LES ASSOCIATIONS ET NOTRE ARGENT
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- Catégorie : SOCIETE
Un bien intéressant rapport publié par association.politologue.com (et consultable sur ce site) montre l’évolution des subventions aux associations entre 2010 et 2018.
On apprend que leur montant total de 1,5 milliard d’euros, en 2010, est passé à plus de 7 milliards en 2018, soit une hausse de 366 % en neuf ans.
Or, le montant moyen ne passe que de 73.000 euros à un peu plus de 78.000 euros. C’est donc ailleurs qu’il faut chercher la raison de cette hausse de la dépense globale.
Intéressons-nous au nombre de subventions : il passe de 20.194 à… 92.119 ! La croissance commence en 2012, sous Hollande : 30.851. Elle s’envole en 2016, année préélectorale : 56.177 subventions, et atteint les cimes en 2018, sous Macron : 92.119 !
Ainsi, on observe que « France terre d’asile » ne présente pas moins de 30 associations relevant de cette aide. Joli moyen de ne pas alerter le quidam : on minimise le don moyen. Mais on reçoit quand même, au total, 40 millions d’euros. Accroître le nombre d’associations, en créer de nouvelles de toutes sortes serait-il un moyen de passer sous les radars ? On peut le penser, car nous doutons fort que le nombre de fonctionnaires chargés de contrôler les susdites assocs se soient accru autant que le nombre de celles-ci.
Voyons où se déverse cette corne d’abondance : alors que le montant annuel versé aux associations œuvrant en faveur du patrimoine reste stable, aux environs de 40 millions, et celui destiné aux associations sportives voit la même stabilité, autour d’une centaine de million d’euros, celui déversé, Dieu sait pourquoi, sur les associations en faveur de l’immigration évolue de 725.760 euros, en 2010, à plus de 445 millions, en 2018 ! Chacun appréciera… On sait que l’immigration est une chance pour la France. La chose est parfois discutée. Mais sans coup férir, elle semble aussi ou plus sûrement être un coût ! Sur les sept années observées, c’est donc 1.132.000.000 € qui auront été dépensés pour cette cause : immigration et asile. Voir aussi en fin d’article.
Pendant ce temps, la plus ancienne association caritative du monde, l’Ordre de Malte et les associations qui en émanent, reçoit moins de 10.000 euros par an. Ainsi, "Le Fleuron," péniche unique en France, créée en association Malte / 30 millions d’Amis, qui permet aux SDF d’être hébergés avec leur chien, reçoit royalement 1.500 € annuellement. Merci, mon prince ! Monsieur est trop bon…
Nos impôts sont merveilleusement utilisés, ailleurs. Les subsides associatifs en faveur de l’intégration et l’accès à la nationalité passent de 11 millions à 76, ceux de la politique de la ville de 11 à 138 millions, ceux au bénéfice des pays en développement de 19 à 90 millions d’euros. Certains diront que ces sommes déversées en ces tonneaux des danaïdes ne sont pas l’action directe de l’État, mais on se demande si certains ministères ont d’autres activités que le financement des associations ?
En sus du thème immigration et asile (1,13 milliard en 7 ans), on trouve sous d’autres titres des dépenses dont on peut douter qu’elles servent ailleurs qu’aux « chances pour la France ». Exemples : hébergement, inclusion sociale, jeunesse, accès au droit et à la justice, politique de la ville, sport, vie de l’élève… D'autres thèmes laissent rêveur : soutien de la politique de l’Éducation nationale, conduite et pilotage des politiques de l’écologie (les écolos sont très divisés…), soutien de la politique de la défense, préparation et emploi des forces, conduite (sic) et pilotage (resic) de la politique de justice, administration pénitentiaire, etc. Coordination du travail gouvernemental, 28 millions, pour un résultat que chacun appréciera, somme triplée en 8 ans !
Quelle merveilleuse machine bien huilée est devenue l’administration française ! Quelle belle efficience nous offrent ces gouvernements, ces élus ! Et quelle extraordinaire inventivité. C’est ça, l’esprit français, Monsieur ! On n’a pas de pétrole, mais on a des idées : que les contribuables contribuent !
Curieusement l'association culturelle identitaire TERRE & PEUPLE n'apparaît pas dans ce rapport !!!
LA PIEUVRE ET LE FAISCEAU
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- Catégorie : HISTOIRE
La toute-puissance de la Mafia sicilienne n'a connu qu'une éclipse: celle que lui imposa, pendant la période fasciste, le préfet Mori. Sa politique sert encore aujourd'hui de modèle aux adversaires de la Mafia.
En dépit d'une réputation tenace, la Sicile ne s'est jamais résignée à subir l'emprise de la Mafia. L'histoire de l'île est jalonnée de tentatives courageuses, quelquefois efficaces, pour délivrer les insulaires de leur carcan de violence et de corruption.
Certains datent les débuts de la Mafia de la fin de l'époque angevine, au XIIIe siècle, accréditant la légende de quatre bergers décidés à s'opposer par les armes aux exactions du pouvoir du roi Frédéric. D'autres la font remonter seulement à l'occupation espagnole, au XVIe siècle. Là encore, il se serait agi d'une résistance héroïque à un envahisseur. La même légende dorée attribue à la société secrète un rôle de contestation du pouvoir bourbonien des XVIIIe et XIXe siècles. En fait, ces interprétations n'ont guère de fondement. Il est vrai que la Sicile des Bourbons connaissait une criminalité endémique, notamment le vol de bétail. Pour la combattre, les gouverneurs envoyés par le roi de Naples - par exemple le comte de Mariscalco — ordonnèrent la création d'une gendarmerie très spéciale, les «compagnies d'armes», composées presque exclusivement d'anciens malfaiteurs. Les procédés de ces unités étaient peu orthodoxes. Elles se faisaient rémunérer directement sur le butin récupéré soit sur les voleurs, soit sur les propriétaires eux-mêmes. Paradoxalement, elles mirent fin au brigandage de ceux qui n'étaient pas encore des mafiosi.
La naissance de l’ «honorable société» remonte en fait à la conquête de l'île par les partisans de Garibaldi, dans les années 1860-1861. Elle résulta de l'anarchie consécutive à l'invasion de l'île par les chemises rouges, propice à de nombreuses extorsions, et de l'appauvrissement du pays dû à la chute des protections douanières et à la hausse des impôts. Le gouvernement Bixio (1861), le général Gavone (1863), le préfet Malusardi (1871-1878) tentèrent sans succès de rétablir l'ordre et de combattre la corruption. Incapable de déraciner l'organisation, déjà bien implantée, le préfet Malusardi démissionna en 1878. A partir de cette date, le pouvoir mafieux devint de plus en plus indiscutable pendant un demi-siècle.
Puis, le temps d'une génération, les «seigneurs de l'ombre» durent se mettre à genoux: c'est la période de 1924 à 1943. Le souvenir en est si vivace que, malgré le poids des préjugés idéologiques, le général Dalla Chiesa — qui, avant d'être assassiné, mena la lutte anti-Mafia à Palerme au début des années quatre-vingt — s'est référé explicitement à l'effort accompli par les hommes que Benito Mussolini avait envoyés contre le même ennemi, et en qui il voyait des prédécesseurs et des modèles. Certes, Dalla Chiesa et le juge Giovanni Falcone qui, après lui, reprit le flambeau du combat contre la «pieuvre», récusaient les idées du régime fasciste. Mais ils admiraient sa volonté de changer les mentalités par un effort d'explication et de participation du peuple tout entier.
Dans la période qui suivit immédiatement la prise du pouvoir par Mussolini, le régime fasciste ne prit pas à l'égard de la domination mafieuse une position très nette. C'est que le nouveau régime était particulièrement mal implanté dans le Mezzogiorno, et spécialement en Sicile, jusqu'à la marche sur Rome. En conséquence, le secrétaire national du parti fasciste, Acchile Starace, conseillait dans un rapport de juillet 1923 de passer un compromis avec la Mafia, estimant que l'Etat n'avait pas les moyens de s'opposer à elle. Le résultat de cette stratégie fut la présentation en 1924 d'une liste de coalition, le «Listone», que l'«honorable société» soutenait, et qui comprenait, outre des libéraux comme l'ancien président du Conseil Vittorio Emanuele Orlando, compagnons traditionnels de ses réseaux, une forte minorité de fascistes. Les 70 % de voix obtenues pratiquement sans campagne électorale furent un pur produit des fidélités mafieuses, comme les élections précédentes.
En fait, Mussolini avait déjà pris la décision de détruire la société clandestine. On raconte qu'il avait pris conscience de l'intolérable omniprésence de la «pieuvre» lors d'une visite à Piana Dei Greci. Ce jour-là, il avait dû entrer dans la mairie de cette ville sicilienne non par la porte mais par un pont de bois donnant accès au premier étage, que les autorités avaient construit pour éviter le risque d'attentat.
