Après un polar bien troussé du « Hussard », le célèbre héros de la collection « Lys noir » chez Auda Isarn et deux recueils de chroniques sur Une fin du monde sans importance, Xavier Eman publie un volume de réflexions cinglantes envers nos « merveilleux » contemporains. Ce Parisien se trouve en effet en première ligne pour constater en anthropologue avisé et en fin entomologiste les dégâts des pathologies collectives psycho-sociales de la modernité tardive. Ses « pensées éparses » dynamitent les convenances bien-pensantes du politiquement correct wokisé.
Rédacteur en chef de la revue Livr’Arbitres, cheville ouvrière du site de réinformation régionale Paris Vox, animateur de Zentromag, collaborateur au quotidien Présent, chroniqueur à Éléments et intervenant régulier sur Radio Méridien Zéro, Xavier Eman écrit beaucoup, emporté par la passion du bien commun. La première fois où je l’ai rencontré, il officiait à ID Magazine, la revue éphémère des Identitaires, en tant que « Pierre Chatov ». C’était au cours d’une conférence organisée en soirée par le Projet Apache, la branche francilienne des Jeunesses Identitaires, dans les locaux souterrains du MNR (Mouvement national-républicain), rue de Cronstadt, dans le XVe arrondissement. Je le retrouvai plus tard dans le studio de Radio Courtoisie en semaine C au « Libre-Journal des Lycéens » de Romain Lecap. Il y bénéficiait d’une pastille d’une dizaine de minutes pour narrer un épisode éclairant de la vie déprimante d’un dénommé François.
Avec Hécatombe (clin d’œil volontaire à la délicieuse chanson éponyme de Georges Brassens qui dénigre la maréchaussée de Brive-la-Gaillarde ?), Xavier Eman vise en particulier les milieux droitards qui brassent beaucoup de vent sur les réseaux sociaux de la Grande Toile suivant l’antique principe du « Qui aime bien châtie bien », si ce n’est que le châtiment en question se révèle être une véritable correction. « Être de droite aujourd’hui, c’est vouloir pendre Greta, libérer Balkany et filer la Légion d’honneur à Carlos Ghosn… »; « Papacito banni de Twitter. Jusqu’où iront-ils pour détruire notre culture et nos racines ? » ou « L’élection de Miss France est un gros enjeu identitaire. Il faut qu’elle soit blanche et conne pour respecter nos traditions ». Cependant, son alacrité acide s’étend à toute la société hexagonale. Des exemples ? « Moi, je croirai vraiment à l’intégration le jour où Omar Sy jouera le maréchal Pétain dans un téléfilm pour France 2 » ou « Les pères qui n’ont jamais changé une couche sont les vrais rebelles, les vrais résistants. Les autres, transformés en nounous, peuvent bien graisser leurs fusils-mitrailleurs et faire du full-contact… »
Xavier Eman serait-il aussi « désenchanté » que la chanson de Mylène Farmer sortie en 1991 ? Les sentences définitives qu’il assène pourraient fortement le croire. En réalité, Hécatombe condense pour une hypothétique postérité européenne de langue française une froide lucidité et un réalisme clinique certain. L’auteur ne cherche pas à désespérer Saint-Germain-des-Prés ou Hénin-Beaumont. Il prévient seulement des dangers de la virtualisation croissante du quotidien. Il y a du Cioran, du Jean de La Bruyère et du Jean Cau en lui. C’est la raison pour laquelle ses saillies percutantes déclenchent l’hilarité, une hilarité assez sardonique. La radio publique française entretient des histrions qui pratiquent un pitoyable « ricanement de résistance » tourné vers tous les opposants. Au contraire de ce détournement radiophonique, Xavier Eman privilégie, lui, une insolence distanciée bien plus prometteuse.
Georges Feltin-Tracol
- Xavier Eman, Hécatombe. Pensées éparses pour un monde en miettes, préface de David L’Épée, illustrations de Gallic, Éditions de la Nouvelle Librairie, coll. « La peau sur la table », 2021, 174 p., 12,50 €.