un certain conflit d'intérêt.
Source : France-Soir - 16 juillet 2025