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Ironie du destin : Götz von Berlichingen, qui s'éteint le 23 juillet 1562 à l'âge de quatre-vingt-deux ans, meurt dans son lit, au château de Hornberg. Pourtant, il fut de ceux que la Camarde aurait dû, normalement, agripper et emporter cent fois plutôt qu'une au cours de l'une des innombrables batailles qu'il a livrées.

Götz (abréviatif de Gottfried) est né en 1480 à Jagsthausen, en Souabe. Au cœur d'un monde germanique en pleine mutation et marqué par l'ascension des Habsbourg, dont un jalon important est, en 1477, le mariage de Maximilien et de Marie, héritière de Bourgogne. Tandis que monte la puissance des hommes d'argent, comme les Fugger, et que l'art allemand fleurit avec Mathias Grünewald, Albert Dürer et bien d'autres, un malaise profond se développe chez les Allemands, sur le plan politique, social, religieux. En fond de tableau, un sentiment de frustration qu'exprime bien Luther lorsqu'il écrit en 1516 : « Il n'y a pas de nation plus méprisée que l'allemande. » Sa critique virulente de l'Eglise romaine a un fort impact au sein du peuple allemand.

Menacés d'être asphyxiés par la puissance de la bourgeoisie d'argent, qui impose ses valeurs, cultive l'art de l'usure et s'allie avec des pouvoirs princiers soucieux de leurs seuls intérêts, au besoin au détriment du pouvoir impérial, paysans et pauvres chevaliers (dont beaucoup vivent comme les paysans) se révoltent, prennent les armes et tournent leur colère contre monastères et châteaux, dont beaucoup brûlent. La répression des princes contre cette « Guerre des paysans » est sanglante et laissera de profondes cicatrices.

 

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Götz participe brièvement à cette guerre civile, pressé, dit-il dans ses Mémoires, par des paysans qui, manquant cruellement de chefs militaires expérimentés, se sont tournés vers lui. Il est vrai qu'il a alors, à quarante-six ans, une forte réputation. Il est appelé le « chevalier à la Main-de-fer » depuis ce jour de 1504 où il a reçu une décharge de couleuvrine qui lui a arraché la main et le poignet. Un forgeron habile lui a fabriqué une prothèse de bois recouverte de métal. Cela ne l'empêchera nullement de recommencer très vite à s'impliquer jusqu’au cou dans les nombreuses et souvent confuses guerres intestines qui déchirent l'Allemagne, opposant entre eux, en un ballet incessant d'alliances et   de   coalitions   nouées   et dénouées,   princes,   évêques, bourgeois des grandes villes, chevaliers et paysans.

Götz von Berlichingen est entré dans la carrière des armes à quinze ans, en tant qu'écuyer de son oncle. Il n'avait pas encore dix-sept ans lorsqu'il eut son premier cheval tué sous lui. Puis il sera, pendant quarante-sept ans, de toutes les guerres. Se faisant des amis mais aussi des ennemis, beaucoup d'ennemis. Parfois vainqueur, parfois vaincu. C'est le métier qui veut ça. Fait prisonnier, il passe de longues années enfermé. Il vit cela avec une certaine philosophie. En 1542 — il a alors soixante-deux ans —, il rejoint sans hésiter l'armée impériale en lutte contre les Turcs. Un homme de son expérience est précieux.

La figure de Götz von Berlichingen est passée à la postérité. Ce fut un chevalier-brigand, illustration haute en couleur de ces hommes, les lansquenets, vivant pour et par la guerre. Il ne fut ni pire ni meilleur que beaucoup     d'autres.    

Mais Goethe l'a immortalisé en lui consacrant un drame célèbre, où il fait de lui le défenseur des vieux principes chevaleresques, en butte aux médiocrités d'une modernité s'affirmant       avec      morgue       au XVIe siècle.

 

Götz von Berlichingen

 

Le rugueux lansquenet devient, grâce au génie de Goethe, un héros qui se déclare prêt « à mourir plutôt que de devoir à personne, si ce n'est à Dieu, l'air que nous respirons, et foi et service à personne, sinon à l'empereur ».

Pierre Vial

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