Le «capomafia» local, Don Ciccio Cuccia, fidèle aux habitudes de forfanterie en usage parmi les siens, avait osé lui dire en souriant : « Tout ceci est inutile car ici, personne ne vous fera de mal, à moins que je n'en donne l'ordre. » Une telle insolence aurait exaspéré l'illustre visiteur. De fait, sans nommer personne, le Duce prononça peu de temps après un discours menaçant contre la délinquance organisée, qui se terminait ainsi : « La population magnifique de la Sicile ne doit plus être rançonnée. »
Paradoxalement, c'est l'affaire Giacomo Mateotti qui déclencha l'ouverture des hostilités. En effet, la réprobation unanime qu'entraîna le meurtre du député socialiste, le 10 juin 1924, poussa les chefs mafieux, qui se méfiaient avec raison de la loyauté des fascistes à leur égard, à se rapprocher des forces politiques démocratiques, prenant ainsi nettement position contre le nouveau régime.
C'est dans ce contexte que se place la nomination de Cesare Mori comme préfet de Trapani, puis de Palerme. Le rôle de ce personnage, que l'on a appelé le «préfet de fer», paraît emblématique. Fils naturel élevé à l'orphelinat, il avait abandonné une carrière militaire pour entrer dans la police. Son caractère, autoritaire jusqu'à la démesure, fut garant de ses succès. Dévoué à l'Etat, quel que soit son maître, il n'avait pas hésité à réprimer les «chemises noires» avec brutalité comme préfet de Bologne, de 1919 à 1920. Lorsqu'il arrive à Palerme, fin 1924, il dispose d'une solide expérience et d'une connaissance complète et rigoureuse de l'ennemi à abattre. Vue à distance, la répression de la Mafia sera menée avec une rigueur léniniste, pourrait-on dire, comme une guerre intérieure réalisée au terme d'une analyse politique rigoureuse. D'abord, Mori, quoique originaire du Nord, avait parfaitement conscience que l'influence dominatrice de la Cosa nostra prenait ses sources dans le ratage de l'unité italienne au cours de la décennie 1850-1860. «Libérée» d'un pouvoir bourbonien peu efficace mais respectueux des particularismes par les bandes de Garibaldi (les Piccioti), la Sicile avait alors connu l'anarchie puis une exploitation commerciale et fiscale qui avait fini par rendre sympathiques aux Siciliens appauvris tous ceux qui s'opposeraient au pouvoir central. La conséquence en avait été l'apparition du «sicilianisme», l'enracinement de la criminalité dans les mentalités locales. D'éloquents dictons résument cette méfiance d'une culture agraire envers les ingérences extérieures: «Avec des amis et de l'argent, on peut toujours faire échec à la Justice. »
Et encore cette expression : « Le témoignage est une belle chose quand il ne cause de tort à personne.» L'image de l’« homme d’honneur» qui sait se taire et se défendre a été jusqu'à nos jours un puissant élément du plaidoyer pro domo des affiliés de la Mafia. Citons le marquis Starabbia Di Rudini, maire de Palerme en 1900: «Mafieux? Toute personne qui se respecte et exprime un orgueil exagéré, manifeste le désir de se battre peut être qualifiée de la sorte. » L'habileté de Mori, qui n'était pas seulement un policier efficace, mais aussi un esprit intuitif et subtil, fut de développer auprès de ses administrés un discours dans lequel il s'efforçait de dissocier la délinquance des qualités viriles dont ils faisaient jusqu'alors si grand cas. Dans les instructions qu'il transmettait à ses agents, il insistait sur la nécessité de respecter l'identité sicilienne, de ne pas bousculer les coutumes. Bien au contraire, il recommandait de mettre en lumière les déviations qu'elles avaient subies. Défendre les traditions, oui, mais comme les ancêtres les avaient voulues. «L'omertà (la loi du silence), nous ne voulons pas y porter atteinte, mais les antiques législateurs de la Sicile ne voulaient pas qu'elle conduisît à l’égoïsme et au faux témoignage», affirmait-il. Cette approche nuancée du problème, plutôt rare, ne faisait pas obstacle au culte du service de l'Etat. Si Mori avait fini par adhérer pleinement au fascisme, c'était en effet comme théorie de l'Etat. Or, le fascisme ne pouvait tolérer de conciliation entre sa conception du pouvoir, centralisée et totalitaire, et la permanence d'un corps intermédiaire omnipotent comme l’ « Organisazione » qui battait en brèche, par son clientélisme, l'intégration totale des individus au sein de l'Etat.
Pour justifier par avance les objectifs de sa lutte, Mori commença par définir l'adversaire comme une classe parasitaire, dans un effort de persuasion qui s'adressait à tous les Siciliens: «La Mafia n'a rien à voir avec les travailleurs. Elle exploite le riche, le puissant et le fort, mais pour autant elle n'est pas aux côtés du pauvre et du délaissé. »
Les méthodes de Mori sont fondées d'abord sur une mise en sommeil, puis une modification profonde de l'ordre juridique existant. Il est vrai que l'état de siège lui était familier, puisqu'il l'avait obtenu sans discontinuer de 1904 à 1917, lors de son premier séjour en Sicile. Cependant, il frappera cette fois beaucoup plus fort. «Il existe trois obstacles à mon action», n'hésitera-t-il pas à écrire au ministre de la Justice. «Le premier réside dans les limitations légales à l'action de la police, le second se trouve dans l'existence de la mise en liberté provisoire à la faveur de laquelle les « mafiosi » intimident ou éliminent les témoins, et enfin les instructions criminelles incomplètes, qui induisent les juges au doute et à la clémence. »
De fait, les actions de police prendront rapidement l'aspect de campagnes militaires, comme la prise d'assaut de Gangi et d'autres villes, suivies d'occupations forcées, de ratissages et de quelques cas de prises d'otages et de tortures, afin d'obliger au «jaillissement des aveux».
Du côté des juges, Mori obtint la généralisation du confino, ou garde à vue, qui pouvait, sous contrôle judiciaire, remplacer la liberté provisoire durant un maximum de quatre ans. De plus, les pressions officielles sur les tribunaux afin de réduire les verdicts d'acquittement permirent aux autorités, selon l'expression inattendue du procureur général Giampietro, de «codifier les criminels». Enfin, le code pénal fut modifié afin de qualifier comme délit la simple appartenance à la Mafia, sans que soit nécessaire la preuve d'actes délictueux personnels. Les résultats de cette mise entre parenthèses du droit sont éloquents : au procès de Gangi, après l'audition record de 154 accusés et de 300 témoins à charge, 146 réputés mafieux ou complices furent condamnés, dont 7 à la peine capitale. Si le compte rendu de Mori au ministre de la Justice («une virile affirmation de justice sereine, de dignité sicilienne») peut prêter à sourire, les coupables condamnés étaient néanmoins infiniment plus nombreux que les innocents. L'intrication de l'ensemble de la société sicilienne dans le maillage de l'extorsion et de l'intimidation était tel que les véritables innocents étaient rares.
Le côté politico-militaire de cette action se retrouve également dans la mobilisation et l'encadrement des masses auquel elle donna lieu. Mori ne cachait pas son intention de transformer la répression en une véritable révolte des esprits contre les acteurs de la délinquance, l’«azione populare». Pour cela, celui qui se faisait appeler le « préfet paysan » n'hésite pas à _^^*-te*^ frapper même les puissants: le «Gan Ufficiale» Bongiorno, mort en prison, un procurateur royal, des juges adjoints seront condamnés impitoyablement. De même des membres de l'aristocratie, victimes-complices des intimidations mafieuses (les «manutengoli»), comme les barons Sgadari et Li Destro, le marquis Pottino ne sont tenus quittes qu'à la condition de dénoncer à l'audience leurs persécuteurs au risque de leur vie.
Ainsi les fonctionnaires savent qu'ils seront couverts quel que soit le rang des coupables. Les témoins sont rassurés sur leur sort en cas de velléité de représailles, et le prestige des gens du milieu est détruit, en ce pays d'extra version extrême, par le spectacle des maîtres du crime enchaînés ou humiliés lors de leur arrestation ou au cours de procès-spectacles. Quant aux petits cadres de la Mafia agraire, les «gabelotti», Mori obtint leur éviction en soumettant la nomination des régisseurs de domaine, gardiens de troupeaux, concierges de quartier et d'îlot à une nomination par l'administration et au serment d'obéissance obligatoire. Tout refus d'accepter le poste d'un ancien mafieux entraînait l'interdiction d'en occuper aucun autre. « Ces procédés, nous dit l'historien Fabrizio Calvi, répugnent à la conscience civile». Peut-être, mais l'effroyable corruption que l'Italie connaissait - et connaîtra à nouveau vingt ans plus tard, et qui infligeait un déni de justice absolu à une population livrée sans défense à la pire canaille — ne justifiait-elle pas certaines approches spéciales ?
Ces méthodes eurent en tout cas des résultats indiscutables: en quatre ans, le nombre des assassinats dans l'île passa de 223 à 25, celui des agressions à main armée fut divisé par dix-neuf, celui des extorsions de fonds par neuf. L'effet le plus spectaculaire de cette opération fut sans conteste la revalorisation des terres cultivées, qui échappaient à l'emprise de la Mafia. 28000 hectares dont les propriétaires étaient jusque-là saignés à blanc par les parrains retrouvèrent leur valeur, notamment la valeur locative. 320 grandes exploitations virent leurs fermages majorés de 300% en trois ans. Certaines d'entre elles, tel le domaine du baron-poète Agnello, gagnèrent 1500 % de hausse de rente. On n'a pas de peine à admettre que celui-ci ait célébré Mori comme «le plus beau cadeau du Duce».
