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La Commission européenne propose ce mercredi des règles assouplies pour encourager les biotechnologies génétiques. Mais derrière la promesse de semences plus résistantes et durables, quels sont les dangers de ces « nouveaux OGM » ? Réponse en 5 points.

Après des années de consultation, la Commission européenne propose ce mercredi de modifier les conditions dans lesquelles les cultures génétiquement modifiées peuvent être cultivées et vendues en Europe. L’idée est ainsi de créer des variétés nécessitant moins de pesticides, plus résistantes à la sécheresse ou aux maladies, pauvres en gluten,…

 

Quelles sont les différences entre NGT (qualifiés parfois de « nouveaux OGM ») et les OGM classiques ?

La proposition de la Commission prévoit que la réglementation OGM ne s’applique plus aux semences et produits issus des NGT (pour nouvelles techniques génomiques) selon un projet du texte consulté par l’AFP.

Les NGT (parfois aussi appelées NBT en anglais), se composent en réalité d’une kyrielle d’outils visent à l’édition génomique. Soit « éditer » le matériel génétique des plantes sans ajout extérieur. C’est ce qui les différentie des OGM traditionnels « transgéniques » qui introduisent un gène d’une espèce différente. Dans le cas des NGT, il s’agit de modifications susceptibles de se produire naturellement ou via des croisements traditionnels. Les NGT sont aussi beaucoup plus précises. Puisque, pour reprendre l’image de l’édition d’un texte, avec les OGM on changeait des paragraphes entiers d’un texte alors que les dernières NGT sont capables de remplacer qu’une seule lettre. Et ce dans un texte ADN qui compte, en général, plus de 100 millions de caractères.

 

Concrètement, qu’est-ce que la proposition de loi va changer (si elle passe telle quelle) ?

Pour Bruxelles, ces techniques émergentes permettraient donc de développer des cultures mieux adaptées au changement climatique et plus productives. Pour faciliter ces techniques, les règles drastiques encadrant les OGM (longue procédure d’autorisation, traçabilité, étiquetage, surveillance…) devaient être adaptées selon la commission. C’est pourquoi, toujours selon l’avant-projet, et sous réserve d’un nombre limité de mutations, les NGT seront désormais considérés comme « équivalents » aux variétés conventionnelles et enregistrés dans une base publique, avec l’obligation d’étiquetage spécifique seulement pour les semences.

Ce qui dans les faits se traduirait par le fait que les fruits et légumes obtenus à l’aide de ces techniques devraient être exemptés des exigences d’étiquetage, des contrôles de sécurité et des processus de traçabilité. Toutefois, la situation reste inchangée pour les produits d’origine animale, et ce, quelle que soit la technique utilisée pour les fabriquer. Les OGM plus classiques et les autres variétés NGT jugées non équivalentes aux variétés conventionnelles resteront, eux aussi, soumis aux règles strictes actuelles. Enfin aucun produit NGT ne pourrait être labellisé « bio ».

 

Qu’en est-il dans le reste du monde ?

Cet assouplissement n’est en réalité qu’un petit pas pour se rapprocher des autres réglementations dans le monde. Et qui sont, pour la plupart, beaucoup plus souple que celle en vigueur en Europe. Pour pouvoir être cultivée ou vendue en Europe, une semence ou un produit génétiquement modifié doit pouvoir prouver que sa consommation n’est pas nocive pour la santé et que sa culture ne nuit pas à l’environnement et à la biodiversité. Un processus long et couteux qui fait que pratiquement aucune plante génétiquement modifiée n’est cultivée, vendue ou exportée dans l’UE.

Rien de tel aux États-Unis, mais aussi d’autres pays comme le Canada, la Chine et le Japon. Ils vendent déjà des fruits et légumes génétiquement modifiés issus du génie génétique moderne. Ainsi sont déjà proposés à la consommation des champignons qui ne brunissent pas lorsqu’on les coupe ou des tomates enrichies en acides gras.

L’idée derrière cet assouplissement est donc aussi de permettre une meilleure concurrence des pays européens.

 

Qui est derrière cette proposition ?

Bruxelles recense actuellement 90 demandes d’autorisation pour des cultures NGT dans l’UE, encore au stade de la recherche, avec seuls quelques tests en plein champ (maïs en Belgique, pommes de terre en Suède…). Pour accélérer leur commercialisation, la simplification des règles est réclamée par la puissante organisation agricole Copa-Cogeca, une partie des Etats membres et les eurodéputés du PPE (droite). Ils font valoir que les techniques modernes d’édition de gènes ne font qu’accélérer des processus qui peuvent également se produire naturellement, et qu’il n’est donc pas nécessaire de soumettre les cultures obtenues à l’aide de ces techniques à des tests de sécurité supplémentaires.

Dans l’autre camp, on retrouve des groupes de défense de l’environnement et des consommateurs, mais aussi une partie des eurodéputés de la gauche. Pour ses détracteurs, l’édition génomique est loin d’avoir fait ses preuves. Pour eux ces nouvelles techniques génétiques ne sont toujours pas exemptes de potentielles erreurs et pourraient provoquer des changements indésirables sans même que les créateurs s’en aperçoivent.

Pour l’ONG Friends of the Earth, les NGT répondent mal au défi de conditions climatiques changeantes et imprévisibles, qui imposent au contraire de « maximiser la diversité » en adaptant localement les variétés. Pour l’ONG BeeLife, « il serait irresponsable de commercialiser ces nouveaux OGM sans connaître l’impact » hors des laboratoires pour les abeilles et la biodiversité.

Autre point sensible, l’absence d’étiquetage sur les aliments commercialisés issus de plants NGT: l’association Foodwatch dénonce un « immense recul (…) qui priverait les consommateurs de leur droit à savoir ce qui est dans leur assiette ».

À titre de précaution, tous réclament donc que les NGT restent soumis à la réglementation OGM, conformément à un verdict rendu en 2018 par la Cour de justice de l’UE.

 

Quand le changement prendra-t-il effet ?

Officiellement rien n’est encore gravé dans le marbre. La Commission européenne ne présente en effet aujourd’hui qu’une proposition. Soit le point de départ d’un long processus législatif qui verra la proposition d’abord passer devant le Conseil européen et le Parlement européen. Elle sera sans aucun doute débattue longuement dans chacune des deux institutions, avant d’aboutir, éventuellement, à un vote pour son adoption.

Le débat risque aussi d’être plombé par le fait que l’Espagne, qui assure la présidence tournante de l’UE, veut négocier de concert la législation NGT et un autre texte imposant des objectifs de réduction des pesticides. C’est aussi la position de Renew (centristes et libéraux) au Parlement européen. « On ne peut pas atteindre les objectifs du Pacte vert », la baisse des produits phytosanitaires, « sans des outils alternatifs qui changent la donne » pour continuer à produire autant, observe l’eurodéputée Irène Tolleret. Or il se trouve que c’est justement un point sur lequel les discussions s’enlisent en raison d’inquiétudes pour les rendements.

Muriel Lefevre

Source : Tendances Trends

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