La crise financière va-t-elle déclencher un regain d'antisémitisme ?


Aux Etats-Unis, la communauté juive est inquiète. Elle craint en effet que l’opinion publique en vienne à lui imputer une grande responsabilité dans la crise financière et économique qui, désormais à l’échelle mondiale, frappe de plein fouet nombre d’entreprises de toutes tailles, avec les conséquences sociales que cela implique, en particulier sur le plan du chômage, qui va plonger un grand nombre de personnes et de familles dans une situation difficile, voire dramatique.

Pourquoi la communauté juive serait-elle particulièrement impliquée ? Parce que beaucoup de ceux qui ont de grandes responsabilités dans la crise sont juifs, que ce soit dans des firmes privées ou des institutions officielles (mais on sait qu’aux Etats-Unis – et ailleurs – l’interaction entre ces deux secteurs est permanente, comme le montre, au sein du personnel gouvernemental,  le nombre de responsables politiques de haut niveau ayant eu de grandes responsabilités, à un moment ou à un autre, chez Goldman Sachs, le géant des circuits financiers américains).

La FED (Réserve Fédérale Américaine), qui a largement contribué, par son laxisme, à la crise des subprimes, élément déclencheur du tsunami financier (voir l’article de Romaine Chevallier dans TP n° 38), a été dirigée jusqu’en 2006 par le juif Alan Greenspan, relayé ensuite par le juif Ben Bernanke. La FED a sauvé in extremis de la faillite, en mars 2008, la 5e banque d’affaires américaines, Bear Stern, contrôlée par des juifs, et d’autres banques d’affaires comme Goldman ont été recapitalisées.

En septembre l’Etat américain a nationalisé Fanny Mae et Freddy Mac, les premiers organismes de crédit immobilier américain, dont l’encours est la moitié du marché américain, soit 6 000 milliards de dollars. AIG, un des plus gros assureurs mondiaux, dont le président a été longtemps Maurice Greenberg, a été nationalisé en septembre. Dominique Strauss-Kahn, censé être, en tant que patron du FMI, l’un des hommes les mieux informés de la planète en matière financière, a déclaré le 25 mai que la crise était derrière nous… Or cet homme n’est évidemment pas un incapable. C’est donc un menteur. 

Henry Paulson, secrétaire au Trésor (c’est à dire le ministre des finances américain), ancien Directeur Général de Goldman Sachs a laissé couler, en raison de vieilles rivalités, Lehman Brothers, et la surface financière de cet organisme était telle que son effondrement a déclenché la panique à l’échelle mondiale. Rappelons qu’en 1949 était membre de la direction de l’American Jewish Committee Herbert H. Lehman, ancien gouverneur de l’Etat de New York, conseiller de Roosevelt et proche parent de Henry Morgenthau Jr, secrétaire  au Trésor. Les divers épisodes de la grande crise financière ont révélé aux naïfs qui l’ignoraient quelle place tiennent les juifs dans les structures financières américaines et internationales.

 


Mais le cas le plus spectaculaire aura été l’affaire Madoff. C’est à la suite de l’éclatement de ce scandale que divers responsables de la communauté juive, aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde, se sont émus, estimant qu’il risquait de susciter une vague d’antisémitisme.Ainsi, le président de la Fédération sioniste d’Amérique (ZOA) a publié un communiqué le 23 décembre pour dénoncer comme « absurde » tout lien entre la fraude Madoff et Israël. Or chacun sait que Madoff a usé de son appartenance à la communauté juive pour tisser de vastes réseaux relationnels auprès de riches particuliers juifs en se présentant comme un généreux donateur à Israël. Il a ainsi créé une fondation riche de 19 millions d’euros pour soutenir divers projets de construction en Israël et il a financé largement l’université Yeshiva, la plus grande université juive des Etats-Unis.

