Les messages privés en ligne des citoyens européens devraient pouvoir être consultés par les autorités, selon Europol et les chefs des forces de police nationales.
Dans une déclaration commune publiée dimanche, ils demandent l’abolition du chiffrement de bout en bout. Grâce au chiffrement de bout en bout, seules les personnes qui envoient et reçoivent le message peuvent le lire – même les entreprises de médias sociaux ne peuvent pas accéder aux communications entre les utilisateurs.
Cette annonce intervient alors que Meta, propriétaire de Facebook et de WhatsApp, déploie la technologie de chiffrement de bout en bout sur sa célèbre plateforme de chat Messenger. Whatsapp en était déjà équipé.
La déclaration affirme qu’une telle violation de la vie privée ne serait utilisée que pour « protéger les personnes vulnérables dans tous nos pays contre les crimes les plus odieux, y compris, mais sans s’y limiter, le terrorisme, les abus sexuels sur les enfants, la traite des êtres humains, le trafic de stupéfiants, les meurtres et la criminalité économique ».
Il convient de noter que l’accent mis sur les enfants (« un devoir commun d’assurer la sécurité du public, en particulier des enfants ») est une rhétorique bien rodée, souvent utilisée pour jouer sur les émotions afin de contourner l’esprit critique des gens. Sans chiffrement de bout en bout, les autorités européennes n’auraient qu’à envoyer une simple demande au fournisseur de services pour avoir accès aux communications privées de n’importe quel citoyen.
Dans un communiqué de presse, Catherine De Bolle, directrice exécutive d’Europol, l’agence de l’UE chargée de soutenir et de coordonner la lutte contre la grande criminalité, la criminalité organisée, le terrorisme et la cybercriminalité, a défendu la proposition :
« Nos maisons deviennent plus dangereuses que nos rues, car la criminalité se déplace en ligne. Pour assurer la sécurité de notre société et de nos concitoyens, nous devons sécuriser cet environnement numérique. Les entreprises technologiques ont une responsabilité sociale dans le développement d’un environnement plus sûr où les forces de l’ordre et la justice peuvent faire leur travail. Si la police perd la possibilité de recueillir des preuves, notre société ne sera pas en mesure de protéger les personnes contre la criminalité »
Dans une tentative peu convaincante d’apaiser les préoccupations évidentes en matière de protection de la vie privée, Philippe Van Linthout, juge d’instruction et spécialiste de la cybercriminalité, a déclaré à la VRT NWS : « Dans certains pays non démocratiques, l’accès [des autorités] aux données personnelles présente en effet un danger. Les gens ne devraient pas être arrêtés à l’improviste pour avoir insulté un chef d’État dans un message WhatsApp. Grâce aux nombreux freins et contrepoids dont nous disposons dans une société démocratique, nous ne devrions pas craindre cela »
La question de savoir si les citoyens risquent d’être arrêtés si des mèmes incitant à la haine sont découverts dans leurs communications privées – comme cela pourrait bientôt être le cas dans la République d’Irlande, de plus en plus autoritaire – n’a pas été révélée.
Sur X, l’expert belge en protection de la vie privée Matthias Dobbelaere-Welvaert s’est interrogé : « Quand est-ce que ça suffit ? Dans la vie publique, nous n’avons plus aucune vie privée. Nous ne pouvons pas téléphoner anonymement, nous ne pouvons pas marcher ou conduire dans la rue anonymement, parce qu’il y a une caméra à chaque pas. Les algorithmes nous observent, la reconnaissance faciale nous guette avec impatience au coin de la rue »
Il n’y a pas si longtemps, Europol a découvert que, pour échapper à la détection, les criminels endurcis privilégient l’outil de service de communication Sky ECC – un vaste réseau de services de chat et de téléphones cryptés – plutôt que les services bien connus de grandes entités technologiques. Dans ces conditions, il est peu probable que la suppression du chiffrement sur Whatsapp et Messenger soit très bénéfique.
Source : Breizh-info.com - 29/04/2024