Pour une approche scientifique de l'immigration

(jeudi 28 octobre 2010)

Michèle Tribalat fait autorité en tant que démographe. Elle exerce ses talents, au sein de l’Institut national d’études démographiques, en qualité de directrice de recherche. Compte tenu de l'importance et de la qualité de ses travaux, on l'entend de temps en temps, mais évidemment trop peu, sur les gros médiats du service public. Citons quand même une intervention substantielle le 25 juillet sur France Culture" (1). À noter aussi un très important entretien publié, ce printemps, par "L'Express" (2). Auteur de plusieurs ouvrages de références, ses éditeurs s'appellent La Découverte, Gallimard, Denoël. Il ne s'agit pas d'un écrivain maudit. (3). Du moins, pas encore.

Elle donnait le 14 octobre une conférence-débat à la Bibliothèque d'Histoire Sociale de Nanterre (4). Le thème partait de son dernier livre "Les yeux grands fermés (5) : l'immigration en France". Malgré diverses petites misères quotidiennes, pas possible de rater cette séance-là. Disons d'ailleurs que ce type de communication reste irremplaçable. Elles permettent d'aller plus loin avec l'auteur d'un livre, souvent au cœur de ses préoccupations.

La lecture des 50 premières pages provoque certes une impression terrible, presque désespérante. On imagine dès lors un processus implacable, irrémédiable, incontrôlable, létal.

La qualité essentielle d'un tel ouvrage ne découle pas seulement de son sérieux scientifique. Il montre, au bout du compte, que l'utilité industrielle du recours à la main-d’œuvre étrangère égale finalement zéro, ou presque. Pas de nécessité, encore moins de fatalité de côté-là.

Au contraire, la date charnière s'est située au cours de la présidence de Valéry Giscard d'Estaing (1974-1980). Cette constatation résulte de toutes les études réalisées sur les populations considérées. Le tournant a été entamé du fait du regroupement familial. Ladite voie d'entrée est devenu la cause majeure d'une arrivée d'entrants d'un type nouveau. La pompe aspirante n'est plus activée par le besoin des usines et des chantiers, mais par les guichets sociaux.

On avait pu parfois se demander donc, jusqu'alors, si une sorte de loi de la pesanteur, une manière de contrainte économique, ne s'était emparée de nos sociétés d'abondance. Certains pensent aussi pouvoir établir une comparaison avec la fin de l'empire romain : pas une seconde, cependant, Mme Tribalat ne se risque à suggérer de telles hypothèses. Pas la moindre remarque déplacée non plus.

Et, de leur côté, ceux qui avaient cessé de réfléchir sur la question de l'immigration et de ses conséquences à long terme se réveilleront certainement de leur torpeur.

Ceux qui croient en l'État, ceux qui imaginent fiables les statistiques des organismes publics, tel que l'INSEE, découvriront sans doute à quel point leurs impôts servent à nourrir beaucoup d'incapables et une foule de malfaisants.

De ces divers points de vue, le rédacteur de ces lignes n'a pas ressenti le sentiment d'une entière révélation. Hélas cependant, l'angle de départ en renforce une sorte d'abattement prospectif : que va donc devenir la France, dans tout cela ?

Et puis aux alentours de la page 80, au détour de quelques formulations élégantes de l'auteur, on se reprend, sinon à espérer, du moins à se proposer de participer au débat civique. Si une scientifique de cette qualité, si une revue telle que "Commentaire", à droite, si même [parfois] "Marianne", à gauche, osent donner la parole à des chercheurs indépendants et prendre la plume pour rompre les consignes du silence et du conformisme ambiants, comment ne pas leur faire écho ?

Une indignation perce donc. On ferme volontairement les yeux. Les pouvoirs publics se révèlent, jour après jour, tétanisés par les médiats. On les voit assiégés par des intérêts inavouables, rien moins qu'humanitaires. Nos technocarte et nos maîtres se laissent dicter leurs règles de comportement par des ligues de vertu que l'on décore du sigle d'ONG. Ceci veut dire [en théorie] : "organisations non-gouvernementales". Or, celles qui interviennent ici n'existeraient même pas sans les subventions et les soutiens qu'elles rackettent auprès des pouvoirs publics nationaux et des collectivités locales. Et cela semble les dispenser de toute approche objective de la vérité.

Voilà ce qui se passe en France, et, au fond, nous le savons tous.