Les succès obtenus de 1924 à 1930 ne furent pas un feu de paille. Après le départ de «Don Cesare», ses successeurs, les préfets Albini puis Marziali, continuèrent son œuvre.
Si la délinquance ne prit pas fin dans une Sicile alors en pleine crise économique et démographique, c'est parce que la criminalité ne se résumait pas à la Mafia, qui en constituait seulement le côté «institutionnel». Les hommes qui vivaient de rapines durent néanmoins courber la tête jusqu'en 1943.
Dès lors, il est aisément compréhensible que les élites traditionnelles de la Sicile, celle des grands propriétaires, se soient ralliées d'enthousiasme à un régime qui leur rendait leurs biens et les rassurait sur leur survie physique. Peu de temps après les premiers succès du «prefetto di ferro», le parti fasciste fut assailli de demandes d'adhésion de leur part, comme le prince Lanza Di Scalea, ou le duc de Belsito, qui furent élus avec une dizaine d'autres représentants de leur caste sur les listes de 1930.
L'Eglise fut plus réservée : il est significatif que l'archevêque de Palerme Lualdi ne se soit résolu à soutenir sans réserve le représentant de Mussolini qu'après que ses relations se furent dégradées avec les fascistes les plus marquants.
C'est là un phénomène intentionnellement mal compris: Mori ne cessa jamais de focaliser contre lui l'hostilité virulente des fascistes idéologiques, ceux qui constituaient l'épine dorsale du mouvement. Au premier rang d'entre eux se trouvait le Dr Alfredo Cucco, chef du parti en Sicile et commendatore des squadristes, qui ne cessa de protester contre les procédés de Mori. Lorsque Mori écrivit ses Mémoires, après son départ, la presse fasciste commenta le livre en ces termes : « une collection d'anecdotes arrogantes, cyniques et incroyablement stupides». Les raisons de cette attitude, surprenante dans un régime qui se voulait totalitaire, ne résident pas seulement dans les rancunes accumulées par les «squadristes» contre celui qui les avait si brutalement matraqués par le passé. Pour les « chemises noires » siciliennes, la révolution sociale était plus importante encore que la répression. Ils ne pouvaient admettre que le retour à l'ordre profitât d'abord aux riches, notamment par la hausse du loyer de la terre, ni que les anciennes oligarchies fissent un retour en force. Ils réclamaient des avantages pour la paysannerie misérable, exigeaient une réforme agraire immédiate.
Dès 1926, les relations entre Mori — qui détestait le militantisme - et certains hiérarques du parti se détériorèrent.
Mussolini soutint pourtant son préfet jusqu'à la fin de sa tâche, lui sacrifiant tour à tour quelques-uns de ses plus chauds partisans. Le secrétaire provincial Damiano Lipari, puis Don Alfredo Cucco, numéro un du parti dans l'île, enfin le général Di Giorgio, furent exclus tour à tour des organisations fascistes. Mori, qui n'hésitait pas écrire que la vengeance était à la fois un devoir, un plaisir et un droit, ne manqua pas de faire accuser de collusion mafieuse tous ceux qui lui résistaient.
L'impitoyable lutte menée contre la Mafia par le préfet Mori est aussi mal connue que les relations qu'entretinrent les opposants au régime fasciste et la Mafia.
Ces liens entre les forces « démocratiques » et les organisations criminelles sont pourtant patents dès le début des années trente. Dans un discours prononcé le 28 juillet 1925, Vittorio Emmanuele Orlando, chef du parti libéral, déclarait, après avoir donné une définition flatteuse, non délictueuse de la Mafia: «Je me déclare mafieux et fier de l’être. » Certes, cette profession de foi maintenait une ambiguïté propice mais, par la suite, les membres de Cosa nostra qui fuyaient vers la Tunisie ou les Etats-Unis trouvèrent un appui sans démenti possible de la Lidu, ou Ligue des droits de l'homme italienne. De même les actions de protestation à l'étranger recevaient-elles l'appui logistique des correspondants et affidés. Lorsque la Mafia décidera d'assassiner des fascistes (Mariano De Caro, Domenico et Bartalone Perricone), les organisations antifascistes tenteront de justifier ces meurtres. Cependant, la symbiose entre les réseaux de droit commun et les hommes politiques ne fera que se renforcer au profit des premiers à partir du débarquement allié en Sicile. La chute de Mussolini et de son gouvernement ouvrit une nouvelle période. Les Américains nouèrent d'étroites relations avec la Mafia: liée aux politiciens qui prenaient la relève, Cosa nostra était utile aux troupes d'occupation américaines. Avec la fin de Mussolini et de son gouvernement prenaient fin vingt et un ans et un jour d'intermède de retour à la légalité dans l'île. Au «préfet de fer» Mori, envoyé pour assainir, succéda alors un «préfet de boue» attaché à rendre la Sicile à ses corrupteurs, le colonel américain Charles Poletti. Les services secrets de la marine américaine, la Navy Intelligence, directement placés sous l'ordre de Roosevelt et dirigés par le fameux Allen Dulles, futur chef de la CIA, avaient mobilisé en Amérique tous les mafieux disponibles (1 200 personnes) en vue d'effectuer le débarquement allié. Poletti, avec l'accord de Patton, constitua alors un gouvernement provisoire de la Sicile. Se servant d'anciens hommes politiques communistes, libéraux ou séparatistes comme paravent (le baron Tasca, Finocchiaro Apule), il remit en selle le crime organisé, en confiant la réalité du pouvoir civil au fameux gangster italo-américain Lucky Luciano et à son comparse le commendatore Calogero Vizzini, transformé en martyr par ses années de prison à l'Ucciardone.
L'enquête américaine de la commission Kefauver en 1954 est accablante pour l'administration militaire américaine, qui se déshonora en faisant fusiller tous les Siciliens, en particulier carabiniers, qui refusaient d'obéir aux autorités mafieuses qu'elle avait revêtues d'un pouvoir officiel.
Cesare Mori, mort un an plus tôt après avoir prévu dès 1940 la défaite future de l'Italie fasciste, n'eut pas à voir ce spectacle déplorable: la revanche éclatante des truands. Pourtant, dans un livre de maximes où il s'efforçait de ciseler son propre profil comme pour une médaille, il avait orgueilleusement déclaré : « L'homme de valeur peut réunir l'unanimité des désaccords, mais l'unanimité des consentements est réservée au mensonge intégral et chronique.» Son aphorisme allait se trouver justifié pendant plus de quarante ans.
Pierre de Meuse
Sources : Le Spectacle du Monde – octobre 1995.
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CHARLES V DE LORRAINE, LES HABSBOURG ET LA GUERRE CONTRE LES TURCS DE 1683 A 1687 par le Colonel Jean NOUZILLE (c.r.) Université de Strasbourg II
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La victoire remportée, le 12 septembre 1683, sur les pentes du Kahlenberg par les troupes impériales et polonaises marque un tournant décisif de l'histoire de l'Europe. Consacrant la supériorité de l'armée des Habsbourg et des contingents alliés sur les forces ottomanes, elle favorise la définition et la réalisation d'une nouvelle politique de la maison d'Autriche en direction du Sud-Est européen. Grâce aux succès obtenus, cette « Südostpolitik » permet de déplacer le centre de gravité des possessions des Habsbourg en Europe centrale et de sceller leur destin.
L'instrument essentiel de la politique danubienne de la maison d'Autriche est l'armée des pays héréditaires et ses effectifs varient peu de 1683 à 1688. Charles de Lorraine est nommé commandant en chef de l'armée impériale le 21 avril 1683. Bon disciple de Montecuccoli, il doit, au cours d'une première phase, replier ses troupes dans la région de Vienne en attendant la concentration des troupes alliées. Puis il décide, en accord avec le roi de Pologne, Jean III Sobieski, de tenter sous les murs de Vienne une bataille décisive, destinée à contraindre les Turcs à lever le siège de la capitale autrichienne.
Profitant de la victoire, le duc de Lorraine engage une contre-offensive et utilise l'axe de pénétration que constitue le cours du Danube pour s'emparer progressivement des forteresses turques, qui barrent la vallée du fleuve. Après une tentative infructueuse, Charles V parvient à occuper la citadelle de Buda en septembre 1686. Poursuivant ses opérations en direction du sud, il inflige à l'armée ottomane une sévère défaite à Nagyharsàny, le 12 août 1687.
Désormais la plus grande partie du royaume de Hongrie est libérée et la principauté de Transylvanie peut être occupée sans aucune difficulté par les troupes impériales.
Au cours des quatre années de son commandement en Europe centrale, le duc de Lorraine favorise, par ses victoires, un agrandissement considérable des possessions des Habsbourg et joue un rôle décisif dans l'accession de l'Autriche au rang de grande puissance européenne. En outre, la situation créée en Europe centrale par les succès impériaux permet à Léopold 1er de faire reconnaître par la Diète hongroise de Presbourg son fils, l'archiduc Joseph, comme roi héréditaire de Hongrie en décembre 1687.
La situation en Europe centrale en 1683
Moins de vingt ans après la dernière guerre austro-turque, les possessions des Habsbourg sont de nouveau menacées par l'Empire ottoman.
La poursuite de l'expansion turque.
