Le billet de banque n’est pas si ancien dans l’histoire de France. Et pourrait bien disparaître… Introduit au début du XIXe siècle avec le franc « germinal », après des tentatives avortées, il connaît actuellement un lent déclin avec le développement de modes de paiement alternatifs (carte bleue sans contact, téléphone portable…), notamment pour les petites sommes.
La France compte déjà parmi les pays de la zone euro où la part des paiements en liquide dans les magasins est la plus faible. Selon la dernière enquête européenne relayée en 2018 par la Banque de France, 68 % des règlements y sont effectués en espèces, contre 79 % en moyenne dans les 28 pays de l’Union. En valeur, c’est encore plus faible puisque l’argent liquide ne représente que 28 % des montants payés dans les boutiques françaises (54 % de moyenne en Europe).
Le règlement en espèces est chez nous une affaire de personnes âgées (près des trois quarts de ces paiements sont réalisés par les 55-64 ans), et il concerne les petites sommes (90 % de ces transactions s’élèvent à moins de 5 euros). Cette évolution va se poursuivre, car les lois se durcissent.
Des seuils à ne pas dépasser
Chez un commerçant, il n’est possible de payer en liquide que jusqu’à 1000 euros, seuil instauré en 2015 pour lutter contre le terrorisme et le blanchiment (il était auparavant de 3 000 euros). « Le paiement en espèces est devenu sulfureux, et il est même considéré dans certains dossiers pénaux comme un indice de fraude», précise Mathias Chichportich, avocat pénaliste à Paris. Toutefois, si le domicile fiscal du payeur n’est pas en France, celui-ci peut sortir jusqu’à 15 000 euros en liquide dans un magasin. On peut aussi payer ses impôts en liquide (aux guichets) jusqu’à 300 euros, et un salaire peut être versé en espèces jusqu’à 1 500 euros par mois. En général, il est possible de régler en espèces et sans plafond des dettes entre particuliers.
Les espèces peuvent être refusées
En théorie, il faut accepter les billets de 200 ou 500 euros, car ils ont « cours légal » en France. Leur refus, pourtant fréquent dans les magasins, est passible d’une amende de 150 euros. En pratique, cette sanction n’est presque jamais appliquée. Ainsi, la condamnation d’un directeur de supermarché qui avait refusé un billet de 500 euros pour le paiement d’une somme de 51,13 euros a été annulée en cassation en 2005. « Le paiement en espèces peut aussi être refusé pour des raisons d’ordre public et de sécurité : risques de vandalisme ou d’agression nocturne », explique Me Chichportich.
C’est le cas pour les horodateurs. Le développement d’une criminalité organisée spécialisée dans le pillage de ces appareils justifiait l’abandon du paiement en espèces, a dit la Cour de cassation. Une suspicion de fausse monnaie, des billets très dégradés, ou une quantité de pièces supérieure à 50 peuvent également engendrer un rejet.
Transport sous surveillance
Il est légal de transporter des espèces vers l’étranger, mais, à partir de 10 000 euros, il faut les déclarer aux douanes. C’est valable pour les billets mais aussi les chèques de voyage ou tout autre titre de créance.
L’obligation concerne tous les résidents français, quelle que soit leur nationalité. La déclaration se fait sur Internet jusqu’à deux jours avant le transfert, ou à la douane avec un formulaire. En cas d’infraction, la sanction encourue est une amende (ou un redressement fiscal), associée à la saisie de l’intégralité de la somme. Selon Me Chichportich, ces affaires parviennent rarement au pénal. Les amendes douanières sont en revanche fréquentes, et les saisies sont considérables, particulièrement aux périodes de changements politiques faisant craindre de nouveaux impôts. Ainsi, selon une note confidentielle des douanes révélée par Le Parisien - Aujourd’hui en France, au premier trimestre 2013, après l’élection du socialiste François Hollande à la tête de l’Etat, la douane avait multiplié par six le nombre de saisies d’argent liquide par rapport à l’année précédente. Les montants dépassaient souvent les 100 millions d’euros.
Des grosses coupures qui sentent le soufre
Alors que le nombre de paiements en liquide est en baisse, la quantité de billets en circulation dans la zone euro augmente : fin 2018, il y en avait plus de 22 milliards en circulation pour une valeur totale de 1 200 milliards d’euros environ, des chiffres en augmentation de plus de 5 % sur un an, selon la Banque centrale européenne (BCE). La « vedette » est la coupure de 100 euros, dont 2,7 milliards d’exemplaires circulent. Il a désormais surpassé le sulfureux billet de 500 euros, qui n’est plus imprimé depuis le début de l’année, mais continue d’avoir cours légal.
En valeur, un tiers des billets en circulation (soit environ 400 milliards d’euros) est détenu… à l’extérieur de la zone euro, notamment dans ses pays limitrophes. Ces billets sont utilisés, selon la BCE, « comme réserve de valeur et à des fins de transactions sur les marchés internationaux ». Magistrats et policiers estiment qu’ils alimentent l’économie illégale (drogue, prostitution, trafic…) et la corruption.
27 mai 2019