À l'inverse, Michèle Tribalat fait état de travaux impressionnants réalisés dans d'autres pays occidentaux. Le parlement britannique dispose, avec sa Chambre des lords (6) d'un observatoire de qualité. Une longue enquête, très complète, y a été réalisée en 2008. Elle est commentée dans tout le pays. Or cet énorme document, téléchargeable par tout un chacun sur le site des Lords, calcule notamment la contribution de l'immigration à la croissance annuelle du produit intérieur brut. Cela donne approximativement 0,1 % par an, en moyenne, depuis plusieurs décennies. Or, l'Angleterre se trouve en pointe, et depuis quelque 50 ans, du phénomène migratoire en Europe. Aux Pays-Bas, d'autres travaux mettent en lumière une autre question. Celle-ci porte sur les méthodes et sur les préjugés, systématiquement favorables, imposés par le conformisme ambiant. En France, au contraire, on a effectivement confié au Conseil d'analyse économique une recherche analogue. Mais qui a entendu parlé de ses conclusions, inscrites dans le rapport de M. Gilles Saint-Paul ? Remis en 2009, il a été "enfoui dans un tiroir" (7). Le grand public n'en a jamais entendu parler. De même, dans les pays nordiques, on dispose de registres prodigieusement instructifs pour les démographes. En France un chercheur de l'Insee utilise-t-il, dans un bureau de Strasbourg, le fichier Saphir de la gendarmerie ? On ne censure pas seulement ses travaux. Ils ne seront publiés en définitive que par la revue "Commentaire", – excellente mais non spécialisée. Bien plus, on fait disparaître la source administrative, devenue politiquement incorrecte.

Il existe manifestement une sorte de consigne tendant à dessaisir les nations européennes de toute faculté de décision restrictive. On tente donc d'y prévenir les mauvaises pensées. Alexandre Zinoviev dans son roman anticipateur "Les hauteurs béantes" voyait dans cette prophylaxie la marque du système soviétique. Or, aujourd'hui, les "machins" internationaux de toutes sortes, l'ONU comme la CNUCED, la CEDH comme l'UNESCO, etc. travaillent à la mise en œuvre effective du cauchemar correspondant. Ils prétendent nous imposer une vision complètement unilatérale. On nous enjoint de croire, sans jamais nous le démontrer que tout le monde gagnerait, triplement, à ce type de migrations à sens unique et sans entraves : pays vieillissants d'accueil, peuples affamés du tiers-monde, migrants familiaux eux-mêmes. Mais on se refuse à dresser le bilan, en regard, des dommages collatéraux causés aux villes envahies, à leurs municipalités submergées, mais aussi aux nations d'origine, privées de leurs éléments les plus dynamiques, et, enfin, aux déracinés eux-mêmes.

L'objectivité scientifique se trouve donc ainsi bafouée.

Voila le point le plus scandaleux, le péché contre l'esprit, que met en lumière Michèle Tribalat. Les partisans de la gouvernance mondiale n'admettent pas de s'entendre contredire. Ils le seront pourtant, par la force des choses, par l'indestructible musique de la liberté.

JG Malliarakis (http://www.insolent.fr)

Apostilles

  1. Émission Esprit public par Philippe Meyers. Elle était invitée en compagnie de Max Gallo et Jean-Louis Bourlanges.
  2. avec Laurent Chabrun le 18 mars 2010
  3. citons : "Faire France, Une enquête sur les immigrés et leurs enfants" (La Découverte 1995) ; "De l'immigration à l'assimilation. Enquête sur les populations d'origine étrangère en France" (La Découverte 1996) ; [avec Pierre-André Taguieff], "Face au Front national, Arguments pour une contre-offensive"(La Découverte, 1998) ; "Dreux, voyage au coeur du malaise français" (Syros, 1999) ; [avec Jeanne-Hélène Kaltenbach] "La République et l'Islam, Entre crainte et aveuglement" (Gallimard, 2002).
  4. cf. le site de l'IHS
  5. Éditeur Denoël, 2010
  6. Les enregistrements de ces conférences sont disponibles sur le site de l'Institut d'Histoire sociale
  7. Sur cette vénérable institution, celle des Lords (avec un grand "L" = la chambre haute du parlement britannique) il convient de comprendre qu'elle représente aujourd'hui exactement le contraire de l'image fausse que nous nous faisons des lords (avec un petit "l" = les lords héréditaires)
  8. cf. "L'Express" du 18 mars 2010

 

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