Au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle, la Turquie cherche à reprendre son expansion en Europe dans trois directions. En Europe centrale, elle est bloquée par les victoires impériales de Léva-Szent-Benedek et de Saint-Gotthard en 1664. En Méditerranée, la conquête de la Crète est achevée par la prise de Candie en 1669. En Europe orientale, la progression turque est arrêtée par l'armée polonaise de Jean Sobieski à Khotin en 1673.
Mais les Ottomans ne tardent pas à reprendre leurs tentatives avec l'arrivée au pouvoir à Constantinople d'une forte personnalité. Kara Mustafa Pacha, gendre du sultan Mehmet IV, est nommé grand vizir en 1676. Autoritaire, énergique et intransigeant (1), encouragé par le chef des rebelles hongrois Imre Thököly, décidé à entreprendre une guerre de conquête (2), Kara Mustafa Pacha provoque un nouveau conflit austro-turc. Dès le mois de juin 1681, il fait entreprendre des travaux de fortifications face à la forteresse impériale de Leopoldstadt, en Slovaquie (3). Puis il précipite les événements en imposant à l'empereur des conditions inacceptables au renouvellement de la paix de Vasvàr (4). Enfin, le 6 août 1682, le gouvernement turc décide de déclarer la guerre à l'empereur Léopold 1er (5) et de s'emparer en 1683 des forteresses de Györ et de Komárom situées sur le Danube à une centaine de kilomètres à l'est de Vienne. A cet effet, il est prévu de concentrer l'armée ottomane à Belgrade le 6 mai 1683.
Le théâtre d'opérations.
La zone géographique dans laquelle vont s'affronter les Impériaux et les Ottomans correspond au bassin du Danube moyen, limité au nord et à l'est par la chaîne des Carpates et les Alpes de Transylvanie, à l'ouest par les Alpes et au sud par les Alpes dinariques et les collines de Bosnie. Cet immense champ clos est compartimenté à la fois par des cours d'eau lents et tortueux, qui ont créé des bras morts et des marécages propices à la malaria, et par des massifs boisés de faible altitude comme le Bakony, le Vértes et le Mecsek.
Les itinéraires terrestres, peu nombreux, sont des chemins de terre mal entretenus, utilisables pendant la saison sèche. Les cours d'eau facilitent les déplacements et les transports. Les principaux axes fluviaux sont ceux du Danube et de la Drave, qui ont été empruntés comme axes d'effort par l'armée turque lors de ses campagnes en Hongrie de 1526 à 1664.
La densité de la population de l'espace panonnien est faible et l'habitat est dispersé, ce qui ne facilite pas le ravitaillement des troupes. De plus, le commandement impérial éprouve une certaine méfiance à l'égard des Hongrois dont il redoute la haine à la suite des exactions commises par les Impériaux (6).
La principale forteresse turque de Hongrie est Buda. Elle est précédée, en amont sur le Danube, par les petites places de Pàrkàny, Esztergom, Visegràd et Vàc et, sur la Nyitra, par celle de Neuhaeusel (Nové Zàmky). Au nord, Nógrád, et Eger font face aux troupes impériales de Haute-Hongrie et Szolnok barre la vallée de la Tisza. De part et d'autre du lac Balaton, Székesfehérvár et Kanizsa font face à l'ouest. Plus au sud, la place forte d'Osijek assure la sécurité de l'important pont qui permet aux Turcs de franchir la Drave pour pénétrer en Transdanubie.
Les forces en présence.
L'empereur Léopold 1er peut disposer de l'armée des pays héréditaires des Habsbourg, de celle de l'Empire, de l'armée royale hongroise ainsi que des contingents alliés.
L'armée des pays héréditaires est estimée à 60 000 hommes, mais les effectifs opérationnels s'élèvent à 37 500 lors de la revue effectuée à Kittsee le 6 mai 1683 (7). A partir de 1683, la flottille autrichienne du Danube devient un élément important de l'armée impériale dont elle favorise la progression dans le Sud-Est européen (8).
L'armée de l'Empire est constituée et entretenue par la Diète d'Empire qui a fixé, le 30 août 1681, ses effectifs à 40 000 hommes, 28 000 fantassins et 14 000 cavaliers. Mais ces troupes, fournies par les Cercles de l'Empire, arrivent la plupart du temps incomplètes et en retard sur le théâtre d'opérations qui leur est assigné.
En tant que roi de Hongrie, l'empereur dispose de la milice des confins et de l'Insurrection. La première, comptant environ 14 000 hommes, fournit des détachements, qui sont intégrés à l'armée impériale à partir de 1684 (9). Les troupes de l'Insurrection, placées sous le commandement du palatin Pal Esterházy, sont fortes de 6 000 cavaliers lors de la revue de Kittsee. Leurs effectifs pourraient atteindre 11 000 hommes (l()).
L'empereur Léopold 1er a su se ménager des alliés. Un accord est conclu le 31 mars 1683 avec le roi de Pologne, qui s'engage à fournir 40 000 hommes devant rester sous son commandement. L'électeur de Bavière doit conduire 8 000 hommes et celui de Saxe 10 000. Quelques volontaires étrangers participeront à la guerre contre les Turcs. Parmi eux, le prince Eugène de Savoie se présente au duc de Lorraine en août 1683 (11).
Les conditions d'emploi de l'armée impériale sont définies par l'empereur en fonction des propositions élaborées par le Conseil de guerre de Vienne avant le début de chaque campagne. Mais le recrutement, l'armement, l'équipement et l'organisation du soutien logistique dépendent des crédits mis à la disposition du Conseil de guerre par la Chambre des comptes, dont Montecuccoli critiquait la mauvaise gestion (12). La Chambre des comptes doit négocier avec les Chambres des pays héréditaires les sommes nécessaires au budget de la guerre. Toutes ces négociations sont un frein à la mise en œuvre de l'armée, le Conseil de guerre devant attendre que les crédits lui soient attribués avant de commencer le recrutement des soldats et l'achat des armes et des matériels. Elles retardent parfois la date d'entrée en campagne ou la réalisation de travaux de fortifications nécessaires. Ainsi, dès 1681, le nouveau président du Conseil de guerre, le margrave Hermann de Bade, fait appel à l'ingénieur militaire saxon Georg Rimpler pour remettre en état les forteresses de Hongrie et moderniser les fortifications de Vienne. Ces dernières ne peuvent être améliorées qu'au début de 1683 par manque de crédits. D'autre part, les possibilités logistiques conditionnent le rythme des opérations, la vitesse d'évolution des troupes et leur rayon d'action. Pour déplacer l'armée de 37 500 hommes rassemblée à Kittsee en mai 1683 avec ses vivres et ses munitions, il faut 1 000 chariots. Par mesure d'économie, les campagnes ne commencent qu'en mai, lorsque l'herbe pousse, les chevaux étant ainsi nourris sur place. Au cours de la reconquête de la Hongrie, l'armée impériale doit établir, au fur et à mesure de son avance, une chaîne de magasins et des hôpitaux de campagne sont installés aux bords du Danube (13).
L'armée turque est estimée en 1683 à 110 000 hommes dont 40 000 réguliers et 70 000 soldats des troupes provinciales (14). Selon l'état de l'armée ottomane à la date du 7 septembre 1683, trouvé dans les archives du grand vizir sur le champ de bataille de Vienne, elle comptait ce jour-là 106 900 hommes, 138 000 avec ses alliés (15). L'armée turque est renforcée par les « Mécontents » hongrois du comte Imre Thököly. Leur nombre ne peut être fixé avec précision (16). Ils sont estimés à 25 000 (17). Les contingents chrétiens sont un point faible de l'armée ottomane. En effet, « les Moldaves, les Valaques et les Transilvains, qui avaient traité en argent pour s'exempter de venir à la guerre, ont été contraints d'y marcher » (18). Placés sous le commandement du prince Serban Cantacuzène, les Moldaves et les Valaques forment un corps auxiliaire de 12 000 hommes.
Du côté ottoman, les problèmes logistiques sont beaucoup moins considérables que pour les Impériaux. D'une part, le soldat turc est très sobre et plus résistant à la fatigue et à la maladie que le soldat impérial. D'autre part, les Turcs disposent en Hongrie de bases avancées.
Le commandant en chef.
Au début de 1683, le margrave Hermann de Bade décide de répartir les forces impériales en trois corps d'armée. Le premier, fort de 18 000 hommes, s'installe au nord du Danube pour couvrir la Moravie. Le second, de 16 000 hommes, prend position sur la Drave et la Mur pour interdire aux Turcs toute incursion en Croatie et en Styrie. Le troisième, ou armée principale, doit agir sur le Danube. Aucun plan de campagne n'a encore été élaboré au moment où, le 21 avril 1683, Léopold 1er désigne son beau-frère Charles V de Lorraine comme commandant en chef malgré l'opposition du margrave de Bade (19).
