VOUS AVEZ DIT "ETHNIQUE" ?
Dans le brouhaha des informations (et désinformations...) à sensations diffusées par les médias occidentaux sur l'Afghanistan filtrent d'éclairantes révélations. Ainsi, il y aurait, dans cette partie de l'Asie une étonnante mosaïque ethnique et ce serait là un facteur déterminant dans l'examen de la donne afghane. Avec - pour ne citer que les principaux groupes - les Ouzbeks au nord-ouest (6 % de la population), parlant une langue turque, les Tadjiks au nord-ouest (25 %) parlant le persan, les Hazaras dans le centre (19 %), d'origine turco-mongole mais parlant le persan, les Pachtouns au sud-est (38 %), parlant une langue indo-européenne proche du persan, les Baloutches au sud-ouest (4 %), mêlés de dravidiens mais parlant une langue indo-européenne proche du pachtoun. Joseph Kessel notait déjà : "Le Pachtou, l'Ouzbek, le Hazara, le Tadjik, le Turkmène, le Nouristani vivent chacun chez soi comme vivaient ses ancêtres. Le voyageur le plus distrait apprend à les distinguer très vite et sans erreur possible, même dans les rues fourmillantes de Kaboul. Et lorsqu'il se rend dans leurs provinces respectives, il se rend d'un monde à un autre". Et, aujourd'hui, les observateurs attentifs et lucides savent que le facteur ethnique est déterminant pour comprendre la situation en Afghanistan. Ainsi, remarque Marc Epstein (L'Express, 4 octobre 2001) "Malgré la surface relativement modeste du territoire, à peine plus grand que la France, l'amalgame ne s'est pas fait. Les traits physiques, le costume, la manière de vivre, les usages, les chants : rien n'a bougé, rien ne s'est confondu". Dur à reconnaître pour les amateurs de melting-pot (ce système américain du mélange ethnique censé apporter l'harmonie et le bonheur universels...).
Voici donc qu'est reconnu le poids du facteur ethnique dans l'évaluation des situations géopolitiques, dans les rapports dialectiques de la géographie et de l'histoire, dans l'évolution des sociétés humaines. Aujourd'hui comme hier. Bref, ce que nous disons, nous, depuis longtemps, à Terre et Peuple, puisque l'identité ethnique nous apparaît comme un enjeu majeur, déterminant, pour le destin de tous les peuples. Que des imbéciles, à gauche et à droite, nous reprochent cela ne fait que confirmer l'incapacité de beaucoup, dans le monde politicien et ailleurs, à admettre, tout bonnement, les réalités lorsqu'elles dérangent leurs dogmes... ou leurs calculs électoraux. Ce qui les condamne à louper, régulièrement, les trains de l'Histoire...
Constater le poids du facteur ethnique au sujet de l'Afghanistan, c'est bien puisque cela permet de mieux comprendre la situation, complexe, de cette zone. Mais il est tout aussi nécessaire d'appliquer la grille de lecture ethnique à la situation des pays d'Europe.
Et là, évidemment, on en arrive tout de suite aux choses qui fâchent. Car il s'agit de dire - de redire - sans fard que notre pays (mais aussi ses voisins) est confronté à une situation de guerre ethnique. Nous ne sommes plus tout à fait seuls à le diagnostiquer puisque les policiers et les gendarmes, confrontés chaque jour, durement, à cette évidence, ont fini par manifester leur ras-le-bol à cet égard. Oh, en évitant d'appeler un chat un chat car les ligues de vertu "antiraciste" veillent. Mais le policier de base est, malheureusement pour lui, bien placé pour le savoir : la voiture de police qui se fait caillasser (dans le meilleur des cas...) parce qu'elle ose traverser un quartier peuplé de non-Européens est victime non pas d'une "bavure" - ça, c'est la version officielle - mais bel et bien d'une agression ethnique. Voulue, très consciemment, comme telle. Puisque la police a violé un espace interdit, un territoire réservé. Colonisé.
De même, lorsque les médias présentent comme un triste dérapage l'affaire du match de foot France-Algérie, ils ont tout faux. Et ils le savent bien. Rappel : après avoir sifflé la Marseillaise devant un Jospin et des ministres livides, tétanisés, des milliers de Maghrébins ont envahi le terrain de foot en brandissant le drapeau algérien, alors que l'équipe d'Algérie allait subir une défaite cuisante. En envahissant le terrain de foot ces supporters d'un genre particulier voulaient rappeler, symboliquement, une évidence : c'est le territoire français qu'ils occupent comme une terre conquise.
Parmi les envahisseurs, Sofia Benlemmane, une "franco-algérienne" qui habite dans la région lyonnaise. Le journal local Le Progrès (21 novembre) a présenté longuement cette héroïne, qui a droit à cette appréciation admirative : "Son parti, son équipe, son camp, elle le clame avec fierté, c'est l'Algérie à 200 %". Eh oui, bien sûr. Comme l'Algérie, la Tunisie, le Maroc sont le camp des 800 000 "Franco-Algériens", des 440 000 "Franco-Tunisiens" et des 800 000 "Franco-Marocains" installés en France (ces chiffres, officiels, ne sont évidemment que la partie émergée de l'iceberg). Il faut être bien niais (ou totalement complice) pour feindre de s'en étonner.
Certains prétendent s'opposer à l'immigration africaine en combattant l'Islam. Ils se trompent, volontairement - par crainte d'être diabolisés - ou involontairement - par manque de conscience idéologique. Le fond du problème - et c'est incontournable - c'est qu'un Africain renonçant à l'Islam reste un Africain. C'est naturel et sain : nous voulons qu'il affirme son identité africaine. Mais, bien sûr, en Afrique. Comme nous voulons affirmer notre identité européenne. En Europe.
Deux amis chers nous ont quitté, Pierre Maugué et Nordhal Mabire. Nous gardons parmi nous leur mémoire comme un bien précieux.
P. VIAL