D’après Gary Tobin, président de l’Institut de recherche communautaire juive de San Francisco, qui est une couverture commode pour drainer des fonds, les dons versés à diverses associations juives américaines à but officiellement caritatif s’élèvent à 5 milliards de dollars annuels (dont 20 % seraient reversés à des organismes israéliens). Le journal Le Monde (28 décembre 2008), qui répercute cette information, signale, par rapport à cette masse d’argent, que la part gérée par le fonds Madoff « est inconnue, mais elle était considérable ».

 


Ayant été président du Nasdaq, la bourse des valeurs technologiques à Wall Steet, Madoff a joué avec les sommes considérables qui lui furent confiées par d’illustres et richissimes membres de la communauté juive internationale : le prix Nobel Elie Wiesel (15 millions de dollars), le couturier Daniel Hechter (on ne connaît pas la somme), Alicia Koplowitz, influente femme d’affaires juive mais de nationalité espagnole (10 millions d’euros), ou encore, parmi beaucoup d’autres, Steven Spielberg. Celui-ci, réalisateur ou producteur de films à gros budgets comme Les dents de la mer, E.T., Indiana Jones, avait une fortune personnelle estimée à 3,1 milliards de dollars. Lui qui a toujours répugné à investir son argent personnel dans ses films. Steven Spielberg a fondé sa société de production DreamWorks en association avec deux autres juifs,  David Geffren et Jeffrey Katzenberg, ce dernier ayant, tout comme Spielberg, beaucoup investi à titre privé chez Madoff.Le milieu hollywoodien, où les juifs ont eu depuis toujours une influence considérable en contrôlant les majors (les grandes sociétés de production comme Goldwyn Meyer et beaucoup d’autres – voir les Mémoires de Claude Autant-Lara), subit de plein fouet les retombées du scandale Madoff.

Le Monde décrit ainsi la situation : «  Les associations caritatives de la communauté juive, impliquées dans la culture et le cinéma, sont très touchées par ce scandale. La Jewish Federation de Los Angeles a perdu 6,4 millions de dollars, soit environ 11% de sa dotation, la Jewish Community Foundation estime ses pertes à 18 millions, et l’American Jewish Congress envisage la fermeture de son bureau de Los Angeles. « C’est un événement catastrophique pour la communauté juive », commente Rob Eshman, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Jewish Journal, publié à Los Angeles. Quant à la Fondation Elie Wiesel pour l’humanité, elle a publié ce communiqué : « Avec une tristesse et une détresse profondes, nous informons avoir été, parmi bien d’autres, victimes de l’une des plus grandes fraudes financières de l’Histoire. La Fondation détenait 15,2 millions de dollars gérés par le Fonds d’investissement de Bernard Madoff, soit presque la totalité de ses avoirs ».   Un aspect du scandale Madoff devrait, en principe, faire de grosses vagues : c’est la question des complicités dont a forcément bénéficié Madoff. Un exemple : une nièce de Madoff, qu’il employait à son service, a épousé un fonctionnaire de la SEC (Securities And Exchange Commission), l’organisme chargé de réguler les marchés financiers américains. Or ce fonctionnaire de la SEC était en charge des audits concernant la société Madoff. Autre exemple : Ezra Merkin, présenté comme un poids lourd de la finance new yorkaise, à la tête de plusieurs fonds de gestion, a été l’intermédiaire par lequel l’université de New York a confié ses fonds à Madoff.

Aujourd’hui l’université poursuit Merkin en justice, mais celui-ci va devenir officiellement le banquier de General Motors, avec l’approbation des autorités fédérales, ce qui va l’amener à contrôler les énormes sommes d’argent mises à disposition par l’Etat américain pour tenter de sauver, provisoirement, l’industrie automobile.Le scandale Madoff a mis sur la place publique, à l’échelle mondiale, le poids financier de la communauté juive, aux Etats-Unis et ailleurs. C’est sans doute la raison majeure de l’inquiétude juive, au moment où les images venant de Gaza rappellent qu’Israël est un Etat terroriste, soutenu inconditionnellement par les Etats-Unis. Ce constat n’implique évidemment pas que nous nous sentions concernés par un conflit dont nous sommes spectateurs, car aucun des deux camps en présence n’est le nôtre.

Pierre VIAL

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