Le père du nouveau commandant en chef, le duc Nicolas-François de Lorraine, évêque de Toul et cardinal, a renoncé à ses titres ecclésiastiques en 1634 pour épouser sa cousine germaine Claude de Lorraine, fille du duc Henri II. Né en exil à Vienne en 1643, Charles de Lorraine suit ensuite son père, qui entre au service de Louis XIV en 1656. Il est d'abord destiné à l'état ecclésiastique mais, à la mort de son frère aîné Ferdinand, il devient en 1658 héritier de son oncle Charles IV, duc de Lorraine et de Bar. Après la signature du traité de Montmartre par lequel Charles IV cède ses duchés à la France, le 6 février 1662, Charles V s'enfuit à Rome, puis à Vienne où il entre au service de l'empereur. Nommé, le 24 avril 1664, colonel propriétaire d'un régiment de cavalerie, il se distingue à la bataille de Saint-Gotthard, le 1er août 1664. Ses qualités militaires, la protection dont l'honore sa tante l'impératrice douairière Eléonore, ses talents de société favorisent son ascension rapide. Au point de vue militaire et politique, il subit l'influence du maréchal Montecuccoli. Après sa candidature malheureuse au trône de Pologne en 1668-69, il se distingue dans les combats contre les « Mécontents » hongrois d'Imre Thököly, puis, sous les ordres de Montecuccoli, au cours de la guerre de Hollande à partir de 1672. Il est grièvement blessé à la bataille de Seneffe en 1674. Il est de nouveau candidat au trône de Pologne en 1674, mais son rival Jean Sobieski est élu roi. En 1675, Charles de Lorraine remplace Montecuccoli à la tête de l'armée impériale et il est créé maréchal. La même année, à la mort de Charles IV, il devient le 28e duc de Lorraine. Au cours de la campagne de 1676, il s'empare de Philippsbourg. Par contre, en 1677, il ne peut empêcher les Français de prendre Fribourg-en-Brisgau. En 1678, il épouse Eléonore de Habsbourg, demi-sœur de l'empereur et veuve du roi de Pologne Michel Korybut Wisnowiecki. Malgré ses espoirs, les traités de Nimègue ne rendent pas la Lorraine à son duc. Le 16 juin 1679, Charles de Lorraine est nommé gouverneur du Tyrol, de la Haute-Autriche et de l'Autriche antérieure (Vorderoesterreich) (20). C'est à Innsbruck qu'il fait la connaissance, au printemps de 1680, du Père capucin Marco d'Aviano dont il va subir l'influence. C'est par l'intermédiaire de Charles de Lorraine que le Père Marco d'Aviano entre en contact avec Léopold 1er. Le 19 octobre 1680, après la mort de Montecuccoli, Léopold 1er décide de répartir les charges du maréchal. Le margrave de Bade préside le Conseil de guerre tandis que le duc de Lorraine devient lieutenant-général de l'Empire. Cette décision est à l'origine de l'animosité entre les deux généraux. « Le prince Hermann de Bade doit être dans peu déclaré maréchal président du Conseil de guerre et gouverneur de Raab (Györ) que M. de Lorraine avait espéré d'être »(21).
D'un naturel réservé, d'un tempérament maladif, Charles V est un homme cultivé qui parle parfaitement le français, l'allemand et l'italien et qui s'intéresse à l'art et à la culture baroques. Sa grande piété et sa médiocre santé le rendent sensible à l'influence du clergé, particulièrement à celle de Marco d'Aviano. S'il est l'un des meilleurs disciples de Montecuccoli et l'un des meilleurs généraux impériaux de son temps, il est moins bon stratège que tacticien et, comme Montecuccoli, se montre souvent trop prudent, ne voulant risquer la bataille qu'à coup sûr. Il néglige les détails et accorde peu d'importance aux déplacements en bon ordre des troupes, à leur approvisionnement et à leur sécurité. Face à une situation nouvelle, sa réaction est parfois lente (22). Ses rapports avec les autres généraux sont parfois conflictuels et sa rivalité avec le margrave Hermann de Bade, puis avec Max-Emmanuel de Bavière, est nuisible au déroulement des opérations militaires en Hongrie.
Les combats défensifs de 1683
Le nom de Charles V de Lorraine est associé au deuxième siège de Vienne et à la victoire du Kahlenberg. Mais le duc de Lorraine est désigné trop tard comme commandant en chef pour pouvoir remédier efficacement à l'état d'impréparation de l'armée impériale. En effet, le 20 avril 1683, le Conseil de guerre décide que le rassemblement des troupes impériales s'effectuera le 6 mai à Kittsee, au sud de Presbourg. Le lendemain, Léopold 1er nomme Charles V commandant en chef de Hongrie malgré l'opposition du margrave de Bade, qui souhaitait que ce commandement soit attribué à son neveu Louis-Guillaume de Bade (23).
Les plans de défense.
Le duc de Lorraine doit élaborer un plan de campagne. Mais sa conception de la stratégie à appliquer face aux Turcs l'oppose au margrave de Bade. Ce dernier estime que les opérations doivent être conduites en s'appuyant sur le réseau de forteresses qui doit ralentir l'avance turque, l'armée impériale devant opérer une guerre de mouvement à l'intérieur de ce réseau. Il recommande une défensive opiniâtre sur une ligne fortifiée. Au contraire, Charles de Lorraine propose de conserver l'armée impériale groupée et d'engager des opérations offensives ou défensives suivant les circonstances.
Le 9 mai, un conseil de guerre envisage de freiner l'avance turque en Hongrie en attendant l'arrivée des renforts de l'Empire. Une première phase, offensive, vise à s'emparer des forteresses turques de Neuhaeusel et d'Esztergom avant l'arrivée de l'armée turque afin de ralentir sa progression le long du Danube. La seconde, défensive, consiste à interdire à l'ennemi le franchissement de la Váh, au nord du Danube, et de la Ràba, au sud (24).
La retraite.
Partant le 11 mai de Kittsee, le duc de Lorraine progresse prudemment et lentement en direction de Komárom où il arrive le 26 mai, ayant parcouru 130 km en 16 jours. Il effectue une reconnaissance de la place forte d'Esztergom, mais, apprenant le 30 mai les intentions du commandement ottoman, il décide d'aller assiéger Neuhaeusel. Sa mésentente avec le margrave de Bade fait échouer le siège de Neuhaeusel, qui ne dure que du 3 au 8 juin (25). Après avoir renforcé les garnisons de Györ et de Komárom, il se replie en direction de l'ouest. Sa tactique permet à l'armée ottomane de progresser rapidement et de s'emparer des petites places de Tata, Veszprém et Papa. L'armée turque opère de part et d'autre du Danube, qui est son axe logistique. Au nord, un corps de 30 000 hommes, Turcs et Mécontents, avance à hauteur du gros de l'armée. Au sud, le corps principal progresse en trois colonnes en direction de Vienne. Plus au sud, 20 000 Tatares de Crimée assurent la flanc-garde. Dès le 14 juillet, les Turcs encerclent Vienne, défendue par le général Rüdiger de Starhemberg tandis que l'armée impériale se replie toujours sur la rive nord du Danube et que la cour se réfugie à Linz, puis à Passau. Sur les arrières des Turcs, les forteresses impériales de Komárom, Györ, Presbourg et Wiener Neustadt fixent des unités turques. Après avoir regroupé ses forces le 23 juillet, le duc de Lorraine se rapproche de Presbourg. Le 29 juillet, il surprend les « Mécontents » près de Presbourg et les met en fuite, récupérant un important convoi de ravitaillement (26). Le 6 août, il installe son camp à une trentaine de km de Presbourg et envoie un plan d'opérations à l'empereur. Se maintenant au nord du Danube pour assurer la sécurité de ses communications en direction de la Pologne, il compte franchir le Danube à la fin du mois d'août et organiser une position défensive dans le Wienerwald. Le 24 août, Charles de Lorraine attaque un corps turc au nord du Danube et le bat à Langenzersdorf, le contraignant à se replier vers l'est (27). La concentration des troupes alliées va permettre d'envisager la bataille qui doit rompre l'encerclement de Vienne.
La levée du siège de Vienne.
A la fin du mois d'août, la plupart des contingents alliés rejoignent la région de Tulln. Le 31 août, le gros de l'armée polonaise effectue sa jonction avec l'armée impériale, suivi le 1er septembre par les troupes saxonnes. Le Père Marco d'Aviano parvient à convaincre Léopold 1er de confier le commandement des troupes alliées à Jean III Sobieski, homme de guerre expérimenté. Le 3 septembre, un conseil de guerre réuni à Stetteldorf décide de débloquer Vienne par l'ouest en partant du Wienerwald réputé infranchissable par des troupes, contrairement à l'avis du margrave de Bade qui proposait une manœuvre en vue d'une attaque au sud-est de Vienne. Les troupes alliées franchissent le Danube entre le 6 et le 8 septembre. Le 11 septembre, Jean III Sobieski réunit les commandants des grandes unités alliées sur le Kahlenberg pour leur indiquer son idée de manœuvre et fixer les objectifs à atteindre. Le dimanche 12 septembre, les Alliés attaquent l'armée turque installée à l'ouest de Vienne. Vers 16 heures, le duc de Lorraine lance une attaque, qui brise la résistance ottomane et permet à ses troupes de s'infiltrer sur les arrières turcs. Vers 17 heures, la charge des cavaleries polonaise et impériale contraint les Turcs à se replier en laissant 5 000 hommes sur le terrain (28). Le roi de Pologne et le duc de Lorraine n'engagent pas immédiatement la poursuite, qui aurait provoqué un désastre pour les Turcs (29). C'est seulement le 18 septembre que les troupes alliées reprennent leur progression en direction de l'est. Le 9 octobre, après un premier échec, Pàrkàny (Sturovo) est prise d'assaut, le 25, Esztergom capitule. Le 10 décembre, Leutschau (Levoca), chef-lieu de la région de Zips en Slovaquie, est libérée (30). Les troupes alliées gagnent leurs quartiers d'hiver.
La contre-offensive alliée en Hongrie
Léopold 1er décide d'entreprendre la reconquête de la Hongrie et de rejeter les Ottomans en direction du Sud-Est européen.
La campagne de 1684.
Le 26 février 1684, le duc de Lorraine décide que l'objectif de la prochaine campagne sera Buda, malgré les conseils de prudence qui lui sont donnés. L'ambassadeur de France à Vienne écrit : « L'entreprise du siège de Buda est grande et hardie, bien des gens ne croient pas que M. le Prince de Lorraine doive l'entreprendre » (31). Après avoir concentré son armée à Esztergom le 20 mai 1684, le duc de Lorraine s'empare de Višegrad puis, le 20 juin, bouscule un corps de 20 000 Turcs près de Vác. Le 8 juillet, les Impériaux occupent Pest et entreprennent le siège de Buda le 14 juillet (32). Mais il doit être levé à la fin du mois d'octobre car l'armée impériale est décimée par les maladies. En quelques semaines 20 000 hommes et 30 000 chevaux meurent devant Buda (33). L'échec du siège de Buda est imputé au duc de Lorraine, mais l'empereur lui garde sa confiance (34).
La campagne de 1685.
Grâce à la trêve conclue à Ratisbonne avec la France, l'empereur peut repousser les offres de paix faites par les Turcs. Le Conseil de guerre envisage d'abord de prendre Buda, mais le duc de Lorraine doit se contenter d'un objectif plus limité (35) car la concentration des troupes alliées ne peut s'effectuer que le 15 juin. Les Turcs viennent assiéger Višegrad et Esztergom. Les Impériaux assiègent Neuhaeusel à partir du 11 juillet. Le 16 août, le duc de Lorraine bat un corps turc à Tôt Megyer (Trvodosovce) et le 19 août Neuhaeusel est emportée d'assaut ; « La garnison a esté passé au fil de l'épée » (36). Au cours de l'automne, les Impériaux s'emparent d'Eperjes (Presov) et d'Ungvàr (Uzgorod) et 17 000 Mécontents font leur soumission à l'empereur. Seule la forteresse de Munkàcs (Mukacevo) résiste encore aux Impériaux en Slovaquie. Léopold 1er propose au prince de Transylvanie, Michel Apafi, de signer un traité d'alliance avec la maison d'Autriche, lui promettant de reconnaître l'indépendance de la Transylvanie (37).
La campagne de 1686.
L'année 1686 paraît plus favorable aux Impériaux en raison de la situation difficile de l'Empire ottoman attaqué par les armées de la Sainte Ligue et affaibli par la famine, la peste et les troubles intérieurs (38). Le duc de Lorraine décide d'assiéger Buda et, le 13 juin, l'armée impériale se met en route (39). Les généraux alliés sont en désaccord sur la conduite du siège (40). Trois assauts échouent les 13 et 27 juillet et le 3 août (41). Une armée turque de secours arrive le 8 août au sud de Buda, mais elle ne tente que des attaques limitées (42). Le 1er septembre, le duc de Lorraine donne ses ordres pour le dernier assaut. Le 2 septembre, après de violents combats au cours desquels, pour la première fois, la baïonnette emporte la décision (43), la citadelle de Buda est prise : « Buda e servitude in libertatem restituta ». Charles de Lorraine livre Buda au pillage et aux massacres. « Les Impériaux avaient passé au fil de l'épée tous les Turcs et tous les Juifs » (44).
Dans toute la Chrétienté, la nouvelle de la reconquête de Buda est accueillie avec beaucoup de joie. La prise de Buda a été facilitée par la situation intérieure de l'Empire ottoman dans lequel règne la disette et où éclatent des troubles, mais aussi par le manque d'agressivité de l'armée ottomane mal commandée. Elle a aussi été favorisée par la neutralité de la France et par la force considérable que représente la coalition des Etats chrétiens. En effet, à la fin d'août 1686, l'armée moscovite a pris Azov, les Polonais ont pénétré en Moldavie et les Vénitiens progressent en Morée (45). La prise de Buda permet aux Impériaux d'occuper la plus grande partie de la Hongrie.
La campagne de 1687.
Au début de 1687, les Turcs font des offres de paix sur les bases du traité de Vasvàr de 1664, mais elles sont rejetées par la Cour de Vienne. Le 19 avril, la Conférence secrète décide de poursuivre la guerre contre la Turquie. Une rivalité entre le duc de Lorraine et l'électeur Max-Emmanuel de Bavière risque de compromettre la campagne. Max-Emmanuel opérera séparément avec son corps bavarois à l'est du Danube (46). De son côté, le duc de Lorraine cherche à s'emparer d'Osijek. Mais il se heurte à l'armée turque et doit se replier, le 20 juillet, pour se retrancher à l'ouest de Mohács (47). Le 12 août, l'armée turque attaque les positions impériales, mais elle est battue et perd 30 000 hommes (48). Exploitant rapidement ce succès, le duc de Lorraine fait occuper Osijek. En octobre, toute la moyenne Slavonie est libérée par les Impériaux. Avec le gros de ses troupes, le duc de Lorraine se porte, le 23 août, à l'est de Temesvar (Timisoara) avec l'intention de couper les communications entre la Transylvanie et l'armée turque. Puis le duc de Lorraine pénètre en Transylvanie et occupe Klausenbourg (Cluj Napoca) et Bistritz (Bistrija) tandis que la Diète transylvaine et le prince Apafi s'enfuient à Hermannstadt (Sibiu) (49). Sans l'appui des Turcs, Michel Apafi ne peut résister aux Impériaux. Le 27 octobre, par le traité de Blasendorf (Blaj), Michel Apafi accepte l'entrée des troupes impériales dans 12 forteresses transylvaines, s'engage à approvisionner une partie importante de l'armée impériale et à verser 700 000 florins à l'empereur (50). En échange, le duc de Lorraine garantit la sécurité de la personne du prince et de sa famille, la liberté religieuse et les privilèges locaux. Cette action du duc de Lorraine procure à l'empereur plus d'avantages qu'il n'en réclamait un an plus tôt. Le 9 mai 1688, par le traité d'Hermannstadt (Sibiu), la Transylvanie est placée sous le protectorat de Léopold 1er.
En quatre ans, les Turcs ont été rejetés à 350 km au sud-est de Vienne grâce aux victoires remportées par le duc de Lorraine. Le but de la prochaine campagne doit être la prise de Belgrade. Mais la rivalité entre le duc de Lorraine et l'électeur de Bavière divise le Conseil de guerre et la famille impériale. Max-Emmanuel refuse de servir sous les ordres du duc de Lorraine et menace de ne pas renouveler son traité d'alliance avec l'empereur qui arrive à expiration en janvier 1688. Léopold 1er a le choix de renvoyer son beau-frère ou de perdre l'alliance de son gendre. A la fin de mai 1688, le duc de Lorraine est gravement malade et n'est plus en mesure de diriger la campagne. L'empereur peut nommer Max-Emmanuel de Bavière commandant en chef en Hongrie en juillet. Il prendra Belgrade le 6 septembre 1688.
Léopold 1er, fort de ses victoires en Europe centrale, accepte de conduire la guerre sur deux fronts malgré l'avis du duc de Lorraine, qui s'y oppose énergiquement. Cependant le duc de Lorraine commande les forces impériales sur le Rhin en 1689. Il assiège Mayence, qui capitule le 8 septembre, et s'empare de Bonn le 12 octobre. Malgré ses différends avec l'électeur de Bavière, il doit reprendre le commandement en chef des troupes impériales sur le Rhin en 1690.
Mais le duc de Lorraine n'aura pas la chance de conduire la campagne de 1690, ni de pouvoir régner sur ses duchés de Lorraine et de Bar, car il meurt à Wels le 18 avril 1690 en se rendant à la Cour de Vienne. C'est seulement en 1697 que la paix de Ryswick rendra les duchés de Lorraine et de Bar à son fils Léopold.
NOTES
(1) Archives du ministère des Affaires étrangères (AE), Paris, Correspondance politique (CP), Turquie, Vol. 16, fol. 79.
(2) Ibid., fol. 366.
(3) Ibid., fol. 408.
(4) Ibid., fol. 416.
(5) Général Asjr Arkayin, « The second Siège of Vienna (1683) and its conséquences », Revue internationale d'histoire militaire, n° 46, Ankara, 1980, p. 109.
(6) Alois Veltzé, Ausgewahlte Schriften des Raimund Fùrsten Montecuccoli, Vienne,1900, t. IV, p. 104-106.
(7) AE, Paris, CP, Autriche, Vol. 55, fol. 182.
(8) J. Nouzille, Le prince Eugène de Savoie et les problèmes des confins militaires autrichiens 1699-1739, Thèse de doctorat d'Etat, Strasbourg, 1979, p. 235-259.
(9) Alfons von Wrede, Geschichte der k. u. k. Wehrmacht, Vienne, 1898-1900, t. V, p. 192.
(10) R. Lorenz, Tûrkenjahr 1683, Vienne, 1934, p. 170.
(11) M. Braubach, Prinz Eugen von Savoy en, Munich, 1963, t. I, p. 9. AE, Paris, CP, Autriche, fol. 39, Lettre du 13 août 1683.
(12) J. Nouzille, op. cit., p. 130.
(13) J. Maurer, Cardinal Graf Kollonitsch, Primas von Ungarn, sein Leben und Wirken, Innsbruck, 1887, p. 192.
(14) G. Benaglia, Ausfùhrliche Reisebeschreibung von Wien nach Constantinopel und wieder zurùck in Teutschland, Francfort, 1687, p. 100. AE, Paris, CP, Autriche,
Vol. 56, fol. 50.
(15) Bibliothèque nationale (BN), Paris, Manuscrits français (Ms Fr) 24482, fol. 40-45.
(16) AE, Paris, CP, Autriche, Vol. 56, fol. 77.
(17) H. Urbanski, Karl von Lothringen, Oesterreichs Tûrkensieger, Vienne, 1983, p. 97. AE, Paris, CP, Turquie, Vol. 18, fol. 303.
(18) Encyclopédie de l'Islam, Nouvelle édition, Harb (guerre), t. III, p. 195-199.
(19) T. M. Barker, Doppeladler und Halbmond, Entscheidungsjahr 1683, Graz, 1982, p. 211.
(20) P. Wentzcke, Feldherr des Kaisers, Leben und Taten Herzog Karls V. von Lothringen, Leipzig, 1943, p. 157.
(21) AE, Paris, CP, Autriche, Vol. 50, fol. 60.
(22) T. M. Barker, op. cit., p. 183-184.
(23) J.P. Spielman, Léopoldl., Zur Macht nicht geboren, Graz, 1981, p. 95.
(24) BN, Paris, Ms Fr 22482, fol. 5.
(25) AE, Paris, CP, Autriche, Vol. 54, fol. 355.
(26) AE, Paris, CP, Autriche, Vol. 56, fol. 31-32.
(27) Ibid., fol. 65.
(28) AE, Paris, CP, Autriche, Vol. 56, fol. 92 et 103.
(29) AE, Paris, CP, Turquie, Vol. 17, fol. 540.
(30) AE, Paris, CP, Autriche, Vol. 56, fol. 126, 129 et 158.
(31) AE, Paris, CP, Autriche, fol. 159.
(32) Ibid., fol. 158.
(33) Ibid., fol. 256.
(34) Biographien k.k. Heerfùhrer und Générale, Vienne, 1888, p. 19.
(35) AE, Paris, CP, Autriche, Vol. 58, fol. 433.
(36) AE, Paris, CP, Autriche, Vol. 59, fol. 32.
(37) J. Duldner, Zur Geschichte des Ueberganges Siebenbûrgens unter die Herrschaft des Hauses Habsburg, in Archiv des Vereines fur Siebenburgische Landeskunde, Neue Folge, 27. Band, 1. Heft, Hermannstadt (Sibiu), 1986, p. 408-450.
(38) AE, Paris, CP, Turquie, Vol. 18, fol. 35.
(39) AE, Paris, CP, Autriche, Vol. 59, fol. 227.
(40) Ibid., fol. 276.
(41) Ibid., fol. 268-271 et 294-303.
(42) Ibid., fol. 324-330.
(43) Paul Wentzcke, op. cit., p. 271.
(44) AE, Paris, CP, Turquie, Vol. 18, fol. 356.
(45) Ibid., fol. 319-334.
(46) J.P. Spielman, op. cit., p. 120.
(47) BN, Paris, Ms Fr 7169, fol. 244-246.
(48) BN, Paris, Ms Fr 7170, fol. 89-91.
(49) J.P. Spielman, op. cit., p. 121.
(50) K. Benda, Magyarorszâg tôrténeti kronolôgiâja, Budapest, 1982, p. 510.
Sources : Les Habsbourg et la lorraine – Presse universitaires de Nancy – 1988.
LA TURQUIE N’EST
PAS EUROPEENE !
Le couronnement de Julien (Empereur)
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En moins d'un siècle, la religion nouvelle, de persécutée, va devenir quasi officielle. Constantin le Grand, partant des Gaules, vers 312, a pris la croix pour emblème alors qu'il s'ouvrait, dans le massacre et le sang, la route vers le pouvoir suprême. Il ira jusqu'à Byzance qui désormais portera le nom de Constantinople. Impitoyable à ses rivaux, le premier empereur chrétien n'est point exactement le pieux héros que la tradition révère, ni le meilleur exemple des vertus théologales. Ce converti tout-puissant, qui assistait en évêque du dehors au concile de Nicée, n'en faisait pas moins assassiner sa femme, son fils, son beau-père... Un vrai repas de famille!
Les chrétiens semblent, en sortant des catacombes, élargir les fissures qui déjà sont inscrites dans le grand édifice romain, et qui vont précipiter sa décadence. Empire trop vaste, dont la capitale maintenant est à l'autre bout de l'Orient, et dont la couronne, constamment aux enchères, est l'objet de sanglants règlements de comptes entre des ambitions rivales, trop de nations dissemblables le composent, trop de mercenaires, levés dans des régions mal pacifiées, forment ses exigeantes armées, tandis que de géantes vagues de peuples, d'énormes migrations de races, parties d'Asie et se repoussant de proche en proche à travers l'Europe orientale, viennent battre de leur inquiétant ressac les frontières du Danube et du Rhin. Et voici que les esprits à présent sont partagés, à l'intérieur de l'Empire, entre deux religions, l'ancienne qui tolère toutes les autres, la nouvelle qui exclut toute rivale.
Le Dieu des chrétiens sème-t-il partout le feu punisseur ? Quand Rome flambait, au temps de Néron, les disciples de Pierre et de Paul criaient joyeusement que la vengeance divine s'abattait sur la ville, nouvelle
Babylone est le réceptacle universel des péchés. Mais la petite Lutèce, qu'avait-elle fait qui méritât si grande affliction ? Elle aussi est ravagée par les flammes. Les incendies détruisent toute sa belle rive gauche; et comme les temps ont cessé d'être prospères, comme le commerce, qu'il soit par voie d'eau ou de terre, s'est ralenti du fait de l'insécurité générale, des mouvements de troupes, des levées d'hommes, des séditions, des guerres que se livrent les prétendants à l'Empire, et des menaces d'invasion, on ne reconstruit pas. On préfère planter des vignes autour des thermes écroulés ou des temples calcinés. La population s'entasse dans l'île, dans la Cité, où l'on surélève les maisons.
Mais, si les ressources et les profits ont diminué, il n'en va pas de même des impôts, bien au contraire. Ce n'est pas d'aujourd'hui que les Parisiens vitupèrent le fisc et ses percepteurs... Des grands corps d'administration romains, il ne reste guère d'actifs et d'efficaces, trop efficaces, que les collecteurs d'impôts qui pressurent le pays et, ajoutant à tant de maux divers, le poussent à la pire détresse.
En février 358 arrive à Lutèce un porteur d'espoir.
Il a vingt-cinq ans. Il se nomme Julien et il est revêtu du titre de César qui désigne, depuis Dioclétien, l'héritier reconnu du trône impérial. Jules... César... ces noms-là, qui se trouvent une seconde fois unis à quatre cents ans de distance, sont décidément fastes pour la ville. Arrêtons-nous un instant à considérer celui qui fut comme le deuxième fondateur de Paris. Sa mémoire le mérite.
Flavius Claude Julien César, neveu de Constantin le Grand et cousin de l'empereur Constance II — son beau-frère également, car il lui a fallu épouser, pour raison d'État, la sœur de Constance, Hélène —, est le seul survivant d'une famille où l'on ne meurt jamais de vieillesse et rarement de maladie, où le fratricide, l'infanticide, le parricide, le népoticide, sont du plus courant usage.
Les fils de Constantin, afin d'écarter toute éventuelle concurrence au trône, ont fait disparaître leur entière parenté. Constance est le dernier vainqueur de cette hécatombe dont Julien est l'unique rescapé.
Le pouvoir impérial n'en est pas moins menacé, car chacun pense à la succession et certains même n'attendent pas qu'elle soit ouverte. C'est le temps des tout chef d'armée, s'il a un peu la vocation d'aventurier, peut espérer être proclamé par ses troupes, et les plus grandes batailles du siècle se livrent entre l'empereur et ses généraux. N'a-t-on pas vu un officier germain, Maxence, revêtir la pourpre, à Autun, et prendre le gouvernement des Gaules et de l'Occident, obligeant Constance à accourir de Constantinople pour l'écraser en Pannonie et le poursuivre jusqu'à Lyon ? N'a-t-on pas vu, plus récemment, un chef franc, Silvanus, maître de l'infanterie, être investi de la dignité d'empereur, et régner vingt-huit jours, du côté de Cologne?
Julien a passé sa jeunesse dans diverses résidences surveillées de Grèce et d'Italie. Instruit dans la foi chrétienne, il l'a rapidement rejetée pour revenir avec enthousiasme à la pratique des cultes anciens. Y a-t-il été poussé par les trop beaux exemples de charité et d'amour du prochain que lui fournissait sa famille? Ou bien par le dégoût des conflits et des intrigues qui divisaient le clergé de la religion nouvelle où déjà fleurissaient les schismes et où chacun décrétait son voisin d'hérésie? Plus certainement, Julien, pénétré de la philosophie hellénique qu'il a longuement étudiée au cours de ses exils, est retourné vers la religion qu'on appelle païenne comme vers l'expression la plus haute de cette philosophie. En outre, d'un point de vue politique, il distingue dans le christianisme un principe contraire aux fondements de l’imperium romain et donc funeste à sa conservation.
Le souvenir de Julien César souffre, et jusqu'à nos jours, du sinistre surnom d'Apostat dont les premiers historiens de l'Église l'ont, bien à dessein, affublé. Le titre de Restaurateur lui eût mieux convenu.
Ce jeune homme, plus adonné aux lettres que préparé à l'art militaire, et qui continuera, sous sa tente, au cours de ses campagnes, d'écrire des épigrammes, des pages de mémoires, un essai sur les dogmes ou des odes au soleil, balaie, dans l'a première année de son commandement, les Alamans, depuis les Vosges jusqu'à Cologne. Mais il manque de périr surpris dans Sens, jusqu'où une masse d'Alamans s'est avancée et l'assiège. La seconde année, il remporte la décisive victoire de Strasbourg, où il écrase les Francs et les Alamans, ensemble, et les chasse de la rive gauche du Rhin qu'ils occupaient largement.
Etrange époque où l'on ne distingue plus la ligne de partage des peuples, des pouvoirs, des consciences! Les tribus franques sont parmi les envahisseurs ; mais les unités qui les repoussent sont constituées en grande partie de Francs. L'invasion des Barbares ? Elle est moins due aux Barbares eux-mêmes qu'à l'empereur Constance qui leur a ouvert les chemins de la Gaule afin de faire obstacle à ses généraux révoltés. Les Barbares ayant trop bien répondu à l'invitation, Constance a chargé Julien de les repousser. Mais ce faisant, souhaite-t-il leur défaite ou bien celle de son héritier désigné ? Julien découvre que certains de ses officiers trahissent ses ordres, pensant ainsi complaire à l'empereur.
Mais enfin Julien César est victorieux, et de ses ennemis et de ses amis. La Gaule a retrouvé sa frontière rhénane, comme aux temps heureux d'Auguste ou de Trajan; les postes en sont tenus par des garnisons loyales.
A l'intérieur, la prospérité revient avec la sécurité. Julien transporte son gouvernement dans la civitas parisiorum, comme César y avait installé l'assemblée de la Gaule, et pour les mêmes raisons.
La crainte des invasions venues de l’est date, chez les Parisiens, de ce temps-là. Les Alamans étaient arrivés jusqu'à vingt-cinq lieues de Lutèce; les Parisiens accueillent avec gratitude le prince lettré qui a écarté d'eux une si proche menace. Julien se révèle aussi sage administrateur qu'il s'est montré grand capitaine. S'attaquant aux abus des collecteurs d'impôts, il parvient à réduire les taxes des deux tiers. Dès lors la Gaule entière n'a plus assez de voix pour chanter ses louanges.
A Lutèce de nouveau on pêche à la ligne le long des berges; les nautes sillonnent le fleuve, pilotant leurs barques chargées de céréales, de vins, de laines et de cuirs qu'on décharge aux entrepôts; et l'on extrait de nouveau la pierre à bâtir des carrières du mont Parnasse et de la vallée de la Bièvre.
Julien séjourne à Paris trois années, ou plutôt trois hivers, entre ses campagnes et ses inspections. Il passe ses jours à gouverner et une grande partie de ses nuits à rédiger ses œuvres, dans une chambre volontairement sans feu.
Plus tard, il écrira avec nostalgie : « Je me trouvais dans ma chère Lutèce — c'est ainsi qu'on appelle dans les Gaules la ville des Parisiens. Elle occupe une île au milieu de la rivière; des ponts de bois la joignent aux deux bords. Rarement la rivière croît ou diminue ; telle elle est en été, telle elle demeure en hiver; on en boit volontiers l'eau très pure et très agréable à la vue... »
II louera la douceur du climat, encore qu'il vît un jour, des fenêtres du panatium, la Seine « charrier des glaçons comme des carreaux de marbre » ; il apprécie la qualité des vignes et l'art qu'ont les Parisiens « d'élever des figuiers en les enveloppant de paille de blé comme d'un vêtement pour les mettre à l'abri de l'intempérie des saisons ».
Paris oubliera vite les bienfaits de Julien, et jusqu'à son nom. Mais de même qu'un enfant demeure toujours marqué d'avoir vécu un moment auprès d'un parent sage, puissant et riche, de même Paris se souviendra, inconsciemment, d'avoir été pendant trois ans le siège véritable de l'Empire romain d'Occident ; il gardera des réflexes de cité dirigeante, un comportement de ville capitale.
Mais Byzance s'inquiète de la croissante et générale popularité de Julien. Pour l'affaiblir, on lui retire d'abord son principal adjoint et plus loyal ami, le questeur Salluste, un Gaulois. Puis un légat de l'empereur, délivrant ses instructions par-dessus la tête du César, vient pour prélever plus de la moitié des armées commandées par Julien et les diriger vers l'Orient. Les populations s'affolent d'être à nouveau laissées sans défense devant les dangers d'invasion. Dans les rues, on supplie les légionnaires de rester; les femmes tendent leurs enfants aux soldats qui défilent, et qui souvent en sont les pères.
Les unités s'agitent, principalement les corps germains et francs qui ne se sont enrôlés qu'à la condition qu'ils n'auraient pas à franchir les Alpes. D'une tribune dressée au Champ de Mars, où les troupes déplacées ont été rassemblées avant le départ pour une ultime parade, Julien s'emploie à calmer ses hommes ; mais plus il les exhorte, leur conseille l'obéissance, accueille leurs plaintes avec compréhension, plus leur fureur s'exaspère d'être arrachés à un si bon chef. Le soir l'émeute éclate. Les soldats insurgés prennent leurs armes et viennent cerner le palais, hurlant : « Julian! — Augoustous! Julian! — Augustous! » « Julien Auguste! » C’est-à-dire : « Julien empereur! »
Les hommes qui accèdent aux hautes charges d'État ont coutume de protester qu'ils ont cédé à la pression de leurs amis et au devoir qu'on leur en faisait. Pour une fois ce fut vrai. Jamais prince ne se trouva devant un choix plus clair et plus immédiat entre le pouvoir suprême et la mort. Car les soldats l'eussent sûrement massacré si, refusant, il les eût trahis.
Toute la nuit pourtant, Julien hésite, méditant devant une fenêtre ouverte, demandant à Jupiter, « maître des rois et de la planète qui distribue les pouvoirs », de lui inspirer sa décision. Donnait-elle, cette fenêtre, sur le pilier des nautes ? Au matin, il sort du palais. Des milliers de voix lui réclament réponse. Il tente encore d'apaiser les troupes, assurant qu'il obtiendra pour elles la compréhension et la clémence de l'empereur. Mais on ne veut d'autre empereur que lui. On l'élève sur un bouclier de fantassin. Pour la première fois un empereur romain était hissé sur le pavois, à la mode franque. Et cela se passait sur le sol même qui forme le parvis de Notre-Dame!
Comme on ne trouvait pas de diadème pour couronner Julien, on lui suggéra d'emprunter celui de son épouse. Julien refusa de commencer son règne sous une parure de femme. Quelqu'un proposa qu'on se servît d'une pièce de harnachement en argent doré, qui ornait le poitrail d'une monture d'officier. «Je ne veux pas non plus, répondit Julien, d'une parure de cheval. » Finalement ce fut le collier d'or dont était décoré un porte-enseigne — une cravate de commandeur, en somme — qu'on lui serra autour du front.
Les mêmes troupes qui s'étaient si violemment opposées au départ se mirent en route joyeusement avec lui, en juillet 360, vers Constantinople. Les deux empereurs, l'un parti de Lutèce, l'autre de Syrie où il réprimait des troubles, avançaient à la rencontre l'un de l'autre, quand Constance mourut, désignant in extremis son rival comme son successeur légitime. Julien devait vivre deux ans encore pour finir, au retour d'une foudroyante campagne contre l'armée perse, mortellement blessé dans les déserts d'Asie qui avaient été, déjà, funestes à Alexandre le Grand. Il avait trente et un ans. Son destin illustra la règle qu'il s'était donnée : « Mieux vaut bien faire peu de temps que mal faire longtemps. »
Paris, oublieux Paris, où est le monument, la statue,
la place qui rappelle le souvenir de ton premier empereur, ton premier « bien-aimé », ce jeune homme qui te venait de Byzance, te sauva de l'invasion, te choisit pour gouverner et fut proclamé dans tes murs ? Ce « païen » fut meilleur prince, plus sage, plus avisé, plus humain, que beaucoup de cruels dévots.
Qu'on n'invoque pas l’éloignement des temps pour excuser pareille infidélité de la mémoire : quatre-vingt-dix ans à peine séparent Julien César de sainte Geneviève, moins qu'il ne s'en est écoulé depuis la guerre de 1870 jusqu'à nous.
Sources : Maurice Druon – Paris de César a saint Louis – Editions Hachette, 1964.
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